mercredi 31 août 2022

Laisser tomber


Voilà,
je voulais écrire un billet sur le mode de celui que j'ai rédigé le mois dernier qui se serait intitulé "un mois d'Août sur la terre". Mais à quoi bon tout ça aujourd'hui ? J'ai préféré laisser tomber. Personne ne veut s'entendre rappeler ce genre de truc. La plupart des gens préfèrent qu'on leur donne, au mieux, des motifs d'espérer, au pire, qu'ont les distraie, qu'on les anesthésie, qu'on leur promette du bon temps, qu'on ajoute un peu de couleur dans le quotidien. "Faisons comme si ça n'existait pas, et peut-être que rien n'arrivera". Et puis un jour c'est ta maison qui brûle, ton puits qui est asséché.
Je le publierai peut-être plus tard, si je suis encore de ce monde, à contretemps, en décembre ou en février, ou en mars ou à la Saint Glinglin, histoire de voir tout ce qu'on aura oublié dans les mois qui viennent, car, comme on dit, une nouvelle chasse l'autre.
 
C'est donc la rentrée. La fin des grilles d'été sur les radios. De nouveau, les habituels animateurs avec leur vulgarité, leurs certitudes de gens bien en place, leur connerie assumée. Heureusement, il reste encore la matinale de France Musique, sobre, élégante, où le présentateur n'est pas démangé par le prurit de l'autosatisfaction ni accablé d'egomanie aigüe comme son voisin de France Culture.
 
Sinon, comme tous les ans, les opposants politiques, les syndicalistes, sont remontés. "On va voir ce qu'on va voir, on ne laissera rien passer. La rentrée sera chaude". Enfin non ça ils ne le disent plus, ça ne serait pas du meilleur effet, vu ces derniers temps de canicule. 
Chacun joue son rôle. C'est toujours plus ou moins le même casting. Même les gilets jaunes font désormais partie du décor. Ils vont reprendre leurs manifestations hebdomadaires à ce qu'il paraît. A chaque fois, c'est la même rengaine. 
Cet été j'ai rencontré une amie que j'ai connue autrefois chercheuse, et qui s'investit à présent dans la lutte politique. Elle m'a un peu raconté comment ça se passait dans le syndicat où elle est minoritaire, et ça m'a déprimé. Toujours les mêmes histoires de pouvoir, de luttes internes, de fractionnisme, de divergences sur les moyens d'action. Ça m'a rajeuni. C'était déjà pareil il y a cinquante ans. Elle prend ça très à cœur. Grand bien lui fasse. Elle n'est sûrement pas au bout de ses peines.
 
Je pense au Liban, au marasme dans lequel, depuis des années se trouvent ses habitants. Face à la corruption généralisée et l'incompétence des gouvernants, il y a eu des colères,  des révoltes collectives il y a deux ans. Et puis c'est retombé. Les gens n'y croient plus, ils sont épuisés. L'humain a une grande capacité d'encaissement. Une grande disposition à la servitude aussi. Les deux tiers de l'humanité sous-vivent dans des conditions insupportables (je ne sais pas pourquoi on s'acharne à dire survivre). 
 
