Voilà,
quand on commémore la sinistre découverte, il y a 80 ans par les alliés, des camps de concentration et d'extermination, l'autre, là-bas, qui vit encore dans sa campagne — quand tant de gens dignes, intelligents, généreux, nécessaires pour leurs semblables proches ou lointains, ont trop tôt déserté ce monde — se souvient-elle qu'autrefois, quand elle travaillait à Paris, elle parlait de certains de ses collègues en les désignant comme ceux de "la mafia de Mauthausen". Elle prononçait ses mots-là, oui. "Mafia de Mauthausen". Rien que cet agencement, cette association de mots reste, plus de cinquante après d'une insupportable obscénité pour qui se souvient les avoir entendus, enfant. Elle disait cela. Elle osait dire cela. Elle se plaignait. Elle récriminait souvent, le soir à table, contre certains collègues de son bureau qui travaillaient trop lentement. "Des pistonnés qui, selon elle bénéficiaient de protection juste parce qu'ils avaient été à Mauthausen". L'un des colonels de cette enceinte militaire, où l'on engageait aussi des civils était le président de l'Amicale des Anciens de Mauthausen. Du camp de concentration de Mauthausen. Le fait que "ces gens-là" comme elle disait, pussent s'entraider l'offusquait.
A quinze ans, je savais pourtant déjà de quoi il s'agissait et ce que ces rescapés avaient pu endurer. Et elle aussi savait. Je ne pouvais bien évidemment pas éprouver l'horreur, à peine me la représenter, mais les groupe de mots "chambre à gaz" et "four crématoire" avaient assez de puissance pour me glacer d'effroi. Et puis j'avais un jour entendu, lors d'une rediffusion, le discours d'André Malraux et cette phrase "avec tous les rayés et tous les tondus des camps de concentration, avec le derniers corps trébuchant des affreuses files de "Nuit et Brouillard" enfin tombé sous les crosses", le film de Resnais je l'avais aussi vu à l'école, et je ne pouvais imaginer que les survivants de cet enfer soient associés à des mafieux, à des bandits à des crapules.
Il y a toujours des connards pour dire qu'à un certain âge la sagesse exige de cesser de se révolter ou de s’indigner. Non. Je pense qu'il est nécessaire de préserver sa capacité de révolte. Contre la méchanceté par exemple — la philosophe Simone Weil disait l'acte méchant est un transfert sur autrui de la dégradation qu'on porte en soi, — la révolte contre la bêtise aussi (qui ne va pas sans une certaine colère), c'est là ma façon d'exorciser la honte d'avoir si longtemps vécu a proximité, et d'en avoir été probablement éclaboussé.
Aujourd'hui, la haine, le ressentiment, la stupidité réactionnaire, la tentation fasciste, le racisme sont devenus monnaie courante. Ce qui autrefois ne s’avouait que dans le strict cercle familial s’exprime désormais de façon totalement décomplexée à la radio, la télévision les journaux les réseaux sociaux, au point que cela semble même encouragé au nom de la « liberté de s’exprimer ». On en vient de plus en plus souvent à essentialiser les gens pour les accabler des pires intentions. Cela rappelle de très sombres heures de notre histoire, et ce n’est pas de très bon augure.
shared with friday face off -
Let things be would be the best answer for letting anger go
RépondreSupprimerSome sort of weird thing happening to make me have to identify myself--- Oh well, no surprise. In the US, people have let go of too much "anger" over the horrors of those days. I really believe that-- otherwise we wouldn't be going through what we are these days.
RépondreSupprimerYou say “There are always assholes who say that at a certain age, it's wise to stop rebelling or being indignant. No. I think it's necessary to preserve one's capacity for revolt. Against wickedness, for example - the philosopher Simone Weil used to say that the wicked act is a transfer onto others of the degradation we carry within ourselves, - revolt against stupidity too (which is not without a certain amount of anger), that's my way of exorcising the shame of having lived so long in close proximity, and of having probably been splattered by it.”
RépondreSupprimerYes, I agree with you and with Simone Weil. When someone says let the anger go, they are hinting that they don’t have a conscience themselves. Here in the US we seem to be beginning to re-live the horrors. Will we give in or will we find a way to struggle against all odds?
best… mae at maeood.blogspot.com
I have to agree with Mae. I think, at every age we must fight the good fight. Here in the US we are in a battle. I'm just hoping there are enough of us to win this one. I love this face and thank you for sharing with FFO.
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