cette photo je l'ai restaurée il y a peu, je l'ai nettoyée de ses poussières : Dominique et Philippe dans leur cuisine à Châteaudouble. Elle date du milieu des années soixante-dix. S'agit-il ce jour-là de mettre en bouteille du vin que faisait Louis Peyre, ou celui que nous allions chercher à la coopérative de Figanières ? C'est Philippe qui m'a appris à apprécier le vin, entre autres. Mettre du vin en bouteille était un rituel réjouissant auquel on se prêtait aussi le dimanche à Paris, parfois. Ou bien a-t-il l'intention de fabriquer un pastis un peu sauvage ? Je ne sais plus.... J'aimais cette cuisine avec sa grande table, c'était alors le centre névralgique d la maison. Sur le mur de droite on aperçoit un morceau de bas-relief en plâtre représentant Adam et Ève au jardin d'Éden réalisé dans l'atelier des enfants de la Maison de la culture d'Amiens dont Philippe avait été le directeur de 1965 à 1970. Je ne le connaissais pas encore alors, mais il arrivait que lui ou Dominique évoquent ces années-là. Il existait alors en France une réelle effervescence culturelle et ce qu'ils en racontaient - et bien sûr aussi leurs filles qui avaient passé une partie de leur enfance là-bas - me faisait rêver d'une vie parallèle et imaginaire. J'ai photocopié un jour une brochure rendant compte du bilan d'activité de ces cinq années. Mnouchkine, Chéreau, Jean-Pierre Vincent y ont donné leurs premières mise en scène, Strehler, Jiri Menzel, Lavelli, Gatti, Vitez y sont aussi passés. Les spectateurs ont pu entendre Cathy Berberian chanter ou Lily Laskine jouer de la harpe, découvrir les œuvres de musique contemporaine de Mauricio Kagel, Luc Ferrari, Betsy Jolas, Ivo Malec, Iannis Xenakis, assister à des concerts d'Ella Fitzgerrald, de l'Art Ensemble of Chicago, Oscar Peterson, Thelonious Monk, Soft Machine, Coleman Hawkins et tant d'autres, parcourir de nombreuses expositions voir des films. Je me souviens d'une photo vue chez eux dans un album. Thelonious Monk est assis sur une banquette du hall de la Maison de la culture sous un tableau de Soulages. Mais revenons à Châteaudouble et à cette cuisine, où j'ai aussi goûté pour la première fois de la confiture de gingembre de chez Wilkin & Sons, de la "Rose's lime marmelade", du lemon curd et même du "Marmite" que Gérard le frère de Philippe ramenait de ses voyages à Londres. C'est aussi dans cette maison que j'ai pour la première fois entendu les concertos RV 454, et RV 455 de Vivaldi que Philippe ou Dominique aimaient bien écouter en fin de la journée quand la chaleur tend à se dissiper et que l'on peut de nouveau ouvrir les volets. C'est étrange quand même comme une simple image peut raviver de souvenirs, pourtant si lointains, et comme ces visages demeurent si présents... parfois je me souviens aussi de Dominique fredonnant le poème d'Aragon mis en musique par Ferré "Je chante pour passer le temps..."
Un blog écrit en français, avec des photos des collages des dessins, des créations digitales, des récits de rêves, des chroniques des microfictions et encore bien d'autres bizarreries... A blog written in french with photos, collages, drawings, digital paintings, dream stories, chronicles, microfictions and a few other oddities.
Inscription à :
Publier les commentaires (Atom)
Publications les plus consultėes cette année
-
Voilà, mercredi dernier je suis passé par la rue Férou qui relie la place Saint Sulpice à la rue de Vaugirard. La nuit tombait paisiblem...
-
Voilà c'était un temps d'heures vides et vagabondes, les terreurs s’épanouissaient dans des tours obscures. En songe tu adorais...
-
Voilà en passant par la rue des Archives, il y a quelques jours m’est apparue cette façade d'un bar gay du marais. C'est très ...
-
Voilà, c'est une perspective étrange sur les hauteurs de la ville de Liège avec cet immeuble d'angle, rue Pierreuse, son Christ en f...
-
Voilà, " J’ai mal à la tête et à l’univers entier. Les douleurs physiques – plus nettement douleurs que les souffrances morales – ent...
-
Voilà, Karl Marx considérait que l’histoire se répète d’abord comme tragédie puis comme farce. Ce qui arrive aujourd'hui Outre-Atlanti...
-
Voilà, au milieu du dépotoir, la chose gisait là dans la boue, inerte, suintante, exhalant une odeur putride . Relents d'ammoniaq...
-
Voilà, "Ne pas tenter de comprendre ; ne pas analyser… se voir soi-même comme on voit la nature ; contempler ses émotions comme ...
-
Voilà, nous étions là ensemble, ma fille et moi, silencieux confiants, abandonnés à la contemplation de ce paysage offert. L a nuit tombait ...
-
Voilà, le ciel, on ne sait jamais ce qu'il contient de menaces, même quand il est beau. Aujourd’hui, je me suis souvenu de Venise, et j...
de toutes ces histoires , de toutes vos photos, de tous ces gens, de ces artistes connus ou méconnus, de tous ces nouveux post-souvenirs pour ma part,t je retiens une fenêtre qui s'ouvreà nouveau sur une cuisine, une chambre dans un vieux grenier,... Gérard semble me raviver un vieux souvenir d'ado post adulte à un chantier jeune à Concarneau et d'un vieil appareil argentique olympus que l'on m'a chouravé ...Décidément kwarkito vos interventions m'emportent allégrement autant qu'elles me fascinent ce soir par un juste réveil embaumé au plus profond de mon âme
RépondreSupprimermes amitiés
jorge r;r
as you say it it spills forth, this lush history, he staring with such intent at the bottles and she smiling behind him. wonderful.
RépondreSupprimerxo
erin
Ce devait être entre 1965 et 1975 à la Maison de la Culture d'Amiens, j'étais de passage et j'y ai vu pour la première fois une expo d'Erro... C'était hier et c'était il y a 40 ans ou plus. Une étrange sensation que je ressens en lisant ce texte. Ainsi donc j'avais croisé le travail de ce Philippe que je ne connais pas. Mais si les chemins prennent des détours innombrables, ils finissent parfois par faire sens, toute ma vie en témoigne qui m'a amené à vivre aujourd'hui au Brésil... après une succession autant improbable que féconde de rencontres.
RépondreSupprimerEt encore une fois merci pour votre blog.
Oui moi aussi j'ai découvert Erro par son intermédiaire.... merci beaucoup pour ton message
SupprimerAmiens, 1974. Rétrospective Cremonini. Merci Philippe, donc.
RépondreSupprimer