vendredi 22 septembre 2023

Barber Shop

 
Voilà,
il y a très longtemps, à Manhattan, dans le haut de Broadway j'ai photographié cette boutique de barbier avec son enseigne traditionnelle appelée Barber Pole.
Le Barber Pole, littéralement bâton ou poteau de barbier, est au barbier ce que la carotte est au bureau de tabac, ou la croix verte à la pharmacie. Souvent bleu-blanc-rouge en spirale, parfois juste blanche et rouge, les barbiers l'installaient devant leur devanture.
Dans certains pays étrangers (Italie, USA, Turquie…), la tradition du barbier est toujours restée forte et cette enseigne est une évidence pour la population, Après avoir disparu en France, elle revient de plus en plus ces dernières années dans nos villes. 
Cette tradition remonte au Moyen-Âge. Comme à l'époque la majorité de la population était analphabète, on désignait son lieu d’activité par un signe ou un symbole universellement reconnu. En outre, les barbiers de l’époque non seulement coupaient les cheveux et taillaient les barbes, mais ils utilisaient leur savoir-faire, leurs outils et leur dextérité notamment pour pratiquer des saignées, des petites opérations chirurgicales ou des arrachages de dents. Ce service s’expliquait par l’interdiction faite aux membres du clergé d’effectuer de telles interventions. L’Eglise a le sang en horreur (« Ecclesia abhorret a sanguine »). Lors du concile de Tours en 1163, elle décrète la chirurgie pratique interdite au sein du clergé et la relègue à un rang inférieur à celui de la médecine. La plupart des médecins étant justement des hommes d’Eglise,  les barbiers en viennent à prendre la place des médecins pour réaliser toutes ces interventions de petite chirurgie. C’est la naissance du métier de chirurgien barbier : votre coiffeur barbier était alors aussi votre chirurgien. Souvent considéré comme le père de la chirurgie moderne en France, Ambroise Paré a d'ailleurs commencé sa formation en prenant une place d’apprenti barbier chez un chirurgien-barbier. Il y apprit à manier le rasoir et se familiarisa avec la saignée avant d’être admis en qualité de barbier infirmier à l’Hôtel Dieu de Paris en 1533 où il passa d’apprenti à maître-barbier-chirurgien et réalisa la carrière qu’on lui connait aujourd’hui.

 

 
Le poteau de barbier symbolisait le bâton que le patient tenait dans sa bouche pour rendre ses veines plus saillantes et favoriser la circulation sanguine. Et puis par la même occasion cela permettait de canaliser la douleur du patient car à cette période il n’y avait pas encore d’anesthésie et il fallait bien mordre dans quelque chose.
Pour les couleurs du poteau de barbier, le rouge et le blanc proviennent de la pratique répandue de la saignée qui consistait à prélever du sang chez le patient pour tenter de le guérir d’une maladie ou d’une infection. Les saignées et les sangsues étaient deux des pratiques médicales, très fréquentes à l'époque (souvenons-nous de Molière). Grâce aux progrès de la médecine moderne, nous savons désormais que ce n’était peut-être pas la meilleure idée. Cependant, cette méthode a été utilisée au Moyen Âge pour tout traiter, des simples rhumes aux maladies les plus mortelles. Les pansements blancs imbibés de sang associés à la saignée ont inspiré les rayures rouges et blanches. Les rayures bleues qui ne sont pas toujours présentes symbolisent également la couleur des veines coupées pendant les saignées. Selon une autre interprétation  la bande bleue serait due aux premiers barbiers américains comme un hommage aux couleurs du drapeau.
La sphère en laiton au sommet du poteau serait un rappel du bassin qui contenait les sangsues, tandis que la large base évoque le bol utilisé pour recueillir le sang. Quand le poteau est attaché au mur, la base est remplacée généralement par une boule rappelant celle de son sommet.
En rédigeant de billet, je me suis souvenu des enseignes du Pakistan, peintes sur des plaques de tôle qui permettent de repérer les dentistes. 
 
