Voilà,
franchement ces jours-ci, j'ai un sérieux coup de blues. J’aimerais pouvoir mettre un peu de distance, mais j’en suis incapable. Tout m’afflige et je suis en train de perdre pied. le matin je n'ai même plus envie de sortir de mon lit.
J'aimerais bien avoir l'inconscience de mes vingt ans. Me prendre un petit acide à la campagne, histoire d'avoir des extases mystiques, de faire un avec le cosmos, de me sentir dans un état sans mesure, traversé d'ondes, de particules ou bien feuille, lichen, poussière d'étoile, parler avec la fourmi, voyager dans l'écorce, me connecter aux racines, accepter l'étreinte de spectres bienveillants communier avec le grand-tout et autres foutaises comme ça. Mais à vingt ans mon inconscient était moins chargé.
J'avais certes un bon petit bagage, amassé dans mon enfance algérienne qui ne m'incitait pas trop à l'optimisme concernant la nature humaine, mais tout de même, j'avais l'âge des illusions, et encore biens des fraîcheurs en moi qui rendaient solubles les angoisses. Je lisais de la poésie, les coïncidences me semblaient des énigmes à déchiffrer. Je croyais au mystère, aux connexions secrètes, à l'amour et aux forces de l'esprit comme disait Tonton.
Les années ont passé en même temps que le monde s'est enlaidi, rétréci, et moi avec. Non seulement j'approche du bord, le sol devient friable, mais de plus en plus d'amis, de connaissances meurent. Question sérénité je ne suis pas au mieux. L'impression d'être sur une liste d'attente.
Non, peut-être que prendre un trip, à la réflexion, ne serait pas vraiment une bonne idée. Ou alors il faudrait qu'il soit très bon, pas speedé, avec une gentille doctoresse pour me tenir la main ou plus si affinités. Ou même à la rigueur une infirmière. Mais je crois qu'elles ont autre chose à foutre les doctoresses et les infirmières que de s'occuper de moi. C'est pas trop la fête pour elles non plus ces derniers temps.
Et puis il y a toutes les choses que je ne peux pas ignorer, parce qu'elles sont là, elles sont là quoi ! Faut vraiment y mettre beaucoup de volonté pour pas les voir. La nuit, je me fais des mauvais films. Je rêve de choses effrayantes. On me poursuit dans des villes ravagées. Ils font comment les gens pour être bien dans leur tête ? Pour ne pas y penser : feux de forêts et sécheresse au Chili, nappes phréatiques pas rechargées en France, tremblement de terre en Turquie et en Syrie, secours qui ne peuvent accéder à certaines zones, malhonnêteté des promoteurs et la corruption du régime d'Erdogan révélées par l’ampleur du désastre, histoires de ballons-espions chinois collectant des informations sur les sites sensibles américains, lâcheté des puissances occidentales ne soutenant l'Ukraine qu'en paroles, agissements des multinationales absolument pas à la hauteur des plans qu’elles annoncent pour réduire leur empreinte carbone, vents violents et abondantes précipitations sur l’île du Nord de la Nouvelle-Zélande, l'idée de plus en plus répandue à Taïwan que la paix ne va pas durer longtemps, fort regain de climato-scepticisme sur les comptes français du réseau Twitter, troubles dépressifs en France pour un jeune sur cinq, manque de munitions en Ukraine alors que se profile une nouvelle offensive russe, pollution aux particules fines sur l’ensemble du territoire française, subventions de mille milliards accordées en 2022 par les États aux énergies les plus créatrices de gaz à effet de serre, soit le double de l'année précédente, déraillement à East Palestine, Ohio, d’un train transportant des produits toxiques, population inquiète des conséquences sanitaires de l'accident, annexion de territoires en Palestine par les colons israéliens avec neuf nouvelles colonies, répression en Iran qui continue et s'intensifie, record de fonte battu pour la deuxième année consécutive en Antarctique, "exode d’ampleur biblique" selon ses propres termes, prévu par l'ONU en raison de la montée des eaux dans les prochaines décennies, centrales nucléaires obsolètes et toujours en service et puis tout ce qu’on oublie d’évoquer car c’est sorti de l’actualité : les massacres impunis, les tyrans relégitimés à l’ère des mensonges exponentiels au nom de la real- politik…
Comme si ce n'était pas suffisamment le bousin sur terre, on s'aperçoit qu'autour de la planète c'est un peu dégueulasse aussi. Bien sûr il y a des gens qui essaient de trouver des solutions, du moins des aménagements. Steve Wozniak, par exemple. Le cofondateur d'Apple a créé une entreprise nommée Privateer. Son principal objectif est de proposer la prise en charge des
centaines de milliers de déchets spatiaux en orbite autour de la Terre. Dans un premier temps, il s'agit de cartographier ce chaos qui tourne au-dessus de nos
têtes, afin de rendre l'orbite terrestre basse plus cohérente et mieux
exploitable.
