vendredi 18 mars 2011

Artima ou "Dans le passé même le futur était mieux "(karl valentin)

Invaders
Voilà
le géniteur, passionné de science-fiction avait conservé ces bandes dessinées idiotes achetées en 1959, 60. Sans doute les avait il lues alors,  c'est à dire au moment  où en Algérie,  en tant qu'engagé volontaire il était venu participer à des "opérations de maintien de l'ordre" comme on disait  en ce temps là.  Dans ces fascicules au format d'un cahier édités par une petite entreprise de Tourcoing, Artima, on trouvait des récits complets en noir et blanc.  Il y avait "Météor"  avec, dessinées par Raoul Giordan des histoires d'explorateurs intergalactiques, missionés par l'Organisation des Planètes Unies afin de civiliser d'autres populations vivant sur des astres lointains.  
A Biscarrosse, entre 1965 et 1969 livré à moi-même pendant que mes parents travaillaient, je profitais du jeudi pour me délecter des périples fertiles en aventures  de Spade, Texas, et de leur commandant à bord de la fusée "Space Girl", le capitaine Spencer qui avait une moustache lui, et un faux air d'Errol Flyn.  Je me rappelle ces grasses matinées dans l'abri tiède et douillet de mon lit. Je voyageais avec ces héros qui traversaient les espaces intersidéraux parce que les moteurs atomiques de leur astronef leur permettaient de franchir la vitesse de la lumière. Spencer était aussi docteur. Vif, alerte, mais toujours pondéré, il pouvait résoudre un problème en un temps record, trouver un vaccin, en quatre cases, maîtriser une situation d'un claquement de doigts. Lorsqu'il débarquait avec ses compagnons sur une planète, il tentait de s'adresser en slanton, (la langue internationale de la galaxie) à des peuplades  avec lesquelles heureusement il était possible, la plupart du temps, communiquer par télépathie - et j'espérais alors qu'un jour, moi aussi je connaîtrais ce mode de communication -. Les noms étranges de ces aliens me fascinaient tout autant que leur apparence. Il y avaient les Vrocks de l'astéroïde inconnu Lambda, les géants de la planète Diriop naufragés sur un astre nommé Armen, les Nyctalopes de Guria esclaves des Héméralopes, les Chmocks au pouvoir magnétique qui les rend si redoutables, les Syrtiens aux prises avec les hommes-méduses, les narkys et les hommes singes tamias, les pieuvres cosmiques " très intelligentes " de la planète Jouvencia, que nos héros avaient fini par apprivoiser. C'était toujours des histoires néo-colonialistes où, ambassadeurs du progrès et de la civilisation, nos trois terriens à la morale irréprochable, venaient rétablir l'ordre et apporter les bienfaits que seule notre humanité était à même de dispenser.

Il y avait aussi "Aventures fictions" traduction d'un comic book américain  "Strange Adventures" dont les couvertures me fascinent encore aujourd'hui. Venus de l'espace des Envahisseurs malfaisants, souvent difformes et répugnants, mais capables aussi parfois de se dissimuler sous notre apparence tentaient d'asservir la population terrienne, toujours blanche et plutôt américaine. Je laisse Jean-Pierre Dionnet en parler : "De brèves histoires bâties autour d'une chute, apparemment très simples mais cependant jamais simplettes. Toujours la même trame : la Terre en péril, menacée par un ganymédien gazeux (et fou par surcroît) qui collectionne les planètes dans un globe de verre au-dessus de sa cheminée ou bien par un jupitérien débile qui pêche notre belle planète à la ligne ou la coupe en tranches ou l'attire avec un aimant géant. Mais, attention! Il y a chaque fois un brave petit gars bien-de-chez-nous qui trouve le truc et sauve la baraque! Derrière ce thème que de trésors d'invention, d'idées superbes, à peine esquissées (...) L 'efficacité visuelle du récit, de la mise en place, du découpage, du dessin, l'aisance dans la description de figures imaginaires : tout cela n'avait pas d'équivalent chez nous.".

Ces récits faisaient écho à l'épopée bien réelle de la conquête spatiale et de la course à la lune entre américains et soviétiques. Tous les trois quatre mois, une fusée était lancée, avec à son bord des hommes réalisant des exploits inédits et des prouesses qui pouvaient laisser supposer que oui, un jour peut-être pourrait-on vivre hors de cette terre, voyager dans des fusées, visiter la lune. Que des choses inouïes seraient possibles en l'an 2000.... Mais voilà l'an 2000 est arrivé, et finalement il ne s'est rien passé de bien spectaculaire. Les hommes ne voyagent plus dans l'espace, et la croyance dans l'avenir, s'est dissipée dans une ivresse du présent où l'on tente d'abolir l'idée du temps et les vertiges qu'elle engendre. Comme si on s'efforçait de ne plus penser au futur, dont on sait depuis Tchernobyl qu'il sera forcément radioactif. Et nul besoin non plus d'extraterrestres pour envisager la mort imminente de de l'humanité. L'espèce la plus intelligente de la planète est aussi la plus prédatrice....  La nature hostile, contre laquelle pendant des siècles, elle s'était battue, mais dont elle avait fait une alliée pour assurer sa survie, elle a voulu l'asservir. Et ce rêve prométhéen est devenu un cauchemar. Les puissances qu'elle a déchaînées, se retournent à présent contre l'Humanité. Et l'on peut  désormais affirmer avec certitude, que c'est bien l'instinct de destruction qui a pris le dessus sur toute autre forme d'intelligence. Le temps est probablement proche, où les vieux locataires de la planète que sont les insectes, pourront, en s'alimentant de tout ce que nous aurons laissé à leur disposition, continuer leurs mutations, sans risque d'être écrasés sous nos pas.

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