 

mercredi 20 septembre 2023

Mais il y a cette ville

Voilà,
je ne marche plus désormais d'un pas léger et insouciant. Toujours quelque chose dans mon corps, une gêne une douleur, me rappelle à ma condition de sursitaire. Mais il y a cette ville, où je peux encore déambuler qui, à certaines heures s'offre au regard telle une vision de rêve. La nuit tombe. À cette heure autrefois passaient encore des voitures. Les berges maintenant rendues aux piétons, aux runners, aux cyclistes, aux badauds aux touristes, avec leurs guinguettes au bord du fleuve, donnent l'image d'une cité frivole, hédoniste. Je vais redescendre, me mêler à la foule des promeneurs, flâner solitaire. Je serai sans âge pour un moment, perdu dans des rêveries ; aux songes anciens se mêleront des virtualités inaccomplies. J'irai avec le secret espoir de croiser un improbable regard où entrevoir une possibilité de joie de salut d'abandon.

mardi 19 septembre 2023

Hier

Tréguier, Mai 2005
  

Voilà,
hier la pluie tombait doucement, enveloppant le port d'une brume apaisante
 
hier, un homme a songé à rédiger ses directives anticipées sans pour autant y parvenir 
 
hier, sur l'autre hémisphère un vieux monsieur a profité de ce que personne ne pouvait le voir pour dessiner une bite sur le pare-brise embué d'une voiture parce que vraiment là c'était trop tentant

hier, un enfant a vu effrayé, tomber la grêle pour la première fois
 
hier un lobbyiste s'est réjoui d'avoir mis un député de plus dans sa poche
 
hier, une femme s'est demandé si elle reverrait un jour les gorges du Verdon
 
hier, assis confortablement dans un restaurant, consultant la carte, un commercial qui venait de faire une bonne vente a hésite entre un filet mignon au cidre et un sauté de veau Marengo
 
hier, un vieil homosexuel passant devant un sauna gay s'est dit qu'il avait une heure à tuer avant de prendre son train et qu'il pourrait en profiter pour aller se faire sucer un petit coup
 
hier un homme souffrant d'une douleur intercostale a dit à son interlocuteur au téléphone, alors qu'il marchait dans la rue "oui mais le choux au bout d’un jour c’est tout mou"
 
hier, un intellectuel dans un colloque a affirmé avec une excessive conviction que le zéro était la plus grande invention de l’humanité 

hier, quelqu’un a entendu pour la première fois le mouvement intitulé « le jour se lève » dans Daphnis et Chloé de Debussy et il en est resté tout transi
 
hier, quelqu'un, dans un lieu public s'est demandé comment trouver un endroit pour se gratter discrètement le cul
 
hier, une petite quadragénaire nerveuse affligée d'un tic labial suggérant des intentions ambigües s'est laissée rattraper par un souvenir et  a senti un irrépressible chagrin la submerger
 
hier, un type a demandé dans le métro "vous pouvez m’aider messieurs-dames cinquante centime un euro"
 
hier, assise sur la moelleuse banquette d’une terrasse de café une fille a dit à sa copine que Lucie n’est jamais actrice de sa relation et qu’il faudrait qu’elle arrête de vivre ses histoires comme au 19me siècle
 
hier, un chat errant a pissé sous un porche dans une ville du proche Orient
 
hier, un enfant kurde a sauté sur une vieille mine antipersonnel qui était là depuis des années
 
hier, un jeune homme est tombé dans le regard et le désir de l’étudiante qui lui souriait
 
hier, un homme grippé gardant la chambre, a lu dans son lit un article sur son smartphone selon lequel L’Angleterre était minée par "la marchandisation de la prise en charge" des personnes âgées dépendantes
 
hier, un zodiac surchargé de migrants a chaviré dans les eaux froides de la Méditerranée 

hier, un jeune homme dans un jardin botanique a eu l'intuition que les fleurs exprimaient toute la beauté d'une nature où l'humanité n'est qu'une tumeur 
 
hier, quelque part en Nouvelle-Zélande un petit garçon s'est réjoui de claquer pour la première fois un drop entre les perches devant son père présent dans les tribunes
 
hier, un spécialiste en oncologie pédiatrique s'est pris la tête entre les mains en se demandant combien de temps encore ça allait durer tout ça
 
hier un mec s'est réveillé et s'est dit c'est quoi ce rêve à la con avec des histoires de chargeur qui ne fonctionne pas
 
hier quelqu'un a songé que la sensation d'émerveillement devant la beauté, les premiers hommes avaient dû aussi l'éprouver lors de certains couchers de soleil, ou en voyant des papillons, ou en observant l'éclosion de certaines fleurs, ou plus simplement en découvrant des paysages. Que peut-être même l'attrait exercé par quelques uns de leurs semblables, avait pu éveiller quelque chose de l'ordre d'un sentiment esthétique. 
 
hier un homme s'est interrogé sur le temps qu'il a fallu pour que s'opère ce glissement de sens de compassion à compassé 
 
hier, un écrivaillon français végan et déprimé a fait rimer extase et métastase
 

dimanche 17 septembre 2023

Corps de métier

Voilà,
dans la station Opéra, on peut remarquer sur les murs des couloirs de correspondances, des petites silhouettes représentant tous les corps de métier que l'on peut trouver à l'Opéra de Paris, des techniciens jusqu'aux artistes.
 
