mercredi 13 juillet 2022

Fête Nationale

 
Voilà,
ce quatorze juillet, comme tous les ans, le Président de la République et son état-major vont célébrer en grande pompe, l'attaque à main armée d'une prison d'état par un groupe de casseurs radicalisés qui contestaient des lois et un système injustes ne servant que les intérêts d'une classe dominante au détriment de toutes les autres. 
 En 1880, dix ans après la défaite de 1870 contre les Prussiens et la capture de Napoléon III, la France de la troisième république veut montrer qu'elle a reconstitué son armée et institue pour la fête nationale cette parade militaire devenue depuis une tradition. Ça réjouit le populo et les touristes en même temps que cela entretient chez certains l'illusion que ce pays compte encore dans le monde.  Sûrement ce défilé a-t-il aussi quelque chose à voir avec "l'art d'être français" concept fumeux dont notre président s'est gargarisé pendant un temps. Ce serait, d'après lui, "une manière très particulière d'être ce que nous sommes"  caractérisée par "la volonté de bâtir ensemble profondément résolument". Bâtir profondément, fichtre pour quoi faire ? Pour toucher le fond ? pour creuser notre tombe ? enfouir des déchets ? L'art d'être français, c'est surtout l'art d'être con, arrogant, prétentieux, de vouloir tout expliquer ("le français ne te parle jamais, il t'explique" constatait avec humour un éditorialiste suisse), tâche dont notre actuel leader s'acquitte avec un certain brio et sans crainte du ridicule. Il suffit de se rappeler qu'il y a bientôt deux ans — je ne sais toujours pas quelle mouche l'avait alors piqué —, mais tout à coup lui était venue l'idée de réformer le Liban. La France, où lui et sa clique d'incompétents avaient, – l'a-t-on déjà oublié ? – particulièrement brillé lors de la crise du Covid ne lui suffisait plus, il fallait qu'il aille faire le malin de l'autre côté de la Méditerranée. "Réformez vous où je vais me fâcher". Alors que la corruption régnait (et règne toujours) dans l'hexagone, et que bien des membres de sa majorité sont loin d'avoir les mains propres, il décidait de s'attaquer à celle qui gangrène le Liban. Et voilà qu'avec sa voix de fausset il jouait au Père Fouettard, dans un pays étranger, tançant ses dirigeants et invectivant même au passage un journaliste français qui, pour y avoir vécu, connaissait pourtant sûrement mieux que lui les arcanes du Moyen-Orient. 
Mais bon, sa Suffisance Manu le Premier qui fait souvent penser à Rusty le petit compagnon du chien Rintintin, l'a souvent dit, il se sent "porté par le destin". Persuadé que son verbe zozotant peut changer le monde, le voilà qui va prêcher et donner des leçons au delà de nos frontières, alors qu' il est incapable de convaincre la nation qui l'a élu par défaut. A ce titre, son attitude depuis le début du conflit en Ukraine est assez parlante. 
Ce pays est aussi celui de La Fontaine, qui a écrit la fable de "la grenouille un voulait se faire aussi grosse que le bœuf" et celui de Gide pour qui "c'est presque toujours par vanité qu'on montre ses limites en cherchant à les dépasser", mais peu s'en souviennent. 

*
 
Ces derniers jours, les uberfiles (une enquête reposant sur des milliers de documents internes à Uber, adressées anonymement au quotidien britannique The Guardian et transmis au consortium international des journalistes d'investigation et à 42 médias partenaires, dont le journal "Le Monde") laissent supposer que, lorsqu'il était ministre du budget, Macron a favorisé l'entreprise Uber au détriment de l'intérêt général et qu'il a activement œuvré pour tenter d'imposer une dérégulation du marché alors que le premier ministre de l'époque y était opposé. On apprend en outre que cette société utilisait en France et dans d'autres pays une technique (intitulée kill switch) lui permettant de verrouiller à distance ses ordinateurs, lors des visites des forces de l'ordre, tout en multipliant les pressions politiques.

