jeudi 30 juin 2011

Un courrier


Voilà
ce qu'il m'est donné de lire : "Le peu de force qu'il me reste, je le dilapide sur le ténébreux chemin de mes terreurs et de mes doutes. Dans le chaos d'images et de signes qui déchirent mes nuits privées de sommeil je cherche encore la petite lumière d'une étoile qui danse. Je crois parfois l'entrevoir qui dispense sa lueur pâle et lointaine sur le terne horizon à quoi ma vie s'est réduite. Car il faut bien croire n'est-ce pas ? Il le faut bien, même si souvent "demain" n'a guère plus de consistance qu'un mirage. Croire un tant soit peu pour qu'il me soit permis d'espérer. Amitié".
Je referme son courrier, j'appelle Sébastien Landal, il ne répond pas. Bien sûr, il est capable de longs silences, de retraites soudaines, de voyages improvisés. Mais là je m'inquiète. C'est comme un message dans une bouteille qu'on jette à la mer. Sa santé décline, et la souffrance qu'il s'efforce de cacher mobilise parfois si intensément sa pensée qu'elle entrave jusqu'à la moindre possibilité d'action. Je redoute à présent ses fuites craignant qu'elles ne se transforment en égarements. La nécessaire solitude qu'il s'impose, il est désormais moins sûr qu'il soit tout à fait en mesure d'y faire face. L'altérité que je peux lui offrir, n'est pas à la hauteur de son désir. Il a d'autres exigences auxquelles je ne peux répondre. Mais cependant, il est clair pour m'adresser un tel message, qu'il attend quelque chose de moi. Mais quoi ? Et pourquoi est-il donc toujours sur messagerie ? Son compagnon secret, comme il a coutume de dire, ne lui est peut-être plus d'aucun secours.

lundi 27 juin 2011

Rentrer seul



Voilà
je suis désormais si peu de ce monde que le temps me pèse d'en être encore. J'y ai connu bien des plaisirs, du désarroi des turpitudes, mais cela ne compte plus guère aujourd'hui. Telles étaient les pensées qui venaient à moi dans la nuit tiède d'une ville déserte où je vagabondais dans l'ivresse de la fatigue et de l'alcool. Les rues les avenues semblaient m'appartenir, je ressentais une immense sensation de liberté, mais plus encore le caractère illusoire d'un tel état. La possibilité d'errer de rêver, oui, je l'avais encore, celle de me déplacer dans un périmètre réduit aussi, mais consentir à cette solitude non, cela commençait à devenir éprouvant....