Imaginée par Itsok (je ne sais si c'est le nom d'un grapheur ou d'un studio de communication), cette installation culturelle visuelle met en scène près de 1000 petites silhouettes aux ombres noires disséminées sur les murs racontent l'histoire des coulisses de l'opéra.
 
 
 
Via un dispositif de QR code, il est possible de poursuivre ce parcours visuel en le transformant en expérience sonore. Utilisant nos casques ou nos écouteurs, il est possible, porté par la voix de la soprano Giulia Semenzato de se laisser transporter dans les coulisses et de plonger en totale immersion grâce à des enregistrements d’ambiance des différents protagonistes de l’Opéra. 
 
 
 
Musiciens accordant leurs instruments, costumiers retouchant les vêtements, Chef d’orchestre feuilletant les partitions ou encore coiffeurs, maquilleurs, machinistes et éclairagistes œuvrant à préparer une représentation.
 

Je n'ai pas eu le temps de parcourir toute la station qui est immense, et de trouver les silhouettes du corps de ballet. Mais ces petites ombres, agrémentent avec humour et poésie, les déplacements souvent fébriles et précipités qu'on est amenés à y faire.

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vendredi 15 septembre 2023

Grocery


Voilà,
il y a longtemps en septembre 2012, j'avais publié cette photo sans autre légende que "this morning, I feel in a "New York state of mind". Je l'ai partagée il y a peu sur facebook, dans ce formidable groupe "Manhattan before 1990" où, chaque fois que j'envoie une photo, de nombreuses personnes réagissent, et rajoutent des informations. De lieu le plus souvent — ainsi ai-je appris que cet endroit se situe au 243 Mulberry St — mais parfois aussi sur les gens qui vivaient là ou des événements qui s'y rapportent. Ainsi, cette dame que l'on distingue à travers la fenêtre s'appelait Jean et elle avait parait-il coutume d'être à proximité de sa fenêtre toute la journée. J'ai aussi appris que quelques mois après que cette photo fut prise, advint un fait divers dramatique dans cette échoppe. 


Ce New-York que j'ai photographié n'existe évidemment plus. Presque quarante déjà. Quelqu'un m'a envoyé une photo de l'endroit tel qu'il est devenu.


(première publication 13/09/2012 à 8:36)

jeudi 14 septembre 2023

Tant de ciel

 
Voilà,
"ô tant de ciel s'en allant vu de si près ; 
ô tant de ciel sur tant d'horizon."
Je me suis souvenu de ces vers de Rilke, l'année dernière, c'était fin Juillet, alors que je me promenais sur une nouvelle piste cyclable que je venais tout juste de découvrir. Elle m'offrait un panorama insolite que bien sûr j'avais déjà vu, passant en voiture, mais sans qu'il me fut pour autant possible de m'attarder un moment et de sentir l'odeur du fleuve. 
Je ne m'explique pas pourquoi cette perspective me touche. Peut-être y vois-je un Paris, inhabituel, presque fictif. Il y là une sorte d'utopie new-yorkaise miniature que j'ai déjà évoquée dans un billet précédent, , avec cette mini skyline et la statue de Bartholdi. Je me sens toujours dans un curieux transport, à cet endroit. Tout me semble un peu irréel, fictif, comme s'il s'agissait d'un décor. Bon heureusement la tour Eiffel, est toujours aussi aérienne, élégante et légère. La tour Eiffel semble toujours jeune.
Il n'y a rien d’haussmannien là. Et puis la Seine, qui n'est plus tout à fait parisienne parce que les bateaux-mouches ne s'y aventurent plus. Ce sont des navires plus gros qui embarquent là pour des croisières longues conduisant à l'estuaire du fleuve. D'ailleurs ce point de vue est assez peu touristique, car de ce côté-ci des berges — celui d'où j'ai pris la photo — il n'est guère possible de marcher à pied, et les étrangers ne s'y aventurent pas.
Ces tours que l'on aperçoit ont la particularité d'être habitées par de nombreux iraniens qui avaient acheté des pieds-à-terre avec les bénéfices engrangés lors du premier choc pétrolier de 1973 particulièrement profitable à la haute bourgeoisie sous le règne du Shah. Les tours étaient alors encore en construction, mais représentaient un excellent investissement. C'est ainsi que le quartier devint le premier point de chute des riches exilés après la révolution de 1979.
Sinon, mais c'est très anecdotique, ce billet est le 2500me de ce blog. Je me demande de plus en plus souvent, pourquoi je continue. Si tout cela est bien utile.

mercredi 13 septembre 2023

Pas grand-chose

 
 
