samedi 25 février 2023

Dans le vacillement


Voilà
peu de gens lisent ces chroniques. Encore moins parmi eux les comprennent vraiment, du fait qu'ils sont étrangers. Je continue pourtant. Même si persévérer me paraît souvent absurde. Évidemment je pourrais garder tout ça pour moi. Mais sans doute, sans la conscience de m'exposer, sans le souci de l'autre, y accorderais-je moins de soin. Oui, cela prend du temps, mais cette hygiène m'est nécessaire. J'ai vraisemblablement besoin de cet exercice, de cette concentration. Cela me permet en outre de mettre à distance certaines pensées, certaines peurs, certaines angoisses, d'exorciser en quelque sorte. De partager aussi des points de vue, bien que je réalise qu'ils sont assez minoritaires dans le monde tel qu'il se transforme. Cependant il arrive parfois qu'ils suscitent quelque écho. Je me sens moins seul alors. A défaut de m'apaiser cela contribue à me réconforter, un peu. Un tant soit peu.
Je n'ai pas grand chose de positif à proposer, c'est sûr. Je n'ai pas beaucoup de message d'espoir. A moins de considérer que la tentative de donner forme à ce qui de temps à autre me traverse, que résister à la paresse, au laisser-aller, et en témoigner constitue en soi une forme de résistance, de résilience comme on dit aujourd'hui, qui mérite d'être affirmée, et pourquoi pas encouragée. 
J'essaie aussi, avec mes photos, de partager le regard que je porte sur le monde immédiat. Si je ne dis pas tout, je ne montre pas tout, non plus. Parfois, j'ai l'impression de me dé-civiliser malgré moi. Car je ne peux répondre à toutes les aumônes. Car il m'arrive de détourner le regard de la misère. Car je m'habitue à tout ces corps gisant sur l'asphalte. Ils font partie du paysage désormais. Ils sont de plus en plus nombreux à Paris. Autrefois je photographiais la misère. Désormais j'y parviens de moins en moins. Alors je me réfugie dans les paysages anciens, le jeu ds reflets dans les vitrines, les miroirs..
 
 
Tout change si vite. J'ai l'impression que depuis le premier confinement de 2020, tout ne cesse de se dégrader. Mon corps d'abord qui a deux fois attrapé une maladie qui n'existait pas il y a quatre ans. Et puis aussi le fonctionnement général de nos sociétés qui subissent le contrecoup de ce moment qui nous a laissés comme anesthésiés. C'est une sorte de lent vacillement généralisé. Les équilibres mondiaux se transforment. L'époque se fait turbulente. Ici en France, le système de répartition sociale mis en place à la Libération est petit à petit détruit par le Gouvernement en place. C'est la conséquence de l'incompétence d'une gauche qui a depuis longtemps failli à sa mission, et qui ne nous laisse plus le choix qu'entre une droite ultra libérale et l'extrême-droite. 
Même les petites joies en sont ternies. Je ne jubile plus autant à regarder les extraits de matches du Super Rugby Pacific Championship qui reprend aujourd'hui.
Des nouvelles toutefois émerveillent ce qu'il reste d'enfance en moi qui, vers onze douze ans, rêvais d'être astronome. Le télescope spatial James Webb a repéré six énormes galaxies "qui ne pouvaient pas exister". Cette découverte si inattendue pourrait bouleverser les théories actuelles sur l’origine de l’univers. La lumière captée de ces galaxies révèle qu'elles pourraient être âgées de 13 milliards d’années, ce qui signifie qu'elles existaient déjà 500 à 700 millions d’années après le Big Bang. On s’attendait à ne trouver que des petites et jeunes constellations, au lieu d'objets aussi lourds et adultes que notre Voie lactée. Elles abritent des étoiles jusqu’à 100 fois plus lourdes que ce à quoi on s’attendait. Cela contredit presque tous les modèles actuels au sujet de l’univers primitif. Pour expliquer leur existence, les scientifiques devront peut-être revoir certaines règles de base de la cosmologie. 
Étrange animal que l'homme. Il questionne l'origine de l'univers en même temps qu'il saccage son habitat. "L'homme, toujours lui, l'homme à la tête de chiffres et de supputations, sentant la voûte de sa vie d'adulte sans issue , et qui veut se donner un peu d'air, qui veut donner un peu de jeu à ses mouvements étroits, et voulant se dégager, davantage se coince" (Henri Michaux)

vendredi 24 février 2023

Fumée sur l'asphalte

 
Voilà,
j'ai retrouvé cette vieille photo new-yorkaise, prise un matin de février 1988, lors de mon deuxième séjour à Big Apple (oups sorry oversized apple). J'aimais bien ces nuages de fumée sur l'asphalte, dûs la différence thermique entre le sous sol et la surface. C'est une des rares villes dans le monde à posséder depuis 1882 un réseau souterrain de canalisations où circule de la vapeur d'eau. Aussi quand l'air chaud des tuyaux se condense au contact de l'air plus froid à la surface, de la fumée se dégage. J'avais l'impression d'être dans le film "Manhattan" de Woody Allen, que j'ai d'ailleurs revu à la télévision, il y a quelques semaines, avec ma fille.
j'ai lu quelques part que les images qui génèrent plus de questions que de réponses sont celles qui s'impriment le mieux dans la mémoire.  Je ne sais ce qu'il en est de celle-ci. Ce qui devait paraitre quelconque pour un new-yorkais était alors pour moi une source d'étonnement et un vrai dépaysement. C'est dans une semblable atmosphère urbaine, que j'ai assisté à une scène sidérante que j'ai décrite bien des années après, parce que ce jour là je n'avais pas pris d'appareil photo.