dimanche 26 juin 2011

Le désarroi

Voilà
écrivait-elle dans ce mail laconique, si elle s'était faite ces derniers temps si discrète sur la toile c'est qu'elle avait beaucoup voyagé depuis son retour. Elle s'excusait de ne pas avoir su lui dire autrement qu'à demi-mots lors de son dernier séjour de crainte de le blesser, mais désormais ajoutait-elle quand tu penseras a moi il faudra penser à nous. Je suis heureuse, enceinte de quatre mois, et nous allons nous installer avec mon compagnon (jamais il ne lui avait entendu prononcer ce mot) à la  rentrée, tout d'abord à Florence, et disait elle n'y vois aucune perversité de ma part, pour y accoucher puis ensuite en Toscane dans le courant de l'année prochaine, pour y vivre.
François Sangiovese était comme un boxeur K.O. debout. Il s'attendait si peu à cela, rien n'augurait une telle nouvelle. Il se souvenait de son dernier passage à Paris. Elle était si menue alors, presque chétive comme un petit oiseau déplumé. Elle avait déposé ses bagages quelques jours chez lui et il s'était fait un bonheur de la nourrir et de lui rendre paisible son séjour qu'elle avait une fois de plus partagé entre son laboratoire et la bibliothèque. Au cours d'une conversation, il s'était autorisé à lui demander s'il y avait quelqu'un dans sa vie, elle était restée évasive, suggérant que ce n'était pas simple. Était-elle amoureuse, je ne sais pas avait-elle répondu en tout cas je pose des actes. Il n'avait pas cherché à en savoir plus. Et puis, il y avait eu ce jour férié, ils s'étaient promenés dans le quartier qui ne manquait pas d'espaces verts. Sur le chemin du retour alors qu'il lui proposait de l'inviter au restaurant elle avait répondu prépare moi plutôt quelque chose à manger un truc bien régressif tu vois des boulettes de viande de chez picard ou des aiguillettes de poulet tandoori. Et c'est ce qu'il avait fait. Durant ces quelques jours il avait eu l'impression d'être une sorte d'oncle mais ce soir là, après le repas, elle était venue se blottir dans ses bras. De drôles d'idées me traversent l'esprit avait-il murmuré. Laisse les donc venir qu'elles rencontrent les miennes, et elle l'avait embrassé. Ils avaient fait l'amour avec moins de fougue et de fantaisie qu'au temps de leur liaison passée, mais leurs étreintes étaient douces lentes et attentives, empreintes d'une tendresse immense comme s'ils ne s'étaient jamais quittés. Glissant dans dans la chaude humidité de son désir il avait un moment fermé les yeux et revu ces bancs de poissons multicolores aperçus autrefois en plongée dans les mers tropicales du côté de Palawan, mais surtout il avait imaginé qu'il était en train de lui faire un enfant. Après l'amour ils s'étaient laissés ensevelir par le sommeil. D'abord tendrement enlacés, la nuit les avaient déliés les laissant pour finir dos a dos à la lumière du jour naissant. Au réveil alors qu'il l'avait embrassée comme autrefois et qu'il s'apprêtait a lui parler, elle avait posé son index sur sa bouche et murmuré "il n'y a pas de mots il n'y a que le silence et le secret qui soient dignes de cet enchantement n'en parlons pas" Et elle s'en était allée sous la douche comme s'il s’était agi d'effacer au plus vite les caresses de la veille. Les deux jours qui suivirent achevant son séjour furent un peu mélancoliques. Elle avait réintégré la chambre d'amis. Elle était redevenue distante comme si elle lui en voulait de ce moment d'abandon mutuel. Chacun faisait en sorte d'être très occupé à l'extérieur pour éviter de retrouver l'autre à la maison. Le jour de son départ, il avait du quitter l'appartement très tôt. Cela tombait bien, il détestait les séparations dans les aéroports ou les gares. Le jour suivant elle avait laissé un mot sur sa messagerie pour le remercier de son hospitalité  et l'avertir qu'elle était bien arrivée à Montréal, puis plus rien.
Florence. C'était la dernière chose qu'il aurait pu imaginer. Comme si tout était écrit depuis longtemps. Florence. Le nom qu'il avait donné à sa fille en dépit du fait que ses parents à lui s'était connus là-bas. Mais Florence à cause de Boticelli dont les peintures l'avaient tant fait rêver dans sa jeunesse. Il se souvenait aussi que la femme avec qui il était alors, et qui quelques années plus tard lui donnerait son unique enfant y était allé travailler quelques jours, le laissant seul à Paris et qu'il avait alors eu quelques moments d'égarement avec une galeriste rencontrée lors d'un vernissage. A présent, songeant à tout cela, il se sentait plus seul que jamais, seul et terriblement perdu, impuissant et stupéfait, se demandant s'il avait encore sa place en ce monde....

samedi 25 juin 2011

Nescao

Une chanson mélancolique de ce temps-là
Voilà
quand j'étais enfant, je croyais que la femme sur la boîte de Nescao était ma mère. J'adorais cette boîte, cette simple image m'évoquait un monde paisible auquel je n'avais pas accès. Un monde sans attentats, sans embuscades, sans sourires kabyles, sans fellagahs, sans routes coupées,  sans prises d'armes, sans sonnerie aux morts. J'habitais aux confins de la steppe et non loin du désert, j'avais la nostalgie de pays que je ne connaissais pas, et déjà du goût pour les chansons mélancoliques...

vendredi 24 juin 2011

Un Perron

La Rochelle, 2011

Voilà

j'ai presque de l'affection, pour ces petites fleurs charmantes et obstinées qui poussent entre les pierres, sur les perrons, sur le bitume, avec des insolences de mauvaise herbe....

