mercredi 19 juin 2024

Comme une attente inquiète

Voilà,
il me semble que cette image est une juste illustration des temps que nous vivons dans ce pays. Un présent comme une attente inquiète. Une grande sensation de vide, de désertion. Des nuages au loin qui s'amoncellent. Comment la frustration narcissique d'un seul dirigeant immature, conseillé par des crétins, peut-elle plonger la nation dans une telle confusion ?

mardi 18 juin 2024

Quel est l'objet de l'Art ?


Voilà 
je me souviens de ces années où j'ai découvert Bergson, en fait c'est simple, c'était l'année où j'ai commencé à étudier la philosophie. Ce n'est pas mon prof qui m'a incité à le lire, mais Philippe Tiry. Je crois que j'ai commencé par "Matière et Mémoire", mais sur la recommandation de Philippe, j'ai aussi lu assez tôt "Le Rire" en même temps que "le mot d'esprit et ses rapports avec l'inconscient" de Freud qui est un livre très réjouissant. Si Freud était très en vogue dans ces années là, Bergson passait un peu aux oubliettes (sauf pour Gilles Deleuze, mais je l'ignorais alors). La mode était aux penseurs marxistes, au structuralisme et à la philosophie des grands systèmes. Je me souviens avoir été sensible à ce qu'il racontait sur l'image postulant qu'elle n'était pas simplement une reproduction de la réalité extérieure, mais plutôt une création de l'esprit qui révèle notre perception individuelle du monde, l'envisageant comme un phénomène dynamique et subjectif, en constante évolution. Peut-être avais-je cela dans un coin de ma tête quand j'ai commencé à une certaine époque à fabriquer des photomontages, et  que je m'intéressais aux phénomènes d'associations. De toute façon, bien des subtilités, m'échappaient dans la philosophie de Bergson, mais certains échos m'en parvenaient comme cette idée que l'image constitue une médiation entre la matière et la conscience et qu'elle est à la fois une réalité matérielle et un élément de notre perception.  Elles stimulaient des intuitions (autre terme bergsonien) qui m'ont amené à oser laisser libre cours à mon imagination. Voilà pourquoi sans doute je continue encore aujourd'hui à rendre compte de la réalité à ma façon. 
Cet extrait que j'avais il y a bien longtemps surligné, me semble toujours aussi digne d'intérêt. “Quel est l'objet de l'art ? Si la réalité venait frapper directement nos sens et notre conscience, si nous pouvions entrer en communication immédiate avec les choses et avec nous-mêmes, je crois bien que l'art serait inutile, ou plutôt que nous serions tous artistes, car notre âme vibrerait alors continuellement à l'unisson de la nature. 
 Nos yeux, aidés de notre mémoire, découperaient dans l’espace et fixeraient dans le temps des tableaux inimitables. Notre regard saisirait au passage, sculptés dans le marbre vivant du corps humain, des fragments de statue aussi beaux que ceux de la statuaire antique. Nous entendrions chanter au fond de nos âmes, comme une musique quelquefois gaie, plus souvent plaintive, toujours originale, la mélodie ininterrompue de notre vie intérieure. Tout cela est autour de nous, tout cela est en nous, et pourtant rien de tout cela n’est perçu par nous distinctement. Entre la nature et nous, que dis-je ? entre nous et notre propre conscience, un voile s’interpose, voile épais pour le commun des hommes, voile léger, presque transparent, pour l’artiste et le poète.

Quelle fée a tissé ce voile ? Fut-ce par malice ou par amitié ? Il fallait vivre, et la vie exige que nous appréhendions les choses dans le rapport qu’elles ont à nos besoins. Vivre consiste à agir. Vivre, c’est n’accepter des objets que l’impression utile pour y répondre par des réactions appropriées : les autres impressions doivent s’obscurcir ou ne nous arriver que confusément. Je regarde et je crois voir, j’écoute et je crois entendre, je m’étudie et je crois lire dans le fond de mon cœur. Mais ce que je vois et ce que j’entends du monde extérieur, c’est simplement ce que mes sens en extraient pour éclairer ma conduite ; ce que je connais de moi-même, c’est ce qui affleure à la surface, ce qui prend part à l’action. Mes sens et ma conscience ne me livrent donc de la réalité qu’une simplification pratique. Dans la vision qu’ils me donnent des choses et de moi-même, les différences inutiles à l’homme sont effacées, les ressemblances utiles à l’homme sont accentuées, des routes me sont tracées à l’avance où mon action s’engagera. Ces routes sont celles où l’humanité entière a passé avant moi. Les choses ont été classées en vue du parti que j’en pourrai tirer. Et c’est cette classification que j’aperçois, beaucoup plus que la couleur et la forme des choses.”