jeudi 23 février 2023

Un bien triste anniversaire

Voilà,
il y a un an, aussi improbable que cela puisse paraître je me trouvais dans un congrès de dermatologie pédiatrique à Nantes. Il y a un an les armées russes envahissaient l’Ukraine pour tenter de l'annexer totalement et d'y installer un pouvoir fantoche. La résistance courageuse de ce peuple qui ne veut pas se laisser coloniser force l'admiration. Je ne suis malheureusement pas aussi optimiste que Seth, l'auteur de cette peinture murale. En dépit des grandes déclarations, les démocraties occidentales hésitent à soutenir totalement ce pays. En face, le pouvoir russe, multiplie les provocations. Combien faudra-t-il de charniers, de crimes contre l'humanité pour s'apercevoir que ses dirigeants ne veulent pas la paix, qu'ils ne renonceront jamais à leur projet de reconquête de l'Ukraine, simplement parce qu'ils considèrent que c'est une de leurs provinces ? Poutine l'a dit, il veut élargir ses frontières et il hait le mode de vie occidental et ceux qui veulent l’adopter. Lentement tout se met en place pour un conflit encore plus vaste. 
Il est à craindre que d'ici peu, nous nous apprêtions à vivre ici aussi des temps de grande barbarie, Le tout sur fond de catastrophe climatique et de désastre écologique. Mais après tout, n'est-ce pas déjà le cas dans nombre de pays d'Afrique centrale, du Moyen-Orient, du sous continent indien. 
Tout se passe comme si l'on voulait absolument confirmer les courbes du diagramme de Meadows selon lequel entre autres, la population mondiale devrait décroître à partir de 2030. Et quoi de mieux qu'un ou plusieurs bons massacres ?



Et encore ce diagramme est-il sans doute très optimiste par rapport à la réalité. Il est peu vraisemblable qu’un même jeu d’équations puisse représenter le système réel dans ses deux phases de croissance et décroissance. En ce qui concerne cette dernière, il ne peut produire qu’une grossière approximation, laquelle ne semble réaliste que parce que "ça s’effondre" . Mais la manière dont ça s'effondre n’est qu’illusion. Conçu pour convaincre par son réalisme, le diagramme ne prend pas en compte des possibilités d’évolution beaucoup plus inquiétantes. 
Un système peut ne pas évoluer sur un même  "chemin" selon qu’une "cause extérieure" augmente ou diminue. Ce qui a structuré le système actuel et provoqué sa croissance, ce sont principalement trois choses appelées à disparaître : un environnement sain, (autant qu’il pouvait l’être), un climat stable, (avec ses cycles prévisibles), et la croissance du pétrole. Or  le système, en phase de décroissance, devrait prendre un chemin inédit, impossible à prévoir. Par exemple ces derniers temps, on constate que les rapports du GIEC, n'ont pas suffisamment pris en compte les courbes de rétroaction concernant le climat qui sont des chaînes de réactions qui s'autoalimentent et tendent à s’amplifier. Le problème, c’est qu’à l’heure actuelle, plusieurs des boucles qui commencent à se former aggravent la crise climatique. En outre selon Graham Turner "ces rétroactions dépendent de la présence d’effets retards dans les signaux entre une partie du système mondial et une autre. Par exemple, les effets de l’augmentation des niveaux de pollution sur l’espérance de vie humaine ou la production agricole peuvent ne pas être identifiés pendant plusieurs décennies après l’émission de la pollution". C'est ainsi le cas  des épaves des deux guerres mondiales pleines de carburants fossiles de munitions ou de cargaisons dangereuses qui gisent au fond de nos mers. La masse de ces déchets et leur impact environnemental à venir sont effrayants. A titre d'exemple, trouvé dans "l'atlas de la France toxique", un excellent livre à offrir, cent mille grenades et munitions chimiques et 800tonnes de munitions à problèmes ont été immergées dans le golfe de Gascogne entre 1954 et 1972 pour s'en débarrasser, et au large de Saint-Raphael reposent des bombes au gaz moutarde et à l'arsenic déposées là par l'US navy en 1946. Et je ne parle que de ce que je connais, hein ! le monde est vaste. là aussi il va y en avoir de la rétroaction.
Le diagramme ne tient pas non plus compte de la nature du système financier capitaliste. Celui-ci repose entièrement sur l'exploitation des énergies fossiles. Ainsi les grandes banques européennes ont accumulé 532 milliards d’euros d’actifs liés aux énergies fossiles — soit l’équivalent de 95% du total de leurs fonds propres –. Elles seraient en difficulté en cas de chute rapide de la valeur de ces actifs. Cette situation induit une paralysie du secteur bancaire. Elle limite sa capacité à contribuer au financement de la transition écologique, en même temps qu'elle augmente le risque d’un effet boule de neige dégénérant en crise financière. 
J'en reviens à cette guerre. Elle rajoute du chaos au chaos. La réalité va probablement s'écarter de plus en plus du modèle de Meadows, à la faveur d'autres crises retentissantes dont on ignore encore toutes les formes qu'elles peuvent prendre.
 
Oui j'aimerais vraiment (comme il me l'a été conseillé au bas de la publication d'hier) croire qu'un don unique, m'a été dédié par l'univers et que le peu de force dont je dispose vient de la conscience de mes limites. Mais malheureusement, je ne suis pas trop équipé pour "croire". Je pourrais aussi adopter l'attitude de l'ex-reine d'Angleterre "never explain, never complain". Bof ! Si je n'étais pas si reclus, et misanthrope, j'opterais plutôt pour la proposition de Cioran : "Les esprits lucides pour donner un caractère officiel à leur lassitude et l'imposer aux autres, devraient se constituer en une Ligue de la déception. Ainsi réussiraient ils, peut-être, à atténuer la pression de l'histoire, à rendre l'avenir facultatif."
Cioran qui a aussi écrit "l'homme sécrète du désastre".
Allez, il est temps d'aller se coucher. 
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mercredi 22 février 2023

