mercredi 21 mars 2018

Benoît Vergne


Voilà,
Je me souviens de Benoît, dont j’avais fait, en 1990, la connaissance à Gray en Haute-Saône, lorsque nous répétions une pièce de Dürrenmatt, “Romulus le Grand” que nous irions plus tard jouer à Paris, puis à Alès. Dans le spectacle, nous formions tous les deux une paire de domestiques, et bien que l’ambiance de le la troupe ne fut pas très bonne, le tour grotesque que prenaient parfois les choses nous faisait souvent rire. Il arrivait cependant qu’il maugréât quelquefois contre l’incompétence du metteur en scène et de sa femme qui faisait office d’assistante. Il se mettait alors dans des états que je comprenais mais qui selon moi ne méritaient pas une telle dépense d’énergie. Il était jeune et sortait du conservatoire. Je lui disais que s’il ne prenait pas un peu plus de distance il se ferait beaucoup de mal dans ce métier. Je me moquais de lui parfois, parce qu’il passait beaucoup de temps à téléphoner, et je lui disais en le taquinant que cela faisait vraiment "très acteur." Pendant ce temps-là, dès que j'avais un peu de temps libre je faisais des photos et des dessins, des empreintes à la mine dans les combles du théâtre où travaillait la délicieuse Anne Deschaintres, notre costumière et scénographe. Je me rappelle aussi ces soirées passées au bar du théâtre à repasser dans le vieux jukebox “J’ai des doutes” de Sara Mandiano. Nous reprenions alors en chœur le refrain qui reflétait notre point de vue sur le processus en cours. Finalement, comme cela arrive souvent tout se passa plutôt moins mal que nous l’imaginions. Le spectacle sans être fameux fut présentable et eut même un petit succès d’estime. A la dernière au festival d’Alès, Benoît avait, en loge et à mon insu, préparé du champagne que nous bûmes sur scène pendant la représentation dans des coupes en étain.


 Puis comme cela arrive fréquemment, nous nous vîmes souvent les mois qui suivirent le spectacle, et puis par la suite de moins en moins, nous téléphonant seulement de temps à autre pour prendre des nouvelles. Une fois, à ma grande surprise, car nous nous étions perdus de vue, alors qu’il répétait à Béthune un spectacle qui devait être présenté au festival d’Avignon, il m’appela, pour évoquer avec nostalgie le bon temps de nos répétitions et le plaisir qu’il avait eu à travailler en ma compagnie. Je ne m’étonnais qu’à moitié de tels épanchements que je mettais plus sur le compte de son tempérament de diva qu’il aimait à cultiver que sur un réel élan d’affection. Il me demanda si je pensais descendre à Avignon pour le voir, je lui répondis que je ne savais pas, que de toute façon je le verrais à la fin de la saison prochaine, puisque je savais son spectacle programmé dans un théâtre national. Ce fut en fait la dernière conversation que j’eus avec lui. Séropositif depuis des années sans que personne de son entourage ne le sût, sa maladie se déclara précisément durant le festival. Il mourut sept mois plus tard. Un ami commun m’apprit sa disparition début janvier 1995, quelques jours après que j'eus envoyé  à Benoît mes vœux de nouvel an.
Je crois qu'il repose à Tulle, la ville où il est né.

vendredi 23 Mars Sidaction

12 commentaires:

  1. I agree with Francis--- VERY moving. When the drama teacher at my college came to me and recruited me for a play I was surprised. I had no experience, but... Anyway, I was in 5 different plays. I generally played the crowd. We had a very small theater. My Favorite was Madwoman of Chaillot. That was a very long time ago. Your story brought many memories back to me.

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  2. Gran entrada, y entrañables fotografías...buen trabajo!!!

    Un abrazo, amigo!!! ;)

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  3. It's often the way Kwarkito. Relationships when young are tres complicated, we part ways hearing only the odd bit of news .. and then it's too late! C'est la vie oui ✨

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  4. Mon français n'est pas parfait, mais je pense que je comprends la plupart de cela. Bonnes photos. Tu ressembles à un espion secret!

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  5. Estupenda entrada... un saludo desde Murcia....

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  6. Trés très émouvant témoignage sur Benoît... qui était mon oncle et dont la personnalité m’a tellement marquée! merci à vous et ce serait avec plaisir que j’échangerais avec vous quelques souvenirs de Benoît...

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    1. Bonjour,
      Je suis Marguerite, je prends le relais de ma sœur Mathilde qui avait laissé un commentaire sur cet article il y a quelques années. Nous sommes les nièces de Benoît et nous, ainsi que tous ses neveux ont été marqués par notre oncle dont nous serions très désireux d'entendre les souvenirs de ceux qui l'ont connu via un RV à Paris ou peut-être en visio ?
      N'hésitez pas à me contacter margue.vergne@hotmail.fr

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  7. Ce soir une amie de ma fille soufflait chez nous ses dix-neuf bougies. Chacun se souvenait de ses anniversaires. Celui qui m'est venu tout de suite à l'esprit c'est celui que m'a fêté Benoît.
    Faire de la vie un roman, des fêtes et des surprises, des cadeaux et des colères, des décors inattendus et des bandes-sons soignées, c'était un art de vivre, une préoccupation quotidienne.
    Je cherche si internet se souvient de lui, en dehors de l'INA qui se souvient de tout, et je tombe sur ces deux photos et ces mots choisis pour évoquer cet homme qui était mon ami a la fin de sa courte vie. Merci. Je l'ai revu. Il me manque.

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  8. Beaucoup d emotions en lisant le portrait de Benoit, tellement authentique.
    J etais très proche de lui, par intermittence de 1980 à 1990, environ.
    Souvenirs de voyages à Jersey, à Venise, de spectacles aussi à Paris,Arles,Beziers.
    On s'est fâchés, bêtement et j'avais déjà imaginé une fin tragique.
    Quel regret,qu il ne m est pas contacté, moi qui l avait accompagné à Tulle.
    Ces 2 photos le définissent parfaitement.
    Merci

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  9. BENOIT? C'était mon petit frère, pas pour de vrai, mais mon petit frère. En 94, sans nouvelles de lui, J'appris son décès. Il m'avait caché son sida... Aujourd'hui encore, il me manque. Je me souviens de la fête de ses 30 ans , de sa gentillesse, de son sourire.... Salut petit frère!!! et merci pour cette page trouvée par hasard sur le web.

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