vendredi 17 janvier 2020

Comme si de rien n'était



Voilà,
Il est difficile de marcher d'un pas léger. Il faudrait pouvoir faire abstraction du monde tel qu'il va, ou plus justement tel qu'il ne va pas. Impossible d'écouter une radio, de lire les actualités sur le net sans tomber sur des nouvelles alarmantes. Oh pas seulement les bruits de bottes au Moyen-Orient ou la prolifération des populismes, l'écart sans cesse grandissant entre les riches et les classes moyennes en voie de paupérisation dans les pays occidentaux ou encore les désastres écologiques disséminés sur la planète et j'en passe. Je sais bien qu'en être affecté ou pas ne change rien à la marche du monde. Que la vie n'en continue pas moins pour autant. Cela fait tant d'années que cela déconne. Une nouvelle chasse l'autre, un massacre succède à un carnage, on s'en émeut et puis on oublie. Les saisons rythment les catastrophes auxquelles on finit par s'habituer. Il y a la saison des naufrages de migrants en Méditerranée, celle des ouragans aux Caraïbes, des incendies estivaux dans chacun des hémisphères. De temps à autre une éruption volcanique ou une nouvelle pandémie fait événement et rompt le cycle prévisible des calamités. Ce qui est étrange ce que cela ne mobilise ni les peuples ni les politiques. C'est comme si on n'avait décidé qu'il n'y a pas d'alternative aux désastres en cours et que de toute façon les choses se règleront d'elles-mêmes. 
Donc je marche encore dans les rues de cette ville, je fais des photos, quelquefois. Mais, ces jours-ci, cette sensation d'Absurde, et d'Inéluctable me hante plus que d'habitude. Je fais comme si de rien n'était, mais le cœur n'y est pas vraiment. J'ai toujours la tête un peu ailleurs. Par exemple, quand je me suis attardé devant cette vitrine, c'est à l'Australie que je pensais. Oubliés les inondations de l'année dernières, les troupeaux noyés, les crocodiles dans les rues...
Les tragiques événements survenus là-bas ces dernières semaines donnent beaucoup à réfléchir. Comme le fait fait remarquer sur sa chaîne Youtube un dénommé Vincent que je cite largement ici à l'attention de mes correspondants non francophones, ce pays, l'un des plus riches de la planète (premier exportateur mondial de charbon, deuxième exportateur de gaz) doté d'un système de démocratie représentative s'est trouvé,  — d'ailleurs peu de temps après que ses représentants aient saboté les négociations de la COP 25 au nom d'intérêts économiques —  confronté à une catastrophe climatique d’une ampleur phénoménale provoquée et aggravée par le réchauffement climatique.
La réaction de ses dirigeants donne une idée de la manière dont la civilisation thermo-industrielle va dans les décennies qui viennent, se comporter face aux catastrophes qui en raison du désordre climatique ne manqueront pas de survenir et de proliférer, se manifestant sous des formes variées, que l'on peut d'ores et déjà observer : ouragans de plus en plus vastes, tempêtes surpuissantes, incendies gigantesques, inondations, phénoménales avec une infinité de dommages collatéraux dont chaque jour nous révèle l'ampleur insoupçonnée.

