Voilà,
une femme entre deux âges s'extasie sur ses plantes de balcon. Un homme jeune écoute en mangeant des œufs brouillés à un horaire tout à fait inadéquat la leçon des ténèbres de Michel Lambert. Un homme paisible se plonge dans la lecture d'un livre de Siménon. Une étudiante rassemble son linge sale pour se rendre à la laverie automatique. Un adolescent se branle en silence dans sa chambre. Un type grincheux s'aperçoit qu'il n'a pas les vis de bon calibre pour le bricolage qu'il souhaitait entreprendre. Une post-doctorante en équilibre sur son escabeau s'efforce de nettoyer ses fenêtres. Un chômeur à la mémoire déficiente se demande si la date pour payer ses impôts n'est pas déjà passée. Un écolier regarde le ciel bleu à travers la fenêtre de la classe et compte les jours qui le séparent des vacances. Un rédacteur en chef se réjouit d'avoir trouvé un mauvais jeu de mots pour la une de l'édition du journal du lendemain. Un sexagénaire se demande s'il ne devient pas très con en s'apercevant qu'il ne comprend absolument plus rien aux publicités qui passent avant les films et que parfois il ne comprend même pas ce qu'on tente de lui vendre. Un dramaturge explique à des comédiens, la plupart l'œil discrètement rivé sur leur fil d'actualité Facebook, qu'il a parfois l'impression que l'humanité ressemble aux personnages de "La Cerisaie" de Tchekhov, en ceci que plutôt que de changer leur mode de vie, ils refusent d'affronter la réalité et préférent vivre dans la nostalgie parmi les vestiges d'un monde ancien. Il ajoute que c'est pour lui c'est vraiment la pièce de la dissonance cognitive. Un retraité insatisfait trouve que sa vie est en désordre, son espace quotidien un chaos. Il a l'impression de ne pouvoir échapper à une sorte de fatalité. Un cadre d'un laboratoire pharmaceutique en possession d'une certaine information hésite entre l'urgence de s'exprimer et la nécessité de se taire. Dans un bar, devant son verre de bière un type légèrement éméché qui a tendance à s'écouter parler dit à son copain qui n'en a pas grand chose à foutre vu qu'il n'a pas baisé depuis depuis des mois "Je l'aime parce que je ne la comprends pas. C'est pour ça qu'elle reste infini pour mon désir". Un touriste belge errant sans but dans une ville d'Andalousie réalise soudain que les sirènes d'alarme des véhicules de Police sont semblables à celles qu'on entend à New-York. Un artiste peintre hésite entre deux tailles de pinceau pour corriger un détail. Un ingénieur du son dans un studio d'enregistrement trouve que la tristesse du saxophoniste a quelque chose de vraiment embarrassant, dérangeant même. Un lycéen lisant l'expression de Hobbes "la guerre de tous contre tous" trouve tout à fait génial le lien qu'il fait aussitôt avec ce qu'on lit sur les réseaux sociaux. Un visiteur du musée se demande au sortir d'une exposition s'il va enchaîner sur une autre, ou s'il ne serait pas plus judicieux de prendre l'air de vaquer dans le quartier ou de s'attarder à une terrasse de café.
i like this black and white photo with its slight distortion, and the list too wow its poetry--'cause its a bittersweet symphony this life...' :)
RépondreSupprimerDe cette suite de scénettes, ressortent inévitablement pour chaque lecteur quelques unes dans lesquelles il peut se reconnaître. Et cela peut être éventuellement embarrassant, voire dérangeant. Ou amusant.
RépondreSupprimerWonderful architectural reflections in your photo.
RépondreSupprimerGood one.
RépondreSupprimerA fabulous image, but more... A very creative collection of snapshots-- or reflections? To me it's the most evocative writing of yours that I've seen. Very well done, mon ami.
RépondreSupprimerSí, es la poética de la pluralidad y de lo abierto de nuestros
RépondreSupprimerpequeños mundos, las deformaciones, las dicotomías, del
día. Queremos ser nubes, nube-pensadores, nubes donde
poder lanzar nuestra variada percepción del mundo en que
nos desangramos.
Un abrazo.
J'aime beaucoup ton texte; un microcosme de la société, ou comme un immeuble dont tu aurais ôté la façade et où tu observais à la dérobée, en imaginant.
RépondreSupprimerRéalités précises en contraste avec la distorsion de l'image. ¡Muy bien!
J'aime beaucoup cette tranche de vie "anamorphique" en n & b!
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