vendredi 13 novembre 2015

Incipit


Voilà,
comme une sorte d'incipit pour instruire le procès de toute une vie : "Qu'est ce que j'ai fait au bon dieu pour mériter un empoté pareil, quand je pense à tout ce que j'ai sacrifié pour toi", hurlait-Elle en levant les bras au ciel, car elle avait l'emphase facile. Ces phrases hideuses comme des pigeons morts se décomposant sur un trottoir, l'assignant en quelque sorte d'emblée au ban des vivants n'auront, dans la mémoire d'Antoine Bonarda, cessé de propager leur écho à bas bruit. Pour cette raison sans doute, se sera-t-il efforcé sa vie durant d'être, serviable, attentionné avec ses proches et ses amis, généreux, bon père et bon mari, mais cependant impitoyable en affaires et parfois même cruel si l'occasion lui en était offerte. Il ne faisait pas bon être son ennemi et ses proches le savaient. Aussi était-il craint et respecté. Pourtant certains soirs, en d'autre lieux d'autres pays où le menaient ses activités, cette ancienne et secrète honte, il la changeait en folie. Il aimait à se perdre dans les quartiers chauds des villes où il se rendait, traînant dans de minables bouges et des bordels sordides pour subir les humiliations de femmes laides qu'il implorait de le gifler et de le fouetter, ou se délecter des moqueries de gitons cupides et moqueurs qui l'enfilaient sans ménagement, lui crachant lui pissant dessus et comme il l'avait réclamé, l'insultant quand il les suçait. Au matin il regagnait sa luxueuse chambre d'hôtel, d'un pas léger. Par delà les années il payait ainsi son tribut, sa dette à cette femme qui l'avait mis au monde et que la démence avait peu à peu ensevelie, alors qu'il était encore enfant, dans un mutisme dont elle n'était jamais sortie. On disait qu'il était un parfait exemple de résilience. Lui seul en connaissait le prix.

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