Premières nouvelles du jour

Voilà  
je me réveille. D'abord je pense que ça fait longtemps que je ne suis pas allé voir le magasin d'Agathe. Puis j'allume la radio. On me parle des bombardements de Bakhmout, des gens qui fuient avec leur chat, du président américain en tournée dans les capitales européennes liées à l’OTAN, de Poutine qui dénonce les accords contre la limitation des ogives nucléaires, du nombre croissant de fermetures des classes en France et de projet de grève générale prévu début mars dans ce pays, des missiles balistiques intercontinentaux et à moyenne portée qui ont, à titre d’exercices, été tirés depuis la Corée du Nord et sont tombés dans la zone économique exclusive japonaise. On me rappelle ensuite que des manœuvres conjointes entre les américains et la Corée du sud vont avoir lieu prochainement. On m'informe que la rédaction du journal du matin est partie à Kiev pour le premier anniversaire de l’invasion russe et que c'est pour ça que c'est une autre voix qui parle. Tiens aujourd'hui on ne me dit rien de la Chine ni de l'Iran ni du radicalisme islamique qui se répand en Afrique. Cooool ! 
Je passe à une chaîne musicale. 
Je scrolle sur ton smartphone (il y a vingt ans, qui aurait imaginé écrire une telle parenthèse ?). Je lis que les câbles transcontinentaux sont l’objet d’un bras de fer entre les USA et la Chine (ah quand même !), que la sécheresse se répand sur le sud de l’Europe. Des photos sidérantes de canaux asséchés à Venise apparaissent. Des chiffres aussi (jamais depuis 1959, il n’y eut plus de trente jours sans pluie consécutifs sur cette période). Des questions surgissent "nous dirigeons nous vers une inexorable extinction des masses ?" . Whoaw c’est trop l’éclate !!!!
Tant de signes convergeant vers un chaos généralisé. 
Alors je cherche les bonnes nouvelles. 
Il existe précisément un journal des bonnes nouvelles que me propose l’ami Google. Je peux y découvrir la recette des pilons de poulet au four à l’orange et à l’abricot, mais aussi l’interview exclusive d’une "autrice féérique remplie d’amour", un article sur la signification des heures miroirs, un autre sur la prière à St Expedit (je ne le connaissais pas celui-là) qui permet d'accélérer les dénouements. Pourvu que ce ne soit pas le saint favori de Poutine
Je trouve quand même trois bonnes nouvelles majeures. Oui, des décisions en faveur d’un monde bas-carbone ont été prises ces dernières semaines. Au sein de l'Union européenne, la fin des voitures thermiques en 2035 a été confirmée. En Australie, un nouveau projet de mine de charbon a été banni. En Colombie, c'est l'exploitation de nouveaux gisements pétroliers et gaziers qui va être interdite. Ne serait-ce pas pécher par optimisme (un péché auquel je cède pourtant rarement) que d'y croire ? J'ai quand même aussi lu ceci il y a quelques jours. Mais bon ! Soyons pécheurs, il nous sera beaucoup pardonné.
 
Puis sans les chercher —  Miracle de la sérendipité ⸮je retrouve de vieilles notes collectées sur mon téléphone. Vieille manie sur un outil moderne. Autrefois j'aurais découpé des articles de presse. Je crois que Francis Bacon en faisait autant avec des photos.
  • La mere de Kurt Vonnegut s’est suicidée le jour de la fête des mères
  • Le billet de 500 francs brulé par Gainsbourg à la télévision a été adjugé pour 5000 euros dans une vente chez Sotheby’s
  • Pour fabriquer le stuc nécessaire à la décoration, les Mayas déboisèrent afin de pouvoir trouver l’énergie indispensable a la fabrication dudit stuc. Les sols appauvris ne donnèrent plus. Des villes furent abandonnées.
  • Vincent d’Indy, le musicien est mort de typhoïde après avoir mangé un sorbet avarié (c’est vraiment ballot ça)
  • Dans le manuscrit d’un fort prétentieux roman policier je découvre que le manège du Luxembourg que j’ai souvent photographié fut inauguré en 1879 et qu’il fut construit sur les plans de Charles Garnier quatre ans après que l’architecte eut achevé l’Opéra. 
J’y retrouve cette citation de Heinz Wiezman que j'aime assez : "Écrire c’est aller vers l’inconnu avec les moyens de la connaissance" et cette autre de Durkheim : "Est chose, tout objet de connaissance qui n’est pas naturellement compénétrable à notre intelligence, tout ce dont nous ne pouvons nous faire une idée adéquate par un simple procédé d’analyse mentale, tout ce que l’esprit ne peut arriver à comprendre qu’à condition de sortir de lui-même, par voie d’observation et d’expérimentation."
 Heidegger quant à lui répond à la question : qu'est-ce qu'une chose ? : de la façon suivante Une chose est toujours un « chaque fois ceci »". En outre cette chose qui est, présente, à partir de son monde, qui montre non seulement un contour familier et reconnaissable, mais possède aussi une profondeur interne, une autonomie, Heidegger la caractérise comme un "se tenir en soi-même".
Est ce que s'écrier c'est revenir vers le connu sans autre recours que l'ignorance
 
 
 
Je retourne vers mes envers. S'y dessine un monde ravagé mais fluide cependant. Un homme fatigué abruti devant un écran qui diffuse de programmes d'information ininterrompue continue de s'y interroger.
"Mais qu'est-ce donc vraiment qu'une chose ? "

mardi 21 février 2023

Papillons


Voilà,
il paraît que les papillons disparaissent. La perte d'habitats liée à l'artificialisation des territoires, l'agriculture intensive et les effets du  ( et canicules en particulier) en sont la cause. En France, en à peine vingt ans, plusieurs dizaines d'espèces ont déserté des régions telles que l'Île-de-France, les Hauts-de-France, la Normandie, la Bretagne, les Pays de la Loire et dans une moindre mesure le Centre-Val de Loire et le Grand Est. Pour certains de ces départements, 30 espèces n'ont pas été revues depuis 2000. Cela représente plus de 50 % des espèces de papillons de jour qui leur étaient connues. Sur les 301 espèces de papillons de jour de France métropolitaine, 2 espèces sur 3 ont disparu d’au moins un département qu’elles occupaient au siècle dernier. Il paraît que la Grande-Bretagne est encore plus avancée dans ce processus de disparition.
Le déclin chez les insectes — on ne s'en rend pas assez compte — dépasse en ampleur toutes les crises que nous avons connues. "C'est toute la qui est impactée, et donc notre survie", constatent nombre de scientifiques.
Je me suis souvenu de ce papillon photographié au jardin des plantes en Octobre 2021.