Voilà 
"Nous voici encore seuls. Tout cela est si lent, si lourd, si triste. Bientôt je serai vieux. Et ce sera enfin fini. Il est venu tant de monde dans ma chambre. Ils ont dit des choses. Ils ne m'ont pas dit grand-chose." (Louis-Ferdinand Céline in "Mort à crédit")

 


"Tout est beau dehors : l'air tiède, le chant des oiseaux, la musique indistincte. Il n'y a que moi qui n'en fais pas partie"  
(Peter Handke in "L'Histoire du Crayon")
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dimanche 10 septembre 2023

Soir de fête


Voilà,
vendredi soir après la victoire du XV de France contre une décevante équipe néo-zélandaise, indisciplinée, sans inspiration, sans fantaisie, jouant (en dépit de quelques rares éclairs de génie) un rugby prévisible, que même un entraîneur de division régionale pourrait décrypter, fait,  la plupart du temps de charges d'avants, de progression à une passe, d'up-and-under répétés, avec un alignement en touche médiocre et une mêlée plus poussive que poussante, bref une équipe loin des standards qui ont fait sa réputation (il est temps que Scott Robertson le prochain entraîneur, redore le blason de cette équipe, mal dirigée depuis quatre ans) je suis allé faire un tour du côté de la rue Princesse, autrement appelée rue de la soif, rendez-vous bien connu et très prisé des passionnés de rugby, qui se retrouvent là après les matches internationaux pour écluser des pintes de bières et des verres de vin. L'heure était déjà un peu avancée et le taux d'ébriété assez élevé. J'ai pris quelques photos, bien sûr des scaphandriers en train de trinquer collés sur une facades, amis aussi de ces supporters en marinière et béret basque, rappelant ces baigneurs de la fin du XIXme siècle. Ils étaient somme toute bien à l'image de cette cérémonie d'ouverture franchouillarde donnant une image de carte postale rétro à notre pays qui va à vau-l'eau. Comme l'a titré le journal "Libération" toujours friand de jeux de mots "allez le rance". Avec la célébration du jambon de pays, de la baguette, du pinard, de la France des campagnes.
 

Comme si l'on avait oublié que c'est dans la France des campagnes que sont nés les gilets jaunes — peut-être y en avait-il parmi ceux qui ont hué le président tête-à-claques —, comme si le prix de la meilleure baguette n'était pas souvent décerné ces dernières années à des artisans boulangers maghrébins, comme si l'on ne vivait pas dans un pays où si tu es trop basané, tu peux te faire descendre sans sommation par les flics, comme si nous n'étions pas un pays faisant l'objet de la part d'Amnesty international d'une campagne d'information ciblée, comme si sous ces latitudes les principes démocratiques et les droits sociaux, l'équité et la justice, n'étaient pas chaque jour de plus en plus bafoués, et la corruption sans cesse plus apparente.
Mais l'ambiance était toutefois bon-enfant, joyeuse et conviviale. C'était après tout un soir de liesse et de communion. D'autres photos viendront sans doute, pour illustrer ces moments festifs. Pendant que le populo s'amuse, et supporte son équipe il oublie ses conditions de vie rendues plus difficiles par la cynique politique de ses dirigeants.

(...)

Sinon dans le cadre des travaux de restauration du Palais Garnier, l'Opéra national de Paris a invité l'artiste JR à habiller les échafaudages recouvrant la façade de ce temple de la musique et de la danse. Et c'est très réussi.

 
Une gigantesque toile représente l’entrée d’une immense caverne ouvrant sur une perspective de roche et de lumière. On songe aux grands décors scéniques et aux trompe-l'œil des mises en scènes du XIXème siècle. Sont en outre représentés dans cette vision romantique les nombreux échafaudages présents, clin d’œil aux travaux réels et nécessaires qui servent physiquement de support à cette installation. C'est très beau et très spectaculaire, comme la plupart des travaux de cet artiste auquel il est souvent fait appel à Paris.