“Quand nous éprouvons de l'amour ou de la haine, quand nous nous sentons joyeux ou tristes, est-ce bien notre sentiment lui-même qui arrive à notre conscience avec les mille nuances fugitives et les mille résonances profondes qui en font quelque chose d'absolument nôtre ? Nous serions alors tous romanciers, tous poètes, tous musiciens. Mais le plus souvent, nous n'apercevons de notre état d'âme que son déploiement extérieur. Nous ne saisissons de nos sentiments que leur aspect impersonnel, celui que le langage a pu noter une fois pour toutes parce qu'il est à peu près le même, dans les mêmes conditions, pour tous les hommes. Ainsi, jusque dans notre propre individu, l'individualité nous échappe. Nous nous mouvons parmi des généralités et des symboles, comme en un champ clos où notre force se mesure utilement avec d'autres forces ; et fascinés par l'action, attirés par elle, pour notre plus grand bien, sur le terrain qu'elle s'est choisi, nous vivons dans une zone mitoyenne entre les choses et nous, extérieurement aux choses, extérieurement aussi à nous-mêmes. Mais de loin en loin, par distraction, la nature suscite des âmes plus détachées de la vie. Je ne parle pas de ce détachement voulu, raisonné, systématique, qui est œuvre de réflexion et de philosophie. Je parle d'un détachement naturel, inné à la structure du sens ou de la conscience, et qui se manifeste tout de suite par une manière virginale, en quelque sorte, de voir, d'entendre ou de penser. Si ce détachement était complet, si l'âme n'adhérait plus à l'action par aucune de ses perceptions, elle serait l'âme d'un artiste comme le monde n'en a point vu encore.”

Henri Bergson, in "Le Rire"

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dimanche 16 juin 2024

Pêle-mêle des heures oisives


Voilà,
Ce qui me préoccupe, c'est que je n'ai plus beaucoup de désir pour rien. Je ne dessine plus, je ne fais guère de photomontages. Je ne suis plus très inspiré. Même si je tente de ne pas y songer, la situation confuse que traverse le pays m'affecte. Difficile d'échapper sur les réseaux sociaux, à la radio, aux commentaires, aux invectives, aux gesticulations, aux prophéties de mauvais augures. Cela prend parfois un tour grotesque, et pourtant il reste difficile d'en rire. 
Ce dessin sur un mur  de la rue d'Avron, représentant un agneau jouant à saute-mouton sur le dos d'un loup prend aujourd'hui une drôle de sens. Car les loups sont dans le pays, dans la presse, les médias, la police, l'administration et désormais aux portes du pouvoir. C’est Thomas (@loup_y_es_tu), un enfant du vingtième arrondissement, qui y est né, y a grandi et vit encore près de la Place de la Réunion qui les dessine. J'avais déjà mis en ligne quelques une de ses productions il y a un an et demi

*
 

Nous essayons de trouver des réponses, et les réponses n'ont aucun sens aucun sens. Nous ne sommes même pas prêt pour ce qui est déjà arrivé. Il faudrait s’attacher uniquement à ce qui se transforme, mais aussi à ce qui se dérobe, au fugace au fugitif, et se laisser glisser paisiblement avec patience et douceur vers l'intemporel. Ne pas s'effrayer de l'étrange pouvoir des des choses et des objets appelés à nous survivre. Il faudra bien quitter le souffle quitter la lumière. "Si l’homme ne devait jamais s’effacer comme les rosées d’Adashino, jamais s’évanouir comme la fumée sur Toribeyama, comme les choses perdraient leur pouvoir de nous émouvoir ! Ce qu’il y a de plus précieux dans la vie, c’est son incertitude."  écrivait au quatorzième siècle Yoshida Kenko  dans "Le livre des heures oisives".
 
