mercredi 31 août 2011

Astrid

Voilà,
tout à coup pour elle l'horizon s'était éclairci. Après avoir vécu quelques années dans son appartement avec un anglais plutôt bohème qui avait fini par repartir, un homme riche au physique ingrat que pour ma part je trouvais assez déplaisant, avait croisé sa route. Elle s'en était éprise et très vite s'était installée chez lui dans un quartier huppé. Je m'étais alors une fois de plus étonné de cette facilité que certaines femmes ont de rencontrer des gens de nature et de milieux très différents et aussi de cette capacité à changer radicalement le cours de leur vie pour s'engager sur une voie totalement autre. Sans doute alors, aurais-je aimé tomber moi aussi amoureux d'une femme riche qui m'aurait affranchi des problèmes quotidiens et peut-être offert de nouveaux champs d'expérimentation où donner toute ma mesure. Il est probable que je la jalousais secrètement de cette opportunité qui s'offrait à elle. Mais aurais-je été capable comme elle de supporter l'air carnassier de cet homme et, quand il lui parlait, cette condescendance teintée de mépris qui caractérise les gens persuadés que la réussite n'est qu'une affaire de compte en banque? Sans doute l'aimait elle vraiment, pour être à ce point sourde et aveugle.

C'est cela qui m'intriguait : qu'est ce qui avait pu les réunir ? Sur quel malentendu cette histoire s'était elle fondée ? Quelle part manquante de soi chacun avait-il cru reconnaître dans l'autre? Astrid semblait même ressentir de la compassion pour cet homme qui selon elle, avait eu à souffrir d'une séparation difficile d'avec une épouse vénale. Était-elle naïve à ce point, ou bien faisait elle preuve d'une duplicité dont je ne l'avais pas imaginée capable ? Ce type répugnant l'attirait-elle vraiment, ou juste la perspective de se caser enfin, et de mener une vie un peu moins étriquée? Je n'arrivais cependant pas à croire que si tel était le cas, elle serait assez forte pour contenir ce prédateur.

Elle était à ce moment-là restauratrice de tableaux contemporains. Mais pour cet homme, que l'amour naissant rendait en tous points admirable, elle avait ouvert son carnet d'adresses et mis à sa disposition ses intuitions et ses connaissances artistiques. Elle travaillerait avec lui désormais. Elle me parlait avec enthousiasme de la Programmation Neuro Linguisitique, de la façon dont avec Patrice ils réfléchissaient à définir une stratégie mettant la création au cœur de toutes les démarches du cabinet de conseil en communication qui portait le nom de son bien-aimé. Ont-ils, par la suite, conçu ensemble, je cite ce qui est écrit sur son site web, des outils et des méthodologies qui grâce à une collaboration permanente avec des artistes (plasticiens, réalisateurs, photographes...) permettent d'accompagner de grandes marques dans leur processus de développement afin de révéler leur capital de création ? Je ne le sais pas. En tout cas, il semble que pour lui les affaires soient plutôt florissantes. Ses bureaux sont à présent dans un quartier riche, ses clients de très grosses sociétés cotées en bourse.

A une amie qui disposait d'une machine adéquate, et avait déjà effectué ce genre de tâche, Patrice, avait alors proposé de transcrire des entretiens sans nous avertir qu'ils étaient fort peu audibles. Faisant valoir la difficulté de ce travail, et les heures supplémentaires que mon amie avait dû y consacrer, j'avais menacé de ne pas restituer les bandes, si elle n'était pas un peu mieux payée. Le gros avait fini par lâcher son fric en maugréant (je me souviens qu'au cours de la conversation un petit point de bave blanchâtre n'avait pas quitté la commissure de ses lèvres), et bien sûr par la suite nos relations en avaient pris ombrage. Sans doute est-ce la raison pour laquelle nous sommes perdus de vue, avec Astrid.

Bien des années plus tard, j'eus pourtant la surprise de recevoir une targeta postal envoyée de Riglos en Espagne. Quelques lignes pour donner succinctement de ses nouvelles. Elle y disait qu'elle serait ravie de me voir qu'elle était toujours en compagnie de Patrice et aussi de Guy-François son garçon de quatre ans et demi.  Elle me laissait aussi son téléphone que je ne notai pas pas tout de suite. La carte fut égarée. Alors en fréquents déplacements, mentalement éparpillé, ayant beaucoup de problèmes pour établir un ordre des priorités, je conservai un temps l'idée de la rappeler, mais ne retrouvant pas la carte je finis par négliger cet objectif.
Il y a peu en rangeant ma bibliothèque, j'ai retrouvée ladite carte restée coincée trois ans entre les pages d'un livre. J'ai envoyé un texto, et très vite Astrid a répondu "ça fait plaisir quand ce sont les amis qui appelle". La faute d'orthographe m'a étonné, et le terme d'ami surpris. Tout de même bien des années de silence se sont écoulées. Puis le lendemain elle a laissé un autre message, sur le répondeur cette fois. La voix était faible, très vieillie, mais disait clairement qu'elle vivait des choses assez désagréables. Je ne pouvais faire autrement que de rappeler. J'ai ainsi appris que depuis sept ans, juste après la naissance de son enfant, elle souffre d'une grave maladie évolutive qui l'empêche désormais d'être autonome et que le mois prochain elle doit aussi subir l'ablation d'un organe. Qu'elle est en instance de divorce parce que dit-elle, son mari ne supporte plus de vivre avec quelqu'un qui a du mal a grimper les marches.  Il y a parfois des nouvelles dont on se passerait bien.

