jeudi 31 octobre 2019

Squelettes et Citrouilles


Voilà,
Halloween n’est arrivé en France qu’en 1997, promu part les entreprises américaines comme Disneyland, Coca-Cola, McDonald’s qui l'ont présenté comme une vieille tradition celte, venue de Gaule, pour dissimuler une opération marketing et augmenter les ventes du mois d'Octobre. Mais s'il est avéré qu'en France, les confiseurs enregistrent une hausse de 30 % des ventes en octobre, l'engouement n’est pas le même qu’aux Etats-Unis, car Halloween n’est pas enracinée dans la culture française, même si de la fin du Moyen-Age, jusqu'au début du XXéme siècle, les petits bretons, notamment du Finistère, creusaient les betteraves pour leur donner une allure inquiétante à cette époque de l'année, pratique qui existe parait-il, encore sous le nom de nuit des betteraves grimaçantes (Rommelbootzen) mais cette fois-ci en Moselle. 
Néanmoins, c'est l'occasion pour les boutiques  de déguisement et de farces et attrapes de se surpasser dans la décoration de leurs vitrines comme ici au bas du Boulevard Arago. Hier, j'ai vu une longue file d'attente devant un semblable magasin car la fête, liée à cet événement connaît, dans les milieux urbains, un certain succès auprès des jeunes et des trentenaires, comme s'il s'agissait d'un carnaval d'hiver. A Paris et dans plusieurs grandes villes, de nombreux bars et discothèques se mettent ce soir à l’heure d’Halloween.
Pour ma part, je trouve toujours plutôt étrange l'exposition de ces crânes de ces squelettes, car la mort est tout de même déjà très présente dans nos actualités. Les grands massacres de populations civiles en Afrique, au Moyen-Orient, les cadavres de migrants en Méditerrannée et en de nombreuses frontières du monde, sans parler des meurtres de masse souvent perpétrés aux Etats-Unis, nous rappellent que c'est Halloween un peu toute l'année. (Shared with weekend reflections - TADD

mercredi 30 octobre 2019

Dormir dans le Métro


Voilà
Il n'a pas choisi. S'est débrouillé pendant des années. A tenté de résister, de s'adapter. A bien fait semblant dans la mesure de ses moyens. Peu à peu les distractions s'étaient réduites. Il ne trouvait plus le moyen de donner le change. Et puis sa façade de rires a fini par se lézarder. Trop d'usure, trop de fatigue. Tout était devenu insipide. Emilio Tempranillo a senti ses forces décliner. Peu à peu il a fini par renoncer. Sans vraiment s'en rendre compte il s'est lentement laissé déchoir. L'espace étriqué de la petite chambre qu'il avait acquise pour ses vieux jours l'oppressait. Afin d'y échapper et de ne pas rester des heures allongé sur son lit, il s'est mis à voyager dans le métro, passant ses journées sur ce réseau qui n'était pas virtuel. Mais il n'y avait personne à qui parler. Ou plus exactement, personne qui voulait lui répondre lorsqu'il parlait. Alors de plus en plus souvent il a commencé à s'assoupir sur les banquettes. A se laisser transporter comme un vieux paquet abandonné. Le soir il retournait chez lui. Puis il a fini par rentrer de plus en plus tard. Un soir, c'était au cœur de l'été, il eut du mal à se souvenir de l'endroit où il demeurait. dans la journée il y avait eu comme un petit claquement dans son œil. Il avait éprouvé une certaine gêne. Tout paraissait un peu plus flou. Il s'est tassé sur lui lui-même, sans s'en rendre compte il s'est pissé dessus. A un moment il a cru entendre quelqu'un lui faire une remarque. Ou peut-être un reproche. Ou bien une menace. C'était une langue qu'il ne comprenait pas. Un enfant pleurait. Fini pensa-t-il. Et en effet il était déjà mort.