vendredi 8 septembre 2023

Une étrange sensation

Voilà,
je suis plus bas, vraiment je suis plus bas, et plus lourd aussi. Qu’est-ce que je fais dans ce corps ? ce n'est pas le mien! Je suis gêné aux entournures. Le coude me fait mal, n'est pas à sa place. En plus j'ai une moustache. Ce matin en me levant je n'avais pas de moustache. Je n'ai rien senti et pourtant il semblerait bien que je sois un autre. Et puis ma main droite a une d'odeur comment dire, étrange, que je ne parviens pas à identifier, quelque chose comme une odeur de vieille bête. Je crois que les gens me regardent bizarrement. J'ai la vague sensation que tout déconne. C’est peut-être à cause de ce type là tout à l’heure qui promenait son chien en lui parlant. "Tu vas faire un gros popo et après j’irais au boulot". Je crois bien que c'est ça, j'ai vraiment entendu ça, j'ai pensé c'est dingue, c'est moi ou c'est le monde qui déconne, mais non j'ai vraiment entendu ça, après j’ai eu un moment d’absence je ne me souviens plus, j'ai marché j'ai continué de marcher en pensant à ce que je venais d'entendre, les rues les gens plus rien ne me semblait réel, tout est devenu un peu cotonneux, comment je vais faire qu'est ce que je vais devenir je ne peux pas finir mes jours comme ça il va falloir que je me regarde comment je vais supporter mon dieu dites moi que ce n'est pas vrai que c'est juste un cauchemar que je vais me réveiller...
—  tu Me parles à Moi, enfin tu Me parles, maintenant que tu es dans la merde, tu Me parles, J'existe enfin pour toi, tu crois que c'est aussi simple, que tu vas t'en sortir comme ça ? Tu veux que Je te dise, tu es mal barré, vraiment mal barré, ne compte pas sur Moi, tu peux te brosser, démerdes toi il fallait y penser avant espèce de mécréant...

jeudi 7 septembre 2023

Une journée plutôt nonchalante

 
Voilà,
ce midi nous sommes allés pique-niquer avec ma fille au Parc de Sceaux. Initialement nous avions projeté une promenade l'après-midi, mais les fortes chaleurs persistent en France et nous avons préféré partir en fin de matinée. 
Nous avons joué aux touristes (j'avais la tenue adéquate) en nous promenant aussi sur cette installation éphémère imaginée par le groupe Crystal et intitulée "le Gué". Longue de 125 mètres, large de 6 mètres, placée 20 cm sous l'eau environ, elle a été conçue pour être accessible à tous de Juin à mi-Septembre. Le Domaine de Sceaux étant à cheval entre plusieurs communes, cette installation permet de passer de Sceaux à Antony et vice versa, avec cette traversée du Grand Canal.
Nous sommes partis de cet endroit situé à Antony, avec sa cabane rappelant une cabine de plage, où quelques personnes, des gens venus du nord de la France aisément reconnaissables à leur accent, nous précédaient. Une dame s'est aussi proposée voyant que nous nous photographions mutuellement, de nous prendre tous les deux — elle semblait y tenir, trop contente de nous faire plaisir — et nous avons accepté pour ne pas la contrarier, en croisant les doigts pour que le téléphone ne lui glisse pas des mains.
 


Nous sommes ensuite rentrés sur Paris, non seulement parce que ma fille qui repart en vacances avait une valise à préparer, mais parce qu'il commençait à faire très chaud. D'ailleurs les quatorze départements d’Ile-de-France et du Centre-Val de Loire seront placés en vigilance orange à la canicule demain midi. C’est la première fois qu’une vigilance orange canicule est déclenchée au-delà de la période estivale, depuis la mise en place de ce dispositif en 2004. 
De retour à la maison, dans l'appartement aux volets clos, un peu abruti par la chaleur, je me suis abandonné à une longue sieste. Je pense que d'ici peu il va falloir que nous adoptions dans ce pays le rythme de vie des Espagnols, qui se lèvent tôt, se couchent tard, et font une longue coupure dans la journée en raison de la chaleur. 
J'ai lu sur un journal que le premier secrétaire de L'ONU, qui ne cesse depuis quelques années de s'alarmer en vain (personne ne semble le prendre au sérieux) a parlé d'effondrement climatique. Et quand on voit ce qui se passe en ce moment en Bulgarie, Grèce ou Espagne, il y a de quoi s'inquiéter. Notre président, quant à lui, n'a même pas évoqué dans ses discours de rentrée, les problèmes climatiques et écologiques. Il faut dire que ses déclarations ressemblent beaucoup à de la barbe-à-papa : plein la bouche et rien sous la dent. 
Ensuite, en cherchant une photo, je suis tombé par hasard sur celle-ci et j'ai aussitôt pensé que cette tête ferait plaisir à Nicole. Je n'y suis pour rien ce n'est pas moi qui l'ai dessinée. Je suis tombé dessus — je ne sais plus où ni quand — au hasard des rues. Elle m'a plu. Je suis content d'avoir sauvé ce graffiti de l'oubli. Il arrive parfois d'en croiser de fort saisissants, certains très surprenants, d'autres très poétiques, quelques uns même géniaux ou aussi très drôles.
 
