jeudi 2 décembre 2021

Aphone


Voilà,
ce matin Jérôme Frontenac s'est réveillé aphone. C'est fou comme une simple phrase peut vous laisser sans voix, vous dévaster intérieurement, non seulement à cause de ce qu'elle dit mais encore en raison de tout ce qu'elle sous-entend. Il avait fait comme si c'était un détail sans importance. Peut-être même avait-il alors baissé les yeux. A quoi bon réagir, il déteste le conflit. Rétrospectivement il se faisait l'effet d'un pauvre type incapable d'inspirer le respect. En la circonstance la remarque était particulièrement indélicate et malvenue. Les excuses n'y pourraient rien.
Bien sûr il aurait pu penser que c’était un accident, un geste d’humeur un acte manqué, dû à l’épuisement, à une certaine panique et que cela ne s’adressait pas directement à lui, que c’était juste parce qu'il était là. Mais c'est sur lui, précisément que c'était tombé, pas un autre. Simplement parce qu'il avait fait une proposition qui ne semblait pourtant pas prêter à conséquence.
Pendant la nuit il a retourné ça dans sa tête. Dressé des listes, émis des hypothèses. Parfois les gens se trahissent et passent des messages qu’ils ne parviennent pas à formuler. Ça faisait mal. Il fallait bien se rendre à l'évidence, ça suggérait nombre d'éventualités qu'il n'était pas certain d’avoir envie d'admettre. Mais l’événement, c'en était un, tellement imprévisible — semblable à une gifle silencieuse — sans cesse appelait les questions. 
Que devait-il comprendre ? Qu'il coûtait et qu’en même temps il ne valait pas beaucoup. Ou bien que quelque chose de lui, coûtait mais qu'il comptait pour peu. La nuance était mince. Ou bien ne donnait-il pas assez ? Ou voulait-on lui faire payer pour quelque chose qu'il devait trouver tout seul ? Une faute, une négligence ? Cela voulait-il signifier "cela me coûte trop de partager avec toi" ? Était-ce une façon de solder tout ce qui avait été déjà partagé ? Au regard de la somme alors le tout ne valait pas grand chose.
Il avait toujours détesté, les rébus, les charades, les devinettes. Il n'avait pas envie d'être à cette place. Ça le rendait triste. Parfois les fantômes vous rattrapent, et c'est toujours le même vieux linge qui sèche au fil du temps. Il s'est souvenu du titre d'un livre assez populaire dans sa jeunesse. "Éloge de la fuite". Il n'y avait pas d'autre choix. Après tout, chaque partie ferait ainsi l'économie de ce que cela lui coûtait. Et basta, ils en seraient quittes.

18 commentaires:

  1. i love this evocative photo-- and the text is quite enigmatic but still captivating...

    RépondreSupprimer
  2. I read this in French and did not understand. The English translation is just as baffling. The problem isn't my French comprehension. SO I conclude that this is channeling Marcel Aymé or maybe one of the dadaists. Maybe Olipo?

    RépondreSupprimer
  3. ...a fabulous, dramatic image!!!

    RépondreSupprimer
  4. oserais-je dire que je viens d'éprouver la sensation d'être rattrapé par le fantôme de Jérôme Frontenac ?

    RépondreSupprimer
  5. Tres belle ~ BW photo is very creative ~ ^_^

    Happy Days,

    A ShutterBug Explores,
    aka (A Creative Harbor)

    RépondreSupprimer
  6. Un ciel dantesque, j'en reste sans voix

    RépondreSupprimer
  7. I love the clothes-line, and the sky is superb!

    RépondreSupprimer
  8. Wonderful photo. B&W is an excellent choice!

    RépondreSupprimer
  9. Un ciel bien menaçant et si bien mis en évidence !

    RépondreSupprimer
  10. Beautiful and full of drama with the laundry line under a menacing sky

    RépondreSupprimer
  11. WOW!!! Like a painting, deeply impressive and with an eye-catching atmosphere. Bravo!

    RépondreSupprimer
  12. I love the story-telling quality of this photograph, but am defeated by the text due to my school-girl French and the complexities of the translation option !

    RépondreSupprimer

La modération des commentaires a été activée. Les commentaires ne seront publiés qu'après approbation de l'auteur de ce blog.

Publications les plus consultėes cette année