mercredi 30 août 2023

Méfiez vous de la réalité


Voilà,
en voyant ce tableau de Marcel Gromaire au Musée d'Art Moderne je me suis souvenu de ce poème particulièrement mélancolique de Franck Venaille auteur que j'aimais beaucoup dans ma jeunesse, lorsque je ne lisais que de la poésie. J'habitais une petite chambre de bonne rue Saint Placide, et, même si une famille aimante m'avait quasiment adopté, il y avait malgré tout beaucoup de solitude dans ma vie. La première ligne du poème m'est revenue à l'esprit, ainsi que des images que sa lecture souvent recommencée suscitait en moi, à cette époque. J'avais vingt ans, et ce n'était pas facile. J'étais obsédé par l'idée qu'il fallait que je me fasse réformer, que j'échappe absolument à toute cette merde militaire dans laquelle j'avais trempé depuis ma naissance. C'était difficile de s'en débarrasser, et je n'avais aucune envie de m'y replonger, de refoutre les pieds dans une caserne, que des connards de sous-officiers bas de plafond me donnent des ordres, que des trous-du-cul bornés tentent de me faire marcher au pas. Plutôt crever. J'étais prêt à tout pour échapper aux servitude de la vie de troufion. J'avais parfois des conduites à risque tellement j'étais angoissé par cette affaire. Finalement ils ne m’ont pas eu. J’ai eu de la chance, je m'en suis sorti sans trop de séquelles. Venaille justement évoquait beaucoup, à mots plus ou moins couverts ce qu'il avait subi, comme appelé du contingent en Algérie. On y sentait comme il avait été cassé, par tout ce qu'il avait vu et éprouvé là-bas. Sa douleur ne m'était pas étrangère. J'avais connu, enfant les mêmes cieux que lui à la même époque. Le sort m'avait été plus favorable. Je n'avais perdu personne de proche. Par deux fois, à quelques secondes près, le malheur aurait pu survenir. Je m'étais accommodé de ce que j'avais pu ressentir, parce qu'au début de sa vie on a beaucoup plus de force vitale pour s'arranger avec les mauvais souvenirs, même si le poison de la mélancolie continue d'infuser tout le reste de l'existence. Comme lui je sais que "l'état de guerre n'en finit pas".
Venaille, je l'avais découvert, comme nombre de poètes contemporains de l'époque grâce à cette revue de poésie au format de poche qui s'appelait Poésie 1 parce que chaque numéro ne coûtait qu'un franc. Il y avait de nombreuses publicités à l'intérieur, surtout pour RTL, la radio, mais c'était une entreprise éditoriale vraiment intéressante. J'ai pu ainsi découvrir des tas d'auteurs passionnants, qui m'ont rendus la vie plus supportable. J'ai gardé tous ces livres. J'y tiens. Je les ouvre parfois, j'y retrouve les peurs, les espérances, et les incertitudes d'alors qui m'ont longtemps accompagné. J'ai donc retrouvé l'intégralité de ce poème que je vous livre tout entier.
 
C'était bon d'avoir trente ans et de vivre à paris où tant de femmes ressemblent à des Gromaire
de caresser des nuques devenues timidement amies
en prononçant des paroles sans suite sans fin ni importance
banales et sereines parfois même imprévues
au rythme de la locomotive du sang des hardiesses et des désespoirs fulgurants
qui faisaient tituber maudire et regretter, parfois pleurer
souvent pleurer et nous réfugier dans une indifférence factice
prête à laisser jaillir ce feu qui nous consumait 
au premier sourire à la première parole simplement aimable
à ce geste de la main vers notre main notre bras sur notre épaule
à nous qui marchions dévorés de tendresse et d'envies contradictoires
C'était bon de rire avec elles de parler avec elles de souffrir avec elles
et de tenter sa chance sans louvoyer
de dire notre détresse et notre solitude
et d'appeler encore plus de détresse et de solitude
déjà muré dans l'inextricable déchéance d'une vie aux espérances saccagées — 
 
 

  
Pour ma part je n'ai plus trente ans depuis longtemps, mais je suis toujours prêt à laisser jaillir un feu qui me consume, même s'il est trop tard. Malheureusement on a beau avoir lu les bons philosophes, on en esquive pas moins le réel pour s'illusionner. C'est toujours une faiblesse de croire. De s'obstiner à croire. Et c’est difficile ensuite d’admettre qu’on s’est trompé. On a un peu honte. On ne s'en remet jamais tout à fait. Les gens qui calculent s'en sortent mieux. A condition de bien compter. On devrait plus souvent faire confiance aux murs.