lundi 20 février 2023

Mimosas

Voilà
les menus plaisirs de la vie ordinaire. Les rites domestiques : aller au marché Edgar Quinet le samedi matin par exemple. Les joies simples liées au cycle des saisons. Le retour de la lumière et du ciel bleu, même s’il fait encore froid. Les jours rallongent. S'étonner encore et toujours de l'incongruité de cette tour et s'émerveiller en même temps de l’apparition des mimosas comme une promesse de printemps sur les étals.


De semblables circonstances remontent du tréfonds de la mémoire. J'ignorais alors que ces moments anodins demeureraient aussi présents bien des années plus tard. Je crois qu'il existe un poème de Rilke évoquant ce genre de sensation. Ou c'est peut-être quelqu'un d'autre. Des visages de ma jeunesse, dont certains trop tôt disparus n’ont pas connu les flétrissures de l’âge, passent furtivement dans la transparence du jour. Nos frayeurs étaient différentes, alors. Elles tenaient en quatre lettres. La menace toujours planait sur le désir. Autre chose maintenant avance à bas-bruit, qu'on perçoit confusément sans trop vraiment comprendre. Et puis l'odeur et la couleur des mimosas, chasse un temps les mauvaises pensées. Pas au point toutefois que j'en vienne à éprouver ce que le japonais nomme Seijaku, la sérénité au milieu du chaos.

dimanche 19 février 2023

Deux fresques de Boticelli

Voilà,
Je suis allé au Musée du Louvre, vendredi dernier, profitant du fait qu'il soit ouvert dans la soirée ce jour là. Malheureusement ce genre d’excursion au milieu des grandes œuvres du passé ne m’apaise plus autant qu’autrefois. Ces derniers temps le tropisme suicidaire de l’espèce humaine si manifeste me plonge dans une profonde dépression. Même la beauté ne remplit plus sa fonction de talisman.
Deux fresques dont je ne me souvenais pas, ont toutefois particulièrement retenu mon attention. Elles furent découvertes en 1873, sous un badigeon, au premier étage de la villa Lemmi, une propriété des environs de Florence qui avait appartenu entre 1469 et 1541 à la famille Tornabuoni, alliée aux Médicis. Botticelli a pu recevoir la commande de ce décor à l'occasion des noces d'un membre de cette influente dynastie florentine. L'identification des différents personnages et l'interprétation des scènes sont loin d'être aisées. Peut-être faut-il reconnaître dans les deux jeunes gens figurés respectivement sur l'une et l'autre fresque Nanna di Niccolo Tornabuoni et Matteo di Andrea Albizzi, mariés en 1484.


Sur la première composition, Venus escortée des trois Grâces, dépose un présent dans le linge que lui tend la jeune fiancée.
 
 
 
Sur la seconde, le jeune homme est présenté par Vénus (ou Minerve) au sept arts libéraux, identifiables pour certains à leurs attributs. Cette exaltation de Vénus, mère et maîtresse des arts, et donc du savoir, s'accorderait avec les idées humanistes qui circulaient à l'époque dans le cercle de Laurent de Médicis dit le Magnifique.

