lundi 29 avril 2024

Une surface



Voilà
sur la vitre du train de banlieue stationné à quai, se réfléchit dans la démultiplication des lignes de fuite et des plans superposés ce que le monde peut, en une simple fraction de seconde, offrir de confusion et de complexité à un regard qui ne sait plus faire le point. Et alors que s'annulent dans le brouillage des perspectives, surface et profondeur, la pensée voyage vers d'autres paysages, imaginaires ceux-là, mais autrefois si intensément rêvés, qu'ils persistent dans la mémoire comme s'ils avaient réellement existé. Elle dérive aussi vers ces temps où bien plus rares étaient les miroirs et les vitres plus opaques, mais où les peintres inventaient alors des Jérusalem imaginaires, des Egypte fertiles et verdoyantes, couvertes de sombres forêts. Le monde était alors plus inaccessible et mystérieux, plus hostile aussi. La nature dictait sa loi et demeurait une énigme qui prodiguait bienfaits et catastrophes. On la respectait avec terreur car elle était l'œuvre de Dieu. Que signifiait alors "regarder", que voyait-on vraiment, que ressentait-on (pour ne parler que de l'Europe)  à la vue d'une œuvre d'art, d'un vitrail ou d'un tableau du Dominiquin par exemple? Et, de cette façon autre de percevoir, que reste-t-il aujourd'hui, dans un environnement devenu si différent, si artificiel et peuplé de tant d'écrans que de ce fait même il est difficile de savoir ce qui, du réel, se dissimule et ce qui s'en projette ?


Paysage avec fuite en Egypte (Domenico Zampieri 1581-1641)

première publication 13/11/2011 à 11:14
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dimanche 28 avril 2024

Un coup de crayon enlevé qu'ils disent

 
Voilà,
Je me fais que citer le cartel situé à l’entrée du magasin Van Cleef & Arpels qui prétend «faire souffler un vent de fraîcheur sur la place Vendôme ! Depuis sa fondation en 1906, la Maison célèbre chaque année l'éveil de la nature et s'inspire de la vitalité de la faune et de la flore dans ses créations. Complice de Van Cleef & Arpels ce depuis 2020, l'artiste Alexandre Benjamin Navet a imaginé un univers coloré. Son coup de crayon enlevé habille ainsi la façade des salons Vendôme, de fleurs élancées accompagnant avec poésie le retour du printemps.
Ils ne se sont quand même pas beaucoup foulés pour le texte, mais bon ! Paris sera toujours Paris, capitale du luxe et de la frivolité. D'ailleurs place Vendôme, où se trouvent enseignes de bijoutiers et de haute-couture et Grands Hôtels, le Ministère de la Justice constitue une sorte d'anomalie.

vendredi 26 avril 2024

Sun Sing Theatre


Voilà,
j'ai pris cette photo en février 1994, et franchement je ne me souviens absolument pas pourquoi je traînais la nuit dans Chinatown.
"Le Sun Sing Theatre était une salle situé au 75-85 East Broadway, sous le pont de Manhattan, dans le quartier chinois de New York. Comme quelques autres cinéma en langue chinoise, il offrait aux immigrés chinois la rare possibilité de se rencontrer en toute sécurité, de se rapprocher de leur pays d'origine, de découvrir la culture de la génération précédente ou de participer à l'engouement pour le cinéma dans leur langue maternelle.
La salle a ouvert ses portes en 1911 sous le nom de Florence Theater. Elle accueillit d'abord des spectacles de vaudeville et des films yiddish. Au fur et à mesure que la population du quartier changeait, la nature des pièces a évolué. En 1942, l'endroit a été rebaptisé New Canton et a commencé à présenter des spectacles d'opéra chinois. Une troupe professionnelle d'opéra de Hong Kong, bloquée à New York pendant la Seconde Guerre mondiale, contribua à maintenir le théâtre en vie pendant dix ans grâce à des représentations nocturnes. En 1950, le lieu devient un cinéma et passe à la projection exclusive de films. C'est alors qu'il est rebaptisé Sun Sing Theater.
En 1960, la ville ayant prévu d'ajouter un pont supérieur au Manhattan Bridge, la démolition du théâtre est programmée. Mais les ingénieurs parviennent à trouver un moyen de bâtir les supports du pont tout en sauvant la salle à condition de réduire la jauge. Passant d'environ 900 à un peu moins de 700 places, le théâtre survit. En 1972 pour tenter de concurrencer d'autres marchés du divertissement en pleine expansion, tels que le karaoké, les jeux d'argent, les programmes en langue chinoise sur la télévision par câble et les locations de vidéo, la direction rétablit des spectacles sur scène. Le Sun Sing Theatre finit toutefois par fermer définitivement ses portes en 1993, en même temps qu'un grand nombre de ses semblables.
Le Museum of Chinese in America (MOCA) a conservé un certain nombre d'objets du théâtre, notamment des billets, des panneaux de signalisation, des timbres, des uniformes et un tableau de cartes de titre manuscrites utilisées pour suivre les expéditions de films vers différents théâtres". (article du Museum of Chinese in America)