mardi 29 août 2023

Déjà presque fini

 
Voilà,
le mois d'Août se termine donc. Il aura vite passé. Cette année, plus encore que l'année dernière, j'aurais traîné à Paris. Pas même une petite excursion au bord de la mer comme en 2022. Mais bon, après un mois à Avignon surchauffé et infesté de moustiques, les quinze premiers jours à Paris, où il ne faisait pas trop chaud, furent tout à fait bienvenus. J'ai bien glandé, c'est ce que je sais faire le mieux. J’ai beaucoup dormi, j'ai fait quelques promenades à vélo avec ma fille, dont celle-ci qui nous aura menés du côté du parc André Citroën où je n'étais pas retourné depuis plusieurs mois. Les jeux des enfants demeurent toujours les mêmes. C'est l'occasion pour les petites filles de découvrir de nouveaux plaisirs en enjambant les jets d'eau. Je n'aurais pas suffisamment marché à cause de ma jambe douloureuse, mais malgré tout j'aurais vu quelques expos, beaucoup de films, croisé d'autres aoûtiens à Paris, scanné et partagé des vieilles photos de New-York sur le groupe facebook "Manhattan before 1990". J'ai aussi lu quelques trucs bien intéressants, comme cet article sur le travail des enfants aux USA, par exemple, tout de même assez stupéfiant.  J'ai aussi souvent écouté cette formidable émission estivale "Retour de plage" qui, tous les étés propose une programmation réjouissante et de qualité. J’ai regardé des compétitions sportives à la télévision, du rugby de l'athlétisme du foot avec en particulier cette spectaculaire finale de la coupe du monde féminine, un des plus beaux matches que j'ai vu de ma vie, où les espagnoles ont excellé dans des séquences tout à fait sidérantes avec des passes à une touche de balle, en triangle dans un petit périmètre. Pour une fois, c'est l'équipe pratiquant le plus beau jeu qui a gagné. Mais à la remise de médailles, le comportement machiste du président de la fédération de foot espagnol m'avait intrigué. Il en profitait pour les peloter toutes plus ou moins de façon insidieuse et c'était vraiment malsain et dérangeant. Genre l'oncle aux mains un peu baladeuses dans les fêtes de famille, à qui l'on ose rien dire. Ça donnait l'impression qu'il était très intime avec chacune d'entre elles. Les joueuses espagnoles ont bien raison de se rebeller, d'autant que type ne s'est pas du tout excusé par la suite. Malheureusement il y a quand même encore beaucoup de femmes qui aiment ce genre de gros con. 
Tout ça me paraît très loin. Pourtant, c'était il y a dix jours à peine. 
Et cette photo du parc, c'était le weekend du 15 Août. 
C'est incroyable à quel point mon rapport au temps et à l'espace se modifie. Mon équilibre physique se dégrade sans que je comprenne pourquoi. Ma vue baisse. J'ai l'impression parfois de vivre dans un monde parallèle où je ne suis plus qu'un vague reflet de moi-même. Les pensées intérieures ont plus de densité que la réalité où je suis immergé. Je perd en créativité. J'ai de moins en moins de présence. Une certaine peur, parfois me rend visite sans que je puisse l'éconduire. 
 

Je n'écoute plus les actualités. Je les parcours sur le net et vraiment il n'y a pas de quoi pavoiser. Chaque année, c'est pire que la précédente. Tout cela me plonge parfois dans un état d'accablement qui peut durer plusieurs jours. Pour ne pas sombrer, je m'efforce d'écrire mais c'est très laborieux. J'ai quelques publications en préparation, mais cela me prend de plus en plus de temps à rédiger, à vérifier les sources, à ordonner les pensées. C'est comme ça.
Ainsi vont les choses dans le meilleur des mondes.

lundi 28 août 2023

Fête de Ganesh

Voilà,
 
 
 
hier matin ma fille et moi sommes allés dans le 18ème arrondissement de Paris entre le métro La Chapelle et la gare du Nord pour assister à la procession du dieu Ganesh dans le quartier indien.  Décorées de nombreuses guirlandes, de fleurs fraîches, de régimes entiers de bananes, de noix de coco et de feuilles d'aréquiers le char abrite la statue du dieu à tête d'éléphant. 
 
 
Ensuite ont défilé des femmes portant sur leurs têtes des pots de terre cuite dans lesquels brûle du camphre...
 
 
....des chanteurs des musiciens des joueurs de flûte, de nageshvaram et de tambour, des danseurs avec sur leurs épaules le grand arceau de plumes de paon que les indiens appellent kavadi 

 
 J'ai aperçu,
tiré par des femmes tenant deux grandes cordes en fibre végétale de vingt mètres chacune entièrement recouvert d'étoffes rouges, un autre char ...