jeudi 23 juin 2011

Sous-bois

Pastorale d'été
Voilà




impossible de photographier deux enfants de dos dans un sous-bois avançant vers la lumière sans bien sûr songer à cette image d'Eugene Smith, intitulée le Jardin d'Eden... Mais je me rappelle aussi d'un film allemand de Christoph Hochhäusler intitulé "le bois lacté" adaptation contemporaine du conte Hansel und Gretel, et d'une longue errance dans une forêt tour à tour hostile et accueillante.

mercredi 22 juin 2011

la dame au vieux chien


Voilà
je l'ai entendue parler avec d'autres personnes âgées qui promenaient leur chien sur le bord de mer. Son toutou à elle ne peut presque plus marcher. Il fait de l'arthrose à ce qu'elle dit. "C'est le dernier voyage que je lui offre. Ça lui change de l'air de Marseille". Elle raconte ça sur le ton de la plaisanterie mais je sens bien que sa voix retient un sanglot. Je songe à ma grand-mère, à son vieux chien Dody à qui elle parlait souvent et qui était tout pour elle. Cette solitude m'effraie. je la vois qui repart portant son vieux compagnon qu'elle tient comme un petit enfant. Le soir pendant la fête de la musique je la croiserai de nouveau promenant toujours son lourd fardeau au creux ses bras. 

dimanche 19 juin 2011

Comme une impasse


Voilà
comme pétrifié soudain. En même temps ne peut dissimuler son étonnement. Absurde ce qui lui arrive il le dit c'est absurde je ne me souviens plus du nom de la personne à qui je viens rendre visite. Ah c'est embêtant dit la réceptionniste derrière le comptoir.
- C'est un cancer je crois.
- Vous croyez ou vous êtes sûr.
- Je crois.
- De toute façon c'est pas ça qui va nous aider, ici des cancers il y en a beaucoup et son prénom vous vous en souvenez son prénom hein ?
- Non (pourquoi elle parle si fort, je ne suis pas sourd j'ai juste un problème de... ).
- Même pas ?
- Non ça va me revenir son nom son prénom tout ça je l'ai sur le bout de la langue.
- Oui, d'accord mais bon en attendant je vais faire passer les personnes après vous.
- Bien sûr excusez moi.
- Pas de souci
Comment ça, pas de souci, la conne. La conne derrière son comptoir, la conne avec sa coiffure et sa voix de conne et qui a l'air si sûre d'elle et le regarde l'œil narquois, c'est ça qu'il pense, la conne, putain comment ça pas de souci je ne me souviens plus du nom de mon copain qui crève, j'ai tous les détails sa mère est comédienne, sa sœur est comédienne je peux dessiner son visage dans ma mémoire je le rencontrerais dans la rue pas de problème je le reconnaîtrais et là ça ne vient pas elle me dit pas de soucis cette piche mais ici il n'y a que des gens avec des soucis qui viennent voir des amis des parents malades des gens qui eux-mêmes peut-être ne se sentent pas très bien c'est un hôpital merde pas de soucis....
- Alors vous avez trouvé non toujours pas.
Si elle croit qu'elle va l'aider avec ses questions qui contiennent leur réponse. Et le temps se dilate, la panique grandit, il voudrait pleurer, sensation d'être égaré dans une impasse, ça arrive de plus en plus souvent, il sort de chez lui et à peine les étages descendus remonte pour vérifier que tout est bien éteint, ou bien commence une action et passe à autre chose, ne finit jamais rien, remet toujours tout au lendemain, se fatigue trop vite, oublie où il vient de poser les objets, les clés les lunettes, c'est quoi déjà le nom ah oui ça y est c'est bon c'est bon jusqu'à la prochaine fois mais pourquoi je suis venu là au fait ?