mercredi 24 avril 2024

Sous le ciel de Paris

 

Voilà,
il est malheureusement probable que la beauté ne sauvera pas le monde, tant les maîtres du monde s'acharnent à la détruire partout où ils le peuvent. Tout au plus peut-elle nous donner, lorsqu'on la trouve ou qu'on la crée, l'illusoire sensation de nous préserver de cette frénésie de carnage et de prédation qui désormais se propage un peu partout sur cette planète. 
"Plus d'un signe annonce l'hégémonie du délire" écrivait Cioran. 
J'aurai pourtant planté des fleurs, cet après midi, sous le ciel de Paris
 

dimanche 21 avril 2024

Cave des grands vins

 

Voilà,
sur le tronçon du Boulevard Montparnasse situé entre la carrefour Vavin et Port-Royal, trottoir de droite lorsqu'on se dirige précisément vers Port-Royal cette cave à vins lorsqu'elle est fermée offre au regard cet amusant rideau de fer peint par TocToc dont j'avais déjà, il y a fort longtemps publié une peinture murale. Ce n'est pas la partie du Boulevard que je fréquente le plus, mais elle me rappelle les premiers mois où de mon histoire avec A. que j'allais alors chercher à son école avant de revenir à pied vers chez elle. Je ne crois pas que cette cave à vin existait déjà à l'époque

vendredi 19 avril 2024

Conversations privées


Voilà,
je suis revenu sur mes pas pour photographier cette fille, juste parce qu'en passant je l'avais entendue dire au téléphone "je n'ai pas de secret pour ma mère, je dis tout à maman".
La multiplication des portables conduit inévitablement à la prolifération croissante, dans les espaces publics de conversations téléphoniques. Et cela amène aussi à entendre parfois des choses absurdes, qui de toute façon ne nous concernent pas mais nous sont tout de même imposées. En la circonstance, j'étais moi aussi dans la confidence. Évidemment je tairai toutes les questions saugrenues, les pensées caustiques et vaguement obscènes que ce "je dis tout à maman" n'a pas manqué de susciter dans mon esprit. Je souhaite ne pas choquer le bigot ou la bigote qui vient de temps à autre polluer ce blog de ses commentaires.
Il arrive aussi, quel que soit le moment de la journée, qu'on ne puisse échapper à des échanges désagréables, parfois tendus, souvent même chargés de rancœur et de frustration. La revendication récriminante, l'exigence de reconnaissance voire d'amour se manifestent alors avec une intensité la plupart du temps, envahissante et désordonnée. Outre le désagrément sonore qu'elles engendrent, ces misérables manifestations de la nature humaine éveillent un profond sentiment de malaise et d'abattement.
Car, le bonheur semble souvent manquer, et dans les rapports entre les gens, la mesquinerie et la bêtise tiennent apparemment une part considérable. Ce n'est certes pas nouveau et autrefois déjà on pouvait s'en douter. Mais aujourd'hui il est quasiment impossible de ne pas le voir ni de l'entendre. Cette zone d'incertitude qui permettait de croire son semblable meilleur qu'il n'y paraissait, a désormais disparu. Comment dès lors ne pas céder à la misanthropie et l'envisager comme une forme d'hygiène, sinon de salut.
première publication 16/9/2018 à 9:47 