 .... celui de  Muruga le frère de Ganesh
 

et aussi celui  de la déesse Durga (qui avait l'air de bien s'ennuyer)
 

Tout au long du parcours, des offrandes bénies, des friandises et des boissons fraîches 
 

sont distribuées.

 

Des noix de coco ont aussi été disposées en tas devant les magasins des commerçants. La noix de coco symbolise la dureté illusoire du monde, sa chair nos actions individuelles, et l’eau qu'elle contient représente l’égoïsme humain.

 
 En brisant la noix de coco, chacun se libère et offre son cœur à la bénédiction de Ganesh.
 

dimanche 27 août 2023

Une cascade rue des cascades

  

Voilà, 
À hauteur du 70 rue des cascades, dans le vingtième arrondissement de Paris, sur une portion de façade aveugle d'un immeuble de trois étages, cette fresque monumentale attire le regard. A l'origine, seul l'arbre avait été peint en trompe-l'œil sur un fond de fausses briques par Jérôme Demoulin. Par la suite, sur la partie gauche, la cascade a été ajoutée semble-t-il par le même artiste. Puis, Jérôme Mesnager, l’un des premiers peintres de rue parisiens dont j'ai déjà montré une des œuvres y a ajouté — je doute que ce fut avec l'accord du muraliste précédent  — son personnage fétiche  de "l'homme blanc" en train de franchir le ruisseau. 
A part ça, Paris s'est repeuplé. Il serait peut-être temps que je me trouve un créneau au milieu du mois de Septembre pour prendre la tangente.
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jeudi 24 août 2023

Across the cold heavens



Once on our nighttime farm on a moonlight walk
the clouds pushed by a big western wind
became a school of whales swimming hard
across the cold heavens and I finally knew
that we walk the bottom of an ocean we call sky.  
(Jim Harrison)

mercredi 23 août 2023

D'autres façons de décrire l'univers


Voilà,

sur un site de vulgarisation scientifique, cet article auquel je repense très souvent, a retenu mon attention. Il révèle évidemment l’aspect le plus séduisant de la nature humaine, celui de se poser des questions étranges. Je le livre tel quel parce que j’ai tenu à le garder.

"Je me suis toujours demandé, si nous rencontrions une race extraterrestre intelligente, auraient-ils découvert les mêmes lois physiques que nous, ou pourraient-ils décrire l’univers d’une manière différente ?", s’interroge Hod Lipson, l’un des scientifiques ayant mené ces recherches, dans un communiqué de Columbia University. C’est un peu avec cette idée en tête qu’une équipe d’ingénieurs a conçu un programme basé sur l’apprentissage automatique destiné à l’observation de phénomènes physiques. Les résultats des recherches ont été publiés dans la revue Nature Computational Science le 25 juillet 2022.

En effet, comme le rappellent les scientifiques, l’observation et la compréhension des variables ont toujours précédé les grandes théories physiques. "Pendant des millénaires, les gens connaissaient les objets se déplaçant rapidement ou lentement, mais ce n’est que lorsque la notion de vitesse et d’accélération a été formellement quantifiée que Newton a pu aboutir à sa célèbre loi du mouvement F = MA", note par exemple Hod Lipson. Il est donc tout à fait plausible de supposer que des phénomènes physiques peuvent encore nous demeurer inaccessibles simplement parce que nous n’avons pas encore compris leurs règles de fonctionnement. "Quelles autres lois manquons-nous simplement parce que nous n’avons pas les variables ? ", résume ainsi Qiang Du, qui a codirigé les travaux.

Afin de mener leur expérience à bien, les scientifiques ont donc d’abord "nourri" leur programme avec des vidéos brutes de phénomènes déjà bien identifiés. Par exemple, ils lui ont proposé une vidéo d’un double pendule oscillant, qui est connu pour avoir exactement quatre "variables d’état" — l’angle et la vitesse angulaire de chacun des deux bras. L’algorithme qu’ils ont utilisé est spécialement conçu pour observer des phénomènes physiques via ce type de vidéo, et pour en " rechercher l’ensemble minimal de variables fondamentales qui décrivent pleinement la dynamique observée".

Il lui a fallu quelques heures d’analyses pour produire une réponse à la question " par combien de variables ce phénomène peut-il être décrit ?" : 4.7. "Nous estimions que cette réponse était assez proche, d’autant plus que l’IA avait seulement accès à des séquences vidéo brutes, sans aucune connaissance de la physique ou de la géométrie. Mais nous voulions savoir quelles étaient réellement les variables, pas seulement leur nombre", décrit Hod Lipson. C’est là que les choses se sont compliquées pour les chercheurs. En effet, les quatre variables identifiées par le programme ne semblaient correspondre à rien de connu. Seules deux d’entre elles pouvaient vaguement correspondre à l’angle des bras. "Nous avons essayé de corréler les autres variables avec tout ce à quoi nous pouvions penser : les vitesses angulaires et linéaires, l’énergie cinétique et potentielle, et diverses combinaisons de quantités connues. Mais rien ne semblait correspondre parfaitement », explique Boyuan Chen. L’équipe était pourtant convaincue que le programme avait trouvé un ensemble valide de quatre variables, car elle avait fait la preuve que ses prédictions étaient bonnes. Ils en sont donc arrivés à une conclusion : ils n’étaient simplement pas en mesure de comprendre le  "langage mathématique" utilisé par leur création.