*
 
 
 
 
Oisives, mes heures le sont en effet. Ces temps-ci, le matin, je n’ai pas envie de sortir de mon lit. Paresser, face à mes livres en écoutant de la musique baroque à la radio me va très bien. Dehors, même si le calendrier nous dit que c’est bientôt l'été, reste frais gris et pluvieux. Je devrais m'occuper de choses concrètes, mais je suis trop fatigué pour le faire. Je n'ai aucunement envie de m'agiter. Je préfère rêvasser comme je le faisais enfant, le jeudi matin, lorsque mes géniteurs partaient travailler, et qu'une journée sans obligation s'ouvrait à moi. Mais alors mon corps n'était pas détraqué. Je commence à me résoudre à certaines fatalités.

*
 
 
cette chanson me bouleversait quand j'étais enfant. Celle qui la chantait avait une élégance naturelle et une classe assez rares. Il y a une semaine, elle a pris le large. Je l'aimais bien. Son spleen, sa mélancolie ne m'étaient pas étrangers. Moi aussi dans la solitude j'ai fait des ronds dans l'eau quand j'habitais non loin d'un lac. C'est cet enfant déjà nostalgique qui pleure encore en écoutant ces airs d'un autre temps.

vendredi 14 juin 2024

Taper le carton


Voilà,
une photo volée à Funchal de deux chauffeurs de taxi jouant aux cartes sur un rebord de fenêtre en attendant le client. J'ai passé peu de temps dans la capitale de l'île. Il faudrait y revenir, y demeurer plus longtemps, trouver une pension paisible pour écrire... Mais ce ne sont là que des fantasmes. Écrire quoi d'abord ? Suis-je vraiment capable d'autres chose que de mes petites chroniques ? Et puis il est vraisemblable que tout au long de l'année des hordes de touristes se déversent sur la ville. Et que ce sera de pire en pire. Peut-être les Açores sont elles encore relativement préservées et que c'est plutôt par là que je devrais aller. On sent bien qu'ici à Madère les choses ont changé très vite. Le désenclavement est récent. L'argent de la communauté européenne acquis avec l'entrée du Portugal en 1988 a permis de gigantesques travaux d'infrastructure, à commencer par la piste aéroportuaire dont les colonnes qui la soutiennent sont impressionnantes. En trente ans, l'île à été creusée de tunnels routiers, sillonnée de voies rapides. Des viaducs traversent des vallées encaissées reliant des endroits autrefois difficilement accessibles, même si des régions comme l'ouest sont encore peu desservies. Des canaux pour contenir l'eau des montagnes abondante en hiver ont été aménagés, des écoles bâties. C'est spectaculaire et vaguement effrayant, car c'est aussi un bouleversement géologique considérable. Le béton, matériau assez peu usité voilà trente ans à peine, y a massivement été introduit. On a fait trembler ces montagnes à coup de dynamite pour y faire passer des tunnels, et l'on voit bien que ce n'est pas sans conséquence puisque l'ancienne route de la corniche qui permettait d'accéder à Porto Moniz par exemple, est interdite à la circulation à cause de chutes de pierres. Pour le moment, les habitants semblent contents puisque le retour sur investissement est considérable. Enfin peut-être pas tous. Certaines maisons qui donnaient sur la mer se sont retrouvées tout à coup devant une voie rapide, au pied d'un viaduc, sous un téléphérique, des propriétés ont été amputées, des terrasses sont devenues inutilisables, plongées dans l'ombre. Mais bon le tourisme est une manne en temps de prospérité. Rien ne dit que la prospérité va durer. On voit aussi dans les comportements que ce qui va avec le progrès n'a pas complètement été assimilé. Les chauffeurs roulent ici fenêtres ouvertes dans des tunnels routiers surpollués. D'ici quelques années ils s'interrogeront peut-être sur l'épidémie de cancers du poumon qui les accablera. En tout cas tout semble être allé très vite pour cette île. C'est pourquoi j'aime la photo de ces deux hommes qui semblent d'un autre temps
première publication 1/08/2015 à 03:28

jeudi 13 juin 2024

Il fait doux

Voilà,
hier, en trainant du coté du canal St Martin, où je me sens toujours un peu touriste, j'ai  — bien que la plupart des ses plans aient été tournés en studio — évidemment pensé au film "Hotel du Nord" de Marcel Carné (d'après un roman d'Eugène Dabit). C'était étrange de se retrouver là, devant ce paysage. Avec ces jeunes gens prenant des verres au bord du canal. Je me suis rappelé que j'étais passé par là, peu après la fin du premier confinement, et que tous les jeunes, heureux de se retrouver là, s'agglutinaient les uns aux autres, peu soucieux de distances de sécurité et de "gestes-barrière".
 