jeudi 18 avril 2024

Soulagé

Voilà,
lundi dernier, en revenant de l'hôpital, nous avons, ma fille sa mère et moi, traversé à pied, le pont de Saint-Cloud, le cœur plus léger en dépit de ce ciel un peu chargé. Heureux et soulagés, nous avons même commis un selfie ensemble. Il me faudra du temps sans doute, pour oublier les affres de ces six derniers mois, les moments d'angoisse et de solitude, accrus par le silence de ceux qui si prompts autrefois à faire des déclarations d'amitié, se sont pitoyablement dérobés. Autant taire ce qui me passe par la tête à ce sujet. Heureusement d'autres, proches ou lointains, — certains même parmi les quelques lecteurs de ce blog —  ont su me témoigner une attention discrète et généreuse, et je les en remercie. Oui vraiment.
Je retiendrai tous ces moments complices en compagnie de ma fille, les promenades partagées sur les quais de Seine, dans le quartier latin, au jardin des plantes, les pièces et les films vus ensemble, les parties de cémantix sur le canapé, les matches de rugby et de foot à la télévision, les expositions visitées tous les deux, les moments de rien, les câlins, et puis sa force sa détermination, sans que jamais elle ne se plaigne. Les repas partagés aussi avec une de ses amies connue lors de son séjour Erasmus à Barcelone venue lui rendre visite depuis Munich au début et à la fin de son traitement. Et c'était bon de les voir ensemble à la maison, souriantes et gaies en dépit de l'adversité, si fortes de cette complicité.
 
Maintenant, je suis tout de même bien désorienté. Pendant six mois il a fallu faire comme si j'assurais, comme si je n'avais pas peur. Paraître fort, maîtriser, sourire, blaguer. À présent, je crois que je suis un peu en vrac. Depuis trois jours je ne cesse d'avoir envie de dormir.
Mais elle est vivante. Elle a recouvré la santé. Elle peut faire des projets d'avenir. Cela seul compte.
 

lundi 15 avril 2024

La Vie

 Voilà
 un jour singulier  
aujourd'hui
tant espéré
durant ces six derniers mois
un jour de délivrance
je suis si heureux 
si désemparé
aussi
je ne parviens pas à y croire 
(je ne suis pas doué pour le bonheur)
 c'est tellement miraculeux
oui
miraculeux
elle revient de si loin
ma fille

dimanche 14 avril 2024

Une grande actrice

 

Voilà,
Place St Sulpice, au pied de l'immeuble où vit Catherine Deneuve, se trouve ce pochoir signé Oja donnant l'illusion d'un assemblage d'azulejos. Une vraie fausse mosaïque en quelque sorte. Je trouve cela assez kitsch. Cela s'appelle "mes 80 saisons préférées" en référence au film d'André Téchiné  "Ma saison préférée"  dans lequel l'actrice désormais âgée de 80 ans, a autrefois joué.

vendredi 12 avril 2024

L'Histoire de nos ratages

 

