dimanche 15 juillet 2018

Soir de fête (et un large addendum)


Voilà, 
le peuple de reconnaît dans son équipe, s'identifie à elle. D'ailleurs il scande sur l'air des lampions "on est les champions", comme si c'était lui qui était sur le terrain. Les joueurs de l'équipe ne sont plus une sélection ils sont, pour ceux qui les regardent, les ambassadeurs de tous les français. Le peuple, on aimerait qu'ils soit aussi solidaire et combatif dans la défense du code du travail, et de ses acquis sociaux que l'ont été les joueurs du onze tricolore dans la défense de leurs buts face à leurs adversaires.
Mais bon aujourd'hui tout le monde s'aime. A 9h 30, déjà, au pied de l'escalier du grand Palais, un des préposés à l'entrée de l'exposition Kupka, à la peau d'un noir d'ébène, plaisante avec ceux qui n'ont pas de billets en leur disant c'est vous la file des sans-papiers. Ce qui amuse tout le monde.
Avant le match, dans les rues beaucoup de gens ayant endossés le maillot de l'équipe nationale, se trimballent avec des drapeaux, les trois couleurs peintes sur les joues. On sent une grande attente, une espérance qui autoriserait d'exulter et de se se lâcher pour faire la fête.
Les gens ont envie de se fabriquer des souvenirs, pour plus tard. Ils ne songent pas dans leur liesse, à un avenir qui sera climatiquement éprouvant, peut-être radio-actif, en tout cas très pollué et sûrement très inégalitaire, et où jouer au foot sera peut-être plus pénible. Ceux qui exultent aujourd'hui se souviendront de ce moment de communion, et de ferveur, durant lequel ils étaient si heureux de brailler leur joie toute la soirée et au-delà, sans penser un instant au racisme qui sévit en temps ordinaire dans ce pays. Les mexicains appellent "guateque", une fête très bruyante qui dure toute la nuit, ce qui paraît être la perspective à l'heure où j'écris ces lignes. Mais n'oublions pas que pendant que la France exulte de voir son équipe gagner, à trois heures d'avion de Paris, les habitants de la bande de Gaza essayent de se remettre d'un bombardement massif de l'armée israélienne sur leur territoire. D'ailleurs là-bas on y crée des équipes de foot pour amputés.
N'y songeons pas trop. Ce soir beaucoup d'enfants français sont très heureux. et ont des étoiles dans les yeux. Laissons leur un peu de rêve et aux adultes leur part d'enfance.