vendredi 17 juin 2011

La nouvelle donne


the last time
Voilà
elle savait bien qu'il était en train de veiller un enfant malade, mais c'était plus fort qu'elle, impossible de s'en empêcher, elle le harcelait de SMS où reproches et récriminations alternaient, mêlées à de délirantes et peu crédibles déclarations d'amour. Ou bien - ah comme il trouvait ridicule cette voix de fillette qu'elle n'était plus depuis longtemps -, elle minaudait plaintes et jérémiades sur sa messagerie au point de la saturer. Elle demandait si ça allait pour ajouter d'un même élan qu'elle n'avait plus de forces, qu'elle faisait une analyse pour résoudre seule ses problèmes mais qu'elle n'arrivait pas à partager avec lui, elle se répandait alors en menaces en ultimatums plein de fiel s'il ne la rappelait pas aussitôt. Et lui, regardait inquiet le visage blême et trempé de fièvre de ce petit être qu'il chérissait plus que tout au monde et qui venait tout juste de sombrer dans un sommeil lourd et abrupt. Le fait d'être contraint en la circonstance, de songer à cette femme, le dégoûtait autant qu'il lui faisait honte. Et puis entendre cette voix prononcer le nom de son enfant qu'elle ne connaissait pas, l'irritait particulièrement. De plus en plus il envisageait la possibilité qu'elle soit vraiment folle. Mais en dépit de ses réticences, il ressentait une certaine jubilation à entretenir un lien avec elle ; il éprouvait à son endroit un peu plus d'attirance que de répulsion. Sans doute s'en voulait-il de cela ; et peut-être aussi du cruel et secret désir de l'anéantir mêlé d'un besoin inavouable d'en être humilié.

mercredi 15 juin 2011

Les formes

 

Voilà,
il me faut périodiquement revenir aux formes abstraites d'où est exclue toute fiction, toute idée de fiction, d'interprétation, d'intention manifeste, si ce n'est celle de se perdre se réfugier, se reposer aussi dans le jeu des combinaisons fortuites et le change de ces formes. Ainsi puis-je de la sorte me tenir un temps à la périphérie du langage, à distance, en-deçà du dicible, au-delà du visible, sans nécessité de nommer ni de raconter, pour ainsi dire dans la paix des formes
Je retrouve cette phrase de Paul Klee. Je la fais mienne :
"Autrefois on représentait ce qu'on pouvait voir sur terre ce qu'on aimait ou aurait aimé voir. Aujourd'hui hui la relativité du visible est devenue une évidence et l'on s'accorde a n'y voir qu'un simple exemple particulier dans la totalité de l'univers qu'habitent d'innombrables vérités latentes. L'accidentel tend à passer au rang d'essence"
Ces images sont a ma pensée comme ce qu'on nommait autrefois des charmes. Lorsqu'elles viennent à moi elles m'apaisent, quand je les regarde elles me sidèrent. Tout à la fois étrangères et familières, elles m'appartiennent autant qu'elles me possèdent.

samedi 11 juin 2011

Dormir pour oublier (4)

the days of Pearly Spencer
Voilà
dans ce cauchemar quotidien dont il sait qu'il ne sortira jamais, le sommeil est son unique et dernier refuge. Là seulement il peut rejoindre son être pur, loin de la crasse et de la vermine. Et dans ces profondeurs où il s'enfonce et qui parfois le ramènent à un temps où il ne faisait qu'un avec le monde, il arrive que surgissent aussi, des terreurs d'enfance restées en embuscade dans quelque maquis de la mémoire. Mais l'effroi qui le saisissait alors, en cette lointaine époque où un lit des draps et des couvertures lui semblaient aussi naturels que de boire et respirer lui paraît presque doux. Ce qui autrefois le terrorisait dans le noir, la flamme fulgurante jaillissant de nulle part et qui dévore vifs les corps immobiles de White, Grissom et Shaffee coincés au sommet de la fusée dans leur minuscule habitacle, accident auquel, il avait pensé plusieurs nuits d'affilée après qu'il ait eu lieu, se réveillant épouvanté comme si cela venait de lui arriver à lui, il y songe à présent certes, mais ce qui s'insinue et le fait tressaillir dans ce matin pluvieux de printemps, c'est tout autre chose, c'est le souvenir de cette chanson "the days of Pearly Spencer" et sa montée de violons qui ne cesse de tourner en boucle dans sa tête. Et il se sent devenir la forêt humide où il jouait autrefois, ses mousses et ses fougères, ses odeurs de résine, la fourmi sur l'écorce, l'aiguille de pin acide qu'on mâchouille, et il voudrait tant que ça dure.... que ça dure et ne finisse jamais ce temps où l'on était si près de décrocher la lune....