Ils ont ensuite poursuivi l’expérience en validant un certain nombre de systèmes physiques qu’ils connaissaient, puis en alimentant l’IA avec des vidéos dont ils ne connaissaient pas les "réponses" exactes. Un danseur-des-vents devant un parking de voitures d’occasion, pour lequel le programme a trouvé 8 variables, une lampe à lave, qui a aussi produit 8 variables, et un feu de cheminée, qui a renvoyé 24 variables. Reste donc à savoir à quoi correspondent exactement ces variables. Pourraient-elles être les indices de nouveaux principes de physique ?

"Peut-être que certains phénomènes semblent énigmatiquement complexes parce que nous essayons de les comprendre en utilisant le mauvais ensemble de variables. Dans les expériences, le nombre de variables était le même à chaque redémarrage de l’IA, mais les variables spécifiques étaient différentes à chaque fois. Alors oui, il existe d’autres façons de décrire l’univers et il est tout à fait possible que nos choix ne soient pas parfaits", affirment les scientifiques.

Dans cette image du Musée des sciences prise depuis le parc de La Villette, je vois à la fois une fraction du ciel et, dans son reflet, une plus grande étendue de ce dernier sur une surface moindre. C'est à dire que je vois en même temps deux fois la même chose de façon différente. Ce genre de situation me fascine depuis mon enfance et continue de m'étonner. 

Je crois que je fais des photos parce qu'au fond je n'ai jamais cessé de douter de la réalité qu'il m'était donné de voir, ou peut-être simplement parce que j'ai toujours espéré que la photo me donnerait en fait à voir quelque chose d'invisible.

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lundi 21 août 2023

Philosopher

Voilà,
parmi toutes celles que j'ai prise lors de mon séjour à Avignon, c'est sans doute cette photo que je préfère. Je suis très heureux de l'avoir dérobée à l'ennui qui m'épuisait sous l'accablante chaleur de ce mois de juillet. Là-bas pendant le festival, il est impossible de ne pas traîner dans la rue à un moment ou un autre sans avoir envie de s'affaler quelque part et de faire une sieste. Il y a des hasards réjouissants tout de même.
"Philosopher c'est régler ses comptes avec la mort" titre l'article du journal. D'accord je vais voir ce que je peux faire.
Quoi qu'il en soit, ce jour là, j'aurais, au moins volontiers réglé mes comptes avec la fatigue, si seulement j'avais pu prendre la place de ce commerçant devant sa boutique. 

dimanche 20 août 2023

Devant un portail coloré


 
Voilà
Entre les souvenirs qui demeurent et l'avenir qui s'amenuise
l'envie de se noyer dans la couleur et la musique 
de s'oublier encore dans l'ivresse des sens avant de ne plus pouvoir le faire
"faut-il compter en semaines en mois en années ?"
songeait-il
fatigué 
vraiment
fatigué 
légèrement 
étourdi
devant le portail coloré d'une rue où jamais encore il n'était venu.
Comme autant d'espiègles papillons 
bien des questions l'effleuraient depuis quelques mois.
Il lui semblait en dépit des années être à peine arrivé au monde
et que rien n'avait encore vraiment commencé
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vendredi 18 août 2023

Heures disparues

 
Voilà,
"Il avait la nostalgie d'un temps passé et non d'un lieu, d'une géographie faite d'heures disparues dans des rues qui n'existaient plus, attendant sur le seuil de maisons démolies depuis des années ou dans des cafés qui avaient depuis longtemps troqué leurs boiseries et leur marbre contre des murs tapissés de glaces ou de formica." Alberto Manguel in "Tous les hommes sont menteurs" 
 
 

lundi 14 août 2023

Après la plage


Voilà,
c’est comme ça, je n’y peux rien, il n’y a pas d’issue, il faut juste avoir le désespoir un peu joyeux, se dire que même si l’espèce est vraiment très conne, c’est la seule sur terre à avoir de l’humour. Même à la fin du monde il y aura des histoires drôles, des photos absurdes avec des gens dans des poses incongrues ou des tenues ridicules.