Aujourd'hui, c'est autre épidémie qui se répand. Celle de la bêtise, de l'ignorance et du ressentiment. Elle se propageait déjà depuis un moment ; elle apparaît désormais au grand jour. 
Un résumé pour mes lecteurs étrangers qui ignorent la situation actuelle ici: la majorité des votants de ce pays risque d’ici peu d'accorder ses suffrages à des gens encore moins recommandables que ceux qui nous gouvernaient jusqu’à présent. Tout cela par la faute d'un président, qui n’a cessé de mépriser le peuple, lequel non par goût, mais pour éviter l’accès au pouvoir de son adversaire d’extrême-droite, l’avait élu en quelque sorte par défaut, il y a quelques années. "Le présomptueux de la république" comme l'appelle "le canard enchainé" n'a pas supporté ce qui, le week-end dernier, lors des élections européennes lui est apparu comme un désaveu. Alors il a a dissous l’assemblée nationale. A propos de son discours de dimanche soir, Nicolas Mathieu a écrit : "on ne peut s'empêcher d'entendre, comme un bruit de fond, comme une petite voix derrière tout le discours : puisque vous n'êtes pas capable de m'aimer pour ce que je vaux, souffrez pour ce que vous valez ! Vous me reviendrez en rampant !"
C'est ainsi. Même les prolétaires ouvriers ou paysans veulent se faire représenter par des gens qui vont un peu plus les spolier, les enfoncer dans la misère, mais qui leur promettent ordre et sécurité. Etienne de la Boétie avait bien raison qui écrivait "Pauvres gens misérables, peuples insensés, nations opiniâtres à votre mal et aveugles à votre bien ! Vous vous laissez enlever sous vos yeux le plus beau et le plus clair de votre revenu, vous laissez piller vos champs, voler et dépouiller vos maisons des vieux meubles de vos ancêtres ! Vous vivez de telle sorte que rien n’est plus à vous. Il semble que vous regarderiez désormais comme un grand bonheur qu’on vous laissât seulement la moitié de vos biens, de vos familles, de vos vies. Et tous ces dégâts, ces malheurs, cette ruine, ne vous viennent pas des ennemis, mais certes bien de l’ennemi, de celui-là même que vous avez fait ce qu’il est, de celui pour qui vous allez si courageusement à la guerre, et pour la grandeur duquel vous ne refusez pas de vous offrir vous-mêmes à la mort. Ce maître n’a pourtant que deux yeux, deux mains, un corps, et rien de plus que n’a le dernier des habitants du nombre infini de nos villes. Ce qu’il a de plus, ce sont les moyens que vous lui fournissez pour vous détruire. D’où tire-t-il tous ces yeux qui vous épient, si ce n’est de vous ? Comment a-t-il tant de mains pour vous frapper, s’il ne vous les emprunte ?"
Pour le moment, tout est encore paisible. Il fait doux. Des nuages passent dans le ciel. 

mercredi 12 juin 2024

Hygiène des questions

 
Voilà 
Si affaissé, brimé, si fini que tu sois, demande-toi régulièrement – et irrégulièrement – " Qu’est-ce qu’aujourd’hui je peux encore risquer ?" (Henri Michaux in "Poteaux d'angle")