samedi 18 février 2023

Mauvais film

 
Voilà,
franchement ces jours-ci, j'ai un sérieux coup de blues. J’aimerais pouvoir mettre un peu de distance, mais j’en suis incapable. Tout m’afflige et je suis en train de perdre pied. le matin je n'ai même plus envie de sortir de mon lit.
J'aimerais bien avoir l'inconscience de mes vingt ans. Me prendre un petit acide à la campagne, histoire d'avoir des extases mystiques, de faire un avec le cosmos, de me sentir dans un état sans mesure, traversé d'ondes, de particules ou bien feuille, lichen, poussière d'étoile, parler avec la fourmi, voyager dans l'écorce, me connecter aux racines, accepter l'étreinte de spectres bienveillants communier avec le grand-tout et autres foutaises comme ça. Mais à vingt ans mon inconscient était moins chargé. 
J'avais certes un bon petit bagage, amassé dans mon enfance algérienne qui ne m'incitait pas trop à l'optimisme concernant la nature humaine, mais tout de même, j'avais l'âge des illusions, et encore biens des fraîcheurs en moi qui rendaient solubles les angoisses. Je lisais de la poésie, les coïncidences me semblaient des énigmes à déchiffrer. Je croyais au mystère, aux connexions secrètes, à l'amour et aux forces de l'esprit comme disait Tonton. 
Les années ont passé en même temps que le monde s'est enlaidi, rétréci, et moi avec. Non seulement j'approche du bord, le sol devient friable, mais de plus en plus d'amis, de connaissances meurent. Question sérénité je ne suis pas au mieux. L'impression d'être sur une liste d'attente.
Non, peut-être que prendre un trip, à la réflexion, ne serait pas vraiment une bonne idée. Ou alors il faudrait qu'il soit très bon, pas speedé, avec une gentille doctoresse pour me tenir la main ou plus si affinités. Ou même à la rigueur une infirmière. Mais je crois qu'elles ont autre chose à foutre les doctoresses et les infirmières que de s'occuper de moi. C'est pas trop la fête pour elles non plus ces derniers temps. 
Et puis il y a toutes les choses que je ne peux pas ignorer, parce qu'elles sont là, elles sont là quoi ! Faut vraiment y mettre beaucoup de volonté pour pas les voir. La nuit, je me fais des mauvais films. Je rêve de choses effrayantes. On me poursuit dans des villes ravagées. Ils font comment les gens pour être bien dans leur tête ?  Pour ne pas y penser : feux de forêts et sécheresse au Chili, nappes phréatiques pas rechargées en France, tremblement de terre en Turquie et en Syrie, secours qui ne peuvent accéder à certaines zones, malhonnêteté des promoteurs et la corruption du régime d'Erdogan révélées par l’ampleur du désastre, histoires de ballons-espions chinois collectant des informations sur les sites sensibles américains, lâcheté des puissances occidentales ne soutenant l'Ukraine qu'en paroles, agissements des multinationales absolument pas à la hauteur des plans qu’elles annoncent pour réduire leur empreinte carbone, vents violents et abondantes précipitations sur l’île du Nord de la Nouvelle-Zélande, l'idée de plus en plus répandue à Taïwan que la paix ne va pas durer longtemps, fort regain de climato-scepticisme sur les comptes français du réseau Twitter, troubles dépressifs en France pour un jeune sur cinq, manque de munitions en Ukraine alors que se profile une nouvelle offensive russe, pollution aux particules fines sur l’ensemble du territoire française, subventions de mille milliards accordées en 2022 par les États aux énergies les plus créatrices de gaz à effet de serre, soit le double de l'année précédente, déraillement à East Palestine, Ohio, d’un train transportant des produits toxiques, population inquiète des conséquences sanitaires de l'accident, annexion de territoires en Palestine par les colons israéliens avec neuf nouvelles colonies, répression en Iran qui continue et s'intensifie, record de fonte battu pour la deuxième année consécutive en Antarctique, "exode d’ampleur biblique" selon ses propres termes, prévu par l'ONU en raison de la montée des eaux dans les prochaines décennies, centrales nucléaires obsolètes et toujours en service et puis tout ce qu’on oublie d’évoquer car c’est sorti de l’actualité : les massacres impunis, les tyrans relégitimés à l’ère des mensonges exponentiels au nom de la real- politik…
Comme si ce n'était pas suffisamment le bousin sur terre, on s'aperçoit qu'autour de la planète c'est un peu dégueulasse aussi. Bien sûr il y a des gens qui essaient de trouver des solutions, du moins des aménagements. Steve Wozniak, par exemple. Le cofondateur d'Apple a créé une entreprise nommée Privateer. Son principal objectif est de proposer la prise en charge des centaines de milliers de déchets spatiaux en orbite autour de la Terre. Dans un premier temps, il s'agit de cartographier ce chaos qui tourne au-dessus de nos têtes, afin de rendre l'orbite terrestre basse plus cohérente et mieux exploitable.
L’aérodynamicien Moriba Jah, appelé à diriger cet ambitieux projet, a précédemment travaillé comme navigateur de vaisseau spatial au Jet Propulsion Laboratory de la NASA, ainsi que sur un certain nombre de projets d’exploration de Mars, notamment la mission Mars Reconnaissance Orbiter ainsi que sur le Mars Exploration Rovers, qui a envoyé Spirit et Opportunity sur la planète rouge. Expert dans la gestion des déchets spatiaux, il est en outre très engagé dans son domaine. Il compte au nombre de ceux qui, depuis longtemps exhortent l’humanité à veiller à la sûreté, la sécurité et la durabilité de l’exploitation de notre orbite afin de de laisser aux générations futures un ciel aussi propre que possible. L'entreprise dispose d'ores et déjà d'un impressionnant outil Wayfinder déjà en ligne qui permet de visualiser l'ampleur du problème. Soixante-cinq années, durant lesquelles au passage la population terrestre a doublé ont suffi pour en arriver là. D'une certaine façon c'est terrifiant. Quelque chose va bien finir par nous tomber sur la tronche.
On ne fera pas long-feu, c'est sûr. On ne battra pas le record de longévité des dinosaures c'est probable. Pour mémoire, les premiers hominidés sont apparus il y a neuf millions d'années, les dinosaures ont occupé la planète 170 millions d'années. 
A-t-on inventé des dieux pour à la fois se consoler et se punir d’être aussi cons ? L’humanité aurait du s’éteindre il y a 35 000 ans, à l’époque de l’art pariétal ça nous aurait évité l’affligeant spectacle de notre prétendue évolution. Si l’apothéose de l’espèce est, après tant de ravages écologiques et de massacres à grande échelle de se voir gouvernés par tous les pitres séniles et mégalomanes qui ces temps-ci décident plus ou moins de notre sort, alors mieux vaut-il peut-être en finir tout de suite et faire sauter toutes ces bombes fabriquées et entassées au cours de ces soixante-dix dernières années. Parce que tout de même l’objectif plus ou moins avoué c’est bien ça non ? Le suicide collectif comme rançon de l’hubris. 
Mais bon, les choses arrivent souvent autrement qu'on les imagine. Il est possible que le chaos prenne une forme singulière qu'on n'aura pas supposée. Quoi qu'il en soit, au milieu de tant d'anomalies, de dysfonctionnements, submergé par la conscience de tout ce qui nous menace, je ne peux avancer qu'abasourdi, c'est à dire littéralement saisi par l'absurdité de l'état présent du monde et des choses. Car l'homme a tout sali. Pas simplement son espace vital, mais aussi la mémoire de ses plus belles réalisations. Des reproductions d'œuvres d'art, des erzatz de musique autrefois composées servent désormais à vendre tout un tas de saloperies qu'on nous enjoint de consommer. Même les noms propres sont détournés. Picasso est un nom de bagnole, Wagner désigne une entreprise de mercenaires sanguinaires. Quand je pense que l’ouverture de Tannhauser qui illustrait l’arrivée de la nuit au planétarium du Palais de la Découverte fut mon sésame pour la musique classique… Well well…
Abasourdi oui pas mieux. Mais qu’importe. Dans ce chaos croissant qu'est devenu le monde contemporain le malaise de quelques européens vaguement tourmentés du XXI ème siècle, leur secrète inquiétude de ne pouvoir jouir plus longtemps de tant de futiles agréments – comme par exemple celui de la plainte –  offre juste le pitoyable spectacle d'une peu glorieuse tragédie virant la plupart du temps à la farce.