Voilà,
ces derniers temps j’écoute en boucle le premier album de Steely Dan, que je ne connaissais pas et que j'ai découvert que très récemment. Serais-je devenu un homme d’une sensibilité différente si je l’avais découvert à seize ans lors de sa sortie ? Et en vertu de l’effet papillon quelle aurait été ma vie dès lors ? Qui sait si cet infime paramètre ne se serait pas révélé déterminant ?  En fait, le ce-qui-manque, abonde autant sinon plus dans nos vies, que ce dont elles semblent remplies. L' histoire de nos pertes, de nos oublis de nos ratages, de toutes les occasions perdues nous constitue au même titre que l’entrelacement d'actes d'événements et de circonstances qui, croyons-nous, forment la trame de nos existences. Comme l'écrivit Marguerit Yourcenar "c'est ce que je n'ai pas été, peut-être, qui définit ma vie avec le plus de justesse"
Et puis le monde lui-même, n'est-il pas aussi fait de toutes les béances qui trouent le champ du Réel ? Comme ces fromages qui se caractérisent autant par la densité de leur pâte que par le vide de leurs trous ? Il n'est qu'à songer à tout cet "idéal" qui brille dans le monde surtout par son absence : à commencer par cette trinité républicaine affichée au fronton de nos mairies que les faits pourtant ne cessent de démentir.
La part d’invisible d’inaccompli, de questions irrésolues, abandonnées, de projets inaboutis, les rêves oubliés au matin, toute cette masse manquante forme une trame qu'on ne peut certes observer, mais qui n'en demeure pas moins intensément présente, et revêt dans nos vies une importance que nous ne soupçonnons peut-être pas à sa juste mesure. Que serait il advenu si j'avais osé franchir la porte du cinéma Monge lorsqu'une certaine compagnie y jouait "Trotsky à Cayoacan" ? Ou s'il n'y avait pas eu cette stupide distraction près de l'église Notre-Dame-des-champs ? Où si j'avais été moins timide en certaines circonstances ? Où si j'avais eu des jugements moins péremptoires sur le théâtre à différentes époques de ma vie ? Si je m'étais attablé en certaine compagnie plutôt que de passer mon chemin. Mon existence eût été bien différente et aurait peut-être formé une autre version de moi, plus attrayante, ne serait-ce qu'à mes propres yeux, et peut-être aussi pour les autres. 

jeudi 11 avril 2024

Près du bosquet


Voilà,
près du bosquet, là-bas, peut-être dénicherait-il un coin pour s'asseoir boire s'assoupir un temps, oublier. Mais impossible de trouver le repos. Toujours ses pensées le ramenaient à la sourde angoisse de son temps. Même dans ce coin retiré, il ne pouvait s'empêcher de s'abreuver aux nouvelles du monde. Sur son ordiphone il consultait ses notes, les publications des uns et des autres sur les réseaux sociaux, les dernières nouvelles, les bulletins de guerre où il était question de nouveaux bombardements, de civils massacrés. C'était épuisant, cette accumulation. Sans espoir. Il repensa à cette phrase d'Alphonse Allais qu'il avait lue par hasard, quelques temps auparavant : "Ne nous prenons pas au sérieux il n'y aura aucun survivant".  

mardi 9 avril 2024

Sam

Voilà,
pour la première fois de ma vie, il y a quelques jours, j'ai entendu, non sans étonnement d'ailleurs, quelqu'un me dire qu'un certain livre de Beckett — que pour ma part je trouve plutôt drôle — lui avait paru "vraiment répugnant".
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lundi 8 avril 2024

L'Huître et le Néant


 
Voilà,
j'ignore qui repose sous cette tombe ni si les coquilles d'huîtres sont destinées à demeurer dessus. 
Je me suis beaucoup questionné sur cette"installation". 
Est-ce la sépulture d'un écailleur d'une des grandes brasseries du quartier ?
Celle de quelqu'un qui avait souhaité que ses amis dégustent des huîtres au jour de son inhumation.
J'ai retrouvé des épitaphes de gens plus ou moins célèbres notées sur mon smartphone
Ici repose celui dont le nom était écrit dans l'eau (John Keats)
je meurs vraiment au dessus de mes moyens (Oscar Wilde)
Je perds mes dents je meurs en détail (Voltaire)
Huit jours avec la fièvre j'aurais eu encore le temps d'écrire un livre (Balzac)
maintenant je sais quelque chose que tu ne sais pas
ici repose un athée tout habillé qui ne sait où aller
Ils étaient bons ces champignons
Je vous l'avais dit que j'étais malade
Mon dernier rôle est un rôle de décomposition 
Enfin seul (Arman)  
J'ai fait ce que j'ai pu, que ceux qui le peuvent fassent mieux ( Stanislaw Lem)

