dimanche 19 janvier 2020

Sage comme une image


Voilà,
La promenade c'est bien.
Souvent on y entend ou on y voit des choses surprenantes, et délicieusement incongrues.
Quelqu'un par exemple qui dit "ça fait un peu jeu paquet de céréales".
Ou un autre qui s'exclame "elle est trop belle elle a plein de sœurs"
En promenade les pensées s'agrègent de façon chaotique.
Est-ce pour cela que l'errance est un autre mot pour désigner la folie ?
Parfois les gens causent un peu trop fort.
Ecouter certaines personnes médire de de leurs connaissances permet de comprendre comment ils parlent aux autres de vous.  
De temps en temps, dans la rue des silhouettes que je crois reconnaître semblent jaillir du passé.
Mais cela peut aussi se produire dans la nature quand je suis seul.
Des visages autrefois familiers surgissent furtivement (il suffit d'une odeur de pins et de fougères humides)
On flâne souvent avec des morts
A Paris si je je vois écrit quelque part Pont Mirabeau alors la chanson me revient en tête.
Je peux ensuite la fredonner  pendant des heures sans même m'en rendre compte.
Il n'est pas nécessaire de sortir pour être ailleurs.
Parfois je revisite de vieux rêves, jadis consignés lorsque j'étais encore un homme sans postérité.
Il m'arrive aussi de tomber sur des notes énigmatiques répertoriées sur mon smartphone.
Ainsi :
le réflexe de Babinski, c'est quand on a les orteils en bouquet de violette
Le chameau a autant de bosses que de syllabes n'en déplaise au cigarettier.
Chez Verrocchio on préfère la peinture à l'œuf chez Pollaiuollo la peinture à l'huile
  les notes de Kafka sont à l'expérience historique, ce que la géométrie non euclidienne est à la géométrie empirique.
Comment parfois ne pas demeurer perplexe?
Quoiqu'il en soit
chaque journée est une nouvelle aventure mais chaque matin il faut aussi renouer avec le dépit d'être soi-même.
Et aussi avec toute une macédoine de pensées et d'images de réflexions à peine ébauchées
de réminiscences de constats
par exemple on se rappelle que l'actrice Maya Vignando ressemble au "Nu au divan" de Marquet,
et de fil en aiguille
que Gabriela Baumbrück avec qui je passais des après midi à tirer des photos et à bavarder
tout en buvant de la becherovka pendant que le lecteur de CD jouait en boucle l'album de John Coltrane et Duke Ellington
Gabriela donc ressemblait alors l'actrice Lucia Bosè qui a joué dans des films d'Antonioni
(mais je ne m'en suis rendu compte que bien plus tard)
Un souvenir en convoque un autre pour une raison indéterminée.
La fois où ma fille de cinq ans, voyant un champ d'éoliennes par la vitre de la voiture s'était exclamée "elles ont toutes la même manière".
Le jour où, peu avant la pause de midi, Michel par provocation sans doute,
avait, sur le plateau de la Scène nationale d'Alençon, déclaré
"J'éclaire l'espace pas les comédiens".
 Cette fin d'après-midi où dans une rue en terre battue de Djelfa, ma mère avec sa 4CV m'a renversé  et failli m'écraser.
Une triste nuit dans un hôtel d'Amsterdam.
Se remémorer que,
"Pays sans chapeau" de Denis Laferrière est un livre vraiment génial,
que
ce film de David Byrne, intitulé "True stories" que j'avais trouvé vraiment bien à sa sortie, ça vaudrait le coup de le revoir,
que
la fragrance sucrée qui me saisit parfois et me renvoie à l'enfance et celle du labdano.
(Je l'avais enfin identifiée au Palazzzo Mucenigo de Venise quand je visitais le musée des parfums en compagnie de ma fille)
qu'il
existe, au 26 rue Tiphaine à Paris, un restaurant coréen, paraît-il excellent et peu onéreux, où il faudrait déjeuner un de ces jours,
que,
un bouquiniste à l'accent marseillais qui a sa boite face à l'académie française m'a fait découvrir Lennie Tristano,
qu'à huit ans
 il me semblait n'avoir que des souvenirs, pas seulement les miens mais aussi ceux de mes parents, qui toujours parlaient du passé.
Et puis devant ce mur j'ai repensé à ça,
à l'expression sage comme une image et à la tentation de se taire définitivement pour ne plus rien faire d’autre qu'écrire et dessiner
Ou bien parler mais simplement pour interpréter les textes des autres.
Mais,
impossible je suis une vraie pipelette.
(Linked with monday mural)

12 commentaires:

  1. Chez toi la nostalgie a toujours de la profondeur (et de la fraternité...)

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  2. J’aime beaucoup cette déambulation, sensation de marcher en ta compagnie dans les rues de Paris. Bonne soirée.

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  3. Fascinating trains of thought here! Very provocative

    Best... mae at maefood.blogspot.com

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  4. Déambulations mentales et physiques, j'aime te suivre ainsi.
    Écrire est-il se taire?
    Bonne journée Kwarkito.

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  5. Lovely mural. You have lots of memories :)
    Thanks for participating Kwarkito

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  6. Oh, cést trés difficile pour moi.... I sadly can only say somthing in English (my French teacher would be embarassed!).
    It´s a great mural, and story (and please do not report me to monsieur Böhme....).

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  7. Great portrait and somewhere it must find a place between all your short snippets of thoughts.

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  8. That is a long story to your nice mural....

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  9. I like this one....her eyes draw you in!

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  10. Tus textos son magníficos, elegantes y reflexivos,
    siempre bien acompañados de buenas fotografías.
    Abrazos

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  11. I agree with how we have to re-connect with ourselves in any way we can with whatever works for us.

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