 Confronté au ravage de son écosystème, le pays, premier exportateur de charbon, ne modifie en rien le cours de sa production. Business as usual. On est à la fois dans le déni, l'impuissance, due en particulier à une absence totale d'investissement dans la prévision du risque, et à l'aveuglement résumé par cette remarque de Proust "les faits ne pénètrent pas le monde de nos croyances".  Autrement dit, plusieurs milliers d’animaux sauvages meurent, des espèces disparaissent à tout jamais parce qu'elles ne vivent que dans certains écosystèmes de l'Australie, et que se passe-t-il ?  le coût de ce désastre n'est évalué qu’à partir des pertes liées au tourisme. On ne  compte que les pertes du bétail et pas celles des animaux sauvages. Un gouvernement qui comptabilise en ces termes fait forcément fausse route.
Si on ce trompe dans la manière dont on évalue une situation, on se trompe évidemment dans les solutions qu'on va y apporter. C'est le diagnostic qui suggère le remède.
Ainsi lorsque les feux de brousse se sont rapprochées de Sydney, la ville a alloué 620 000 $ australiens à la lutte contre les incendies. Mais dans le même temps elle avait déjà déboursé 6,5 millions de dollars australiens pour l'organisation du feu d’artifice du Nouvel An. C'est ce qui s'appelle avoir le sens des priorités.
Il faut prendre la mesure de ce qui s'est passé. Les incendies Australiens se sont avérés si puissants qu’ils ont généré leur propre microclimat, leur propres orages, foudre, vents violents qui créent de nouveaux incendies. L’incendie  a créé de nouveaux incendies. C'est ce que les pompiers appellent un impossible opérationnel
Comme pour Fukushima (mais qui s'émeut, qui pense à Fukushima aujourd'hui, à part ses victimes collatérales et ceux qui tentent de circonscrire ses ravages) une fois de plus l’Humanité a vu un pays pourtant riche, incapable de faire face à une catastrophe qui va se répéter en raison des choix économiques des cent dernières années. Pire encore, elle a pu constater l'indifférence des dirigeants de ce pays face à la situation avec un premier ministre parti se bronzer à Hawaï qui n'est revenu que sous la pression de l'Opinion publique.
On a bien évidemment vu alors se multiplier, pour conjurer désespoir, le beau hashtag "pray for Australia", et les foules s'en remettre à une hypothétique puissance divine pour corriger les conséquences des choix économiques et politiques. Mais plutôt que de prier n'aurait il pas mieux valu écouter les scientifiques qui disent depuis des années que les feux de brousse sont  aggravée par le réchauffement climatique lui même causé par les émissions de CO2 liées aux activités humaines ? 
Si on les avait écoutés, l’Australie n’aurait pas augmenté ses émissions de cO2 de 46% depuis les années 90. Le vice-premier ministre a balayé cet argument avec morgue et mépris en déclarant que ceux qui faisaient le lien entre incendies et réchauffement climatique étaient des tarés de centre ville.  
Tous ces gouvernants détruisent leur propre pays pour répondre aux exigences des oligarchies financières et  servir les intérêts des groupes industriels soutenus par la presse de Murdoch. Et peu importent les "angry summers"
Le rendement agricole de l'Australie a été divisé par deux en 2019 en cause des cycles de sécheresse suivi d'inondations qui ravagent les sols. Il faut aussi ajouter à ce propos que ce pays est précurseur dans le domaine de la privatisation de l'eau. Le prix de l'eau ayant atteint des sommets avec cette canicule et ces incendies, les agriculteurs ne peuvent pas arroser comme il veulent leurs terres donc ils achètent le minimum d'eau. donc ce processus va aller croissant. Pour la première fois depuis 10 ans l'Australie importe des céréales. Mais le premier ministre a déclaré, à propos de la transition écologique "nous n'allons pas nous engager dans des objectifs irresponsables, destructeurs d'emploi et nuisibles à l'économie". L'emploi donc, avant l'autosuffisance alimentaire. Ils mangent quoi les employés ?
Et en même temps l'emploi c'est le business. Une petite comparaison d'ailleurs. Les feux actuellement en Australie c'est 350 millions de tonnes de CO2.  Les exportations annuelles de gaz et de charbon de l'Australie c'est 1200 millions de tonnes de CO2 émis dans l'atmosphère 
Ainsi lorsque l'économie fonctionne parfaitement bien, elle détruit toujours plus l'équilibre climatique que précisément  les catastrophes climatiques qui en découlent.
Faut-il en conclure que pour maintenir le statu quo il n'hésitent pas à détruire le monde ?
Quoiqu'il en soit ils ne savent pas réparer (comme à Fukushima).
Seulement détruire. Détruire toujours plus. 
Que des dromadaires sauvages, en quête d'eau s'approchent des habitations, la seule solution trouvée c'est d'en abattre 10 000 à l'aide de snipers depuis des hélicos.
Aujourd'hui les chameaux demain les humains.
C'est évident c'est comme ça que ça se passera.
C'est déjà la même logique qui est à l'œuvre en Méditerrannée avec les migrants qui fuient la misère.
On ne les tue pas encore, on les laisse juste se noyer.  
Une société qui ne sait pas répondre ou répond tellement mal, est une société en échec..
Le pire c'est qu'il est vraisemblable que de leur point de vue la catastrophe est bien gérée.  Il n'y a pas trop de pertes humaines, la pénurie alimentaire est évitée par les importations. Il n' y a pas vraiment de désordre, on peut maintenir le feu d'artifice et buter les dromadaires gênants, le secteur de l'économie qui est le plus important pour ce gouvernement n'est pas impacté, l'économie du charbon prospère. Et tant pis si dans dix ans des milliers de gens seront atteints de troubles respiratoires.
Combien de temps ce déni va-t-il durer ? Le coût est trop grand. On voudrait croire que ce coût pourrait bouleverser nos prétentions de toute puissance et nous rendre humble face à la nature.
Est ce que la croyance tes hommes dans l'ingéniosité la créativité le développement technologique pour faire face au dérèglement climatique s'effondre au regard des piètres résultats qui sont obtenus ? Non pas du tout.
La mentalité générale, est de penser qu'à un moment la situation sera tellement critique, qu'une prise de conscience s'opèrera. Mais on est déjà au seuil critique. Cependant comme on peut encore aller au restaurant, prendre l'avion, se chauffer, que nos habitudes ne sont pas encore bouleversées, que la catastrophe est toujours pour l'autre, on continue de procrastiner. Sauf évidemment, ceux qui ont tout perdu.
Ceux qui détiennent aujourd'hui le pouvoir pour défendre leurs intérêts et qui sont incapables de trouver des solutions au présent, ne lâcheront rien et s'accrocheront à leurs prébendes. Les pays riches érigent des murs pour refouler au loin les cohortes de miséreux. Et dans leurs frontières, ils s'efforcent de mater toute contestation. Ils maintiennent une partie des populations dans un servage consumériste, dressant les classes moyennes contre les plus pauvres  (celui qui gagne un million dit à celui qui gagne mille, que tous les problèmes sont dûs à ceux qui gagnent cent et ça marche).  Mais bon, à quoi sert il de ressasser tout ça, cela fait si longtemps que l'on sait... Peut-être y-a-t-il un tropisme destructeur  et suicidaire inhérent à la nature humaine... (Linked with weekend reflection)