samedi 6 avril 2024

Abeilles et bourdons




Voilà,
"si les abeilles disparaissaient de la surface du globe, l’homme n’aurait plus que quatre années à vivre". Cette citation, faussement attribuée à Albert Einstein, contient au moins une part de vérité. Le rôle des insectes pollinisateurs est vital pour les humains. Philippe Grandcolas, directeur adjoint scientifique du CNRS écologie et environnement et co-auteur d’un rapport de l’Académie des sciences sur le déclin des insectes, nous éclaire : « Lorsque les abeilles vont visiter des fleurs, elles transportent le pollen et fécondent une fleur avec le pollen d’une autre. Ce service de pollinisation est indispensable à l’humanité ! Les 3/4 des plantes cultivées dépendent de pollinisateurs, essentiellement des insectes, pour leur reproduction. C’est le cas de la tomate dont la fleur a besoin d’être secouée par le bourdon terrestre pour que la pollinisation soit bien assurée. Même quand les plantes sont auto-fertiles, comme certains colza, la pollinisation croisée entre fleurs permet d’obtenir jusqu’à 30% de rendement en plus. Ce service gratuit est rendu par les abeilles domestiques, mais aussi et surtout par les abeilles sauvages et d’autres insectes.
Sur les 5 500 insectes pollinisateurs recensés en France métropolitaine, environ 1 000 sont des abeilles sauvages. Ces abeilles solitaires dépendent d’habitats particuliers, mis à mal par nos activités. Partout, on a simplifié le paysage à l’extrême en supprimant haies, bosquets et prairies qui sont autant d’habitats naturels. L’épandage massif de pesticides est aussi l’une des causes majeures de leur déclin. Sans compter les aléas climatiques… Le bourdon est ainsi sensible aux sécheresses qui affectent la ressource en eau et en fleurs.Penser que l’on peut se passer des pollinisateurs sauvages revient à se voiler la face. Il ne suffit pas d’emmener des ruches d’abeilles domestiques quelque part pour que ce service soit rendu. On le voit aux Etats-Unis où des milliers de ruches sont déplacées d’un état à un autre, pour polliniser des fleurs d’amandiers plantés sur des parcelles arrosées de pesticides. Le bilan environnemental est désastreux. Polliniser à la main, comme dans certaines régions de Chine, ou espérer le faire avec des drones est aussi une coûteuse absurdité ! 
En France, on utilise des bourdons élevés en ruchettes pour polliniser les tomates cultivées sous serre. C’est un système sous cloche, non durable ! On parle là de bourdons sélectionnés, élevés et vendus, alors que d’autres bourdons sauvages, à la diversité génétique plus grande, rendent ce même service gratuitement.
 
 
 
Il est urgent d’enrayer le déclin des insectes pollinisateurs avant qu’il ne soit trop tard. Dans certains endroits, nous sommes déjà arrivés à un point de bascule. Le cas de la production de colza est emblématique. Dans les grandes plaines, les populations d’abeilles s’effondrent ou deviennent moins efficaces en raison de leur exposition aux pesticides. 
Le colza étant auto-fertile, la plante peut se passer du service de pollinisation croisé rendu par les abeilles, mais cela diminue la production d’environ 30%. On essaie de compenser cela avec des intrants, mais cela représente un coût considérable et cela a des conséquences environnementales détestables. En grande culture, on raisonne trop ainsi : le sol est détruit ? Ce n’est pas grave, ajoutons de l’engrais. Le sol ne retient plus l’eau de pluie ? Ce n’est pas grave, irriguons ! Les grandes cultures sont typiques d’un système sous perfusion qui coûte cher. Il a non seulement un coût économique affiché lié aux achats d’intrants, mais aussi un coût caché lié au bilan de l’eau ou au coût sanitaire lié à l’impact des polluants chimiques sur la santé des sols, des hommes et des animaux.
Si les abeilles disparaissent, l’humanité ne disparaîtra pas, mais notre vie va être de plus en plus difficile. Il importe d’en prendre conscience, et d’agir pour inverser cette tendance, à l’échelle collective et individuelle. En privilégiant chaque fois que c’est possible, la production de produits bio, locaux et de saison, le consommateur a le pouvoir d’agir ! » 
Propos recueillis 
par Alexandrine Civard-Racinais pour le site curieux