mardi 30 août 2011

Monsieur Lapin



Voilà
le restaurant "Monsieur Lapin" que j'ai toujours connu depuis que j'habite le quartier, et qui existait déjà du temps du squat de la rue Raymond Losserand a fermé. J'étais allé manger là une fois avec Pascal et son épouse au début des années 2000, et c'était vraiment très bon. C'était une sorte d'institution dans le quartier. All things must pass...

lundi 29 août 2011

Derniers plans



Voilà
c'est la nuit. L'homme regarde par la fenêtre une rue déserte. Sur la vitre se reflète le mot bar de l'enseigne au néon qui clignote à proximité. La femme que quelques minutes auparavant il voyait s'éloigner avant que sa fille ne l'appelle, a disparu du paysage. C'était la sienne. L'enfant a cru, dans son sommeil, entendre crier son père. "Je pensais que tu appelais maman" dit-elle. Oui c'est vrai il appelait cette femme. Il vient de réaliser que jamais plus il ne la verra. Est ce que maman reviendra demande l'enfant ? est ce qu'elle est très malade ? Oui répond le père mais moi aussi j'ai été très malade, allez rendors toi. De nouveau seul à la fenêtre. Les jours du vin et des roses sont loin à présent. Les jours heureux qui jamais plus ne reviendront. They are not long, the weeping and the laughter / Love and desire and hate / I think they have no portion in us after / We pass the gate / They are not long, the days of wine and roses / Out of a misty dream / Our path emerges for a while, then closes / Within a dream. *
Dans l'ombre trois lettres pulsent, vaguement menaçantes.

*Ernest Dowson qui est très aimé du cinématographe, puisque ces vers sont aussi à la fin de "Laura " d'Otto Preminger cités par l'un des personnages, le pervers et distingué Lydecker au moment où il met en joue Laura

vendredi 19 août 2011

Paisible matin


Voilà
Promenade dans le matin frais. Marcher sans crainte. La campagne alentour paisible. Une autre relation au temps à l'espace. Sensation d'Irréalité. Dans le lointain le bruit d'un tracteur. Sinon juste les oiseaux. Un instant j'imagine que je pourrais vivre là. Je m'achèterais une petite moto, vagabonderais sur les routes de la région. Je photographierais la nature. Il faudrait que je sois rentier bien sûr. Instants volés au cours ordinaire des choses où le fait d'être ailleurs donne l'illusion de la possibilité d'être autre. Je me souviens du rêve de Jeune Homme Hogan. Être dans un pays où l'on ne parle pas, où ce sont les chiens qui écriraient des romans. Livre lu dans une autre vie. J'avais dix sept ans je partais à cinq heures du matin avec ma pétrolette et taillais la route jusqu'à la Méditerrannée. Ce moment d'illumination sur la D624 un peu après Mazères, cette sorte d'épiphanie, de joie solaire ressentie à ce moment là, comme si je ne faisais qu'un avec le monde, et cette sensation d'autonomie de liberté, immense, immense.