8 commentaires:

  1. A wonderful window-- These are some of the thoughts that plague me-- although we have our own difficulties these days.

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  2. "Combien de temps ce déni va-t-il durer ?" demandes-tu. J'essaie d'écouter les autres, de leur poser le plus naïvement possible des questions sur leur vision du monde, ou plus modestement sur leur perception des événements. Le vestiaire est un lieu où le recueil des opinions est très productif. L'immense majorité des gars présents ne s'intéresse pas aux objets qui nous préoccupent, toi comme moi. Pour eux, aller manifester contre "le soi-disant réchauffement climatique" est une "perte de temps". Parler de changer, à notre échelle, nos habitudes de vie, c'est une grosse plaisanterie, ils préfèrent parler de leur SUV, celui qu'ils ont déjà, celui qu'ils rêvent de s'acheter. Parmi les plus jeunes, c'est une nouveauté pour moi, beaucoup rêvent aussi de faire la guerre, ce qui ne semble pas avoir été détecté par nos brillants sociologues. Et s'ils s'efforcent de faire gonfler leur musculature et de la filmer, c'est pour épater leurs copines, souvent restées au pays. Avant d'aller se battre.
    On pourra toujours essayer de croire en notre combat pacifique et d'aller "manifester avec les jeunes", combien sont-ils les jeunes ? Une infime minorité à l'échelle de la planète, même s'ils sont quelques millions.
    Au Brésil, pays où je passe plusieurs mois par an pour accompagner mon épouse brésilienne, je n'ai jamais au grand jamais entendu un Brésilien aborder la question du dérèglement climatique. Où sont les ONG brésiliennes ? Seulement sur les plateaux des TV européennes.
    Puisque tu évoques Fukushima, ce vendredi un retraité a évoqué cette catastrophe. Qu'en a-t-il retenu ? Que les Japonais contrairement aux Français fouteurs de merde, se sont montrés dignes.
    Je pourrais aligner les exemples à l'infini. Des exemples qui en très grande majorité montrent que je me fais du souci pour rien.
    Alors que faire, comme disait l'autre.
    Je ne suis plus très loin de penser qu'il vaut mieux arrêter d'y penser et de jouir sans entrave, comme disaient les autres, ceux de 68.
    D'ailleurs, mon premier fils, qui a 36 ans, se fout de tout ça comme de sa première couche.

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  3. Don't be so sure that there will not be any changes Kwarkito, the Australian public are angry, very angry. I do believe angry enough to demand changes. The fires have left so much devastation in it's wake. We will not forget. Beautiful reflection here✨

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  4. Oh dear. Attempting to read your post made me realize that I have forgotten nearly all the French I once knew.
    I hope you'll come share your photo at our weekly photo sharing link. The link for this week's party is here:
    https://image-in-ing.blogspot.com/2020/01/from-archives.html
    The linky stays open all week long, so you're never late to the party!

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  5. There's so much that you have said and rightly so but as I am in NZ I don't have any idea of how the people in Australia feel, I guess if it was me I would be quite angry and disappointed that the pm didn't have my back. I hope that now it is raining some regeneration can start.

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  6. Muchas gracias por visitar mi blog, encantada de estar aquí en el tuyo saboreando tus letras.

    Un beso.

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