jeudi 4 avril 2024

Calmer la fièvre

 
Voilà,
en février 1942, Stefan Zweig poste à son éditeur le manuscrit "Le monde d'hier, souvenirs d'un Européen" tapé par sa femme. Le lendemain le couple se suicide. Le livre, paraît en 1943 à New York. Commencé en 1934 après que son auteur a fui la persécution nazie, d'abord en s'exilant en Angleterre puis vers le Brésil, il décrit avec nostalgie la Vienne et l'Europe d'avant 1914 : une Europe insouciante, traditionnelle, conventionnelle, artistique, à l'apogée de sa richesse et de sa puissance dont Zweig fréquentant Freud, Verhaeren, Rilke ou Valéry, est un témoin privilégié. C'est l'évocation nostalgique d'une époque de stabilité et de liberté d'esprit, un  "âge d'or de sécurité" qui va s'effondrer avec les deux guerres mondiales et la disparition des monarchies européennes. En bref, selon l'auteur, la mort d'une civilisation qui avait pourtant une bien grande confiance en l'avenir. 
Zweig, ça l'a un peu démoralisé cette affaire. Il a donc préféré le véronal aux charmes de la nostalgie sous les tropiques.
Bien sûr, il n'avait pas prévu que la civilisation européenne se survivrait encore un peu grâce aux États-Unis ce surgeon monstrueux qui préserva l'Europe de la destruction et assura sa protection durant quatre-vingt années. Mais aujourd'hui, rongé par la gangrène de l'argent et celle de la religion, cette nation de sauveurs agonise. Ses institutions tout comme ses infrastructures prennent l'eau. Sa population majoritairement empoisonnée par la junk food les opioïdes et la libre circulation des armes à feu, abrutie par la pensée évangéliste et les blockbusters semble n'avoir d'autre alternative pour les prochaines élections que de devoir choisir entre un vieillard sénile et un psychopathe narcissique inculte et dément. Et si elle a déjà pu mesurer les ravages dont est capable ce dernier, elle semble néanmoins désirer s'en remettre une fois encore à lui. L'intelligence, l'humanisme, l'invention, l'audace qui pouvaient parfois se manifester dans ce pays semblent être devenus minoritaires. Et la puissance américaine a désormais fait long feu.
Et voilà que notre vieux continent héritier de tant d'Histoire, se retrouve sans tutelle à nouveau au bord de l'effondrement. Ici aussi les populistes débiles reprennent du poil de la bête. Sous nos latitudes, des connards de toutes générations et d'un calibre assez redoutable se disputent le pouvoir. Les peuples se replient sur eux, les égoïsmes nationaux et les revendications identitaires gagnent comme de la mauvaise herbe. Je ne sais pas si c'est dû aux perturbateurs endocriniens, à la médiocrité des programmes de télévision durant les cinquante dernières années, au naufrage du système scolaire, ou à quelque virus non identifié, mais la connerie semble avoir gagné un terrain considérable. Bref rien n'incite vraiment à espérer que le salut viendra de l'occident pour faire face aux défis qui s'imposent à l'humanité. Et les phrases de Zweig résonnent de nouveau terriblement. "Peu à peu, il devint impossible d'échanger avec quiconque une parole raisonnable. Les plus pacifiques et plus débonnaires des amis que j'avais toujours connus comme des individualistes déterminés s'étaient transformés, du jour au lendemain, en patriotes fanatiques. Toutes les conversations se terminaient par de grosses accusations. Il ne restait alors qu'une chose à faire : se replier sur soi-même et se taire aussi longtemps que durerait la fièvre."
Même si je suis accablé de devoir finir mes jours dans un tel chaos, je retourne faire du vélo du côté du bois de Boulogne. Le vélo c'est tout de même un de ces menus plaisirs d'enfance auquel on peut s'adonner en relative sécurité dans ces parages — du moins je l'espère — quand on vieillit. Je regarderai les lourds nuages au-dessus de la fondation Vuitton — ce joyau d'architecture — en songeant que malgré tout la lumière est belle.  
On nous dit que bientôt la guerre va s’étendre sur l’Europe entière, que rien n’arrêtera la folie de Poutine, que c'est une question de mois. Il faut bien constater que jamais les dirigeants de la Russie n'ont été aussi belliqueux et les déclarations de certains d'entre eux font frémir. Et ce qui advient en outre dans un sud qui n'est pas si lointain, juste de l'autre côté de la méditerranée n'incite guère à l'optimisme. Chacun là-bas a de bonne raison de haïr l'autre avec une frénésie qui confine au délire. Nationalisme, religion, volonté génocidaire réciproque tout est bon pour perpétrer de grands massacres qui à chaque fois font oublier le précédent. Là aussi, la poudrière s'enflamme, et risque de s'étendre.
Ainsi vont les choses dans le meilleurs des mondes possibles...

