c'est la première fois où elle m'a engueulé. Le jour où elle a acheté son minox. C'est à cause de l'achat du minox que ça s'est passé. Je voyais bien que le marchand ne comprenait pas tout ce qu'elle disait. J'ai voulu rendre service j'ai reformulé une de ses phrases à elle voilà juste ça. Putain qu'est ce que je n'avais pas fait ! Parfois mieux vaut fermer sa gueule, laisser les gens se débrouiller. Après dans la rue je me suis fait pourrir. Soi-disant je l'avais humiliée, à cause de ça elle n'oserait plus parler anglais devant moi, c'était un manque de respect de ma part, c'était incroyable de se comporter de la sorte etc... Bon là, pour sûr, j'avais touché un truc sans m'en rendre compte. J'avais beau m'excuser me justifier rien n'y faisait. Plutôt que de me faire chanter pouilles dans la rue, j'ai proposé qu'on aille dans un coffee-shop. Au moins on serait au chaud. J'ai poussé la porte de Exterminator chili, à l'angle de Walker St et Church St, et on s'est posés. Mais ça a continué. À voix basse, mais quand même ça a continué encore un peu... Ça commençait à bien faire ces conneries, ça va j'avais compris. C'était la première fois qu'on voyageait ensemble. On ne se connaissait pas depuis longtemps. J'ai alors pensé que peut-être lui avoir proposé de m'accompagner à New-York n'avait pas été une bonne idée. Elle était là en face de moi, elle récriminait... Et puis j'ai vu ce visage au dehors qui se penchait vers la vitrine pour y lire le menu. Je me suis excusé j'ai prévenu que je voyais un truc à cadrer que ça pourrait toujours donner quelque chose (bien sûr elle a dit ça ne t'intéresse pas ce que je raconte) et puis intérieurement je songeais que ça me ferait un souvenir (je t'écoute j'ai dit je peux faire deux choses à la fois), un repère. Ce moment voulait intensément devenir une image. C'est comme ça que ça se passe dans ma tête. Je n'y peux rien. A huit ans — je n'avais lu ni Proust ni Pierre Dac, mais j'avais des intuitions — je considérais déjà le présent comme du passé en devenir. Je dis ça aujourd'hui alors que précisément l'été n'est plus qu'un participe passé.
première publication 23/9/2013 à 00:30
indeed, one cannot forget things that happen 'the first time'....seems like e memory fit for a monday....
RépondreSupprimerA memory nicely recorded.
RépondreSupprimerSofia says it perfectly... This is the basis of longer story, I think.
RépondreSupprimerChouette photo
RépondreSupprimer...often my memory is shot.
RépondreSupprimerOh, excellent photo!
RépondreSupprimerA feeling is misunderstanding is not the best way to remember a coffee shop. Your photo perfectly fits your story.
RépondreSupprimerYou always have a story behind any street image
RépondreSupprimerSuper street photo ! Ce lieu a changé de nom, il s'appelle "Belle Reve"(merci Google Maps). Peut-être qu'on devrait l'appeler "Le Mauvais Cauchemar" ?
RépondreSupprimerLovely capture and wonderful narration.
RépondreSupprimerStrangely appealing photograph, a memory moment to match. Beautifully written!
RépondreSupprimerWell said
RépondreSupprimerAlways a lovely post. Memories.
RépondreSupprimerSome memories I don't mind forgetting. It's a nice photo!
RépondreSupprimerVery nice
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