dimanche 27 octobre 2019

Vampires


Voilà,
en ce moment la cinémathèque française propose un festival de films de vampires ainsi qu'une exposition qui leur est consacrée. A l'intérieur sur la plupart des murs du bâtiment construit par Frank Gehry se découpe cette silhouette inspirée du "Nosferatu" de Murnau.  (linked with Monday mural)

vendredi 25 octobre 2019

Bus de nuit à Montparnasse


Voilà,
ces reflets urbains et nocturnes dans la vitre du bus me ravissent. Je veux dire par là qu'ils m'emportent autant qu'ils me séduisent. Ils offrent un peu de poésie à la confusion du monde et aux désordres de la pensée. Dans ces superpositions fugitives glissant à la surface du verre, toutes choses — visages incertains ou enseignes lumineuses — s'égalisent et se renvoient les unes aux autres dans les dédales d'une réalité fantôme qui ne cesse de se dérober.
En outre, toutes ces apparitions disparaissantes, témoignent aussi d'un bref moment de l'humanité circonscrit à quelques régions du monde, où l'on s'est efforcé de conjurer la peur de la nuit par une débauche de lumière artificielles, d'éclairages, de néons... C'est dans la clémente parenthèse de cet espace-temps relativement préservé de la barbarie qu'il m'aura été donné de vivre et c'est tout de même une chance.
Certains, prédisant un vraisemblable effondrement de cette civilisation, augurent que cela ne saurait durer et que d'ici quelques décennies nous en serons de nouveau réduits à devoir affronter nos peurs ancestrales. Quoi qu'il en soit, la surprise toujours renouvelée de ces visions, de ces plans juxtaposés, de ces d de motifs, où bien des mystères semblent pour toujours cachés, continue d'étonner l'enfant qui a préservé sa demeure dans un corps qui certes n'est plus aussi alerte qu'autrefois, mais s'efforce encore, autant que faire se peut, de penser "à sauts et à gambades".(shared with weekend reflections)

mardi 22 octobre 2019

Les Tortues du jardin des plantes


Voilà,
cette photo fut prise il y a dix ans au Jardin des Plantes à Paris. J'étais venu me promener avec ma fille. J'aurais tendance à supposer que la vie intérieure des tortues est assez sommaire, surtout celle des tortues de zoo, mais il est tout à fait possible que je me trompe. Je vivrai évidemment moins longtemps qu'elles (quoique de récentes informations démentent cette intuition) mais j'ai parfois l'impression de leur ressembler, tant je passe d'heures dans mon lit sans grande envie de sortir ni de bouger, à penser à la taille de mes ganglions, aux douleurs de plus ou moins grande intensité disséminées un peu partout dans mon corps et que je ne puis décrire précisément, à mon compte en banque, au désordre domestique, aux projets en plan, au peu de choses nécessaires et au trop de choses inutiles que je laisserai à ma fille, sans pour autant être capable d'agir en conséquence. 
"Impossible de mettre de l'ordre dans l'élémentaire" écrivait Beckett dans "Le Monde et le pantalon". Eh oui. 
Mais pour passer à un sujet plus gai cette histoire que j'aime bien :  un pauvre homme très âgé transporte sur la route un énorme fardeau. La route monte et l'homme n'en peut plus. Il souffle de plus en plus, se courbe à tel point que sa charge tombe à terre. Il se lamente alors :
- Je ne veux plus vivre  ! Que la Mort vienne et m'emporte !
La Mort se présente à lui. 
- Tu m'as appelée, me voici
- Oui aide moi à remettre cette charge sur mon dos.

dimanche 20 octobre 2019

J'aime / Je n'aime pas (9)