Ça me rappelle cette exposition que j'avais vue un été à Avignon.
 Il y a quelques mois, j'avais d'ailleurs entrepris une recherche à ce sujet. J'en avais éprouvé la nécessité  à cause de tous ces gens, des intelllos pour la plupart, qui nous bourraient le mou avec le nouveau monde, le monde de demain, le monde d’après qui serait forcément mieux, parce qu'on serait guéri, qu'on avait trouvé un vaccin sur le point d'être commercialisé, et qu'évidemment, tous les autres problèmes avaient comme par miracle disparu. C'était  vers le mois d'avril 21 je crois. On nous promettait le retour "des jours heureux". En France des gens occupaient des théâtres. Ils souhaitaient que tout recommence comme avant mais en mieux, alors que rien dans les faits ne laissait augurer du "mieux", c’était évident, mais bon "les faits ne pénètrent pas dans le monde de nos croyances".
C'est alors que j'avais repensé à cette installation de photos d’Afrique dans laquelle on déambulait avec un casque diffusant un texte en relation avec chacune des 49 photos. En fait cela avait été présenté en 2013  — je pensais ça plus récent —. Ce spectacle-exposition, ce parcours théâtral et photographique s'intitulait "La porte du non-retour", œuvre de Philippe Ducros un auteur et photographe québécois. En fait cette déambulation m’a beaucoup marqué et je crois que d'une certaine façon elle me hante.  
J'imaginais d'ailleurs que ce serait facile d'en retrouver des traces sur le net. Mais, bien qu'ayant plutôt une bonne mémoire, j'ai eu du mal. D'abord je pensais que cet événement avait eu lieu  à la fondation Lambert, et non rue Violette à l'école d'art. Je me souvenais de séquences vidéo et non de photos. Je pensais que cela ne concernait que le Congo Kinshasa, à cause d'un plan — une photo — de l'hôtel Apocalypse à Kinshasa. Comme quoi, il faut immédiatement noter les choses qui vous importent avant qu'elles ne se déforment dans la pensée.
Il y avait en tout cas cette phrase "La fin du monde n’est pas à la même heure pour tout le monde". L'auteur postulait grosso modo que la fin du monde a déjà commencé et que les Africains en sont en quelque sorte les premiers protagonistes. Ils sont les premières victimes des trafics, de l’absence d’infrastructures, de la pollution, des guerres ultra violentes qui s’y déroulent depuis des années et qui comptent déjà plus de morts que celle de 14-18 en Europe. Je renvoie à cet excellent article qui rend compte du projet de Philippe Ducros. Et je crois qu'il existe aussi un livre avec les textes et peut-être les photos
 
Bref, cette longue digression, pour rappeler combien, lutte ou pas lutte, on aura du mal à se sortir le cul des ronces. Il est probable que nous soyons amenés à encaisser de plus dures périodes sans trop broncher. Nous avons ici, en Occident, pour l'instant, une relative marge de confort eu égard aux standards africains ou de certaines régions d'Orient, du Moyen-Orient ou d'Asie. Rien ne dit que cela va durer. Les sécheresses, les canicules, les baisse de matières premières, les mauvaises récoltes, la guerre et un possible désastre nucléaire à nos portes, l'inflation galopante, la réduction des services publics (santé, éducation culture, recherche) nous font soudain prendre conscience de la précarité de ce confort. Mais il semble que, pour réagir collectivement,  nous ne soyons pas encore dans la conscience collective du seuil critique. Le capitalisme et le néolibéralisme, ont encore assez d'armes puissantes et abrutissantes pour anesthésier les masses, et leur donner l'illusion que la fête peut encore durer. Je souhaite me tromper bien sûr. Après tout, au Royaume-Uni où de nombreuses grèves s'étendent, les leaders syndicalistes prônent la désobéissance civile non violente. Je ne suis pas pour autant certain que cela suffise. 
 
Demain pour changer on parlera un peu moins d'écologie, et un peu plus de morale

dimanche 28 août 2022

Histoire de cages

Voilà,
j'ai beaucoup évoqué cette année le quartier de la Butte aux Cailles dans le 13ème arrondissement de Paris, car c'est l'un des terrains de jeu favoris pour les grapheurs et les peintres muralistes. Je crois que c'est dans la rue Buot, cet été, au cours d'une paisible promenade avec ma fille, que j'ai aperçu celui-ci qui me semble avoir été réalisé par Seth, mais je n'en suis pas non plus tout à fait certain. Je le trouve en tout cas particulièrement espiègle et astucieux. (shared with Monday murals

jeudi 25 août 2022

Ile Seguin

 

Voilà,
situé sur la pointe aval de l'île Seguin à Boulogne-Billancourt où se trouvaient autrefois les anciennes usines Renault, "la Seine musicale", est un ensemble de bâtiments consacré à la musique et conçu par les architectes Shigeru Ban et Jean de Gastines. Vue de l'extérieur, la salle de concert ressemble à une sorte de vaisseau spatial. J'avais déjà publié, autrefois, une photo qui lui donnait un aspect irréel. J'aime bien cet endroit ; j'y suis venu dans le courant de cet été et j'ai alors remarqué l'édification récente  d'une passerelle encore impraticable, reliant l'île à la rive parisienne où se tient un vaste chantier. Il est prévu que soit mise en service à la fin de cette année, une nouvelle ligne de métro, la 15 dont l'un des terminus se trouvera dans les parages, au pont de Sèvres. 

mercredi 24 août 2022

Le sonnet 66


 
Voilà, 
parfois, je pense au sonnet 66 de Shakespeare
 
Tired with all these, for restful death I cry,
As to behold desert a beggar born,
And needy nothing trimm’d in jollity,
And purest faith unhappily forsworn,
And gilded honour shamefully misplac’d,
And maiden virtue rudely strumpeted,
And right perfection wrongfully disgrac’d,
And strength by limping sway disabled
And art made tongue-tied by authority,
And folly—doctor-like—controlling skill,
And simple truth miscall’d simplicity,
And captive good attending captain ill: 
Tir’d with all these, from these would I be gone, 
Save that, to die, I leave my love alone.
 