dimanche 13 août 2023

D'une époque révolue

Voilà, 
peut-être en souvenir des quelques clubs qui se trouvaient là après-guerre quand St-Germain-des-prés était le quartier à la mode, une fresque dissimule une façade de la rue de Buci. Des musiciens de jazz, y sont représentés, alors que, depuis longtemps, ceux-ci ont migré de l'autre côté de la Seine, rue des Lombards. On ne joue plus beaucoup de musique à St Germain, devenu désormais une attraction pour touristes et un endroit où l'on ne trouve plus que des magasins de fringues. Il reste heureusement encore quelques galeries de peinture et des librairies d'art, pour maintenir un vernis culturel et entretenir le souvenir de l'époque d'effervescence intellectuelle qui caractérisait ce quartier. J'en profite au passage pour mettre en lien ce film "la vie commence demain" de Nicole Védrès, qui fut une figure de cet esprit Saint-Germain des prés. C'est une rareté, et un des premiers documentaires-fiction qui fut réalisé. Il témoigne d'une époque où en dépit de toute la barbarie qui s'était manifestée durant la première moitié du siècle, l'on s'efforçait de croire en l'avenir, au progrès de l'humanité et à son intelligence.
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jeudi 10 août 2023

Summerfun

Voilà,
en publiant, il y a quelques jours, cette photo dans un groupe intitulé "Manhattan before 1990" hébergé par un réseau social bleu, je ne me doutais pas que cette anodine scène de rue susciterait autant de commentaires. Il semblerait en effet qu'à mon insu, j'ai alors photographié une célébrité locale. Beaucoup de contributeurs semblent persuadés que la dame attablée en terrasse, lisant un journal, soit Bella Abzug une militante féministe très populaire au cours des années 70. D'autres intervenants ont rappelé, que la ville, fut cet été 1985, le lieu d'une bataille juridique entre deux franchises vendant des glaces. 
Ainsi allaient alors les choses dans le meilleur des mondes


mercredi 9 août 2023

Une fraction de seconde être sans âge

Voilà,
moments où l'on s'efforce de joindre le futile à l'agréable. Déambulations solitaires dans les rues de Paris. Explorer des nouveaux lieux, juste parce qu'on en a entendu parler. La ville déserte début Août. Traîner, traversé par d'étranges pensées. Espérer qu'elles ne soient pas prémonitoires. Des idées aussi. Mais l’énergie manque pour les réaliser. Dans le creux de la main, tenir le ciel et la terre. Songer à tout ce qui nous quitte à chaque seconde. À ce qui traverse aussi les corps, infinitésimal. Les mots les gestes les silences qui nous réduisent aux larmes. S'enchanter d'une senteur fugace. Une fraction de seconde être sans âge. S'étonner de frémir encore. S'effrayer du peu de temps qu'il reste. Confier ses tracas aux nuages. Se consoler en pensant qu'après tout chaque jour nous rapproche un peu plus de l'éternité.

lundi 7 août 2023

Les paulownias de la place Furstemberg

  

Voilà,
cette photo a été prise un jour d'hiver 1998, sur la la place Furstemberg. Le paulownia de droite y est déjà d'une taille conséquente, les autres paraissent avoir été plantés peu de temps auparavant. En Mai 2020, lors du confinement, j'ai pris un autre cliché.

 
Le sol était recouvert de pétales violets, peut-être à cause d'un coup de vent, de la chaleur ou d'une violente averse. À cette période, bien que les autorisations de sortie fussent restreintes à un rayon d'un kilomètre, il m'arrivait assez fréquemment d'enfreindre ce décret pour m'aventurer un peu plus loin, jusqu'à la Seine. Je passais inévitablement par là. Cette place, que l'on aperçoit à la fin du film de Martin Scorcese "The age of innocence" d'après Edith Wharton, je l'ai beaucoup photographiée. Elle condense tant de souvenirs, de sensations. C'est un de mes endroits favoris. J'y ai déposé tous les âges de ma vie, depuis que j'ai quinze ans.
 

Ces derniers jours, suite à un test de solidité du tronc et des branches, le plus vieux et le plus imposant des paulownias de la place, a été abattu. Une cavité et une pourriture avaient depuis longtemps été identifiées à la base du tronc, provoquant un mauvais ancrage. Contrairement au chêne, le paulownia, en outre peu adapté à la ville, produit un bois assez tendre. Son système racinaire, a paraît-il été en partie rongé par les rats qui ont creusé des galeries à sa base.  
Bien sûr cette disparition me fait quelque chose. Toutefois, il existe une photo de Jacques Cuinières datant des années soixante-dix (les voitures garées dans le coin l'attestent) prise dans l'axe opposé, et une autre datant de 1957, de Jeanine Niepce, et encore une autre anonyme montrant que s'il y a toujours eu des arbres sur cette place, ce ne furent pas toujours les mêmes et que trois d'entre eux avaient déjà été remplacés.
Selon le quotidien Libération, le problème principal est dû au fait que le budget consacré à la préservation des arbres de la capitale est en nette baisse, comme l'indique un document de la mairie consacré au budget primitif pour l’année 2023 : «L’entretien des arbres et des bois se voit allouer 6,5 millions d’euros, en baisse de 3,3 millions par rapport à 2022.»
Toujours selon la même source, il a été  constaté qu'en vingt-cinq ans, le nombre de bûcherons élagueurs a diminué de moitié, en raison d'un salaire faible offrant une moindre attractivité par rapport au secteur privé.
Ainsi vont les choses dans le meilleur des mondes. 