Voilà
J'aime cette péniche aux parois peintes sur le canal de l'Ourcq
Je n'aime pas les escalators qui ne fonctionnent pas
J'aime faire les courses le dimanche matin rue Daguerre
Je n'aime pas les gens qui circulent en trottinette électrique n'importe comment sur les trottoirs
J'aime le fait qu'Henri Salvador ait transformé la chanson "shame on you" en "j'aime tes genoux"
Je n'aime pas les critiques d'art de théâtre et de littérature
J'aime les maisons à l'intérieur desquelles flotte une bonne odeur de soupe
Je n'aime pas les commentaires politiques de la chaîne BFMTV et je ne comprends pas  qu'elle soit diffusée dans les lieux publics
J'aime retrouver la nuit en rêve des personnes perdues de vue depuis longtemps ou qui ne sont plus de ce monde
Je n'aime pas l'utilisation abusive du mot acteur dans les expressions telles que les locataires acteurs de leur cadre de vie, ou bien comment devenir un acteur du changement
J'aime les dimanche après-midi quand on fait des gâteaux avec les enfants
Je n'aime pas les intonations de curé de notre président qui transpire l'hypocrisie
J'aime mélanger des couleurs au pastel sec
Je n'aime pas quand les supporters anglais de rugby chantent le "swing low, sweet chariot"
J'aime la sensation d'accomplissement que procure une journée de ménage complet
Je n'aime pas qu'il y ait de plus en plus de brutalités policières disproportionnées lors des manifestations contre la dérégulation sociale
 J'aime les après-midi studieux à la maison quand il pleut dehors
Je n'aime pas cet acharnement de toute une tripotée de vieux cons envers Greta Thunberg
J'aime écouter la radio la nuit
Je n'aime pas cette sensation de suicide collectif de l'humanité
j'aime la musique composée par Quincy Jones pour "In cold blood" de Richard Brooks
Je n'aime pas le manquement à la parole donnée
J'aime raconter des blagues qui font rire ma fille
Je n'aime pas quand la lunette des toilettes ne tient pas à la verticale
J'aime la Suze Perrier avec deux glaçons

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vendredi 18 octobre 2019

Dormir pour oublier (29)


Voilà
"Chacun s'en va comme il peut,
les uns la poitrine entrouverte,
les autres avec une seule main,
les uns la carte d'identité en poche,
les autres dans l'âme,
les uns la lune vissée au sang,
et les autres n'ayant ni sang, ni lune, ni souvenirs.

Chacun s'en va même s'il ne peut,
les uns l'amour entre les dents,
les autres on se changeant la peau,
les uns avec la vie et la mort,
les autres avec la mort et la vie,
les uns la main sur l'épaule
et les autres sur l'épaule d'un autre.

 Chacun s'en va parce qu'il s'en va,
les uns avec quelqu'un qui les hante, 
les autres sans s'être croisés avec personne,
les uns par la porte qui donne ou semble donner sur le chemin,
les autres par une porte dessinée sur le mur ou peut-être dans l'air,
les uns sans avoir commencé à vivre
et les autres sans avoir commencé à vivre.

Mais tout s'en vont les pieds attachés,
les uns par le chemin qu'ils ont fait,
les autres par celui qu'ils n'ont pas fait
et tous par celui qu'ils ne feront jamais."
(Roberto Juarroz)
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jeudi 17 octobre 2019

La Plage de Cabourg


Voilà,
ce matin, après une nuit luxueuse, — comme seuls peuvent en offrir certains tournages — passée dans le grand hôtel de Cabourg, devenu mythique grâce à Marcel Proust, elle était belle et apaisante la vision de cet attelage au loin et de ce promeneur solitaire avec son chien sur la grève. La triste réalité de ce monde entraîné dans une macabre farandole semblait irréelle alors que c'était la sensation de paix suggérée par le lieu et le moment qui sans doute était illusoire. Ailleurs continuaient les déclarations délirantes de quelques présidents les répressions policières en Equateur, en Catalogne, en Belgique, en France, sournoisement tues par les médias, mais toutefois relayées par les réseaux sociaux, les massacres de Kurdes perpétrés en toute impunité, ceux des yéménites, et de tant d'autres populations qui ne font pas la une de l'actualité. Non loin, des chalutiers géants continuaient d'assécher la mer de ses poissons, des particules toxiques de contaminer les sols, et d'empoisonner le sang de ceux qui ont combattu le gigantesque incendie dont on a peu parlé parce que l'hagiographie d'un ancien président corrompu que l'on savait particulièrement affaibli avait la faveur de l'actualité des médias soucieux de diffuser une rubrique nécrologique abondante car préparée depuis longtemps.  Oui j'en étais là, non pas à étirer de longues phrases dans ma tête, mais à jouir de cet air iodé qui n'était peut-être pas aussi sain qu'il y paraissait. Qu'importe, il y avait la joie fragile et enfantine du dépaysement, le bruit des vagues au loin, et le martèlement bien audible des sabots du trotteur sur le sable mouillé. Ces menus plaisirs qui font le sel de la vie, étaient là, offerts, comme ces mets délicieux à la table de petit-déjeuner du salon Balbec, que j'avais préalablement dégustés avec bonheur et gourmandise. Longtemps que je n'avais mangé de bon cœur du saumon au petit-déjeuner. (shared with skywatch friday)