vendredi 17 février 2023

Un cadre mélancolique

Voilà,
c'est assez mystérieux la raison pour laquelle on saisit une photo au vol comme ça. Qu'ai-je vu exactement ce jour là, dans la grisaille de l'automne ? L'homme pressé ? l'oblique de la rampe et l'ellipse du trottoir ? L'impasse ? Je me souviens en tout cas que je n'étais pas particulièrement triste, mais que j'ai tout de suite eu conscience que ce cadre pouvait suggérer quelque chose d'infiniment mélancolique. C'est un étrange paysage que cette section rénovée de la rue de la mare. Je me souviens l'avoir empruntée pour me rendre de la librairie "l'Atelier" à la librairie "Le Monte en l'air"

mercredi 15 février 2023

En apparence

Voilà 

tout semble normal. Dans les rues, les transports en commun. Il y a même des femmes qui tricotent dans l’autobus. Des gens vont transpirer à la salle de sport, achètent dans les magasins. Ils boivent des verres dans les cafés. Quand ils sont seuls ils tapotent ou scrollent sur leur smartphone. Ils travaillent dans des bureaux. Commandent des repas rapides à la pause de midi que des cyclistes avec des glacières sur le dos déposent à la réception. On ne les voyait pas ces cyclistes bizarrement accoutrés, il y a, disons seulement cinq ans. Des artistes passent des coups de fil envoient des mails font des relance pour donner quelque visibilité à leur projet, des cadres suent sang et eau pour préparer une présentation. Des hauts fonctionnaires rédigent des rapports qui ne seront jamais lus, des sportifs passent des heures à soulever de la fonte afin d'être prêts pour une échéance importante. Les jours rallongent. La lumière change. L’anticyclone persiste. On craint une sécheresse pour les mois à venir. On prévoit déjà un été caniculaire. Les températures deviennent plus clémentes. Sur le bitume, encore longues, les ombres de l’hiver. Les nouvelles de l'Est ne sont pas bonnes mais ici tout semble encore normal. En apparence.

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dimanche 12 février 2023

Jardin d'hiver



 
Voilà
quelques années j'avais publié une photo de la Tour aux figures qui se trouve sur l'île Saint Germain à Issy-les-Moulineaux. Le centre Georges Pompidou expose cette maison-sculpture, intitulée "le jardin d'hiver" conçue par Georges Dubuffet. Voici ce qu'en dit Sophie Duplaix, sur le site internet du Musée : Si le jeu de construction énigmatique et hautement mental de « L’Hourloupe » rendait toute surface instable et résistante à la fixité du regard, tant les circonvolutions des tracés et le traitement des zones sobrement colorées faisaient danser la toile, il restait à prouver que ce système pouvait aussi bien fonctionner en volume. Aussi, dès 1966, naît la tridimensionnalité, avec des sculptures, puis des projets d’édifices, dont plusieurs prendront corps. Le Jardin d’hiver (Fasc. XXIV, n° 100) est, comme beaucoup de ces tentatives, né d’une maquette en polystyrène peint au vinyle, de laquelle a été tirée une autre en époxy peint au polyuréthane (toutes deux datées du 16 août 1968). L’agrandissement a été réalisé de juin 1969 à août 1970. Dans ce « jardin », où il n’est en rien question de nature et qui s’apparente plutôt à une grotte, à une caverne, le décor se résume à de simples tracés noirs sur fond blanc. Mais l’entreprise est complexe : le sol et les parois sont bosselés, cabossés, et les dénivellations ou accidents sont tantôt soulignés, tantôt contredits par les tracés. Par-delà la leçon donnée à l’œil, c’est une remise en question de la perception toute entière que proposent ces architectures méditatives. 

mercredi 8 février 2023

D'obscurs visages

  
Voilà,
en fait, les images n'ont d'autre fonction que d'apparaître. Il m’arrive d’en composer en agençant des fragments que je transforme. Je les regarde émerger avec autant d’étonnements que de curiosité. Elles m'inspirent toutes sortes de réflexions, pas toujours en relation avec ce qu’elles représentent ou suggèrent. Ainsi, cet après-midi j’ai songé au fait que nous étions particulièrement conditionnés par notre environnement. Ainsi, je me sens parfois très étranger à l'idée que les autres ont de moi autant qu'à l'idée que j'ai pu, en d'autres temps, quand j'étais autre que je ne le suis maintenant, me faire à mon sujet. Je me perçois moins comme une identité que comme un jeu de formes qui ne cessent de se modifier. Cette image, dans sa confusion et ses enchevêtrements, peut donc constituer une sorte d'autoportrait. Je m'y laisse vaguement deviner sans pour autant y être.