Je ne peux pas m'empêcher de rajouter cet article fort pertinent, comme à l'accoutumée d'André Markowicz sur sa page facebook.
"Bon, la France a gagné — je ne vais pas dire « nous », parce que, vraiment, nous, je veux dire, « on » a juste regardé. Mais, je ne sais pas, même si ce n’est sans doute pas poli de le dire, moi, j’étais content que la France gagne, d’abord, parce que, même si c’est devenu un lieu commun, mais enfin, quand même, ils sont de toutes les couleurs et de toutes les origines, et que, oui, quoi qu’on dise, ça fait plaisir, et puis, ça m’aurait fait de la peine que la Croatie gagne, parce qu’il y avait cet entraîneur croate, là, qui avait dit que la Croatie allait jouer contre l’Afrique, en fait, et qu’il y avait d’autres joueurs qui avaient souhaité mettre le feu à Belgrade ou des choses comme ça. — Et puis, je ne sais pas, je me dis que ça nous fait du bien, à nous, de voir la France gagner Bon, en même temps, j’avais une crainte : je me disais, houla lala, la liesse populaire, les klaxons, c’est une nuit d’insomnie garantie, — surtout en centre-ville. Mais, que voulez-vous, j’accepte de souffrir pour la patrie. Et total, fenêtres évidemment fermées, ça va, j'aurai même pu dormir 
*
La grisaille s'étendait chez nous. Une grisaille entretenue par une politique qui est d’une violence, j’ai l’impression, sans pareille, et qui me semble l’aboutissement à la fois du toutes les débandades hollandiennes et de toutes les redomontades sarkoziques, une mise en coupe réglée de la société (et c’est très loin d’être terminé) qui se résume par une remise au privé de toutes les sphères de l’existence. — Et ce que je crains aussi, c'est que les Bleus n'aient assuré à notre président une victoire jusqu'aux européennes, et même au-delà. Je n'en sais rien, j'espère que non, — mais enfin, quoi, si le panem est fourni au mininum, là, au niveau circenses, il faut vraiment être un esprit chagrin pour être triste aujourd'hui.
*
Je dois être un esprit chagrin
*
Theresa May aurait pu assister à la demi-finale, elle n'y est pas allée. — Emmanuel Macron avait promis qu'il y assisterait, histoire, sans doute, d'encourager nos troupes par cette honorifique perspective, — et il y est allé. Il a juste fait l'aller-retour à Pétersbourg. Il est revenu à Moscou. Il y a cette photo étonnante d'un président enthousiasmé, pris dans son geste après un but — un geste que, j'ai l'impression, la décence m'empêche de traduire, et qui est le geste de bien des supporters. Bon. Avant, il avait eu une conversation politique avec Poutine. 
*
Il y a eu l'orage. Et nous avons vu cette image stupéfiante du parapluie qui s'ouvrait tout de suite au-dessus de la tête de Poutine (Poutine et Macron ne se regardaient pas), alors que le président français et la présidente croate (qui m'a eu l'air très sympathique, ma foi — comme quoi, les préjugés... mais je ne la connais pas), restaient trempés comme des soupes, stoïques à embrasser les joueurs les uns après les autres, et¬, au-dessus d'eux, le parapluie s'est ouvert bien plus tard. Ils ont eu le temps de goûter l'hospitalité russe, et de comprendre qui était le patron.
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Le président a-t-il obtenu la libération d'Oleg Sentsov ? Je n'ai pas l'impression. Mais Poutine ne va pas laisser mourir Sentsov, il le fait nourrir de force. — Non pas par des perfusions de glucose ou de je ne sais pas quoi, mais en lui faisant entrer sa soupe par le nez, ce qui est, on comprend bien, une torture incroyable. Nous venons d'apprendre cela par le journal "Moskovski Komsomolets", qui est un des très rares journaux où, de temps en temps, il passe encore une information réelle. L'administration de Poutine a aussitôt démenti, en disant que, justement, on lui donnait des vitamines, par voie intraveineuse. C'est-à-dire que non seulement Sentsov ne sera pas libéré, nous dit Poutine, mais plus l'opinion publique mondiale se ligue pour le faire libérer, plus il sera torturé.
Cette politique de la force cynique, sans la moindre trace de décence, sans la moindre considération de rien en dehors de la force, c'est ce que nous avons eu à l'œuvre avec le voyage de Trump en Grande-Bretagne, — pour dire aux Britanniques qu'ils n'étaient que des laquais, et dire aux Européens, à toute l'Europe, que c'était la même chose, tous, ils étaient des larbins, et ils ne payaient pas assez leur maître, — et l'OTAN a décidé d'augmenter les budgets militaires, Macron compris. Il y a cette confrontation avec ça : maintenant, les enfants, on a cessé de jouer. D'abord, tu te mets à genoux, ensuite tu dis merci, et on connait la suite. Aujourd'hui, à Helsinski, il y a la rencontre en tête à tête, sans aucune délégation, de ces deux forces brutes, Trump et Poutine — le dernier ayant mis le premier en place, en truquant les élections américaines.
*
Le match à un moment, vous vous souvenez, a été interrompu par des gens qui se sont mis à courir sur la pelouse. Ça aura duré deux minutes, cette interruption (ce qui est gigantesque) : on a appris que c'était une action des Pussy Riot, pour protester contre la politique de Poutine, et pour soutenir Sentsov. Des membres de Pussy Riot — des héroïnes, il n'y a pas d'autre mot, — déguisées en policiers, ont fait irruption sur la pelouse, pour demander qu'on le libère — mais pas que ça, vous verrez leur page FB en anglais. — Elles ont été arrêtées, ça va de soi, et, au moment où j'écris, je ne sais pas où elles sont."

6 commentaires:

  1. You are right--- Let's not think about it too much--- let them be happy and have stars in their eyes. IT is a feeling I miss very much.

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  2. Une belle photo en bonne compagnie
    par un texte magnifique.
    Des câlins.

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  3. Congratulazioni per la vostra meritata vittoria.

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  4. Tres interesting read Kwarkito. The world is a sad place with priorities very confused. Personally the thought of spending more money on defense instead of feeding and housing hungry children horrifies me. As long as there is entertainment to take the mind off these problems everything will be alright 😑

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  5. We all need our moments of happiness in this cold bad and not peaceful world... but I'm glad, tha the Germans were out so fast -

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