mardi 15 octobre 2019

Contemplation



Voilà, 
à nous (mes rares semblables et moi) qui vivons sans savoir vivre, 
que reste-t-il, sinon le renoncement pour mode de vie, 
et pour destin la contemplation ? 
(Fernando Pessoa)

dimanche 13 octobre 2019

Faire le gogol


 
Voilà,
J'aime bien faire le gogol. Le gars qui articule pas bien, qui parle fort en bavant un peu, le regard fixe les bras ballants. Je fais ça avec des copains... tout seul... quand j'ai besoin de relâcher la pression... Je ne fais pas semblant. D'ailleurs je ne fais jamais semblant. Je fais un point c'est tout. Mais quand je gogolise, je suis au plus près de moi. Je suis dans la juste expression d'une part de moi. Certaines personnes croient que je me moque. Je me suis jamais moqué des déficients, des handicapės, des bancals. J'en suis un. Au bout d'un moment ça finira bien par se voir. Je sais que ça en effraie quelques uns quand je suis dans cet état. Peu de gens, sont capables d'accepter cette dimension d'eux mêmes. Évidemment parfois j'ai peur que ça me porte malheur. Je pourrais tout aussi bien me retrouver à parler comme ça après un accident vasculaire cérébral, par exemple.

(...)

Débile, "clown, ras risible" comme écrivait Michaux. J'ai joué il y a longtemps dans un court métrage intitulé "Pointête", un gars un peu simplet qui se premait pour un coureur cycliste. Je crois avoir été assez convaincant, puisque des gens pensaient que ce n'était pas un acteur qui jouait. A l'époque, j'attendais ma fille, et j'avais peur que cette interprétation me porte malheur et que mon futur enfant soit autiste. J'étais sacrément ébréché à l'idée de devenir père. D'ailleurs la mère de ma fille, en dépit de ses nombreuses qualités, ne m'a jamais vraiment pardonné cette faiblesse, mais c'est une autre histoire.

(...)

Il y a ce film aussi dans lequel j'aurais adoré jouer. "Les Idiots" de Lars Von Trier. Lui je n'aime pas tous ses films – ce qui ne signifie pas que les films de lui que je n'aime pas soient pour autant mauvais –, mais "Les Idiots" me paraît un chef d'œuvre absolu. Je me souviens en particulier d'une scène ou deux personnes ne peuvent baiser ensemble qu'en faisant les débiles.
D'ailleurs arrive-t-il que les clowns fassent les clowns en baisant ? Il faudrait que je demande à Violaine qui est clown et prof de philo si elle l'a déjà fait.

(...)

Il y a aussi me semble-t-il un exemple littéraire de quelqu'un qui décide de tomber le masque et de faire parler son fou-écrivain : c'est Gary quand il devient Ajar. Le "dispositif Ajar" me fascine encore aujourd'hui pour le paradoxe qu'il constitue : montrer tout en restant caché, tomber le masque et le garder à la fois, être l'un et l'autre, tout en préférant être l'autre plutôt que l'un. De toute façon quand on a offert au monde une certaine image de soi, les gens ne veulent plus vous voir autrement. Et Gary a très bien compris qu'il ne pourrait renouveler son art qu'en devenant un autre, et précisément cet autre là.

(...)