lundi 6 février 2023

Bar du 104

 
Voilà,
nous ne nous étions pas vus depuis longtemps. Était-ce la mort récente au cœur de l'été d'une relation commune qui nous a incités à nous recroiser ? Ce fut un déjeuner sympathique. Je regardais cet homme qui avait influencé le cours de ma vie, avec amitié mais en même temps je constatais qu'en dépit des années et de l'inévitable altération physique, il ne changeait pas. Il avait toujours autant de projets personnels de films et de spectacles qui jamais n'aboutiraient, mais en parler semblait lui faire du bien. Des années que cela durait. Toutefois il continuait de vivre confortablement en poursuivant sa carrière "d'acteur de second rôle" dans des films de cinéma ou de télévision plus ou moins prestigieux qui, outre de confortables revenus, lui assuraient reconnaissance et visibilité non seulement dans sa profession mais auprès du public. pour ma part, ça m'aurait suffi.
 Sans enfant, d'ailleurs au passage il me fit remarquer — comme il l'avait déjà fait vingt ans auparavant lorsque j'étais devenu tardivement père — que j'avais fini par "y passer" selon son expression non dénuée d'un fond d'ironie, il ne s'est jamais occupé que de lui-même, de son confort de son bien-être. Il est très représentatif de cette génération de baby-boomers narcissiques et hédonistes dont la vie à coïncidé avec les soixante dix années de paix relative qui (à l'exception de l'Irlande du nord, et plus tard de la Yougosavie) se sont écoulées en Europe occidentale. Même si c'est l'un des êtres les plus égoïstes que je connais, je ne peux m'empêcher de l'aimer bien, sans doute en raison des quelques aventures artistiques et professionnelles que nous avons vécues ensemble, et aussi de ce séjour à Manille en 1989, lorsque nous étions allés travailler au centre Culturel Philippin. J'avais alors la moitié de l'âge que j'ai maintenant. Et puis quand même, je lui dois mes premiers cachets de comédien.
Vers trente ans, il avait réalisé un merveilleux spectacle auquel j'avais eu la joie de participer. Le tout-Paris artistique était alors à ses pieds qu'il s'est ensuite pris dans le tapis, car il voulait faire à la fois, l'acteur au cinéma, et aussi la mise en scène de spectacles coûteux, nécessitant une grande mobilisation, et de soutiens dont il ne pouvait disposer. Bref il a finalement préféré faire l'acteur, où l'on est choyé, bien payé, et a continué de nourrir des rêves irréalisables. Et puis peut-être appartient-il à cette catégorie de gens qui trouvent plus de jouissance à dire "non" plutôt que "oui".
 Dans ce restaurant, il parlait, il parlait... particulièrement de ce nouveau projet qu'il avait en tête. Une adaptation absolument improbable au regard du budget que cela nécessite en ces temps de pénurie et d'incertitude, d'une pièce de Shakespeare rarement montée. Je le regardais, un peu médusé par ce flot de paroles (la concision n'a jamais été son fort), et ce débit frénétique qui l'avaient toujours caractérisé. Était-ce pour lui, une façon de tenir la mort à distance, de nier la vieillesse ? me demandais-je en regrettant ce que j'avais choisi sur la carte.  Mahlneid est le mot allemand qui exprime ce sentiment de convoitise pour le plat commandé par votre voisin de table au restaurant.

dimanche 5 février 2023

Montreuilloise


Voilà,
quelques mètres plus loin, une peinture murale fait l'éloge de la diversité en honorant les femmes de Montreuil. Quelques indications sur Montreuil pour mes lecteurs étrangers. Cette curieuse commune de banlieue est la plus grande ville Malienne, et celle où l'on trouve aussi une forte concentration d'artistes plus ou moins fortunés. Bref, une population de bourgeois bohèmes et de familles originaires d'Afrique noire et d'Afrique du nord, qui se côtoient jusqu'à présent en bonne intelligence semble-t-il.
Depuis une vingtaine d'années, la commune s'est considérablement gentrifiée et une vie culturelle très foisonnante s'y est développé. Elle dispose de nombreux petit théâtres et d'un centre dramatique national, d'un complexe de salles de cinéma très peu chères avec une programmation de qualité. On y trouve en outre quelques galeries d'avant-garde et de nombreux cafés et restaurants sympathiques. C'est un peu, pour Paris, ce que Brooklyn est à présent à New-York.

samedi 4 février 2023

Dormir pour oublier (31)

 
 
Voilà
bien sûr l'image parle d'elle-même, la tente, le sac de couchage à côté, avec un homme dedans qui pourrait tout aussi bien être un cadavre, la poubelle... Tout ça dans un même cadre, comme des poches où tout est réduit à l'état de chose, de rebut. Ce n'est pas cynisme de ma part, c'est juste un constat objectif de ce que nous inflige l'époque. Je ne me fais pas d'illusion. Ce billet suscitera peu de réactions. Mais tout de même, on nous parle de progrès, d'intelligence artificielle, de retarder l'âge de la retraite en raison de l'allongement de l'espérance de vie, de sobriété heureuse et consentie, de mobilité du futur, et ce que l'on voit dans les rues de la plupart des grandes villes occidentales ressemble à ce que photographiait Jack London dans le East End de Londres en 1902 et qu'il a décrit dans son livre "Le Peuple de l'Abîme". À Paris cela ne cesse d'empirer.
je ne peux que citer intégralement cet article de Laurent Greilsamer, publié en 2014 dans le journal le 1hebdo, mais qui demeure d'une consternante actualité : "C’est une tente très légère, idéale pour partir camper. On la glisse dans son sac à dos et le soir, après la randonnée, on la ­déplie derrière un rideau d’arbres. Un simple bout de toile, arceaux flexibles intégrés, montage instantané, comme le café. Poids plume, prix modeste. Longtemps, elle a représenté la ­liberté. Son nom exotique, Quechua, faisait rêver.  Et puis ces tentes ont quitté la montagne, déserté les vallées pour gagner les villes. Conçues pour être dressées sur l’herbe ou le sable, elles ont migré sur le bitume. Terminus, tout le monde descend ! Elles invitaient au voyage, les voilà comme échouées. On ne voit qu’elles alors qu’on aimerait tellement ne pas les voir. Leur discrétion est devenue ostensible. Une marque de misère, d’abandon et de régression. Car nous savons bien que sous les tentes, il y a des hommes. Un peuple de sans-dents, de gueux modernes campe sous nos fenêtres, et nous ne savons que faire. Ils survivent dans de micro-bidonvilles mobiles sous les arches du métro aérien, sous les ponts. Ils veillent en somnambules au pied de nos immeubles. La puissance publique laisse faire. La puissance est impuissante. Elle veut faire croire qu’elle garantit les libertés. La liberté de stagner. La liberté de crever comme un réfugié sans refuge." 
Je rappelle au passage cette promesse de Macron, qui ose tout, au point qu'on se demande s'il est juste un peu con ou si vraiment il se fout ouvertement de notre gueule. Ça date de Juillet 2017. "Plus de SDF avant la fin de l'année, c'est une question de dignité". 
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jeudi 2 février 2023

