je me souviens très bien de ce passage que j'ai découvert en Corse, l'été dernier alors que je faisais une recherche sur Jules Verne. Il s'agit d'une lettre adressée à son père et j'ai regretté de ne pas en avoir eu connaissance plus tôt (j'aurais pu, lorsque sa présence polluait encore ce monde, en faire part à mon géniteur pour qui la chose militaire fut la grande affaire de sa vie) : « Tu as toujours l'air attristé au sujet de mon tirage au sort, et du peu d'inquiétude qu'il m'aurait causé ! Tu dois pourtant savoir, mon cher papa, quel cas je fais de l'art militaire, ces domestiques en grande ou petite livrée, dont l'asservissement, les habitudes, et les mots techniques qui les désignent les rabaissent au plus bas état de la servitude. Il faut parfois avoir fait abnégation complète de la dignité d'homme pour remplir de pareilles fonctions ; ces officiers et leur poste préposés à la garde de Napoléon, de Marrast, que sais-je ! - Quelle noble vie! Quels grands et généreux sentiments doivent éclore dans ces cœurs abrutis pour la plupart ! - Prétendent-ils se relever par le courage, par la bravoure! mots en l'air que tout cela! Il n'y a ni courage, ni bravoure à se battre quand on ne peut pas faire autrement ? Et me cite-t-on un haut fait d'armes accompli dans des circonstances, chacun sait qu'il y en a les 19/20èmes à mettre sur le compte de l'emportement, la folie, l'ivresse du moment ! Ce ne sont plus des hommes qui agissent, ce sont des bêtes furieuses, excitées par la fougue de leurs instincts. Et en tout cas, vint-on me montrer le sang-froid le plus calme, la tranquillité la plus surprenante dans l'accomplissement de ces hauts faits que l'on paye d'une croix, je répondrai que l'on n'est généralement pas sur terre pour risquer sa vie ou arracher celle des autres, et qu'en fait de condition, j'en connais de plus honorables et de plus relevées. ». J'étais ces jours derniers à Nantes sa ville natale et bien évidemment j'y ai repensé devant la statue du Jardin des Plantes.
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mardi 26 mai 2015
Extrait d'une lettre de Jules Verne
je me souviens très bien de ce passage que j'ai découvert en Corse, l'été dernier alors que je faisais une recherche sur Jules Verne. Il s'agit d'une lettre adressée à son père et j'ai regretté de ne pas en avoir eu connaissance plus tôt (j'aurais pu, lorsque sa présence polluait encore ce monde, en faire part à mon géniteur pour qui la chose militaire fut la grande affaire de sa vie) : « Tu as toujours l'air attristé au sujet de mon tirage au sort, et du peu d'inquiétude qu'il m'aurait causé ! Tu dois pourtant savoir, mon cher papa, quel cas je fais de l'art militaire, ces domestiques en grande ou petite livrée, dont l'asservissement, les habitudes, et les mots techniques qui les désignent les rabaissent au plus bas état de la servitude. Il faut parfois avoir fait abnégation complète de la dignité d'homme pour remplir de pareilles fonctions ; ces officiers et leur poste préposés à la garde de Napoléon, de Marrast, que sais-je ! - Quelle noble vie! Quels grands et généreux sentiments doivent éclore dans ces cœurs abrutis pour la plupart ! - Prétendent-ils se relever par le courage, par la bravoure! mots en l'air que tout cela! Il n'y a ni courage, ni bravoure à se battre quand on ne peut pas faire autrement ? Et me cite-t-on un haut fait d'armes accompli dans des circonstances, chacun sait qu'il y en a les 19/20èmes à mettre sur le compte de l'emportement, la folie, l'ivresse du moment ! Ce ne sont plus des hommes qui agissent, ce sont des bêtes furieuses, excitées par la fougue de leurs instincts. Et en tout cas, vint-on me montrer le sang-froid le plus calme, la tranquillité la plus surprenante dans l'accomplissement de ces hauts faits que l'on paye d'une croix, je répondrai que l'on n'est généralement pas sur terre pour risquer sa vie ou arracher celle des autres, et qu'en fait de condition, j'en connais de plus honorables et de plus relevées. ». J'étais ces jours derniers à Nantes sa ville natale et bien évidemment j'y ai repensé devant la statue du Jardin des Plantes.
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