je continue mais cela n'a plus grand sens, et je n'ai plus très envie d'ailleurs, ni trop la force. Je le fais pour me donner l'illusion que je tiens encore dans le chaos de ce monde où j'essaie de trouver du répit. Cela ne me satisfait plus. La sensation du temps désormais compté, et qui de plus en plus va manquer, la crainte que la fatigue dévoreuse d'énergie n'ait raison de moi, m'incitent à produire encore des images, mais je n'y trouve plus mon compte. Peut-être au fond n'est ce qu'une peur déraisonnable, mais il est tellement étrange cet état : la sensation d'être englué dans un présent dénué de toute perspective. Désormais je vis dans un presque monde. D'ailleurs est ce vraiment cela vivre ? De moins en moins en phase avec les choses je traverse la réalité comme un somnambule, et je passe de plus en plus de temps non à dormir mais à somnoler précisément. La fatigue est un territoire que j'arpente avec des façons de lémurien. Parfois comme ce dimanche matin un rêve absurde me sort du sommeil. Je passe chez quelqu'un devenu très riche et que j'ai perdu de vue depuis longtemps. curieusement, la porte d'entrée est ouverte donnant sur une sorte de sas, et une autre porte entrouverte au delà de laquelle je devine un vaste séjour. J'entends des cris d'enfants turbulents qui jouent dans la maison. Je sonne néanmoins pour avertir de ma visite que je pressens inopportune d'autant que je m'aperçois que je tiens à la main, un léger pantalon de coton bleu aux motifs imprimés africains, que dans la réalité j'ai récemment déchiré et converti en chiffon à poussières. Mais là dans le rêve il est dans son état d'autrefois, et c'est précisément alors que j'essaie d'enfiler la deuxième jambe que le propriétaire de la maison m'ouvre. Je m'excuse maladroitement en bredouillant - il est même possible que mon élocution ressemble à celle d'un chihuahua réclamant sa gamelle - de vagues et confuses excuses. Il me fait entrer. Il y a là ses enfants, sa femme. Ils ont tous l'air interloqués. Peut-être ai-je l'air de m'être échappé d'un asile. Je dis que si je dérange je peux aussitôt repartir. L'air embarrassé de mon hôte et le long silence qui s'ensuit me réveillent. Et c'est de nouveau le jour gris d'un mois de Mai qui ressemble à Mars. Je dois partir en train dans l'après-midi rejoindre une ville où demain je vais accomplir un travail inutile. Mon appartement est en plan, avec un tas de choses commencées dont je me demande bien si je les finirai un jour. Dans mon ordinateur, des centaines de brouillons, des images qui attendent leurs phrases, des phrases qui cherchent leurs images. Je regarde cela avec de plus en plus de circonspection. Parfois je songe qu'une petite citation suffirait à légender photos ou dessins et que cela serait aussi simple. Par exemple celle-ci de Beckett : "le soleil brillait, n'ayant pas d'alternative, sur le rien de neuf". Mais non même pas. Le soleil ne brille pas. Dehors il fait froid. Allez haut-les-cœurs. Je vais écouter Ella et Louis, cela me réchauffera.
P.S.
J'écris cela qui peut paraître triste ou mélancolique, mais dans la vie courante je suis assez souvent drôle plaisantin et même, oui, sans me vanter plutôt rigolo. Je connais des tas d'histoires (mes préférées sont celle de l'étudiant cévenol en anthropologie qui fait son premier terrain en Papouasie, et celle des trois rabbins et du chauffeur de taxi pakistanais à New-york), mais je suis incapable d'écrire comme Alphonse Allais, par exemple. C'est comme ça, entre l'oral et l'écrit je suis clivé, eh oui clivé.
P.S.
J'écris cela qui peut paraître triste ou mélancolique, mais dans la vie courante je suis assez souvent drôle plaisantin et même, oui, sans me vanter plutôt rigolo. Je connais des tas d'histoires (mes préférées sont celle de l'étudiant cévenol en anthropologie qui fait son premier terrain en Papouasie, et celle des trois rabbins et du chauffeur de taxi pakistanais à New-york), mais je suis incapable d'écrire comme Alphonse Allais, par exemple. C'est comme ça, entre l'oral et l'écrit je suis clivé, eh oui clivé.
I had a dream this morning that I was working in the radio station I was employed by 50 years ago--- And nothing worked. There were no records to play. That has little to do with your post except the three rabbis with the Pakistani cab driver. I like the image.
RépondreSupprimerVive le clivage. Ce n'est pas comme si on avait le choix, n'est-ce pas ? Amitiés.
RépondreSupprimerSans perspective écris-tu. Pourquoi nous en faut-il toujours est la question me semble-t-il.
RépondreSupprimerOn pourrait vivre au jour le jour et penser que de toute façon tout peut changer si vite; la vitesse, ah la vitesse! Les projets d'aujourd'hui semblent ridicules demain...Alors rire, mais oui!
Un beso Kwarkito.