lundi 17 août 2020

Jeu de piste



Voilà,
donc, à Biscarrosse-Plage, l'année scolaire 1964-1965 il y avait Danielle Dubosc, qui devait avoir une vingtaine d'années. Elle habitait derrière la librairie Gendron, me semble-t-il, tout près de notre école. Je crois me souvenir qu'elle avait perdu sa mère et qu'elle vivait seule avec son père, que l'on apercevait de temps à autre souvent vêtu d'une salopette bleue, d'une chemise à carreaux et la casquette vissée sur la tête. Je cois que c'était un homme triste qui n'arrivait pas à se remettre de la disparition de son épouse. Danielle avait organisé une section de louveteaux — ce que le curé du village n'avait pas vu d'un très bon œil considérant cela comme une concurrence, et peut-être même comme un affront, puisque lui s'occupait du patronage des "Cols-verts". Ma génitrice, m'avait donc inscrit aux louveteaux au prétexte qu'elle avait été "jeannette" dans sa jeunesse. Cette affaire ne m'enthousiasmait pas des masses, parce que j'aurais préféré être tranquille pénard tout seul, les jeudi après-midi, mais Danielle était si belle si gentille si douce et attentionnée que finalement c'était plutôt bien. Je crois que le reste de la semaine, elle suivait des cours par correspondance, mais je n'en suis pas certain. Parfois elle venait nous voir à la récréation de l'autre côté du grillage, sans doute parce qu'elle faisait coïncider ses pauses avec les nôtres. 
Je me souviens d'un jeu de piste qu'elle avait organisé une fois, dans la forêt à la sortie du village à proximité de la route d'Arcachon. On avait passé la journée avec nos sacs à dos, le mien était kaki, avec des poches partout, c'était celui que mon père avait utilisé quelques années auparavant lorsqu'il crapahutait dans le djebel algérien. Ma mère m'avait confectionné une espèce de salade de tomates, ou de patates pommes de terre je ne me souviens plus, dans un tupperware parce que c'était tout nouveau et soi-disant bien pratique  — si tu savais bien les fermer de sorte qu'ils demeurent étanches — ce que la mère n'avait évidemment pas bien fait de sorte que la sauce s'était répandue dans mon sac. Ce jeu de piste c'était vraiment formidable, c'était la grande aventure. Notre groupe était composé de deux sizaines, j'étais le second de l'une d'elles ce qui m'allait très bien, car je n'ai jamais trop aimé les responsabilités ni le pouvoir. J'ai toujours eu plus de goût pour les bordures, les marges et la solitude. Et puis notre sizenier, était un garçon raisonnable, pondéré, un bon élève de la classe, sérieux, et qui lui aussi lisait le journal de Tintin qui paraissait tous les mercredi, et ça quand même ça crée des liens. Il s'appelait Pascal Loiseleux et sur la photo de classe il est tout en haut à gauche. Il habitait  alors dans cette grande maison où je ne suis jamais entré — mais dont je me disais que cela devait être rudement bien d'y habiter — et que j'ai photographiée en 1996. À cette époque là France Gall avait seize ans et chantait « N’écoute pas les idoles » composé par Serge Gainsbourg. Cette première année à Biscarrosse, fut vraiment un enchantement. Il me semblait alors que le paradis était à portée de main, simplement à cause de l’omniprésence de la nature, mais aussi parce l’ambiance était beaucoup moins kakie que celle dans laquelle j’avais précédemment grandi. Et puis il y avait la présence de l’océan tout près, les senteurs d’iode et de pin, tout un univers olfactif que j’ai retrouvé ces deux dernières semaines passées sur un autre bord de mer et qui m’ont ramené vers les rivages de cette enfance. (Linked with the weekend in black and white

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