dimanche 6 août 2023

Café la Liberté

Voilà,
place Edgar Quinet, à l'angle de la rue de la Gaîté et du boulevard Edgar Quinet dans le quatorzième arrondissement, se trouve, une authentique brasserie parisienne qui n'a pas été trop transformée ni réaménagée. "La Liberté" fut en particulier fréquentée par Jean-Paul Sartre, qui à la fin de sa vie habitait dans les parages. C'est un endroit sans prétention, où j'aime particulièrement m'attarder. A une époque, le samedi, jour de marché j'y retrouvais ,après les courses, l'acteur Albert Delpy.  Comme c'est à un quart d'heure à pied de chez moi, j'y donne aussi quelquefois des rendez-vous. C'est d'ailleurs un endroit où les cafés abondent. Un jour, il faudra que je fasse une photo de l'un des garçons de cette brasserie dont la dégaine est assez singulière.
A l'intérieur de l'établissement se trouve cette fresque représentant une farandole de joyeux danseurs. Je n'en connais ni l'auteur, ni la date de réalisation.

 

mercredi 2 août 2023

Léger mieux

Hendaye 2012
 
 
Voilà,

au risque de me répéter, tout comme l’ONG Global Foodprint Network qui, chaque année, calcule le "Jour du dépassement" pour le monde, en croisant l’empreinte écologique des activités humaines (surfaces terrestre et maritime nécessaires pour produire les ressources consommées et pour absorber les déchets de la population) et la "biocapacité" de la Terre (capacité des écosystèmes à se régénérer et à absorber les déchets produits par l’Homme, notamment la séquestration du CO2).

Ce 2 août 2023,  —  ce serait presque une bonne nouvelle par rapport à l'année dernièrenous avons atteint la limite du capital naturel dont dispose la planète. Autrement dit, nous surconsommons et vivons à crédit de ce que la planète peut offrir. Ainsi, pour les 151 jours restants de l’année, l’humanité vit en déficit écologique. Cela signifie qu’il faudrait 1,75 terre pour renouveler ce que l’humanité consomme.

Ce n'est plus un secret pour personne, les activités humaines émettent d’énormes surplus de gaz à effet de serre (CO2) que les forêts et les océans ne peuvent absorber. La surpêche entraîne l’effondrement des ressources halieutiques car les espèces ne peuvent se reproduire à hauteur de ce que nous pêchons, trop d’arbres sont abattus,  etc…

Fin décembre au début des années 70, Novembre au long des années 80, Octobre dans les années 90, le "Jour du dépassement" n’a cessé d’avancer au cours des cinquante dernières années, à l'exception de l'année 2020, celle du confinement généralisé. Depuis 2000, ce jour est passé de septembre à juillet en vingt ans

Toutefois, depuis cinq ans, la tendance s’est stabilisée. Elle est cependant encore loin de s’inverser. En 2022, ce jour intervenait le 28 juillet soit cinq jours plus tôt que cette année. "Difficile cependant de discerner dans quelle mesure cela est dû au ralentissement économique ou aux efforts délibérés de décarbonisation" , constate l’ONG dans un communiqué publié le 5 juin 2023.

Pour atteindre l’objectif fixé par les scientifiques du Giec de réduire les émissions de gaz à effet de serre de 43 % d’ici 2030 « il faudrait déplacer le "Jour du dépassement de la Terre" de 19 jours par an pendant les sept prochaines années », selon Global Foodprint Network.

A part ça la vie suit son cours. Le souvenir des émeutes du mois dernier en France s'est fondu dans la torpeur estivale. C'est comme si ça n'avait jamais existé. C’est le retour des "marronniers" terme qui désigne les sujets qui reviennent chaque année, à la même période, dans les médias écrits ou audiovisuels, en particulier le mercato du football, (il y a deux ans Messi était au centre de toutes les spéculations, maintenant c'est M'Bappé). On ne parle plus beaucoup de la guerre en Ukraine, qui est quand même à nos années 20 ce que fut la guerre d'Espagne à la fin des années 30 du siècle dernier. On évite de parler de la relation entre ce conflit, les hausses des prix de l'alimentation et les risques de famine à venir dans certaines régions d'ici quelques années.  