 


lundi 4 septembre 2023

Nulle part on peut te fuir

 
 sculptures de Hugo Rondidone
 
Voilà
"Qui donc me sauvera d’exister ? Ce n’est pas la mort que je veux, ni la vie : mais cet autre-chose qui luit au fond de mon désir angoissé, comme un diamant imaginé au fond d’une caverne dans laquelle on ne peut descendre. C’est tout le poids, toute la douleur de cet univers réel et impossible, de ce ciel, étendard d’une armée inconnue, de ces toits pâlissant lentement dans un air fictif, où le croissant d’une lune imaginaire émerge dans une blancheur électrique et figée, découpé en bord lointains et insensibles.
C’est le manque immense d’un dieu véritable qui est ce cadavre vide, cadavre du ciel profond et de l’âme captive. Prison infinie – et parce que tu es infinie nulle part on ne peut te fuir !" Fernando Pessoa in "Le Livre de l'Intranquillité"

dimanche 3 septembre 2023

Cynisme

 

Voilà,
il y a un certain cynisme de la part de la SNCF, de représenter, gare du Nord, sur le mur d'un quai d'une ligne de banlieue, deux amoureux tendrement enlacés et allongés, comme s'il profitaient de l'un de ces bancs précisément conçus pour qu'il soit, en raison de leur obliquité, impossible pour quiconque de s'y étendre.

vendredi 1 septembre 2023

Notre ciel est sans dieu

 
 
Voilà,
il paraît — j'ai lu ça quelque part je ne sais plus où — que  pour René Girard le sacré et la culture avaient eu une origine conjointe instaurant pour les premiers groupes humains une forme de réponse à un risque structurel d’autodestruction violente. Son catholicisme l’avait même conduit à penser qu'au cours de son histoire, l’humanité se trouverait à nouveau confrontée à un tel moment de vérité et qu'elle devrait alors choisir entre l’autodestruction violente et une conversion à la non-violence radicale – c’est-à-dire, pour lui, à l’amour christique. 
Pourquoi pas  Je ne sais pas ce qu'il en est pour vous vous, mais pour ma part j’ai vaguement l'impression qu’on n'en prend guère le chemin. Je ne veux pas pourrir l'ambiance, mais il me semble que l'amour christique depuis deux mille ans qu'on en parle ça marche pas des masses. On a commis plus de crimes que de bienfaits au nom du Christ. Et si on ne s'en tient qu'aux vingt premières années de ce siècle, celles-ci ont plutôt amplifié des fractures qui étaient là depuis longtemps. La violence de l'humanité, non seulement vis à vis d'elle-même mais encore à l'encontre de tout ce qui constitue son espace vital n'a cessé de s'intensifier. 

Si cette frénésie suicidaire bien évidemment se manifeste dans toutes les zones de conflits par des catastrophes humanitaires, d'autres désastres l'exacerbent : le désastre nucléaire rampant de Fukushima dont on ne parle plus mais qui n’est en rien résorbé (tiens à ce propos on a rejeté des eaux radioactives dans le Pacifique mais il paraît que ce n'est pas dangereux), les sols contaminés un peu partout sur la planète, les océans et les fleuves pollués, l’air devenu irrespirable en certaines régions, et bien sûr le bouleversement climatique et écologique impossible désormais de passer sous silence. Les nombreux fléaux qui en résultent (méga-incendies, canicules, violentes précipitations, inondations, glissements de terrains, disparitions des espèces etc) ont encore alimenté les nouvelles des derniers mois, sans pour autant susciter de décisions collective d'envergure.

Tout laisse à penser que face à cette adversité l’humanité ne semble plus disposer de l’intelligence adéquate pour réaliser — c'est à dire rendre tangible à son esprit — l’ampleur du désastre généré. Cette dissonance cognitive amène les hommes — enfin ceux qui ont le pouvoir de décider du sort du reste de leurs semblables —  à continuer d’inventer de super-moyens et de super-slogans pour perdurer dans l’illusion que l'on peut continuer comme avant. Et nombreux sont ceux qui les croient et doutent encore de l'ampleur de ce lent cataclysme. Sans doute sont-ils persuadés que la providence divine les sauvera.

Bref, tout se passe comme si la connaissance s’était dissociée de la conscience. C'était quoi déjà cette maxime si souvent rebattue pendant les années de philo ? Science sans conscience etc... Eh bien oui, la ruine de l'âme on y est. Un peu plus vite et plus intensément que prévu.

D'ailleurs, y a jamais-t-il eu d’âme collective ?

L’humanité se trouve à présent dans l'incapacité de gérer les informations qu’elle a collectées et les transformations qui en ont résulté. Comme si sa propre science, qui l’avait jusque-là guidée sur le chemin de son devenir, s'avérait désormais l’agent principal de destruction de l’intelligence collective. Comme si dépérissait aussi son principal organe. 