Tous ces trucs auxquels je pense en traînant de-ci de là, entre deux photos, avec des projets dans la tête, de plus en plus difficiles à réaliser en raison de la fatigue. Peter Handke, le dernier prix Nobel de littérature a écrit un essai sur la fatigue, mais je ne me suis jamais résolu à le lire. Trop fatigant, je crains. La photo pour ça c'est bien, c'est ce que je connais de plus reposant. Je peux le faire en me promenant. Oui, mes propos sont peut-être décousus, (quoique j'ai déjà fait pire) mais même si j'ai de plus en plus de mal à articuler une pensée j'ai cependant encore quelques trucs à raconter. Ça me fait du bien.
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mercredi 9 octobre 2019

Passager de la nuit


Voilà,
"Il m'est arrivé à plusieurs reprises, au cours de ma vie accablée par les circonstances, de vouloir me libérer de certaines d'entre elles, et de me retrouver assiégé par d'autres circonstances du même ordre, comme s'il existait définitivement une inimitié à mon égard dans la trame incertaine des choses. J'arrache de mon cou une main qui m'étouffe. Je vois alors que ma propre main, qui vient d'arracher l'autre, a fait tomber une corde autour de mon cou dans le geste même qui me libérait. J'écarte la corde prudemment, et c'est de mes propres mains que j'en viens presque à m'étrangler."  Je me suis replongé depuis peu dans la lecture du Livre de l'Intranquillité, récemment rebaptisé " Livre de l'Inquiétude" — mais je m'en tiens cependant toujours à cette première traduction, sans doute parce que c'est sous ce titre que j'ai découvert cette œuvre, et que c'est toujours cette même version que je consulte — et plus encore qu'autrefois certaines pages m'évoquent Kafka, sans doute à cause de leur proximité commune avec l'univers nocturne et celui des rêves. "Si loin que je m'enfonce en moi-même, tous les sentiers du rêve me ramènent aux clairières de l'angoisse" pourrait, comme le passage précédemment cité avoir été écrit par l'auteur de "La Métamorphose". Oui tous deux sont vraiment des passagers de la nuit, comme cet homme solitaire aperçu au cœur d'une nuit qui n'était ni de Prague ni de Lisbonne. (shared with the weekend in black and white)

mardi 8 octobre 2019

Quatre espèces d'hommes


 Voilà
"Quatre espèces d’hommes se mêlent dans le monde : les rusées et les simples, les circonspects et les agités. Tous suivent leur manière d’être jusqu’à la fin de leur vie sans se comprendre. Et chacun estime qu’il a atteint la plus profonde sagesse.
Quatre espèces d’hommes se mêlent dans le monde : les discoureurs adroits et les simples d’esprit, les niais et les serviles. Tous suivent leur manière d’être jusqu’à la fin de leur vie sans jamais se fréquenter. Chacun considère son attitude comme la plus subtile.
Quatre espèces d'hommes se mêlent dans le monde : les malicieux et les impudents, ceux qui ont un jugement hâtif et les railleurs. Tous suivent leur manière d’être jusqu’à la fin de leur vie. Ils ne s'éveilleront jamais les uns aux autres à la connaissance vraie et chacun croira être maître de ses talents. 
Quatre espèces d’hommes se mêlent dans le monde : les hypocrites et les importuns les impavides et les hésitants. Tous suivent leur manière d’être jusqu’à la fin de leur vie. Ils ne se font aucune critique, mais chacun tiendra sa voie pour la meilleure. 
Quatre espèces d'hommes se mêlent dans le monde : les mondains et les solitaires, les tyranniques et les volontaires. Tous suivent leur manière d’être jusqu’à la fin de leur vie. Ils ne daigneront pas se jeter même un regard, car chacun croit marcher avec son temps. 
Voilà la conduite de la foule et son aspect est multiforme. Tous cependant suivent la voie du destin". (Lie Tseu in "Le vrai Classique du Vide parfait")
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vendredi 4 octobre 2019