C'est une bonne occasion pour ressortir une vieille note que j'ai retrouvée parmi celles qui sont rassemblées dans mon smartphone. Il y a un peu plus d'un an, j’ai copié cet article dont je n'ai malheureusement pas retrouvé l’auteur. Je me demande d'ailleurs bien pourquoi je garde des trucs comme ça. Je dois être un peu taré ou maso. Bref ça date du 12 Octobre 2021, quatre mois donc avant l’invasion de l’Ukraine. On peut raisonnablement penser que depuis, la réalité est bien plus alarmante que ce qui est décrit là. Au moins c'est factuel.

"On est donc face à une crise économique majeure. Si le prix du gaz augmente de 57% en 10 mois, c’est parce que le gaz de charbon commence à manquer sur les marchés de gros. Il est probable qu’au bout d’un moment, la demande s’arrêtera. On arrêtera de se chauffer tellement les prix seront élevés. Mais des usines fermeront aussi. En septembre, les prix des produits alimentaires ont augmenté de 33% dans le monde par rapport à la même période de l'année précédente, selon l'Organisation des Nations unies pour l'alimentation et l'agriculture. On atteint désormais des niveaux jamais vus depuis 2011. Les causes de cette hausse record sont bien connues: prix du transport élevé, catastrophes naturelles ayant entamé les récoltes, pénurie de main-d'œuvre... Le coût du transport maritime a été multiplié par dix, les ports en Asie sont congestionnés et se retrouvent dans une situation extraordinairement favorable c’est-à-dire qu’avec moins de trafic, vu l’augmentation des prix, ils gagnent beaucoup plus d’argent. Un trajet prend un mois, deux mois de retard, voire trois mois, et c’est pour ça qu’aujourd’hui, on a une pénurie. C’est de l’ordre de 30 à 40% de produits qui manquent dans certains secteurs.  "La pénurie est déjà une réalité en matière de puces électroniques, de vélos, d’étagères suédoises ou de matériaux de construction. Aujourd’hui, elle touche aussi des vêtements dans les rayons de la fast-fashion, des équipements sportifs mais en fait, elle pourrait toucher tout produit, même alimentaire. En cause là, l’emballage. "Les clients qui avaient l’habitude de se faire livrer en 15 jours-trois semaines, ont à faire face à des délais de livraison qui peuvent être deux à trois fois plus importants, dans certains cas, peut-être même jusqu’à l’année prochaine. Tout dépend en fait de la sorte de papier-carton utilisée," détaille Paul-Antoine Lacour, délégué général de la Copacel, représentant les producteurs français de papiers et de cartons. Mais d’une manière générale, on constate des allongements des délais de livraison, c’est certain."  À dix semaines de Noël, ça complique tout. Mais après les fêtes, seconde épreuve : il faudra faire admettre une augmentation des prix généralisée. Selon le FMI, l’inflation ne devrait être que temporaire et atteindre son pic à la fin de l’année avant de se stabiliser en 2022. La première cause de cette hausse de l’inflation est une explosion des coûts de l’énergie (électricité, gaz, pétrole). Le prix de l’essence ou du gaz de chauffage a grimpé en flèche au cours de ces dernières semaines et la pandémie – bien qu’en partie responsable de cette crise – n’est pas la seule raison. Des tensions géopolitiques ainsi que la présence de monopoles notamment pour le gaz (russe) en Europe ont fait monter les prix jusqu’à atteindre des niveaux encore jamais vus.
 Autre produit qui inquiète : les denrées alimentaires de base comme le blé qui souffrent d’une mauvaise année de récolte – tout comme le café ou le soja dont les prix s’envolent aussi. L’incident du cargo Evergreen dans le canal de Suez a aussi retardé de nombreuses livraisons, ce qui a eu un impact sur l’ensemble du transport maritime pendant des semaines." Si l’année 2020 a été finalement relativement “normale” pour les entreprises qui ont pu compter sur leurs stocks historiques, les réserves sont désormais vides et les usines ne tournent toujours pas à plein régime. Ils ne parviennent plus à répondre à la demande, en pleine croissance." S’il y a bien un produit qui manque plus que les autres, ce sont les semi-conducteurs. Ces petits appareils électroniques sont à la base de la composition de milliers de produits, allant des consoles de jeux, aux smartphones aux voitures. Ils sont un objet essentiel pour notre mode de vie occidental. En plus d’une production limitée, notamment à cause des tensions entre la Chine et Taïwan, les semi-conducteurs sont des produits plus demandés que jamais. Les confinements successifs ont eu un impact extrêmement important sur notre façon de travailler. La mise en place du distanciel a amené les foyers à s’équiper (ou se ré-équiper) en informatique… entraînant une hausse forte et soudaine de la demande en matière de semi-conducteurs. En plus de ces matériaux déjà en pénurie, d’autres industries pourraient être touchées dans les prochaines semaines. C’est notamment le cas des matériaux nécessaires au bâtiment qui sont déjà à la limite de la rupture et donc les délais de livraisons s’allongent de plus en plus. L’industrie du textile est elle aussi surveillée de près par les économistes qui craignent qu’elle n’atteigne le point de rupture rapidement.
Mais un nouvel élément pourrait encore venir compliquer les choses: la pénurie d'engrais. «Le coût des engrais est l'un des principaux moteurs de l'inflation alimentaire mondiale actuelle, car les prix des trois groupes de nutriments – potasse, phosphate et azote – sont à des niveaux jamais observés depuis environ une décennie», alerte ainsi Elena Sakhnova, analyste de la banque d'investissement VTB Capital à Moscou. La tonne d'ammoniac s'échangeait à 590 dollars fin septembre 2021, contre moins de 200 dollars un an auparavant. Une inflation de près de 200% .
Par curiosité, j'ai cherché quelques compléments d'information au sujet de ces histoires d'engrais et de ce qu'il en était pour la France. Sans surprise, la guerre Russo-Ukrainienne est venue exacerber cette situation. La Russie représente : près de 15 % des exportations mondiales d’engrais azotés,  14 % pour les engrais phosphatés et 19 % pour les engrais potassiques. 
La Biélorussie, alliée de Moscou, pèse pour 18 % des exportations d’engrais potassiques. L’incertitude sur le maintien des approvisionnements russes et l’effet des sanctions ont donc ajouté leur lot à la hausse des prix.  
La France dépend directement de la Russie à hauteur d’environ 7 % de ses importations d’engrais (en valeur). Nos principaux fournisseurs sont situés dans l’UE. Néanmoins, les matières premières nécessaires aux fabricants d’engrais européens - gaz naturel, ammoniac pierre à phosphate – sont notamment importées de Russie. 
Alors que de nombreuses unités de fabrication européennes tournent au ralenti pour faire face au renchérissement du coût de l’énergie, on estime que la capacité de productions d’ammoniac de l’UE est amputée de 50 %. Certains fabricants travaillent donc à l’adoption de procédés de fabrication d’engrais sans énergie fossile. C'est la seule bonne nouvelle dans cette affaire. Le suivi de l’indice des prix des moyens de production par l’INSEE montre, entre juillet 2021 et juillet 2022, une hausse de + 86 % du poste engrais et amendements. Notamment
  • + 116 % sur l’ammonitrate
  • + 126 % sur les solutions azotées
  • + 91 % sur l’urée
  • + 71 % sur les engrais simples phosphatés
  • + 108 % sur les engrais simples potassiques

