vendredi 12 avril 2024

L'Histoire de nos ratages

 

Voilà,
ces derniers temps j’écoute en boucle le premier album de Steely Dan, que je ne connaissais pas et que j'ai découvert que très récemment. Serais-je devenu un homme d’une sensibilité différente si je l’avais découvert à seize ans lors de sa sortie ? Et en vertu de l’effet papillon quelle aurait été ma vie dès lors ? Qui sait si cet infime paramètre ne se serait pas révélé déterminant ?  En fait, le ce-qui-manque, abonde autant sinon plus dans nos vies, que ce dont elles semblent remplies. L' histoire de nos pertes, de nos oublis de nos ratages, de toutes les occasions perdues nous constitue au même titre que l’entrelacement d'actes d'événements et de circonstances qui, croyons-nous, forment la trame de nos existences. Comme l'écrivit Marguerit Yourcenar "c'est ce que je n'ai pas été, peut-être, qui définit ma vie avec le plus de justesse"
Et puis le monde lui-même, n'est-il pas aussi fait de toutes les béances qui trouent le champ du Réel ? Comme ces fromages qui se caractérisent autant par la densité de leur pâte que par le vide de leurs trous ? Il n'est qu'à songer à tout cet "idéal" qui brille dans le monde surtout par son absence : à commencer par cette trinité républicaine affichée au fronton de nos mairies que les faits pourtant ne cessent de démentir.
La part d’invisible d’inaccompli, de questions irrésolues, abandonnées, de projets inaboutis, les rêves oubliés au matin, toute cette masse manquante forme une trame qu'on ne peut certes observer, mais qui n'en demeure pas moins intensément présente, et revêt dans nos vies une importance que nous ne soupçonnons peut-être pas à sa juste mesure. Que serait il advenu si j'avais osé franchir la porte du cinéma Monge lorsqu'une certaine compagnie y jouait "Trotsky à Cayoacan" ? Ou s'il n'y avait pas eu cette stupide distraction près de l'église Notre-Dame-des-champs ? Où si j'avais été moins timide en certaines circonstances ? Où si j'avais eu des jugements moins péremptoires sur le théâtre à différentes époques de ma vie ? Si je m'étais attablé en certaine compagnie plutôt que de passer mon chemin. Mon existence eût été bien différente et aurait peut-être formé une autre version de moi, plus attrayante, ne serait-ce qu'à mes propres yeux, et peut-être aussi pour les autres. 

11 commentaires:

  1. We can never know what would have been - and maybe that's just as well. Excellent photo!

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  2. Parallel universes, forks on the road, beautiful image to illustrate a thoughtful write up

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  3. Just think of the "butterfly effect", how would life be different if this or than had or had not happened? It might not have been better, it might have lead to disaster. No way of knowing. You do have a good photo.

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  4. ...Steely Dan is a flash from the past.

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  5. Superbe ! Les fantômes du passé nous traquent.

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  6. An interesting perspective, Kwarkito! The entire course of my life was changed by choosing to sit at one table over another in a room with about 50 tables in a Heineken Brewery in Amsterdam in October 1972. I know what I would have missed if I hadn't sat at that one table, but I'll never know what might have been otherwise. I'm grateful and happy that I am where I am. I'm where I was meant to be. I'm certain of that. Happy weekend to you!

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  7. What a great post. Maybe you'd have been different, maybe not. The thing is, maybe you wouldn't have liked it back then...it's a romantic notion we wouldn't have wasted, ignored the opportunity even if we'd accessed it....

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  8. Thank you for sharing at http://image-in-ing.blogspot.com/2024/04/a-trip-to-library.html

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