Las de tout j’aspire au repos de la mort :
De voir le mérite à l’aumône promis,
Et la vacuité en costume éclatant,
Et la plus pure foi, hélas, répudiée,
Et les honneurs honteusement accordés,
Et la vierge pure vilement prostituée,
Et la perfection à tort vilipendée,
Et la vigueur niée par un pouvoir boiteux,
Et l’art par l’autorité bien muselé,
Et la docte bêtise guidant le talent,
Et la vérité calomniée en sottise,
Et le bien captif du mal qui fait la loi :
 Las de tout ça, je voudrais m’en échapper,
 Sauf qu’à mourir je laisse mon amour seul.

dimanche 21 août 2022

Méditerranée

 
Voilà,
peinte dans le courant des années 80 et située dans la rue Raymond Losserand à proximité de l'entrée du métro Pernety, cette fresque dont je n'ai pas retrouvé l'auteur s'intitule "La méditerranée". On y voit en effet la mer au travers d’arches blanches. En bas un moulin à vent avec ses voiles caractéristiques. En haut, des colonnes grecques évoquant le panthéon ainsi qu’au premier étage une statue grecque qui rappelle la mythologie. On remarque aussi une maison bien colorée, les pieds dans l’eau avec à proximité une barque. 
Une fois de plus, au risque de casser l'ambiance de villégiature qui prévaut encore à la fin de cette troisième semaine d'aout, il est à craindre que cette mer chantée en 1955 par Tino Rossi, dans l'opérette du même nom ne vienne très prochainement à mourir. C'est pourtant une des plus belle région que je connaisse. que ce soit en Grèce, en Corse, en Espagne, en Italie, en Algérie les paysages y sont sublimes. Elle est déjà moribonde paraît-il. Le bassin méditerranéen du fait de la configuration de mer fermée, de sa proximité du Sahara et de sa latitude s'est déjà considérablement réchauffé. Dans deux décennies, la région aura augmenté de 2 °C alors que l’Accord de Paris souhaite que cette limite ne soit pas dépassée avant la fin du siècle. La “Grande Bleue” a déjà vu la température moyenne de ses eaux remonter de 0,4 °C et devrait atteindre les +3,5 °C en 2100. Cet été, en raison de la canicule, l'eau était à 26° en certains endroits de la côte d'Azur. Le réchauffement y est donc 20 % plus rapide que la moyenne mondiale. Et les pays méditerranéens y contribuent fortement puisqu’ils émettent tous les ans 2 milliards de tonnes de CO2, soit 5 % du total mondial.
 
 

 
D'après un rapport du GIEC,  “La Méditerranée est en outre l’une des régions du monde les plus touchées par les déchets marins en raison de l’augmentation de l’utilisation des plastiques, de l’absence de recyclage, des modes de consommation non durable, d’une gestion inadaptée et inefficace des déchets, des fortes pressions du tourisme et du transport maritime, associés à des transports fluviaux importants”.
Bon je m'arrête là parce qui rien que de l'écrire, ça me fout le bourdon. Je me demande vraiment comment font les scientifiques qui au jour le jour travaillent sur toutes ces données concernant l'état de la planète pour ne pas être totalement et définitivement désespérés. Sans doute faut-il s'habituer à vivre dans la catastrophe, et continuer à faire comme avant : s'adapter. Les plus rusés en tireront toujours profit. Ils le font déjà. Ceux qui n'ont pas les moyens s'efforceront de faire comme si ça n'existait pas. Jusqu'à ce qu'ils subissent de plein fouets les effets du désastre en cours.
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jeudi 18 août 2022

