vendredi 17 juin 2016

L'Appartement communautaire


Voilà,
lorsque j'ai pris cette photo, rue Boulard, je songeais à tout autre chose. cette apparition avait juste interrompu le cours de ma songerie. En effet, le confus tumulte des pensées qui souvent s'agrègent de façon inexpliquée lorsque je marche, et qui fait que je ne suis jamais tout à fait en réalité à l'endroit où je me trouve, avait sans raison objective convoqué le souvenir de l'appartement communautaire de la rue d'Athènes, où j'allais parfois, il y a une quarantaine d'années retrouver Olivier, pour y taper l'incruste et fumer avec lui quelques joints, car chez lui il y avait toujours de quoi fumer. Un soir, comme l'heure du dernier métro était passée, j'étais resté dormir. Sa copine absente, nous avions partagé le même lit, et continué à discuter, allongés l'un à côté de l'autre en écoutant les concertos brandebourgeois. Je crois que c'est ce soir là que je les ai découverts. C'était nouveau pour moi, Bach. C'était un signe distinctif d'une classe dont je ne faisais pas partie. Écouter Bach après une soirée de défonce, avait aussi quelque chose de très exotique. Je ne me souviens plus du cours de la conversation, probablement décousue, vu les circonstances mais Olivier s'était étonné lorsque je lui avais dit "J'aimerais bien voir la fin du monde". Il avait juste dit "Ah bon tu as des fantasmes eschatologiques toi ?". J'avais découvert un mot nouveau ce soir là, masquant toutefois mon ignorance. Pourtant le futur agonisant d'où j'écris à présent n'existait que comme une improbable fiction. Je n'imaginais pas faire de vieux os. J'avais opté pour "un lent et patient dérèglement de tous les sens". Inconsciemment j'aspirais à me dissoudre dans la folie. Toutefois il y avait en moi une instance vigile qui me recommandait de n'y demeurer qu'au seuil. J'obtempérai. J'avais grandi avec des images d'Apocalypse nucléaire dans la tête, en lisant ces vieilles bandes dessinées des éditions Artima, mais aussi des livres tels que "Le dernier rivage" de Nevil Shute, si bien que ma croyance en un avenir radieux s'en était sans doute trouvée terriblement amoindrie. Ceux qui vouaient ces lectures aux gémonies les considérant néfastes pour de jeunes esprits avaient probablement raison. Que l'apocalypse nucléaire n'ait pas encore eu lieu sous la forme d'une déflagration militaire en chaine, comme le laissaient supposer les scénarios élaborés au temps de la guerre froide, n'empêche cependant pas que nous sommes désormais et irrémédiablement condamnés à vivre ou survivre dans un futur obéré par le Nucléaire. Oui, on y est dans le No Future... Pour de bon pour de vrai. Ça prend un certain temps. Ce qui est surprenant c'est que l'on se voile à ce point la face. On oublie Tchernobyl. On fait comme si Fukushima n'avait jamais existé. On en parle peu. On ne veut pas y penser. Il y a peu j'ai lu un journal japonais édité en français où l'on évoque la reconstruction après le tsunami. A aucun moment n'y sont évoqués les ravages causés par le délabrement de la centrale. Mais bon il y a tout de même des informations qui fuitent, peut-être un peu moins vite que les radiations, mais il y en a. Quoiqu'il en soit je parviens encore à me projeter dans le futur puisque cet article commencé il y a plusieurs années, apparaît en ligne aujourd'hui. (Linked with The weekend in black and white)

8 commentaires:

  1. Well, my friend, I hope you have a peaceful weekend... I grew up knowing we would not make it to the 80's, and I was pleasantly surprised.

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  2. A nice B&W. Is that a real person in the window with the phone or just a mannequin?

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  3. A fascinating image, made almost surreal by the reflections. I keep studying your photo.

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  4. Like this! A apecial and cool photo!

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  5. nice shot to capture the other side of the street

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  6. i like the memory of your friend Olivier and the brandenburg concertos, i like them too....i don't know about hope....

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