mardi 11 juin 2024

Un vénérable ancêtre

 
Voilà
c'est flagrant, les événements prennent un tour particulièrement inquiétant en France. La perspective d'une grande confusion dans les trois semaines de campagne électorale à venir, et d'un possible désordre après le 7 juillet paraît probable. Bien des masques tombent parmi les élites politiques depuis ce coup de poker de Macron qui a décidé ces élections anticipées pour reprendre la main. Le marigot politique est plus nauséabond que jamais. Cette accélération de l'histoire et le tour irrationnel que tout cela prend ont quelque chose de sidérant et cauchemardesque à la fois.
Ce matin, je n'arrivais pas à me concentrer. J'ai eu envie d'aller rendre visite au robinier du square René-Viviani dans le cinquième, non loin de la librairie Shakespeare et Company et de la cathédrale Notre-Dame dont la restauration avance bien. 
C'est le plus vieil arbre de Paris. Il est un peu de guingois et a besoin d'une grosse béquille. Bien que bancal,  et soutenu par une structure de ciment, il est pourtant en parfaite santé ! En fait il est devenu plusieurs arbres soudés au sein d'un tronc vestige, haut de 11 mètres dont les racines aériennes se développent à l'intérieur du tronc d'origine. Issus de sa souche et de ses racines ces surgeons ainsi conservés assurent son avenir
Semé en 1601 ou 1602 par le botaniste et arboriste du Roi Jean Robin (1550-1629) avec des graines, en provenance des montagnes des Appalaches, offertes par le naturaliste britannique John Tradescant l'Ancien (1570-1638) il appartient à la famille des Fabacées. En hommage à celui qui l'a planté, Linné l'a baptisé Robinier. Ils sont plusieurs à avoir été plantés à Paris. Un autre en 1601 place Dauphine désormais disparu, ainsi qu'un rejet de cet arbre semé par son fils Vespasien Robin au Jardin des Plantes en 1636, que l'on peut toujours voir. 
Quatre siècles donc qu'il se tient là. Toujours vivant avec ses faux airs d'acacia. 
Songer à tout ce qui, durant ce temps a été découvert, prêché, écrit, peint, sculpté, composé en musique, à tout ce qui a été procréé, massacré aussi, à la somme des conquêtes, des exodes, des civilisations, détruites...

dimanche 9 juin 2024

Pêle-mêle & vraie confusion mentale

  
Voilà,
mercredi dernier je suis passé par la rue Férou qui relie la place Saint Sulpice à la rue de Vaugirard. La nuit tombait paisiblement. Soudain j'ai été happé par une odeur de jasmin. J'ai pris la photo.
Il y a des endroits merveilleux en plein centre de Paris, comme ces maisonnettes avec leurs terrasses. 
Je m'étais attardé au 3, place St Sulpice, devant l'hôtel Récamier où vécut durant quelques années Ludmilla Savitsky qui la première dans les années 20, a traduit « Dédalus » de Joyce en français. Il paraît que d'ici peu, sa biographie sera publiée. Je l'attends avec impatience. 
 

 
Je pensais aussi à Eric, un camarade de lycée, dont les parents habitaient un appartement  au 1 de la place Saint Sulpice, entre l'hôtel et l'église. C'était un passionné de trains et de ce qui touchait au monde ferroviaire. Il avait aussi une maison d'été à Vendargues, près de Montpellier. Je crois qu'il s'est retiré dans la région. 
 
 *
 
Avec les premiers beaux jour arrivés bien tardivement cette année, revient, le temps des salades méditerranéennes (grecques, caprese, niçoise, tunisienne). Les saveurs de cette région me réjouissent et me transportent en des temps et des latitudes qui ont déposé en moi de doux souvenirs, ceux de tablées joyeuses et arrosées et de farniente au soleil.
 
 

 

Je traîne beaucoup sans but précis dans les rues ces derniers temps. Je vais par-ci, je vais par là. Je m'arrête parfois devant un mur peint qui m'intrigue, tel que celui-ci dans le quartier du Marais.
 
 *
 


Je m'attarde aussi sur de menus détails sans importance. Comme cette vision de mon lavabo. Il me semble parfois que c'est de cela dont ma vie est essentiellement constituée. Dans les moments difficiles je m'y raccroche parfois comme le naufragé à un bout d'épave. Qui sait si une chose aussi stupide et dérisoire ne pourrait pas s'imprimer dans mon esprit au moment de passer de vie à trépas. Un peu comme le "rosebud" de Citizen Kane.
 
