Voilà,
je le savais bien qu'il était tout à fait déraisonnable de laisser la porte ouverte avec, posés bien en évidence sur la petite table visible de l'entrée, mon smartphone et mon appareil photo, mais je l'ai quand même fait. Je n'avais pas voulu écouter les conseils, et bien évidemment ce qui devait arriver arriva. Un voleur s'est subrepticement introduit et les a dérobés. Je l'ai vu sortir et me suis aussitôt mis à ses trousses en essayant d'alerter des passants. Mais il allait beaucoup trop vite. L'espace s'est diffracté en une multitude de lieux, mon voleur s'est effacé comme une ombre et a disparu. J'ai renoncé, réalisant que les mots que j'avais cru prononcer ressemblaient au ridicule couinement d'un chihuahua sur lequel on vient de marcher : une sorte de râle grotesque et inarticulé. Je me suis rassuré en supposant que l'on ne m'avait en réalité rien volé puisque je m'étais entendu grogner dans mon sommeil. Une main bienveillante s'est d'ailleurs aussitôt posée sur moi et j'ai compris que j'étais dans un lit et que je n'y étais pas seul. Un long moment cependant, je suis demeuré en état de veille, inquiet et aussi honteux de ce que je venais d'entendre : ce qui était sorti de moi avait voulu être une phrase et s'était réduit à un grommellement incompréhensible. Je songeais à Baudelaire devenu aphasique qui ne savait plus dire que "crénom !", à ceux qui ne peuvent plus parler à cause d'un accident cérébral, à cette sensation que j'éprouve souvent de ne plus être en mesure de formuler une pensée un peu complexe, aux forces qui décroissent avec l'âge et à tous les renoncements que cela implique. Je me sentais aussi terriblement vulnérable à cause de ce cri, comme démasqué. Je me suis dit qu'il ne fallait pas perdre de temps. Écrire, continuer de développer des photos, dessiner, réaliser des montages, persévérer à imaginer, à réfléchir, même sur les choses apparemment insignifiantes, faire travailler son cerveau, exciter les sens, emmagasiner des émotions, les transformer, leur donner une forme, indifférent aux regards condescendants de ceux qui consacrent leur temps à des tâches plus concrètes plus utiles et plus lucratives. Il m'est si souvent arrivé d'être "utile" ces derniers mois que j'ai juste envie aujourd'hui de joindre comme le disait, François Morel, je crois mais je n'en suis pas sûr, le futile à l'agréable.
bonjour kwarkito la photo me plait beaucoup et le texte m'a ému
RépondreSupprimerc'est joliment écrit et cela donne envie comme vous dites de se mettre au boulot sans ça rien ne se produit de bon, sorte le léthargie qui ne produit qu'un engourdissement le l'esprit , des sens et de l'âme
bonne fêtes et au boulot
jorge
L'avantage avec la maladie d’Alzheimer, c'est que je réveille avec une femme différente dans mon lit tous les matins, yesssss...
RépondreSupprimerImbroglios...ton beau montage photo montre la complexité; mais aussi une ligne, comme une droite à suivre pour ne pas complètement perdre les pédales...
RépondreSupprimerDédales de l'esprit, intéressants à démêler ...ne pas s'y abandonner, tu fais bien!
Bonne fin d'année, un beso de sol