dimanche 15 novembre 2015

Le Jour d'après


Voilà,
hier, je suis sorti en début de soirée, histoire de prendre l'air de ne pas macérer dans une solitude toxique et morbide. Les rues étaient vides, cinémas et théâtres fermés, terrasses de cafés et restaurants déserts. La rue de la Gaîté ordinairement si animée avec ses nombreuses salles de spectacles avait son apparence du lundi, jour de relâche. Place St Sulpice, au café de la Mairie où il est d'habitude si difficile de trouver une table il n'y avait personne. Sur le chemin du retour, je suis passé par le Lucernaire, où les compagnies ont quand même joué pour la plupart devant un public clairsemé. J'ai pris un verre avec les filles du spectacle "Tabou". L'une d'elle Mia, avait passé la journée à l'hôpital au chevet d'un ami gravement blessé lors du concert du Bataclan. Récits d'horreur. Faire le mort pendant que l'on entend les meurtriers exécuter froidement et un à un les otages avant l'assaut des policiers du RAID. De retour à la maison, je m'attarde sur Facebook. Apparaissent de plus en plus de visages de jeunes gens insouciants, beaux, jeunes venus se distraire un soir d'automne à Paris. Morts désormais. Vendredi soir. J'étais trop fatigué pour sortir. J'avais un peu honte de rester tout seul chez moi. J'ai vaguement regardé le foot à la télé mais pas très longtemps (tout m'ennuie) et puis je suis monté lire dans la chambre et me suis assoupi. J'ai vaguement entendu mon portable vibrer. Il y avait quelques sms de gens me demandant si j'allais bien, un message très inquiet doublé d'un texto me pressant de donner de mes nouvelles au plus vite, ce qui m'a déconcerté, et là j'ai compris qu'il se passait quelque chose. La suite de la soirée s'est passée entre les actualités à la télévision, les appels téléphoniques, les réseaux sociaux. Vers trois heures je me suis endormi. Samedi matin, une sorte d'hébétude qui ne me quitte guère depuis. De nouveaux les réseaux. Les réactions, les commentaires. Les photos en bleu blanc rouge, ceux qui disent qu'ils n'ont pas peur, les carrés noirs ceux qui refont la politique étrangère de la France, les vidéo live de la tuerie, les poèmes de Victor Hugo où il est écrit qu'il faut s'aimer, les "je suis Paris", les dessins, les extraits du New-York Times égrenant les clichés sur l'art de vivre à la française ordinairement si décrié parce qu'on est des branleurs-à-trente-cinq-heures-par-semaine, les visages des victimes, ceux de Metz, le couple de Liège, la cousine de l'un, l'ami de l'autre, photos de gens souriants que l'on cherche, dont on est sans nouvelles, déclarations politiques obscènes et indécentes, les envolées qui se veulent lyriques et qui ressemblent à des slogans de pub. Grande fatigue tout à coup.



Aujourd'hui c'est une belle journée avec un ciel sans nuage. Toujours ce temps anormalement doux qui dure depuis trois semaines. j'ai même arrosé les plantes sur le balcon car je me suis aperçu que la terre était sèche. Je suis allé faire des courses rue Daguerre. Quelques fenêtres pavoisées. Beaucoup de monde dans la rue. Les larmes me sont venues comme ça. J'ai pensé à ceux qui s'étaient quittés sur un malentendu, un peu fâchés, avec des pensées aigres, et que la mort a séparés.

5 commentaires:

  1. on n'arrête pas de penser à tous ces inconnus et l'horreur qu'ils ont vécue !
    comment est-ce possible ? j'ai tant de peine que j'ai même pas envie
    d'en dire plus !

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  2. un grande abbraccio di solidarietà fraterna
    Marco

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  3. Una estupenda fotografía la de la prensa.

    Abrazos.

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  4. Beaucoup d'émotions dans ton texte. De l'effroi aussi.
    Oui.

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