Marais salant de la chèvrerie


Voilà, 
ça ne tient pas à grand chose, la sensation de bien-être. Juste à la surprise de se retrouver dans un paysage inconnu, de ne pas s'y sentir seul, en dépit de l'extrême austérité du lieu ; à la perspective d'une journée de découverte ; à l'amitié partagée ; aux plaisirs d'enfance retrouvés. C'est aussi que jamais peut-être auparavant je n'ai ressenti avec une telle densité le caractère fragile éphémère et superflu de ma présence au monde. La guerre autant que la rupture des grands équilibres écologiques menacent l’humanité, mais le corps aussi, se déglingue. La vie cependant, exige d'être vécue, même si le moral n'est pas au plus haut. Que le présent s'offre soudain sous un certain angle avec telle lumière et, dans l'air, un parfum particulier, aussitôt ça va mieux. Ça ne dure certes pas, mais c'est un menu plaisir toujours bon à saisir : cette fugitive sensation d'éternité.

jeudi 11 août 2022

Sunset Lovers

 

Voilà,
il reste ces menus émerveillements, ces soirs d’été où quelque chose demeure en suspension. On est là, ébloui, interdit devant tant de beauté qui chasse un temps l’appréhension qui nous étreint. On fait comme si de rien n’était. Le monde brûle. Et l’on n’arrive pas à y croire. 

jeudi 4 août 2022

Crow

Voilà,
à ce moment là, j'ai compris que je n'avais pas perdu ma journée. Quelques jours auparavant j'avais vu le film "Uccellacci e uccellini" de Pier Paolo Pasolini, où un corbeau joue un grand rôle, et sans doute cette vision y faisait-elle écho. J'étais heureux de voir ça, comme je le suis à présent de le partager. Ma tristesse s'est alors évanouie. J'étais encore vivant, en mesure de marcher, de regarder, de saisir quelque chose hors de mon quotidien. J'étais concentré sur cet instant que je voulais retenir et qui me paraissait comme un cadeau de la providence. On dit que les corbeaux sont très intelligents. Celui-ci en tout cas paraissait bien méditatif. Peut-être songeait-il à l'abolition des privilèges proclamée un 4 Août 1789 à Paris, dont il ne reste pas grand chose aujourd'hui, et qui au fond n'eut guère d'influence sur le destin des corvidés. De quel fantôme était il la vigie ?

mercredi 3 août 2022

Puisque c'est sans espoir


Voilà, 
le monde est le meilleur endroit pour vivre puisqu'il n'y en a pas d'autre
Mais bien y vivre, sereinement, voilà qui me semble désormais peu probable. Il faut s'y résigner. Mon constat se fonde sur des arguments pertinents. Il n'est pas un jour où je ne tombe sur quelque article qui dévoile un pan de réalité plus ou moins inquiétant. Je recommande à mes lecteurs francophones cet article signé Alastair Crooke et je renvoie à ce lien les anglophones qui seraient intéressés. J'écris cela, alors que la télévision diffuse un documentaire sur un incident nucléaire à la base américaine de Damascus en Septembre 1980 qui concernait un missile Titan 2. Nos destins ne tiennent à rien. Sans qu'on n'en sache grand chose, des centaines d'accidents nucléaires sont en outre advenus. Le film se termine d'ailleurs ainsi "les armes nucléaires sont des machines, et un jour ou l'autre les machines finissent par se détraquer." Comme mon aspirateur. Bon. Nous sommes assis sur une poudrière en train de cloper et de jouer avec des allumettes. 
A quoi bon s'en faire puisque c'est sans espoir. 
La nuit dernière j'ai rêvé que Poutine balançait une bombe atomique de faible puissance sur Paris le 6 août pour fêter l'anniversaire d'Hiroshima et aussi parce qu'il trouvait Macron stupide et prétentieux. Il expliquait ensuite que de toute façon comme la ville était dépeuplée parce que les français sont des gros paresseux qui ne travaillent jamais l'été, le nombre de victimes était dérisoire. Je me suis réveillé au milieu de la nuit, soulagé que tout soit à sa place, mais je n'ai pas pu me rendormir. J'ai écouté de la musique électronique un peu planante sur deezer et regardé ensuite des photos faites récemment. J'ai repensé à cette journée de suspension la semaine dernière où je me suis longuement promené, à pied, à vélo, oubliant les soucis pour découvrir ma ville en touriste, et à cette halte au chalet des îles du bois de Boulogne qui était assez désert comme toujours à cette époque. Cela avait été une belle journée, même si au cours de mon excursion, j'avais regretté ma solitude et de ne pas avoir de complice avec qui partager mes étonnements.

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