*

Cette photo de la femme au périscope, prise en 1983, lors du défilé sur les Champs-Elysées, comme en atteste le programme qu'ell tient à la main, me touche. Simplement parce qu'elle me rappelle ma jeunesse, et que l'avenir était alors beaucoup plus riche de possible qu'il ne l'est maintenant. Et c'est comme si elle regardait par-delà les années ce que le monde où elle n'est sûrement plus et où je demeure encore, est devenu.
Ce jour là, j'avais passé la matinée à photographier des groupes sur des bancs regardant passer le défilé. Certains avaient dû arriver très tôt et pour rien au monde n'auraient quitté leur piédestal, même si le fait d'être photographié leur déplaisait.


J'étais alors maladroit, pas très bon pour faire un cadre. Ça me permettait de prendre mon temps pour faire le point, ajuster ma convenance. D'ailleurs la plupart du temps, absorbé par le spectacle, les gens ne s'apercevaient pas que j'existais. J'avais eu à l'époque, l'idée de me rendre à tous les défilés du 14 juillet tant que la présidence serait socialiste. J'avais en tête que les français ne changeaient pas, même sous un nouveau régime et que la fascination nationaliste demeurait intacte. Et puis j'ai vite laissé tomber. Je me suis lassé. Comme de bien des choses et de bien des gens. Je crois me souvenir que c'est cet été là que j'ai lu la trilogie de Céline, Rigodon - Nord - D'un château l'autre. 
Tiens, Céline, à propos du peuple qui aime les défilés. C'est dans "Voyage au bout de la nuit" : « Il n’y a de repos, vous dis-je, pour les petits, que dans le mépris des grands qui ne peuvent penser au peuple que par intérêt ou sadisme… Les philosophes, ce sont eux, notez-le encore pendant que nous y sommes, qui ont commencé par raconter des histoires au bon peuple… Lui qui ne connaissait que le catéchisme ! Ils se sont mis, proclamèrent-ils, à l’éduquer… Ah ! ils en avaient des vérités à lui révéler ! et des belles ! Et des pas fatiguées ! Qui brillaient ! Qu’on en restait tout ébloui ! C’est ça ! qu’il a commencé par dire, le bon peuple, c’est bien ça ! C’est tout à fait ça ! Mourons tous pour ça ! Il ne demande jamais qu’à mourir le peuple ! Il est ainsi. “Vive Diderot !” qu’ils ont gueulé et puis “Bravo Voltaire !” En voilà au moins des philosophes ! Et vive aussi Carnot qui organise si bien les victoires ! Et vive tout le monde ! Voilà au moins des gars qui ne le laissent pas crever dans l’ignorance et le fétichisme le bon peuple ! Ils lui montrent eux les routes de la Liberté ! Ils l’émancipent ! Ça n’a pas traîné ! Que tout le monde d’abord sache lire les journaux ! C’est le salut ! Nom de Dieu ! Et en vitesse ! Plus d’illettrés ! Il en faut plus ! Rien que des soldats citoyens ! Qui votent ! Qui lisent ! Et qui se battent ! Et qui marchent ! Et qui envoient des baisers ! À ce régime-là, bientôt il fut fin mûr le bon peuple. Alors n’est-ce pas l’enthousiasme d’être libéré il faut bien que ça serve à quelque chose ? Danton n’était pas éloquent pour les prunes. Par quelques coups de gueule si bien sentis, qu’on les entend encore, il vous l’a mobilisé en un tour de main le bon peuple ! Et ce fut le premier départ des premiers bataillons d’émancipés frénétiques ! Des premiers couillons voteurs et drapeautiques qu’emmena le Dumouriez se faire trouer dans les Flandres ! »

11 commentaires:

  1. I love the picture of the woman with the periscope. I have a friend I've known for well over 60 years. His birthday is the day after Bastille Day. Oddly, that's the only way I can remember what day his birthday is. I usually make inane revolution jokes, and suggest cake.

