Voilà
je me souviens du légionnaire Mauwel. Plus exactement je me souviens de la fascination du géniteur pour le légionnaire Mauwel. Mais je crois cependant qu'à ce moment là, je partageais cette fascination car je trouvais très beau le légionnaire Mauwel. Le légionnaire Mauwel avait une prestance, une présence qui manquait au géniteur. Le légionnaire Mauwel était un vrai guerrier. Le géniteur n'était qu'un soldat. Du légionnaire Mauwel se dégageait une puissance, une densité de fauve. Et dans les bras du légionnaire Mauwel, car il m'a pris dans ses bras le légionnaire Mauwel, on se sentait en sécurité, comme invulnérable. Le légionnaire Mauwel, du moins c'est ce que prétendait le Géniteur, avait toujours fait la guerre. Il ne connaissait que ça. Il avait du être aux jeunesses nazi, puis engagé plus ou moins volontairement dans la Wehrmacht et envoyé, vers l'âge de seize ans sur quelque front déjà perdu. C'est l'usage de sacrifier la jeunesse d'un pays, quand la défaite est proche et que le dictateur ne veut s'y résoudre. Lui et moi avions ça en commun d'être né sur le sol d'Allemagne. Ce n'est pas rien la terre sur laquelle on a fait ses premiers pas. A la défaite comme tant d'autres de sa génération il s'est engagé dans la légion étrangère. Peut être que Mauwel n'était pas son vrai nom, mais il est devenu le légionnaire Mauwel. Un jour le légionnaire Mauwel est venu manger à la maison. Je m'en souviens, car il a enlevé son ceinturon celui où il y avait son pistolet. Il n'était pas loin bien sûr, mais par politesse, du moins me l'a-t-on expliqué plus tard, le légionnaire Mauwel ne mangeait pas armé lorsqu'il était invité. Je me souviens qu'il y avait du couscous et que pour faire comme le légionnaire Mauwel j'ai accepté d'y ajouter un peu d'harissa, et que je n'aurais pas du, si bien qu'ensuite je n'ai pas goûté de couscous pendant dix ans.... Le géniteur aimait raconter ce fait d'armes que lui avait rapporté le légionnaire Mauwel. Il fallait reprendre une position que tenaient les fellagahs. Ils étaient sur un piton rocheux et canardaient la section du légionnaire Mauwel. A un moment les fells ont arrêté de tirer. Le légionnaire Mauwel a tout de suite compris que lui et sa section étaient dans un angle mort et qu'ils pouvaient monter tout droit. C'est ainsi qu'il a conclu son assaut et repris la position.
Est ce le légionnaire Mauwel qui a fait rallumer pour moi la crêche animée que les légionnaires avait construite dans leur caserne. Je me souviens d'un âne grandeur nature tournant autour d'un puits, du bœuf dont la tête bougeait toute seule, de l'enfant jésus, et de quelques légionnaires en rangs serrés chantant pour moi seul un cantique de Noël en allemand. Je ne sais pas... Qu'est il devenu ? Mort sans doute aujourd'hui, au combat peut-être... Pas sûr... A-t-il été mercenaire au Katanga, trafiquant d'armes ou de diamants, a-t-il fini sa vie sur quelque île enchanteresse après avoir vendu ses services pour de peu louables causes? Est il mort misérable dans une paillote pendant que la pluie frappait le toit de tôle, son âme s'évanouissant dans l'odeur de la latérite humide ? A-t-il torturé en Argentine, disparu sans laisser de traces, peu importe, je ne saurai jamais le légionnaire Mauwel est un fantôme dans ma mémoire...
J'ai une photo de lui. Je l'ai trouvée il y a longtemps dans une boîte à biscuits, au Quartier Général du bruit et de la bêtise. Le légionnaire Mauwel dort sur le capot d'un véhicule de combat.
Un jour je parlerai du légionnaire Anglicker. Le légionnaire Anglicker était gros et suisse.
C'est vrai qu'il était beau ce légionnaire Mauwel.Je l'imagine bien avoir fini ses jours dans une paillotte, même misérable, mais certainement libre.
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