jeudi 18 octobre 2012

Le livre aimé


Voilà,
ce que j'aimais de ce livre, et que j'aime encore par delà les années, c'était moins son contenu que son principe, son architecture si singulière. Sa couverture, abstraite et colorée et tellement identifiable, représente des griffouillis. En son envers figure en négatif (blanc sur fond noir) la reproduction manuscrite d'un bref avertissement de l'auteur, à la fois exergue et incipit "tout ceci doit être considéré comme dit par un personnage de roman". Puis la page de garde, avec les remerciements, et derrière une photo de sa mère un peu floue, prise sur une plage où j'ai aussi connu des jours heureux. Vient le titre du livre qui est aussi le nom de celui qui l'écrit. Ensuite agençant textes typographiés en italiques et photos évoquant une époque révolue quelques pages inaugurent paradoxalement l'ouvrage sous le signe de son achèvement "Voici pour commencer quelques images : elles sont la part du plaisir que l'auteur s'offre à lui-même en terminant son livre". Cette première section s'achève par une photo de palmier sur la page de gauche, et sur la page de droite, d'un poème d'Heinrich Heine, précédé d'une métaphore liant le palmier et l'écriture. Page suivante, une photo : l'auteur en imperméable allumant une cigarette. Ensuite le corps principal du livre rassemble une suite de fragments, nettement détachés les uns des autres, classés par ordre alphabétique où sont répertoriés et analysés tous les sujets que son auteur a abordés tout au long de sa vie passée. C'est une sorte de reader's digest ou plus exactement de "'author's digest" qui est d'ailleurs au principe même de la collection dans laquelle ce livre est édité. Il y a là d'ailleurs une singulière mise en abyme (terme qui d'ailleurs et le titre d'un de ces fragments), puisque finalement l'ouvrage est une collection de texte brefs, se renvoyant les uns aux autres. Et à l'intérieur même de ces fragments, s'insère un autre en italiques, qui opère comme une rupture et rassemble de plus petits paragraphes suggérant des souvenirs "des choses vues".  On se plaît à rêver d'une édition électronique avec liens hypertexte dont l'auteur disparu trop tôt aurait sûrement fait un usage pertinent tant il semble adapté à son fantasme de "textualité". Parcourant aujourd'hui, ce livre, je le considère avec tendresse. Le style est ampoulé, précieux souvent amphigourique à cause de sa volonté affichée de faire "scientifique", inévitablement narcissique (l'auteur s'y désigne même parfois à la troisième personne du singulier sous ses seules initiales) maniéré donc, mais cependant traversé de fulgurances saisissantes ("sidérantes" aurait-il dit). Mais il constitue un objet au charme encore puissant et somme toute toujours aussi mystérieux. Enfin sur la troisième de couverture, toujours en lettres manuscrites blanches sur fond noir cette conclusion en forme de profession de foi :
"Et après ?
- quoi écrire maintenant ? pourriez vous encore écrire quelque chose ?
- on écrit avec son désir, et je n'en finis pas de désirer"

1 commentaire:

  1. Evidemment, comme votre dessein est de ne pas révéler, nulle question. On peut etre aussi inculte (le secret de Polichinelle). Mais on peut dire merci aux secrets et leur signifier notre connivence (secrète).

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