*
Sinon, j'ai une terrible crise de manque. Mon corps réclame le sucre meurtrier.  En outre ma pensée se délite. Mais peut-être pas autant que le continent où je vis. Ou que l'esprit de notre Président. Lui je crois, a définitivement rejoint le club de ceux que le pouvoir rend fou.

vendredi 7 juin 2024

Gare Saint-Lazare

 
Voilà,
cette fascination enfantine pour les paysages ferroviaires comme une relique de l'enfance et du trouble alors suscité par les maquettes de trains électriques. Elle évoque aussi des promesses jamais tenues. Un jour il y aurait une maison avec un grenier, et dans le grenier, un grand train électrique avec des aiguillages et des wagons-lits, des passages à niveaux illuminés, des feux tricolores, des voitures qui attendent à la queue leu-leu et des marchands de glace et de petits bonshommes avec des chemises et des pantalons colorés qui font "chuss" en agitant des mouchoirs et d'autres « hallo" en levant le bras, et des tunnels qui traversent la montagne, de gemütliche petits chalets nichés aux creux des vallées inondées de bonheur suisse, et, pendant que des travailleurs s'échinent au bord des voies,  des vaches pour regarder, indolentes, passer des rêves chocolatés.

jeudi 6 juin 2024

Perspectives

 
 
Voilà,
je viens de lire ça. C'est bon pour commencer la journée. Près de cinq milliards de passagers sont prévus pour le transport aérien dans le monde cette année. Un record depuis 2019. Je me souviens que, pendant la pandémie et la réduction des vols internationaux, on parlait d’un autre monde possible, d’une prise de conscience internationale à la faveur de cet événement si singulier ("inédit" disait on à l'époque). 
Les compagnies estiment que le trafic devrait tripler d’ici 2050. Je ne sais si c’est un souhait ou une prévision. Je supposais plutôt une raréfaction des vols, que ceux-ci seraient réservés aux élites riches, aux chefs d'états... Un peu comme dans les années soixante. 
Quelque chose m’a-t-il échappé ? Aurait on trouvé des solutions au changement climatique qui crée des perturbations de plus en plus préoccupantes pour l’aviation civile ? A-t-on découvert un carburant pour avions moins polluant ? Le moteur à intrication quantique est-il déjà très au point, économique et en voie de production industrielle ? Prévoit-on une période de stabilité politique dans le monde qui autoriserait les voyages touristiques ? Les rapports du GIEC sont-ils dénués de tout fondement scientifique
Le dogme de la croissance infinie semble toujours d'actualité. Apparemment il n'y a pas d'alternative. Plutôt la logique du profit que la préservation des conditions de vie sur cette planète. Je ne suis pas prévisionniste ou futurologue. Pas savant non plus. Mais quelque chose me dit que cela ne m'a pas l'air d'être une bonne voie. 
Sinon il paraît que deux trous noirs se dirigent vers un point de collision qui va secouer l’espace-temps. Mais enfin ça c'est pour dans très longtemps. 
D'ici là, ne nous privons pas de toutes les belles perspectives que le monde nous offre à l'heure actuelle. Comme celle de la monumentale gare de Liège-Guillemins, œuvre de l'architecte Santiago Calatrava Valls dont la verrière a été colorisée par Daniel Buren
 

 

mardi 4 juin 2024

Au doigt et à l'œil

Voilà,
on aimerait parfois que la réalité obéisse vraiment au doigt et à l’œil, comme certains gestes devenus quotidiens ont tendance à nous le faire croire. S’il pouvait suffire de scroller pour évacuer un embarras, une contrariété, une angoisse, la vie serait certainement plus simple et légère. Au lieu de quoi on se cogne on se heurte on s’écorche. Même les mots sont devenus des ronces. Cheminer paisible, c’est ça qu’elle voudrait la pensée, mais elle trébuche souvent. La raison s’égare, les phrases s’agencent péniblement. Plus prise sur rien. Agir ? À quoi bon ? Pour faire quoi ? Aller où ?  Le corps est devenu le lieu d’un désordre suspect. On se serait volontiers contenté de l’usure naturelle. Tout a passé si vite. Rien eu le temps de voir. Trop lent pour la frénésie de ce monde. Pas trop bien équipé non plus pour survivre. Je serai pourtant parvenu à me faufiler jusque là. De plus en plus souvent au futur antérieur ces dernières semaines. J’ai remarqué ça. Curieux. Devrais-je m’en inquiéter ? Suis-je sur la voie du renoncement ? Ou bien en train d’acquérir une forme de sagesse ? Je ne vois pas trop d’où elle pourrait sortir celle-là. Paraît que c’est le travail d’une vie. La mienne je l’ai tout de même passée à paresser plutôt. À faire le pitre aussi. J’étais du reste assez bon pour ça. Pitre à l’oral morne à l’écrit. Ou alors je baisse les bras. Ai-je déjà baissé les bras ? Sans m’en apercevoir. Possible. Je suis si distrait.