 Dès lors, pour quels ajustements opteront les agriculteurs, à court et moyen terme ? Diminuer les quantités apportées ? S’orienter vers des cultures moins exigeantes en fertilisation ? Augmenter la part de légumineuses dans l’assolement ? le tout sans affecter le potentiel de production ? Si cette situation persiste, un tournant dans les pratiques devra être pris. Le conseil stratégique et pratique des Chambres d’agriculture pourrait ainsi être d’une grande utilité...

Bref, on n'a pas le cul sorti des ronces.
 
Mais bon, c'est l'été, la plupart des gens n'ont pas envie de penser à cela. Pour les plus riches, ça ne change de toute façon pas grand chose, le superflu est juste un peu plus cher. Les classes moyennes elles, se serrent la ceinture mais continuent de s'enthousiasmer pour les mêmes conneries. Depuis Marx le peuple a, en plus de la religion, des opiums supplémentaires (le sport, la télé, les jeux vidéos, les chanteurs de variété, les influenceurs, la VOD, des drogues de synthèse, et même du vrai opium tramadol et fentanyl). De temps à autres, au cours de l'année elles manifestent dans les rues, contre la vie chère, l'augmentation de l'âge de la retraite, plus rarement contre les lobbies thermo-industriels et le saccage de la planète. 
Quant aux pauvres qui crèvent dans la rue, ça évidemment, ça ne mobilise pas les foules. 
Il faudrait tout de même que j'aie, à l'égard du monde et de ses soubresauts la même indifférence que Kafka, qui le 2 Août 1914, notait dans son journal. "L'Allemagne déclare la guerre à la Russie. Après-midi piscine". Je ferais mieux de m’occuper de mes affaires personnelles et de prendre les dispositions qu’impose ma situation présente. 

Avignon 2023
 

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