jeudi 11 janvier 2018

La Jamaïque


Voilà
dans les transports, les promenades, les errances je m'abandonne de plus en plus aux souvenirs. Non que j'aille les chercher, mais ils remontent. Sans doute la lecture du livre de Jean-Christophe Bailly "Le Dépaysement" consacré au paysage français qui m'accompagne depuis quelques semaines, constitue-t-elle un puissant générateur de réflexions et de réminiscences. Des associations d'idées suscitées par la lecture me ramènent à des paysages anciens. Enfant, j'ai, en raison du métier de mes géniteurs militaires, souvent été contraint de déménager, vivant dans la sensation du précaire du provisoire. Les lieux étaient voués à être quittés. Je me souviens en particulier du déchirement éprouvé lorsqu'il fallut abandonner ce coin des Landes où pour la première fois de ma vie je m'étais senti accordé à la fois au paysage et aux gens qui vivaient là. Ces années là furent vraiment heureuses. Pour peu que j'y songe, cela réactive des sensations encore vivaces. La mémoire de ces lieux, de ces moments me travaille. Je pourrais rester des heures à me laisser submerger me livrant à ce que la méthode de l'actor's studio désigne sous le terme de "sense memory". C'est étrange, je me souviens des sensations (se rendre en vélo à l'école du bourg, le cartable accroché sur le porte-bagage avec des sandows, le pollen des genêts jaunissant la route, la première semaine de juillet où il y avait encore classe, mais qui consistait à ranger les livres, l'après midi on regardait le tour de France, les refrains de cette époque. Quelques chose de moi est à jamais fixé sur le Baby Love des Supremes.
Cette maison est la première que nous ayons habité dans les Landes. C'était un meublé qui avait été loué en attendant que nous puissions emménager dans une villa encore en construction dans une cité militaire. Nous avons vécu là environ trois mois. La maison était composée de deux logements. Dans l'autre, un studio, vivait un couple qui s'appelait les Guinde. Ils étaient jeunes. Parfois nous mangions en terrasse avec eux. Je me souviens qu'il aimait lire les aventures de Prudence Petitpas dans le journal de Tintin. Il adorait un personnage qui disait "Je suis un affreux jojo argh argh argh !". Répétant cette réplique il prenait un plaisir particulier à reproduire le son "argh argh argh !".  C'était donc au dernier trimestre de l'année 1964. Le jeune frère de ma mère, l'oncle stupide dont j'ai déjà parlé, Jean-Jacques le fan de Johnny, était venu en vacances quelques jours. Il dormait dans la même chambre que moi. De Septembre 64 à juin 65, j'ai fréquenté l'école de Biscarrosse-Plage. Je me souviens de cette année-là comme d'un émerveillement. Après les années de la guerre d'Algérie, la sinistre garnison de Châlons-sur-Marne où il faisait tout gris, le bord de l'Océan, la forêt de pins, la nature et l'espace ouvert, le soleil, l'air iodé et la classe de madame Ferris. Tout à coup, la vie semblait s'ouvrir, chargée de promesses.

Ecole de Biscarrosse-Plage, CE2, Année scolaire 1964-65

9 commentaires:

  1. I'll guess top row, third from the left.

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  2. Ah Arnaud une mimizanaise ne peut que goûter souvenirs et odeurs du pays partagés. Il y a dans nos paysages désolés et monotones ( pour le non initié) une profondeur et une hauteur qui n'a d'égale que l'infini du sentier et le sombre alignement rectiligne des pins qui le bordent.

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    1. ah oui.... si on tape biscarrosse dans la fenêtre en haut à droite "chercher sur ce blog", il y a quelques articles sur les landes. et sur Biscarrosse en particulier. Oui l'odeur des pins des fougères et des mousses allée à celle de l'océan me manque souvent,

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  3. 64-65 école de Mimizan plage ( pas de photo malheureusement)

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  4. Réponses
    1. whoawh !!! Bien vu. Tu as comparé avec d'autres photos anciennes sur le blog ?

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    2. non je t'ai reconnu tout de suite

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