samedi 1 juin 2024

Champs de bataille jardin et odyssée

 
Voilà, 
bien sûr les événements au Moyen-Orient sont aussi effrayants que préoccupants, et je suis stupéfait par le tour sanglant que prend cette affaire depuis huit mois. Si les forces brutes de la bêtise de l'ignorance et de la haine sont à l'œuvre un peu partout dans le monde, elles trouvent depuis près de quatre vingts-ans, un terrain d'élection fertile sur ce minuscule territoire que les trois religions monothéistes sont supposées partager. Ceci doit sûrement expliquer cela, même si d’autres paramètres entrent en jeu. 
J'évite d'en parler car, dès qu'on essaie d'être à ce sujet, dans la nuance et l'analyse, on se retrouve vite diabolisé par les défenseurs de l'une ou de l'autre partie. Tous pensent que ce que ce que chacun de ces peuples a subi est si terrible que tout leur est permis. Sur les réseaux sociaux les gens sont devenus  hystériques à ce propos.
Quoi qu'il en soit, — à moins que la frénésie autodestructrice et la tentation mutuelle de nettoyage ethnique exprimée par les leaders de chacun des camps n'entraîne à terme la disparition de ces deux peuples sémites — tout espoir n'est pas perdu pour Israéliens et Palestiniens. Il suffit d'un peu de patience. Français et Anglais n'ont-il pas mis près de cinq-cents ans avant de cesser de se faire la guerre
 
*
 

 
Le biologiste John Burton Danderson Haldane pensait que "la réalité est étrange, bien plus étrange que nous le pensons, bien plus étrange que nous sommes en mesure de le penser". On ne saurait mieux dire. Aujourd'hui, un peu partout en Occident, les gens semblent désireux d'être dirigés part des pères-fouettards sinon des tyrans qui leur font croire que la médiocrité de leur situation tient à la présence d'étrangers sur leur sol et à d'obscurs complots qui menacent leur intégrité. La société marchande qui régit nos comportements a engendré une telle misère intellectuelle et morale, que leaders populistes et autoritaires n'ont pas besoin de prendre le pouvoir par la force. Ils disposent de l'adhésion paresseuse d'une majorité de leurs concitoyens. Qu'importent qu'ils aient à plusieurs reprises fait preuve de leur incompétence (ils peuvent se prévaloir de celles des dirigeants actuels), ils font le buzz sur les réseaux sociaux, le show dans les medias. Leurs programmes se résument la plupart du temps à des punchlines. 
Ce mural, intitulé  "L'odyssée du XXIme siècle"  — d'ailleurs je note avec stupéfaction qu'on en est déjà au premier quart — illustre l'émergence d'une figure monstrueuse à l'image des temps que nous nous apprêtons à vivre.
 
 

J'ai toujours la nostalgie de ce jardin situé dans l'abbaye d'Ardenne, où je suis allé il y a une dizaine de jours. Cela m'a fait du bien de sortir de Paris, ces derniers temps. Dans cet endroit je me suis formulé ceci : le mon-corps est ce par quoi j'appartiens à l'ordre et à la connexion des choses. Je pense ce que je peux penser à présent parce que je suis lié à un certain état du mon-corps. Mais ce mon-corps n'a cessé de se transformer et produit différents états de pensée, et de facultés d'appréhension du réel cours de son existence. Je suis venu au monde avec le mon-corps. Je suis depuis, déterminé par lui, par ses transformations. C'est lui qui m'a donné la conscience et la sensation du monde. Il est ce par quoi je peux sentir éprouver et de là plus ou moins concevoir quelques outils de compréhension du monde. Il est un dispositif organique sans cesse en transformation par quoi je peux composer mon rapport à la réalité. Il est ma condition et ma contingence. Juste un vertige entre deux abîmes.

Publications les plus consultėes cette année