On a déjà vu cela chez certaines espèces. Ces oiseaux par exemple dont les ailes sont devenues inutiles et ne leur permettent plus de voler. Et bien peut-être qu’on en est là, que le cerveau ne permet plus a l’humain de penser les conditions de sa survie.

"Là où croît le péril croît aussi ce qui sauve" proclamait Holderlin.  Foutaises…

Et si autrefois on pouvait penser "Il n’y a pas moins de vertu à fuir le danger qu’à l’affronter". Il est désormais impossible de fuir le danger. Car il est en nous. Il est le fruit de notre propre activité qui a détruit tout possibilité de refuge. 

Certes, la rosée brille encore sur cette terre meurtrie, mais notre ciel est sans dieu. 

Et il est fort à craindre que ni la dévotion ni la piété ni la prière ne nous sauveront. 

Ainsi vont les choses dans le meilleur des monde.

mercredi 30 août 2023

Méfiez vous de la réalité


Voilà,
en voyant ce tableau de Marcel Gromaire au Musée d'Art Moderne je me suis souvenu de ce poème particulièrement mélancolique de Franck Venaille auteur que j'aimais beaucoup dans ma jeunesse, lorsque je ne lisais que de la poésie. J'habitais une petite chambre de bonne rue Saint Placide, et, même si une famille aimante m'avait quasiment adopté, il y avait malgré tout beaucoup de solitude dans ma vie. La première ligne du poème m'est revenue à l'esprit, ainsi que des images que sa lecture souvent recommencée suscitait en moi, à cette époque. J'avais vingt ans, et ce n'était pas facile. J'étais obsédé par l'idée qu'il fallait que je me fasse réformer, que j'échappe absolument à toute cette merde militaire dans laquelle j'avais trempé depuis ma naissance. C'était difficile de s'en débarrasser, et je n'avais aucune envie de m'y replonger, de refoutre les pieds dans une caserne, que des connards de sous-officiers bas de plafond me donnent des ordres, que des trous-du-cul bornés tentent de me faire marcher au pas. Plutôt crever. J'étais prêt à tout pour échapper aux servitude de la vie de troufion. J'avais parfois des conduites à risque tellement j'étais angoissé par cette affaire. Finalement ils ne m’ont pas eu. J’ai eu de la chance, je m'en suis sorti sans trop de séquelles. Venaille justement évoquait beaucoup, à mots plus ou moins couverts ce qu'il avait subi, comme appelé du contingent en Algérie. On y sentait comme il avait été cassé, par tout ce qu'il avait vu et éprouvé là-bas. Sa douleur ne m'était pas étrangère. J'avais connu, enfant les mêmes cieux que lui à la même époque. Le sort m'avait été plus favorable. Je n'avais perdu personne de proche. Par deux fois, à quelques secondes près, le malheur aurait pu survenir. Je m'étais accommodé de ce que j'avais pu ressentir, parce qu'au début de sa vie on a beaucoup plus de force vitale pour s'arranger avec les mauvais souvenirs, même si le poison de la mélancolie continue d'infuser tout le reste de l'existence. Comme lui je sais que "l'état de guerre n'en finit pas".
Venaille, je l'avais découvert, comme nombre de poètes contemporains de l'époque grâce à cette revue de poésie au format de poche qui s'appelait Poésie 1 parce que chaque numéro ne coûtait qu'un franc. Il y avait de nombreuses publicités à l'intérieur, surtout pour RTL, la radio, mais c'était une entreprise éditoriale vraiment intéressante. J'ai pu ainsi découvrir des tas d'auteurs passionnants, qui m'ont rendus la vie plus supportable. J'ai gardé tous ces livres. J'y tiens. Je les ouvre parfois, j'y retrouve les peurs, les espérances, et les incertitudes d'alors qui m'ont longtemps accompagné. J'ai donc retrouvé l'intégralité de ce poème que je vous livre tout entier.
 
C'était bon d'avoir trente ans et de vivre à paris où tant de femmes ressemblent à des Gromaire
de caresser des nuques devenues timidement amies
en prononçant des paroles sans suite sans fin ni importance
banales et sereines parfois même imprévues
au rythme de la locomotive du sang des hardiesses et des désespoirs fulgurants
qui faisaient tituber maudire et regretter, parfois pleurer
souvent pleurer et nous réfugier dans une indifférence factice
prête à laisser jaillir ce feu qui nous consumait 
au premier sourire à la première parole simplement aimable
à ce geste de la main vers notre main notre bras sur notre épaule
à nous qui marchions dévorés de tendresse et d'envies contradictoires
C'était bon de rire avec elles de parler avec elles de souffrir avec elles
et de tenter sa chance sans louvoyer
de dire notre détresse et notre solitude
et d'appeler encore plus de détresse et de solitude
déjà muré dans l'inextricable déchéance d'une vie aux espérances saccagées — 
 