Une légère perturbation


Voilà,
D'une fois sur l'autre il semble que cela ait bougé. Est-ce une illusion ? On dirait que la disposition n'est plus tout à fait la même. Que les choses se trouvent à un autre endroit que précédemment. Ou bien ai-je déjà la tête à l'envers ? D'ailleurs se trouvent-elles les choses, ou bien font elles semblant de se perdre ? Ce médaillon, cette sculpture, ces dominos, ce portrait dans son ovale, cette broche étrange et vaguement équivoque, étaient-ils déjà là ou ne les avais-je point remarqués ? Ces choses, il me semblait bien pourtant les avoir vues. Et sans doute est-ce le cas, mais les avais-je pour autant bien vues ? Se donnaient elles à voir ou voulaient elles seulement prêter à confusion ? Ici est le lieu d'une douce et perturbante étrangeté. Et si toute chose est toujours à sa place sans qu'aucune place ne lui soit définitivement assignée, c'est que l'esprit du lieu, terriblement espiègle et prenant un malin plaisir à créer du trouble, commande aux choses de toujours s'ordonner différemment. Ici, tu es comme dans un poème qui ne cesserait jamais de s'écrire de se modifier de se transformer. Ces choses que tant de chairs, à présent décomposées, ont touchées palpées transportées, les serrant peut-être contre une poitrine où battait fort un cœur, ces miroirs sur le tain desquels ont glissé des légions de silhouettes depuis longtemps évanouies dans l'oubli, ces objets qui ont parfois traversé plusieurs siècles en survivant à ceux qui les avaient aimés et possédés, sont les héritiers des morts et les messagers des fantômes. Voilà pourquoi ils ne tiennent pas en place : ils ne cessent de s'appeler et de se répondre. Tant d'histoires les traversent, tant de songes les occupent. 
(shared with weekend reflections)

mercredi 2 octobre 2019

Quelque chose de si rare qu'on se le cache



Voilà,
"Parfois, un souvenir d'un ordre particulier vous tient tout le jour en haleine. On retrouve dans sa mémoire, un détail que l'on reconnaît pour l'avoir vu, sans savoir où on l'a vu, sans pouvoir l'identifier tout à fait. Il s'agit d'un ameublement, d'un paysage, d'un parfum, d'une bribe de conversation, d'un fragment de visage, de l'expression fugitive d'une physionomie connue et anonyme et chaque fois une émotion vous étreint de bonheur, de regret ou de désir. On voudrait savoir, on voudrait voir davantage. On sait qu'on a été heureux à cet endroit, à cause de telle chose, de tel être, mais quand ? Où ? Il s'agit là d'un rêve en partie oublié, qui ne s'est pas fixé dans la mémoire avec toutes ses circonstances bien qu'il représente parfois une de nos expériences les plus profondes, les plus sûres, peut-être la seule que nous ayons du bonheur, et demeure en nous ce prestige, ce charme répandu sur tout le jour, et parfois sur toute la vie, mieux qu'un charme, une science, la certitude, la certitude d'avoir un secret, quelque chose de si rare qu'on se le cache, qu'on se le dérobe même à soi-même pour mieux le garder". Marcel Jouhandeau in " De l'abjection"
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mardi 1 octobre 2019

Effleuré d'un présage de mort

 
Voilà
"Je me sens parfois effleuré, je ne sais pourquoi, d'un présage de mort… Que ce soit une maladie vague, qui ne se matérialise pas en douleur et tend par là même à se concevoir comme une fin, ou que ce soit une fatigue si grande, réclamant un sommeil si profond, que même dormir ne puisse lui  suffire – ce qui est sûr, c'est que j'ai l'impression d'être un malade proche de sa fin et qui laisse, sans violence ni regret, ses faibles mains lâcher la courtepointe qu'il sent sous ses doigts. (Fernando Pessoa in "Le livre de l'Intranquillité")
Sinon, je me souviens de Jessye  Norman, en 1983 au théâtre des Champs-Elysées, dans ce spectacle de Bob Wilson, "Great day in the morning". Elle y interprétait des spirituals "expression de l'âme d'un peuple et témoignage de la douleur humaine" comme elle le disait elle-même. Sa présence immobile, et la facilité avec laquelle elle chantait, m'avait fasciné. Plus tard, grâce à mon ami Pascal, je la vis en 1988, dans Elektra, Ariane à Naxos de Strauss, au Metropolitan de New-York. Et puis un an plus tard, place de la Concorde, chantant la Marseillaise pour les fêtes du bicentenaire...

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