mardi 7 juin 2011

Fukushima n'a jamais eu lieu


Voilà
"la construction d'un présent où la mode elle même, de l'habillement aux chanteurs, s'est immobilisée, qui veut oublier le passé et qui ne donne plus l'impression de croire à un avenir, est obtenue par l'incessant passage circulaire de l'information, revenant à tout instant sur une liste très succincte de mêmes vétilles, annoncées passionnément comme d'importantes nouvelles ; alors que ne passent que rarement et par brèves saccades, les nouvelles véritablement importantes sur ce qui change effectivement. Elles concernent toujours la condamnation que ce monde semble avoir prononcée contre son existence, les étapes de son auto-destruction programmée." (Guy Debord - Commentaire sur la société du spectacle)

dimanche 5 juin 2011

La belle au banc dormant


Voilà,
elle était là, très fatiguée sans doute, si enfantine dans son sommeil un peu boudeur, si confiante, si abandonnée que j'ai craint un instant de la trahir, de lui voler quelque chose, elle que je ne connaissais pas. Mais il y avait tant de grâce et de beauté dans ce doux repos offert au regard des promeneurs, qu'il était impossible de ne pas désirer en garder l'image. Et je sais désormais, que chaque fois que je repasserai par là, je songerai avec infiniment de tendresse à la dormeuse du jardin du Luxembourg, la belle au banc dormant.

samedi 4 juin 2011

L'exaspération


Voilà
quelques mois auparavant Ariane Cinsault avait non seulement été attirée par cet homme (pour elle doublement objet de  fantasme) mais avait aussi ressenti un peu plus que de l'affection pour lui, jusqu'à imaginer, ah ce qu'on peut tout de même parfois s'échauffer, de possibles prolongements à cette relation naissante. Mais le sentiment qu'elle avait commencé à éprouver, s'était - comme ces embryons qui cessent de se développer - peu à peu résorbé, en dépit du désir qu'il manifestait de construire (bien qu'il eût tendance à en définir unilatéralement les modalités) une histoire commune. Elle n'était pas alors parvenue à se formuler précisément la raison de ce détachement. C'était un ensemble confus de causes parfois contradictoires. Quelque chose pourtant l'embarrassait, qu'elle mettait plutôt sur le compte de son propre manque de souplesse et de son incapacité à se délier d'une absence qui lui pesait encore, et qu'elle n'évoquait jamais. Mais il y avait quand même une anomalie. Malgré l'intérêt qu'elle y portait, la forme qu'il donnait à son discours devenu dominant ces dernières années, suscitait chez elle beaucoup de réticence ; voilà, il semblait n'adopter qu'une seule grille de lecture si bien que son interprétation des faits, même les plus anodins, avait quelque chose de systématique, sommaire et réducteur qui confinait au cliché ; très vite, dans l'échange était-il devenu prévisible, tout comme en d'autres circonstances, d'ailleurs. Ainsi une sorte d'indifférence avait fini par la gagner. Son désagrément à lui s'était mué en lassitude. Suite à un événement, où l'espace d'un instant elle avait entrevu sa propre fin, elle s'était durant quelques semaines coupée du monde ;  ils avaient fini par s'éloigner l'un de l'autre, échangeant néanmoins de temps en temps quelques mails ou coups de téléphone. Des mois passèrent ainsi. Et puis un jour, au cours d'un clavardage a priori anodin, sans même y avoir été sollicité et sans avoir préalablement posé beaucoup de questions sur le sujet, il crut bon d'émettre un avis, presque un jugement, concernant son attitude à elle au regard de faits qu'elle avait eu le tort sans doute d'évoquer sommairement, et dont il ne connaissait ni la complexité ni les enjeux multiples, et qui de toute façon ne le concernaient en rien. Il en tira des conclusions si hâtives si peu fondées et d'une stupidité telle qu'elle trouva cela non seulement indécent, mais aussi vulgaire et grossier. C'était comme une sorte d'offense à l'intelligence. Elle connaissait en la matière ses propres limites, mais quand elle éprouvait le besoin de les repousser, elle n'hésitait pas à recourir aux connaissances où à l'expérience de quelqu'un d'autre ; ses amis de façon générale ne manquaient pas de talent. Elle savait choisir l'interlocuteur ou l'interlocutrice capable de donner une réponse ou d'affûter les questions nécessaires à la résolution du problème. Oui elle était capable de cela : de choisir, et de penser aussi, et de poser des actes après réflexion. Cette arrogance à s'imposer de la sorte, à faire coûte que coûte valoir son point de vue, cette boursouflure de l'égo travesti en savoir, l'avait, sans qu'elle s'autorise pour autant à le lui dire, exaspérée au plus haut point. Mais sans doute ne s'agissait-il pas que de cela, et d'une certaine façon, c'était ce qui la décevait le plus et la chagrinait. Sa réflexion avait été d'une telle indigence, qu'il y avait forcément autre chose : une certaine mauvaise foi, et qui sait, sous le couvert d'une attention faussement bienveillante, l'intention de blesser ou peut-être même de faire mal. "Tout ça parce que je l'ai laissé me basculer sur son divan" maugréa-t-elle en allumant une cigarette. Et aussitôt elle s'aperçut qu'elle venait de parler toute seule a voix haute. Lui revint ensuite à l'esprit un proverbe malgache  "Les paroles retentissent plus loin que le fusil". Puis elle remarqua une mite qui volait dans l'appartement. Ah non il ne manquait plus que ça.

