samedi 12 mars 2011

Lost in translation


Voilà
l'Evénement est ce qui crée une rupture dans l'ordre de l'intelligible. Même lorsqu'il est prévisible, l'Evénement advient comme quelque chose qui tout à coup réfute le Réel, notre construction de pensée, qui est faite aussi de leurres, d'illusions de croyances qu'on oppose à la probabilité des faits. Pour vivre, on a besoin de se mentir, du moins par omission. On préfère se penser immortel, plutôt que d'accepter la précarité de notre condition et la mort certaine qui peut surgir à n'importe quel instant. Alors on se convainc que cette mort est forcément lointaine.  On mise sur l'hypothèse optimiste.  Par exemple on fume on sait que c'est dangereux, mais on le fait tout de même, parce que la satisfaction immédiate de notre plaisir, mise sur l'espoir que sûrement d'ici là on aura trouvé une solution au problème du cancer.  C'est exactement ce qui se passe avec le Nucléaire. On sait que c'est dangereux, que le problème des déchets se posera forcément à terme, qu'un tremblement de terre peut avoir raison de ces fiers édifices, mais on s'obstine néanmoins à construire des centrales sur des failles, en espérant que la catastrophe adviendra plus tard, dans bien longtemps, après qu'on ait trouvé d'hypothétiques solutions aux problèmes bien réels qui se posent dès à présent. Mais voilà, un jour c'est là, c'est bien là. Et ce qu'on s'était toujours obstiné à refouler, il faut bien tout à coup le considérer objectivement ; comme un fait. On se souvient soudain que c'est déjà arrivé. Mais ce n'était pas nous. Ce n'est pas arrivé à des gens comme nous. On s'était alors imaginé, que si ça leur était arrivé aux autres, c'est parce que leur organisation sociale, le désordre et la confusion générés par ce type d'organisation était la cause de cette catastrophe. Tchernobyl n'était pas une catastrophe écologique, c'était un dysfonctionnement du communisme. On se souvient qu'on n'avait pas voulu voir, qu'on préférait l'aveuglement à la lucidité, et que ceux qui étaient lucides on les traitait de pessimistes et d'oiseaux de mauvais augure. Mais maintenant on ne regarde plus le ciel ; les oiseaux ne passent plus. On regarde la télévision où repassent en boucle, les images d'un réacteur qui explose. Un nouveau mot va enrichir notre vocabulaire commun. Fukushima, qu'on ne connaissait pas, va rejoindre le patrimoine universel des grandes catastrophes. On n'aura pas tout perdu dans l'affaire.

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