    RépondreSupprimer
  2. From Céline you quote among others: "Plus d’illettrés ! Il en faut plus ! Rien que des soldats citoyens ! Qui votent ! Qui lisent ! Et qui se battent ! Et qui marchent ! Et qui envoient des baisers !"
    Céline, the antisemite who enthusiastically endorsed sending Jews to the gas chambers. I think this is in keeping with your attacks on the current leadership in France, and the current issues. But even with a translation, I'm challenged to be sure why you quote this author.

    best... mae at maefood.blogspot.com

    RépondreSupprimer
    Réponses
    1. I regret having to respond publicly to remarks, which could have been discussed more serenely in private. I am obviously not unaware of Céline's ignominy from 1936 onward, and his anti-Semitic pamphlets are vile, sickening and unreadable. The individual is vile. Yes, but in 1932, he wrote "Voyage au bout de la nuit", which is one of the greatest books of 20th century Francophone litterature, not only because of its style but also because of what it tells. And even after the war, Céline still wrote excellent books. No one has described the pettiness and meanness of the white settlers in Africa, the underhandedness of the French officers during the Fourteen Years' War, the narrow-minded militarism of the people, the wheeling and dealing of the high bourgeoisie during the war. And what he tells about New York in this book is interesting. And I have no problem quoting "Voyage" which is neither "Les beaux draps" nor "Bagatelles pour un massacre". That's how it is, human nature is complex. A genius can be a scumbag. The people can call for the popular front in 1936, and plebiscite Pétain in 1939.
      Nothing excuses Céline's anti-Semitism, which was however widely shared in Europe and also in the United States. The Americans did not mind the rise of Nazism, which they considered an effective bulwark against communism. It is easy to find on the internet this collage by John Heartfield on the meaning of the Nazi salute.
      It is not an endorsement of Céline to quote a passage from his best book simply because I think it is very well said. Because if we go that way, I'm not going to admire Lindbergh's achievement because he was a Nazi sympathizer, I'm not going to watch Kazan's films because he was a cowardly informer during the McCarthy trials, I'm not going to watch Polanski's or Woodie Allen's films, because they are pedophiles, I will not watch the films of the great American directors of the pre and post-war period, because most of them made westerns where Indians are massacred, and which make the apology of the genocide on which the American society is based. It would be possible to multiply the examples..
      The voyage's quote only concern the military parades freaks...

      Supprimer
  3. Etant un anti-militariste acharné et ayant une très profonde horreur du patriotisme, j'ai cessé de regarder les défilés (à Paris ou ailleurs) depuis les années 70. Ayant passé la plus grande partie de ma vie à l'étranger (comme ils disent...), je me sens si peu français.

    RépondreSupprimer
  4. I love the photos, and I can sympathise with your feelings about politicians - there are VERY few who are worth anything!

    RépondreSupprimer
  5. Always a challenge to see over a crowd. You clearly show two methods of doing that. I am sorry you had to respond to the political comments. Photography should be apolitical, and seen for itself.

    RépondreSupprimer
  6. I really enjoyed you writing! I guess it somehow puts your photograph into some perspective. A human trait, wanting to see further. In all great image and post!

    RépondreSupprimer
  7. Love the photos. Lots of politics, but that's all we seem to be surrounded with anymore.

    Thank you for joining the Awww Mondays Blog Hop.

    Have a fabulous Awww Monday and week. 😎

    RépondreSupprimer
  8. lol, a periscope was a great idea at the time. Cool shot.

    RépondreSupprimer
  9. i love the photos, they have humor and a tenderness to them

    RépondreSupprimer

La modération des commentaires a été activée. Les commentaires ne seront publiés qu'après approbation de l'auteur de ce blog.

Publications les plus consultėes cette année