vendredi 7 avril 2017

Bien des années après


Voilà,
ils vivent dans la crasse et la négligence d'eux-mêmes. Leur maison est un désordre qui confine au chaos. Finalement la saleté de leur pensée est là tout entière dans l'environnement qu'ils se sont fabriqué. Ils ont transformé leur milieu naturel en poubelle. La jolie maisonnette qu'ils avaient autrefois acquise, ils l'ont simplement souillée comme ils ont souillé tout ce qu'ils touchent et aussi tout ce qu'ils ont engendré. Ils détestent les noirs les arabes les romanichels tout ce qui n'est pas comme eux mais l'idée qu'ils se font des noirs des arabes et des romanichels ils l'incarnent au centuple. C'est cela qui les rend abjects et répugnants, c'est cette tranquille certitude d'être clairvoyants alors que tout en eux n'est que haine et aveuglement. Cette croyance prétentieuse cette fierté déplacée qu'ils incarnent n'est que la révélation obscène de leur bêtise. Toute leur vie ils ont prôné l'ordre, le maintien de l'ordre, affirmé fièrement leur appartenance à l'armée, leur unique famille, et leur allégeance au drapeau. C'est vrai que l'armée les a pris en charge, et leur a assuré l'ordre qu'ils étaient incapable de maintenir en eux.
Manger à leur table est une épreuve au regard de la pièce répugnante qui tient lieu de cuisine. La poussière se mêle à la graisse. Bafouées, les règles de l'hygiène la plus élémentaire. Tout est sens dessus-dessous, sur la table crasseuse. La viande du chien à côté des épluchures de légumes. Tout est coupé avec le même couteau. Et quand on nettoie c'est avec des éponges si repoussantes que vous êtes aussitôt saisi par une pressante envie de vomir. A quarante ans le cadet continue de prendre régulièrement ses repas avec eux. Il mange à l'oeil et porte son linge a laver. Si tant est que laver ait un sens en ces parages. A table le père et le cadet s'invectivent en écoutant les nouvelles de la télé pendant que la mère fait le va-et-vient entre la cuisine et la salle à manger. C'est un rituel immuable. Chacun y trouve son compte. Pour la mère, ce fils célibataire qui n'aura pas de postérité reste sous sa tutelle. Tant qu'elle le nourrit il demeure sa chose, et ainsi sa vie a un sens. Quant au père il a encore quelqu'un sur qui asseoir son autorité. Cela distrait ces vieux parents de l'ennui et de l'agacement réciproques qu'ils éprouvent quand ils se retrouvent seuls en tête à tête. Ah oui, il y a aussi dans cette maison un ordinateur que personne ne sait vraiment faire marcher. Il est à espérer qu'il y ait moins de virus en circulation entre ces murs que dans le disque dur de la machine. L'aîné ne vient que très rarement. Il regarde cela avec consternation. C'est donc de cela qu'il vient. Il y a en lui, peut-être l'effrayante possibilité de devenir tôt ou tard de la sorte. Ça l'inquiète et le dégoûte à la fois. Cette angoisse et cette honte, et certaines images le poursuivront jusque dans son sommeil, demeurant encore présentes bien des années après. (linked with The weekend in black and white)

3 commentaires:

  1. Quelque chose de Louis-Ferdinand.

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  2. Black and white is an excellent choice for this type of scene. You give us a picture of decay. I like the way the breeze moves the unravelled edges of the fabric.

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  3. Chez les ploucs ? Belle et triste en même temps.

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