mercredi 28 mars 2018

Espiègle (et un post scriptum sur Clément Rosset)


Voila,
un peu de fantaisie en ce sinistre jour de pluie, sans quoi mes quelques lecteurs pourraient se décourager en imaginant que la mélancolie me gagne, ou que de sombres pensées me submergent. Mais je sais qu'il faut, selon les recommandations de Beckett, garder le sens de la proportion, et que pour commencer à creuser il faut vraiment toucher le fond. Alors en plus de cette image récente qui dénote un reste d'espièglerie de ma part, j'ajoute un petit texte de Thomas Bernhard qui fera bien l'affaire. J'avais coutume, lorsque j'animais des formations à la prise de parole dans une grande citadelle du capitalisme, de faire lire à mes stagiaires quelques brèves nouvelles du teigneux autrichien. Ses phrases longues, subtilement ponctuées étaient un excellent moyen pour les inciter à faire des pauses dans leur phrases, à respirer à être soucieux du sens et de l'adresse, à moduler leur énonciation afin de créer du relief et de la nuance dans leur propos (je crois que c'est le genre de boniment que je devais leur débiter). Et puis je me disais que je faisais œuvre de pédagogie en leur donnant à découvrir un auteur majeur de la littérature européenne de la seconde moitié du vingtième siècle. La plupart du temps mes stagiaires, souvent d'une inculture crasse, n'en saisissaient ni l'humour, ni la subtilité. Évidemment de mon côté, il y avait une joie, je l'avoue un peu perverse, à leur proposer ces histoires à l'humour noir toutes plus affreusement drôles les une que les autres. Eux au contraire les trouvaient sinistres et angoissantes. J'avais beau leur répondre que l'endroit où se déroulaient ces séminaires, ou bien encore le fait de travailler à des tâches dont il ignoraient la plupart du temps le sens ou la finalité me semblaient plus angoissants ils demeuraient dubitatifs. J'aimais particulièrement quand l'un d'entre devait lire ce bref récit intitulé "Espoir déçu" "A Atzbach, une femme a été battue à mort par son mari, parce que, dans l'incendie de leur maison, elle avait sauvé, en plus d'elle-même, l'un des deux enfants, mais, à son avis à lui, pas le bon. Elle n'avait pas sauvé le fils de huit ans, pour lequel il avait de grands projets, mais la fille, que l'homme n'aimait pas. Quand, au tribunal cantonal de Wels, on a demandé à l'homme quels projets il faisait pour son fils, qui a été carbonisé dans l'incendie, l'homme a répondu qu'il voulait en faire un anarchiste et un massacreur qui aurait détruit la dictature, et donc l'État." in "L'Imitateur"


P.S. 
le jour où précisément je m'efforce d'être plus léger, on annonce la disparition de Clément Rosset qu'il m'est arrivé d'évoquer quelquefois. Lui qui a dit "sois l'ami du présent qui passe" est à présent trépassé. De nombreux articles documents vidéo et réflexions pertinentes le concernant se trouvent sur La Main de Singe. C'est curieux, il y a une semaine une nuit j'ai relu des extraits de "Loin de moi" un de ses ouvrages. Au même titre que Thomas Bernhard, ses livres ne sont jamais très loin de mon lit. 
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4 commentaires:

  1. Eh eh, je compatis et m'associe à la perversité du formateur (petite compensation très égoïste)

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  2. Un extrait du texte de Bernhardt, particulièrement bien choisi.

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  3. I think your teaching method was quite good-- Over the years I became impatient and started simply directing by saying---"Just do it like this!" Well that has little to do with the intent of your post today. I wonder: Is it that people and ideas die, or were they never quite as alive as we thought they were. I think I will have some more coffee and get a haircut. Merci.... vos messages et la musique que j'écoute sont à peu près les seules choses qui me font explorer sous la surface ces jours-ci.

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  4. Oh yes--- I love the technique you've used with the second image!

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