vendredi 3 juin 2011

Pensionnat

Voilà
depuis longtemps la nuit est tombée sur ce qui pourrait être un pensionnat de jeunes filles mais où, il existe aussi quelques chambres pour des hôtes masculins. Après avoir traversé le parc, pénétré dans le bâtiment et s'être résolu à gravir malgré l'obscurité le grand escalier de bois aux marches grinçantes, à la rampe incertaine, il réalise soudain qu'il n'a pas la clé de sa chambre, et qu'à cette heure tardive, plus matinale que nocturne, mieux vaudrait sans doute ne pas appeler la réception située à l'étage, car n'irait on pas alors penser qu'il souhaite accéder au dortoir des jeunes filles afin pourquoi pas d'y commettre quelque coït frauduleux. Comme il s'apprête à ressortir songeant que bon il va bien falloir se résigner à passer la fin de la nuit dehors, il croise une grande jeune fille aux cheveux châtains étrangement coiffée d'un chapeau rose pâle et tout juste vêtue d'une chemise de nuit blanche qui s'arrête au dessus des genoux. Vaguement troublé il n'en veut rien laisser paraître. Il s'excuse expliquant qu'il a oublié sa clé et se désole de cette situation qu'il qualifie d'ailleurs d'absurde et ambiguë. Elle semble comprendre son embarras, le rassure précisant que l'intendante est réveillée et qu'elle va la prévenir. Elle l'invite donc à l'accompagner vers un petit comptoir où se tient une dame sans âge au visage lisse et impassible qui l'écoute bredouiller un récit confus sans toutefois faire la moindre réflexion. Elle répond juste "cela ne pose aucun problème". Lui ne voudrait pas que l'on se méprenne sur ses intentions, qu'on imagine qu'il puisse être un rôdeur par exemple. Mais non, la dame l'accompagne jusqu'à la porte de sa chambre située sous les toits. Peut-être a-t-il laissé sa clé dans son ancien pantalon, dit il pour se justifier et en repartant la porte s'est refermée derrière lui, voilà ça doit être ça. Non non répond la dame de l'hôtel, c'est ma faute, c'est moi qui n'ai pas vérifié si votre clé était au crochet, mais nous avons des doubles, tenez dit-elle  avant de s'éclipser d'un pas vif. 
Une fois dans la chambre, il avise ses habits entassés sur le sol trouvant que cela fait tout de même un peu désordre tout ça. Mais trop épuisé il s'assoupit aussitôt, se réveillant de temps à autre pour constater sans plus s'en étonner qu'à chaque fois des gens près de son lit sont occupés à parler de littérature et plus particulièrement de poésie. Il y a là, entre autres, un poète qui s'appelle René Petra Gubbio. D'après ce qu'il comprend par bribes celui-ci vit ordinairement à Pau, mais se réjouit d'une invitation prochaine à un festival de poésie dans une ville étrangère. C'est très intéressant songe le dormeur, mais ce qui le hante toutefois c'est le visage de cette si jolie pensionnaire croisée dans l'escalier. Il se branlerait bien un petit coup, mais au moment de saisir son sexe déjà turgescent il se ravise songeant que cela ne serait peut-être pas du meilleur effet auprès de ces éminents littérateurs.

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