mardi 11 juillet 2017

La guerre, et après


Voilà,
trois ans jours pour jour que mon géniteur est mort. J'y repense forcément ces temps-ci, car je lis en ce moment le livre de Pauline Maucort intitulé "La guerre et après". Après tout je suis issu d'un accouplement où l'homme était en état de stress post-traumatique. A l'époque il n'y avait ni nom ni cure pour cette situation. La mère m'a raconté qu'à son retour d'Indochine, il s'éjectait du lit en hurlant comme s'il montait à l'assaut, et qu'il s'écrasait lamentablement contre le mur avant de s'effondrer en pleurs et gémir "ce n'est pas ma faute si on a perdu le Tonkin et la Cochinchine". Lisant les récits des uns et des autres, qui sont pourtant terribles, je ne parviens cependant pas à compatir. Ayant été éduqué par des militaires, je connais tous les codes de cette institution. Pendant dix-huit ans je les ai subis, j'ai dû plier sans jamais rompre, ruser, contourner, dépenser une énergie folle pour me soustraire de cette bêtise crasse qui caractérise la troupe et les sous-officiers. L'armée est une machine à soumettre, à décerveler. Elle exige de ceux qui la constituent une soumission totale où le simple fait de réfléchir constitue déjà en-soi un acte de désobéissance. L'armée a droit de vie et de mort sur chacun de ses sujets. Elle dresse les hommes à tuer soit-disant au nom de La Défense nationale, alors que depuis longtemps elle n'est qu'un instrument au mains des politiques qui la mettent au service de leur volonté de puissance et de leurs misérables stratégies pour s'inscrire dans l'Histoire. Je ne me suis jamais senti à l'aise dans cette organisation. J'en faisais partie malgré moi. "C'est l'armée qui te nourrit" me rappelaient avec insistance les géniteurs. Voilà pourquoi entre autre la soldatesque m'a toujours fait gerber. Celui qui m'a ensemencé, a fini par devenir très bête. Je ne sais pas comment il était avant, mais bon, quoi qu'il en soit l'armée rend con. Il faut être vraiment stupide pour s'engager et surtout rester dans une organisation où l'on a pour devoir de répondre aveuglément aux ordres. Le pire là-dedans ce sont les caporaux, les adjudants, toutes cette masse de sous-fifres, la plupart du temps ignorants et prétentieux qui vous font marcher au pas. Crédules, les mecs pensent qu'ils vont se battre pour l'honneur de la France, ou pour défendre la veuve et l'orphelin. La plupart du temps on les envoie dans des pays auxquels ils ne comprennent que couic pour défendre des intérêts économiques dont ils ne profitent jamais. Ou  bien ils vont risquer leur peau pour servir des stratégies géo-politiques dont les tenants et les aboutissants leur échappent totalement. Mais à quoi bon reparler de tout ça. J'ai très tôt compris que cette affaire-là n'était pas pour moi, même si mes premiers terrains de jeu furent dans des enceintes militaires. Je n'ai jamais eu le goût des armes, du combat, de la violence. Grandir sous le regard d'un tueur professionnel ne m'a pas spécialement réjoui. Il fallait à tout prix prendre la tangente, affaire de salubrité mentale, instinct de survie. Il y a des déterminismes auxquels il n'est pas si simple d'échapper. D'ailleurs P. et sa sœur P. Sli que l'on voit sur la photo ont fini dans l'armée, paraît-il. Pour vérifier j'ai fait une recherche internet. J'en ai trouvé un de 1955 (ça correspond) et puis quand on voit la liste des pays visités, Côte d'Ivoire, Gabon, Liban, Centrafrique, Djibouti, Serbie, Tchad, Togo, il n'y a pas besoin d'être une lumière pour deviner son métier. Au moins a-t-il survécu à toutes ses campagnes. Et parmi ses liens il y a un autre Sli, vraisemblablement  son fils, lui aussi militaire. Trois générations tout de même...

5 commentaires:

  1. Sur cette photo je vois qu’il s’agit d’un régiment de canons. Servir un canon ou lâcher des bombes depuis un avion, tuer sans savoir qui l’on tue, comment peut-on supporter une si pesante légèreté ?

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  2. Et dire que je suis venu au monde "grâce" à la guerre. Mon père et ma mère se sont rencontrés à l'occasion d'une permission. Mon grand-mère et ma grand-mère, d'un côté, suite au gazage du poilu. Ah, si j'avais pu échapper à cette venue au monde !

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  3. Ce texte me parle, je suis une enfant de la guerre d'Indochine... Des grand-pères militaires, des grand-mères vietnamiennes. L'une a véritablement vécu une belle histoire d'amour qui a pris fin à la décolonisation ; l'autre n'était qu'une pauvre co gai semble-t-il. Les co gai durant la colonisation française et la guerre servaient de moyen d'évasion, si je puis dire ainsi, pour beaucoup de militaires français perdus en Indochine. Une autre façon d'apprivoiser les troupes.

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  4. Bonjour, je suis le fils de Patrick. Quelle surprise de me retrouver dans votre publication!!! Je vous demande de retirer mon nom de votre publication. Votre traumatisme ne regarde que vous, vous pouvez vous faire aider par un professionnel si vous le souhaitez. Chacun à le droit de s'exprimer mais pas au nom des autres.
    Bien à vous

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