Voilà,
la question pour ma part n'est plus de savoir si c'est bien ou pas bien... Deux mecs passent d'abord les 20 premières minutes à piétiner des guitares électriques saturées, ou bien à faire semblant de se bagarrer dessus ou encore, vautrés sur l'une d'elles et enlacés dans un même vêtement, à se frotter la bite l'un contre l'autre... Oui pourquoi pas, ça fait beaucoup de bruit et ça occupe l'espace et le temps, mais c'est tout de même un peu long. Parfois, ils esquissent quelques pas de danse avec des cagoules à clochettes enfilées sur la tête et c'est assez drôle. Même si on souhaiterait bien être à leur place pour faire ce genre de conneries - je parle de la danse - on peut tout de même demeurer perplexe sur la nécessité de toute cette agitation. Ils aiment bien montrer leurs queues, ces acteurs, courir en se tripotant comme des bambins, se tirer joyeusement l'élastique, s'enfiler de petites olifants sur la quéquette en soufflant dessus, se mettre des chapeaux de cow-boys et chanter un air de country music en dansant à poil. C'est kitsch régressif et pulsionnel. Oui peut-être que c'est ça la seule réponse au monde tel qu'il est... Retourner au stade anal, ricaner pour ne pas nommer de grandes catastrophes qui ne tarderont pas à succéder à la lente déréliction du monde occidental. A un moment un homme, la langue ficelée tente d'articuler un discours qu'on ne comprend évidemment pas. Me revient alors cet échange dans "Fin de partie" de Beckett : " Est ce qu'on ne serait pas en train de signifier quelque chose par hasard ? Nous signifier ! Ah la bonne blague !". Mais voilà, cette pièce qui en son temps dénonçait déjà l'arbitraire de la représentation se joue aujourd'hui à guichets fermés dans un théâtre national, et Beckett est devenu un auteur du patrimoine. Revenons au spectacle de Rodrigo Garcia : vers la fin de la représentation les deux comédiens allongés sur des transats philosophent sur le rire ("Si nous rions de la façon dont nous rions, c'est qu'à l'évidence nous ne sommes pas heureux") et sur les relations entre hommes et femmes inéluctablement voués à toujours se séparer. Tout ça en présence d'animaux, en l'occurrence des poussins dont les pépiements sont amplifiés et un chat disposés dans une même boîte transparente, mais cependant séparés par une paroi. Et ce sont eux qui, d'une certaine façon incarnent la dimension dramatique, qui dans la tragédie classique échoit au chœur. La scène du théâtre est leur cosmos. Ils sont jetés dans un monde incompréhensible et chaotique dont ils ne saisissent pas les enjeux et où ils n'ont même pas la parole pour questionner. Pris en otage vulnérables et sans défense, mais néanmoins protégé de l'extérieur dans leur caisse en plexiglass, leur effroi n'est pas feint, et l'inquiétude que l'on éprouve avec eux, est semblable à celle que l'on peut ressentir à l'égard de ce monde désormais réduit à un divertissement obscène cruel et grotesque, et qu'un flot continu d'informations aussi mensongères qu'infantilisantes convertit en fiction.
Mouais... tu décris bien l'ambiance. J'irai pas :)
RépondreSupprimerpour moi, ce qui compte, ceux qui comptent aujourd'hui, ce sont les créateurs, ceux qui croient en quelque avenir... et pas les masticateurs du néant.