mercredi 3 avril 2024

Un bruissement de feuilles

 
Voilà 

juste un bruissement de feuilles. Ce n’est plus moi qui frémit et c’est très bien ainsi. Le vent murmure de vieux secrets, convoque des souvenirs à travers les ramures. Semblaient à jamais oubliés. Il m’emporte avec eux m’éparpille me dissémine comme poussière ou pollen. Les yeux pulsent sous les paupières tremblantes, des songes fragiles pareils à des amibes flottent dans une lumière orange. Douce couleur de l’abandon. De fugitives fantasmagories tissent dans la rétine des formes continûment changeantes. 

 

 


Suis au monde m’en remets à lui. Si la mort pouvait ressembler à cela, ce doux acquiescement ce flottement cette légère et paisible dérive où s’effacent chagrins et douleurs, alors oui, sans regret. L’oiseau essaime sa trille joyeuse dans l’air tiède. À peine entrevue, la voie de la pureté. Bien là. Rien de triste. Toutes choses égales.

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mardi 2 avril 2024

Un rien m'affecte

 

Voilà,
ces derniers temps un rien m'affecte. Récemment dans le bus, en écoutant "52 girls" au casque sur mon smartphone, j’ai fondu en larmes. J’étais à la place située derrière le chauffeur. Personne ne s'en est aperçu. J’ai repensé aux joies éprouvées avec les chansons de cet album à la couverture si éclatante qui repassaient sur la platine pendant que je faisais des collages et des photomontages, surtout durant l'année 1980. Oui "52 girls" avec les voix des filles aiguës derrière les guitares au son un peu rétro, ces paroles délicieusement stupides avec cette énumération de noms, la première fois où j'ai entendu ce morceau, cette légèreté cette futilité m'ont fait du bien à une époque où pourtant je n'étais pas particulièrement serein. J'étais encore jeune. Je côtoyais cependant des adultes fiables, secourables dignes de confiance. De bon conseil. Ils me manquent. Je n’y peut-être pas été assez attentif.
Contre toute probabilité j'ai vieilli. Mais aujourd’hui je n'ai pas pour autant trouvé la sagesse. Je m'étonne encore de la mesquinerie, de la lâcheté, de l'hypocrisie que certaines personnes m'ont révélé ces derniers mois. Je m'en veux surtout de ne pas l'avoir décelée, ou quand je la décelai de m'être efforcé de ne pas y croire.

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