Voilà,
tu m'as demandé un soir si tous nos souvenirs étaient entreposés dans notre cerveau. Oui, sûrement avais-je répondu. Ce n'est bien sûr qu'une intuition, mais il me semble que si peu de cet organe est utilisé que ce qui est oublié doit être stocké quelque part. Sinon comment expliquer que me soit revenu comme ça, sans raison particulière, sur un quai de gare de banlieue, le
souvenir d'Assunta, que les filles de la maison appelaient Sunt, cette vieille italienne austère, au visage émacié, toute de noire vêtue, qui parlait très lentement avec une voix grave. Elle venait
quelquefois faire le ménage dans la maison de Châteaudouble, en tout cas,
c'est sûr, le premier été de 1973. Elle ne souriait jamais et semblait promener un morne ennui sur toutes les choses qu'elle époussetait. Je ne me souviens pas de l'année où elle a cessé de venir. Dès cet été là, chaque fois que je me promenais dans la campagne, j'étais intrigué par les interventions de Marguerite, la chevrière sauvage que j'ai déjà évoquée il y a longtemps dans ce blog. Je crois que ce personnage fascinait particulièrement Agnès et elle m'avait immédiatement mené sur ses traces. Cette photo date de 1983, et l'on peut comprendre pourquoi j'ai été assez sidéré par cette vision. C'était à l'époque où nous aimions beaucoup les tableaux du peintre surréaliste yougoslave Dado, dont beaucoup représentaient des nouveaux-nés exposés sur des étals de bouchers, et il est possible qu'à ce moment-là j'y ai pensé. Ainsi donc un souvenir appelle une image, qui convoque d'autres souvenirs. Je crois que je suis en perpétuel état d'errance, qui est le nom qu'on donnait autrefois à certains état de folie. L'errance était bien ce qui caractérisait Marguerite, capable de parcourir des kilomètres pour accrocher ses objets et aussi ses imprécations qu'elle notait sur des cartons cousus ensemble et qu'elle attachait ensuite au tronc des arbres.
shared with the weekend in black and white)
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Inquiétante Marguerite. Son enfant avait-il été tué? Mystères.
RépondreSupprimerJe pense aussi que tous les souvenirs sont stockés, on tire sur un fil et peu à peu...parfois même on préférerait que certains restent enfouis, mais!
Bonne journée Kwarkito.
Yes--- sometimes it's better to cut the thread rather than pull on it.
RépondreSupprimerIt is amazing what triggers memories in our brain Kwarkito, often it can be something very simple.
RépondreSupprimerMemories are very strange - sometimes clear, sometimes elusive. Marguerite is a fascinating character.
RépondreSupprimerPowerful photo of this unhappy doll. Does this count as doll violence?
RépondreSupprimer...hung up to dry!
RépondreSupprimerThe labyrinths of the brain.
RépondreSupprimerLa fuerza de las imágenes, fulgurantes, en una configuración
RépondreSupprimeremocional que nos conmueven los sentidos.
Abrazos.
Fascinating tale and image.
RépondreSupprimerQuite creepy, but then who can control how memories run!
RépondreSupprimerEn écoutant l'album posthume de Leonard Cohen, je me suis rappelé que les poupées n'ont pas été créées / inventées pour faire jouer les petites filles. Qu'elles ont d'abord servi de sombres desseins.
RépondreSupprimernice shots, but I feel sorry for the doll
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