 

  
Pour ma part je n'ai plus trente ans depuis longtemps, mais je suis toujours prêt à laisser jaillir un feu qui me consume, même s'il est trop tard. Malheureusement on a beau avoir lu les bons philosophes, on en esquive pas moins le réel pour s'illusionner. C'est toujours une faiblesse de croire. De s'obstiner à croire. Et c’est difficile ensuite d’admettre qu’on s’est trompé. On a un peu honte. On ne s'en remet jamais tout à fait. Les gens qui calculent s'en sortent mieux. A condition de bien compter. On devrait plus souvent faire confiance aux murs.

mardi 29 août 2023

Déjà presque fini

 
Voilà,
le mois d'Août se termine donc. Il aura vite passé. Cette année, plus encore que l'année dernière, j'aurais traîné à Paris. Pas même une petite excursion au bord de la mer comme en 2022. Mais bon, après un mois à Avignon surchauffé et infesté de moustiques, les quinze premiers jours à Paris, où il ne faisait pas trop chaud, furent tout à fait bienvenus. J'ai bien glandé, c'est ce que je sais faire le mieux. J’ai beaucoup dormi, j'ai fait quelques promenades à vélo avec ma fille, dont celle-ci qui nous aura menés du côté du parc André Citroën où je n'étais pas retourné depuis plusieurs mois. Les jeux des enfants demeurent toujours les mêmes. C'est l'occasion pour les petites filles de découvrir de nouveaux plaisirs en enjambant les jets d'eau. Je n'aurais pas suffisamment marché à cause de ma jambe douloureuse, mais malgré tout j'aurais vu quelques expos, beaucoup de films, croisé d'autres aoûtiens à Paris, scanné et partagé des vieilles photos de New-York sur le groupe facebook "Manhattan before 1990". J'ai aussi lu quelques trucs bien intéressants, comme cet article sur le travail des enfants aux USA, par exemple, tout de même assez stupéfiant.  J'ai aussi souvent écouté cette formidable émission estivale "Retour de plage" qui, tous les étés propose une programmation réjouissante et de qualité. J’ai regardé des compétitions sportives à la télévision, du rugby de l'athlétisme du foot avec en particulier cette spectaculaire finale de la coupe du monde féminine, un des plus beaux matches que j'ai vu de ma vie, où les espagnoles ont excellé dans des séquences tout à fait sidérantes avec des passes à une touche de balle, en triangle dans un petit périmètre. Pour une fois, c'est l'équipe pratiquant le plus beau jeu qui a gagné. Mais à la remise de médailles, le comportement machiste du président de la fédération de foot espagnol m'avait intrigué. Il en profitait pour les peloter toutes plus ou moins de façon insidieuse et c'était vraiment malsain et dérangeant. Genre l'oncle aux mains un peu baladeuses dans les fêtes de famille, à qui l'on ose rien dire. Ça donnait l'impression qu'il était très intime avec chacune d'entre elles. Les joueuses espagnoles ont bien raison de se rebeller, d'autant que type ne s'est pas du tout excusé par la suite. Malheureusement il y a quand même encore beaucoup de femmes qui aiment ce genre de gros con. 
Tout ça me paraît très loin. Pourtant, c'était il y a dix jours à peine. 
Et cette photo du parc, c'était le weekend du 15 Août. 
C'est incroyable à quel point mon rapport au temps et à l'espace se modifie. Mon équilibre physique se dégrade sans que je comprenne pourquoi. Ma vue baisse. J'ai l'impression parfois de vivre dans un monde parallèle où je ne suis plus qu'un vague reflet de moi-même. Les pensées intérieures ont plus de densité que la réalité où je suis immergé. Je perd en créativité. J'ai de moins en moins de présence. Une certaine peur, parfois me rend visite sans que je puisse l'éconduire. 
 

Je n'écoute plus les actualités. Je les parcours sur le net et vraiment il n'y a pas de quoi pavoiser. Chaque année, c'est pire que la précédente. Tout cela me plonge parfois dans un état d'accablement qui peut durer plusieurs jours. Pour ne pas sombrer, je m'efforce d'écrire mais c'est très laborieux. J'ai quelques publications en préparation, mais cela me prend de plus en plus de temps à rédiger, à vérifier les sources, à ordonner les pensées. C'est comme ça.
Ainsi vont les choses dans le meilleur des mondes.

Publications les plus consultėes cette année