mardi 16 août 2011

Gamberges




Voilà,
Six heures confusion du petit matin où les pensées se chevauchent les temporalités s'entremêlent l'Aîné se réveille dans un grand remuement d'idées sombres avec la certitude que pour lui les jeux sont faits qu'il a perdu sa mise et que si par le passé la chance lui a parfois souri il n'a pas su vraiment la saisir par paresse peut-être par manque d'audace par peur de l'échec ou du jugement des autres qu'importe à présent c'est trop tard son tour est passé il n'a plus depuis longtemps les moyens de ses ambitions et les années lui sont comptées le corps le trahit ne surmonte plus la fatigue   Se demande ce qu'il fait là dans la maison de ce frère depuis longtemps perdu de vue et auquel rien d'autre ne le rattache qu'un nom pas si propre que ça et le sang ah oui c'est ainsi qu'on dit les liens du sang   Songe à ce visage bouffi par trop d'alcool et de tabac à ce visage qui suinte la connerie la prétention par tous les pores de sa peau   Étrange cette gêne mêlée de dégoût qu'il éprouve en le regardant   Peut-être craint-il d'y voir la caricature de sa propre médiocrité le reflet grossi de toutes les tares qu'il n'ose s'avouer qu'à lui même   Où bien est-ce à cause de cet air de famille contre lequel malheureusement il ne peut rien   Il y a - c'est inévitable - quelque chose de lui qu'il entrevoit parfois dans les traits les comportements du cadet quelque chose qui lui fait honte et dont il voudrait alors que cela n'eût jamais existé   A quarante ans ce misérable crétin va encore tous les soirs taper l'incruste chez ses vieux parents dont la maison est à deux pas   Pour y manger s'engueuler avec eux selon un rituel immuable où chacun semble trouver son compte   C'est une étrange cérémonie qui se déroule là dans l'atmosphère étouffante et morbide d'un logis encombré poussiéreux dont le désordre n'a d'égal que la crasse   Une cérémonie d'un autre âge   Celui où l'Ainé sortait de l'enfance quand le Cadet entrait dans la vie   Et c'est comme si Géniteur Génitrice et Cadet rejouaient les scènes d'engueulade familiales de cette époque où le Cadet existait à peine   Et finalement c'est bien à ça que sa vie s'est réduite au Cadet  Rien que ça exister à peine à grand-peine et se consumer dans la névrose de ceux qui l'ont mis au monde en y tenant le rôle que l'Aîné n'a pas voulu endosser   Ouvrir les fenêtres les volets   De l'air de l'air    C'est un jour gris et brumeux   Au loin chante un coq les oiseaux dans les ramures proches pépient des tourterelles roucoulent dans la grange abandonnée il faudrait peut-être songer à écourter ce séjour aller où ça respire encore   Partir  N'importe où   Ailleurs   Pourvu que ça respire

dimanche 14 août 2011

Coïncidence

Call me

Voilà
ce jour là, au musée d'Art Moderne, près d'une grande toile d'Arroyo, j'ai croisé un sosie de Jim Morrison lorsqu'il était encore dans l'insolente beauté de sa jeunesse. Je n'ai pas osé lui demander si je pouvais le photographier, ni faire un cliché à la dérobée. C'était tellement évident, cette ressemblance, que lui-même devait le savoir. J'ai supposé que bien des gens avaient du déjà lui faire la réflexion et que cela peut-être à la longue devait lui peser, même s'il est vrai que dans le genre il y a des fardeaux plus difficiles à supporter moi par exemple je n'aimerais pas ressembler à Raffarin. Ai-je  voulu me consoler de ce manque d'audace, de cette incapacité à m'adresser de façon générale aux inconnus, en prenant ce cliché?

vendredi 12 août 2011

Brève

voilà
une fraction de seconde il fut ombre et lumière
le corps rien qu'une ombre un éclair la pensée 
saisi dans la surprise
comme l'insecte brûlant à la lampe
 il n'était déjà plus rien

jeudi 11 août 2011

Incertitudes


Voilà
je n'ai pas de fascination particulière pour les images floues. Mais elles savent parfois rendre compte du désordre des sens et de la pensée, de la difficulté aussi de percevoir et d'appréhender la réalité telle qu'elle peut, une fraction de seconde, se manifester dans un espace transitoire : peuplée par exemple de significations cachées et sujette à de multiples interprétations toute plus arbitraires les unes que les autres. Qu'importe la netteté de l'image si la confusion demeure lisible. Ce jour là, en tout cas, à l'exposition de Xavier Lambours, Maison Européenne de le Photographie, une ombre fugitive, m'a dans le jeu ambigu des reflets et des transparences, effleuré, aussi désinvolte que légère, m'invitant à figer en dépit de la faible lumière du lieu, ce trouble rémanent cette vague inquiétude, qui a nom désarroi et donne à toute chose la consistance d'un mirage.

jeudi 4 août 2011

mal


Voilà,
je me souviendrais toujours de cette date comme particulière dans ma vie

mercredi 3 août 2011

La porte ouverte


Ouvrez moi cette porte où je frappe en pleurant
                                     (Guillaume Apollinaire)

mardi 2 août 2011

Danse, danse....



Voilà
Danse danse petit enfant de l'arc-en-ciel, et que toujours la lumière t'accompagne...


lundi 1 août 2011

Ensemble



Voilà
ensemble nous rions de la bêtise de Sanborn et de l'agacement permanent de Chase sa supérieure contrainte de faire équipe avec cet incompétent qui en pince pour elle. Nous les trouvons si drôles, nous retenons leurs répliques et les rejouons parfois après au cours de la journée. Moi, je suis aussi particulièrement ému par Iris, si perspicace, si drôle et gentille dont personne ne semble remarquer la finesse, surtout pas Linus dont elle est secrètement éprise et qui ne voit pas l'attention discrète qu'elle lui porte, mais quand même le plus stupide et le plus hilarant, c'est bien Sanborn

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