Tout juste un an (et aussi cinquante)

Voilà,
Sur l'invitation de l'amie Christine, j'étais venu faire une lecture dans un lieu culturel qui venait d'ouvrir dans ce village landais. Il ne faisait pas très beau ce jour-là, mais j'étais content d'être venu. J'aime beaucoup l'ambiance des stations balnéaires l'hiver. Surtout dans cette région où j'ai passé mes plus belles années d'enfance.
Sur la route Christine m'avait fait découvrir cette merveilleuse chapelle non loin d'Ychoux, et ensuite m'avait baladé dans ce territoire auquel elle est attachée, où se trouvent ses racines. Plus tard, en début de soirée Pierre, dont j'envie la bonhomie, le talent de conteur et le perpétuel optimisme, m'avait fait la surprise de passer (le secret avait été bien gardé) et cela m'avait fait immensément plaisir. Nous avons commencé à faire du théâtre ensemble dans la même troupe quand nous avions vingt ans. Nous nous voyons de temps à autre, mais trop rarement...
C'était il y a tout juste un an. Cela me semble pourtant si loin. Sans doute à cause de tous ces événements majeurs advenus ces douze derniers mois : l'invasion de l'Ukraine, les canicules, les grands incendies liés à la sécheresse et à l'imprévoyance des hommes. Le chaos en Centrafrique, la décadence de l'empire américain qui glisse vers une théocratie néofasciste, la montée des extrémisme un peu partout, ici aussi en France, la Chine belliciste... comme si tous les voyants passaient au rouge....
 
Et puis je ne sais pas ce qu'il se passe en moi. 
Ma relation au temps se transforme depuis peu. J'ai décidé de ne plus faire que ce qui m'intéresse et de ne pas perdre mon énergie à des activités qui m'ennuient ou me semblent dénuées d'intérêt. Je ne veux plus en faire qu'à ma tête. Je supporte de moins en moins les contraintes, les emplois du temps. J'ai besoin de grasse matinée, de plaisir d'amitié de chaleur, d'échanges qui élèvent, d'humour d'étonnements et de relations stimulantes. Je replonge dans la lecture et l'observation d'images. Je constate aussi que la communication contemporaine, me gonfle. J'ai l'impression de vivre dans un monde d'injonctions permanentes, dont il m'arrive pourtant de me rendre complice. Et j'ai de plus en plus de mal à gérer ces contradictions.
P.S.
Je viens de réaliser qu'il y a cinquante ans, jour pour jour, j'ai fait une rencontre qui a radicalement changé le cours de ma vie. Je me souviens que les températures du mois de février avait été très douces cette année là.

mercredi 1 février 2023

Apnée

 
Voilà 
ces derniers mois, j'ai beaucoup regardé un spectacle en train de se fabriquer. J’ai fait ce qu’on appelle « l’œil extérieur », métaphore qui m’a inspiré cette image dont je suis plutôt content. Mon rôle était de soumettre aux comédiennes qui l'ont conçu collectivement à partir de la proposition de l'une d'entre elles, quelques recommandations de jeu, parfois des suggestions de mise en place, de transitions d'une scène à l'autre. J'y ai pris beaucoup de plaisir parce que les actrices sont talentueuses, le texte d'une rare qualité, le sujet très puissant, et que les artistes qui ont contribué à la lumière, à la scénographie et au son offrent à cette réalisation un fort bel écrin.
Bref, je trouve que ça vaut vraiment le détour, et je recommande à mes lecteurs de la région parisienne de s'y rendre toute affaire cessante. Pour ceux qui viendraient aux six premières représentations je peux même proposer quelques astuces pour obtenir une réduction (il suffit de me joindre par le formulaire de contact sur ma page).

Apnée
Docu-fiction théâtral de Sophie Torresi


Du 5 au 28 février 2023, dimanche lundi mardi à 19h 

Les Déchargeurs 
3 rue des déchargeurs 75001 Paris - M° Châtelet 

Du 1er au 4 mars 2023 à 19h

La Reine Blanche 
2bis passage Ruelle 75018 Paris - M° La Chapelle

 
Réservation sans frais par tél au 01 40 05 06 96 ou par mail 
(avt 17h pour le soir même, et au plus tard la veille pour le samedi) - 
Réservation sur le site (possible jusqu'au dernier moment, 2€ de frais en sus)

Durée du spectacle 1 heure 

 

 

Présentation

La mère mange des pâtes avec Lucas, son fils de 14 ans, quand le pneumologue de l’enfant appelle. C’est l’histoire d’un coup de téléphone qui fait basculer l’existence. 
À qui appartient la maladie ? Qui a raison ? Qui a tort ? Qui décide ?
Porté par une mise en scène chorale, Apnée questionne la responsabilité de parent, la relation médecin /​patient, et le rapport du citoyen à l’institution.

Mentions
Texte : Sophie Torresi - Mise en scène et interprétation : Domitille Bioret, Violaine de Carné, Madeleine Mainier, Isabelle Saudubray et Sophie Torresi - Regard extérieur : Arnaud Carbonnier - Création sonore : Didier Léglise - Création lumière : Véronique Hemberger – Scénographie Alain Burkarth

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