mardi 5 novembre 2024

La Chose

 
 
 
Voilà,
gisant au milieu du dépotoir, la chose était là, inerte dans la boue, suintante, exhalant une odeur putride. Relents d'ammoniaque d'essence et de pourriture. Surtout il y avait ce silence pesant laissant craindre l'imminence d'un imprévisible et soudain danger. Aucun oiseau ne passait dans les parages. Tout semblait s'être figé dans une attente trouble et oppressante.
Depuis des jours, les soldats se relayaient pour monter la garde sans que rien ne se produise. Ils se tenaient à distance, masquant leur malaise. Pas un ne voulait approcher "la bite", comme ils l’appelaient entre eux, avec des airs bravaches pour se donner une contenance. Ils l'avaient trouvée là, mystérieuse, incongrue, sinistre. Parfois un nuage de mouches bourdonnant apparaissait autour de l’intrus. Les bestioles paraissaient dessiner une forme, halo ou couronne mouvante. Elles ne restaient jamais bien longtemps, puis s'éloignaient avant de revenir quelques heures ou quelques jours plus tard. Rien ne semblait régler ces agaçantes apparitions. Les nerfs étaient mis à rude épreuve. C'était comme un rite ou une connivence tacite que rien n'expliquait. Des hommes avaient tenté de s’approcher, au début, la première nuit. Mais à chaque pas vers la chose un vertige sourd les étourdissait. leur poitrine suffoquait sous un poids étrange, une main invisible les prenait à la gorge. 
On redoutait que le moindre geste, le bruit le plus infime pût réveiller la chose.  
Alors on restait là vigilant, aux aguets. 
Les heures passaient, et la "chose" demeurait, inerte, comme un secret échappé des tréfonds de la terre.
Soudain, un frémissement traversa la surface de la créature. un imperceptible frisson en même temps qu'un bruit, subtil, perça le silence, comme un râle profond. La chose gonfla pour se ramollir  aussitôt. 
De nouveau ce fut le silence
Les hommes s'étaient reculés d’un même mouvement, suspendus, le souffle coupé. Était-ce un battement de vie ou simplement l’illusion provoquée par l’air tremblant sous un pesant soleil ?
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3 commentaires:

  1. It's really beautifully done even if it doesn't honor your soldiers. A great picture.

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  2. Mais non ce n’était pas Antoine Volodine, et pourtant, une proximité d’univers.

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