L’aérodynamicien Moriba Jah, appelé à diriger cet ambitieux projet, a précédemment travaillé comme navigateur de vaisseau
spatial au Jet Propulsion Laboratory de la NASA, ainsi que sur un
certain nombre de projets d’exploration de Mars, notamment la mission
Mars Reconnaissance Orbiter ainsi que sur le Mars Exploration Rovers,
qui a envoyé Spirit et Opportunity sur la planète rouge. Expert dans la
gestion des déchets spatiaux, il est en outre très engagé dans
son domaine. Il compte au nombre de ceux qui, depuis longtemps
exhortent l’humanité à veiller à la sûreté, la sécurité et la durabilité de l’exploitation de notre orbite afin de de laisser aux générations futures un ciel aussi propre que possible. L'entreprise dispose d'ores et déjà d'un impressionnant outil Wayfinder déjà en ligne qui permet de visualiser l'ampleur du problème. Soixante-cinq années, durant lesquelles au passage la population terrestre a doublé ont suffi pour en arriver là. D'une certaine façon c'est terrifiant. Quelque chose va bien finir par nous tomber sur la tronche.
On ne fera pas long-feu, c'est sûr. On ne battra pas le record de longévité des dinosaures c'est probable. Pour mémoire, les premiers hominidés sont apparus il y a neuf millions d'années, les dinosaures ont occupé la planète 170 millions d'années.
A-t-on inventé des dieux pour à la fois se consoler et se punir d’être aussi cons ? L’humanité aurait du s’éteindre il y a 35 000 ans, à l’époque de l’art pariétal ça nous aurait évité l’affligeant spectacle de notre prétendue évolution. Si l’apothéose de l’espèce est, après tant de ravages écologiques et de massacres à grande échelle de se voir gouvernés par tous les pitres séniles et mégalomanes qui ces temps-ci décident plus ou moins de notre sort, alors mieux vaut-il peut-être en finir tout de suite et faire sauter toutes ces bombes fabriquées et entassées au cours de ces soixante-dix dernières années. Parce que tout de même l’objectif plus ou moins avoué c’est bien ça non ? Le suicide collectif comme rançon de l’hubris.
Mais bon, les choses arrivent souvent autrement qu'on les imagine. Il est possible que le chaos prenne une forme singulière qu'on n'aura pas supposée. Quoi qu'il en soit, au milieu de tant d'anomalies, de dysfonctionnements, submergé par la conscience de tout ce qui nous menace, je ne peux avancer qu'abasourdi, c'est à dire littéralement saisi par l'absurdité de l'état présent du monde et des choses. Car l'homme a tout sali. Pas simplement son espace vital, mais aussi la mémoire de ses plus belles réalisations. Des reproductions d'œuvres d'art, des erzatz de musique autrefois composées servent désormais à vendre tout un tas de saloperies qu'on nous enjoint de consommer. Même les noms propres sont détournés. Picasso est un nom de bagnole, Wagner désigne une entreprise de mercenaires sanguinaires. Quand je pense que l’ouverture de Tannhauser qui illustrait l’arrivée de la nuit au planétarium du Palais de la Découverte fut mon sésame pour la musique classique… Well well…
Abasourdi oui pas mieux. Mais qu’importe. Dans ce chaos croissant qu'est devenu le monde contemporain le malaise de quelques européens vaguement tourmentés du XXI ème siècle, leur secrète inquiétude de ne pouvoir jouir plus longtemps de tant de futiles agréments – comme par exemple celui de la plainte – offre juste le pitoyable spectacle d'une peu glorieuse tragédie virant la plupart du temps à la farce.
shared with my sunday best - blue monday - goodrandomfun -
A warring picture that shocks the world. You have a great soul to care for many suffering
RépondreSupprimerPerhaps peace was just a dream we had... Even the turmoil of the 60's seemed like nothing compared to the way things are now.
RépondreSupprimerOh dear! Not the blues, but the deep indigos... I too am aware of almost every single thing you've mentioned, and some of these strike a deep chord within me as I am affected personally by them. These are terrible times we live in and the majority of people aren't aware or don't care about the disasters that are happening all over. We live in an age of narcissism, small-mindedness, selfish pleasure-seeking and extravagance, where everything can be sold and bought - hence money rules. What can we do, except try to keep sane, help others in need as much as we are able to and find like-minded people with whom we can exchange a sensible word, and a kindred spirit with whom to share some genuine feelings. You are not alone, my friend.
RépondreSupprimerThank you for taking part in the "My Sunday Best" meme.