Voilà,
j'avais déjà fait un truc comme ça au début des années 80, mais là franchement presque cinquante après, c'était vraiment une idée complètement absurde sinon stupide d'aller au Kremlin-Bicêtre pour voir l'immeuble où ma famille avait emménagé lorsque nous sommes arrivés à Paris. Nous y avions vécu un an avant d'aller habiter à l'école Polytechnique. Qu'est ce que j'espérais donc y retrouver ? Des sensations d'autrefois ? Une illumination ? À part le vieil hospice de Bicêtre et le fort militaire bien entendu inaccessibles, rien aujourd'hui ne ressemble à ce qui fut alors. Le collège a changé de nom et d'architecture. Tous les immeubles construits dans les années soixante ont été restaurés transformés ravalés. J'ai donc fait le tour du fort, c'était mon meilleur repère pour m'orienter, en quelque sorte marché dans les pas d'autrefois. Et puis en redescendant j'ai remarqué un bâtiment. Un demi cylindre en tôle comme posé horizontalement ; ça m'a dans un premier temps vaguement évoqué quelque chose (mais il n'était pas rouge autrefois) et puis oui bien sûr j'ai reconnu le putain de gymnase où je me suis cassé l'humérus gauche en mars 1970 en ratant ma réception aux anneaux. J'ai vécu des moments abominables dans cet endroit. Arrivé des Landes où on ne pratiquait que des sports de plein air athlétisme foot et surtout rugby, le choc fut rude lorsqu'il se fut agi de m'exercer aux agrès et aussi au handball qui me paraissait aussi brutal que ses règles confuses. C'est donc cela que je me remémorais en longeant le bâtiment lorsque je vis comment on l'avait baptisé. J'entrai aussitôt à l'intérieur pour en savoir un peu plus, et aussitôt la porte poussée je je suis tombé sur cette photo. En effet c'était bien lui. Le bâtiment portait son nom. Donc son prénom c'était Jacques. Jacques Ducasse.
Un type du sud-ouest avec de rudes manières de caporal bien détestables. D'ailleurs durant tout le premier trimestre il m'avait pris pour une brèle. Vers la fin de l'hiver, au second trimestre quand il a commencé à faire plus doux on est allé dans un stade pour jouer au Rugby. Évidemment là j'étais dans mon élément. A la fin du premier match il a commencé à s'intéresser à moi. Au milieu de tous ces parisiens je n'avais pas de mal à paraître un cador du rugby après avoir passé quatre ans dans les Landes. J'étais véloce, je n'avais pas peur d'aller au contact même des gros que je savais plaquer très bas, je possédais une bonne vision du jeu (j'avais souvent joué demi de mêlée), j'étais capable de claquer des drops, et quand je lui ai dit au Ducasse que je venais du sud-ouest, il s'est aussitôt montré beaucoup plus aimable avec moi. Malheureusement, il n'a pas vraiment eu le temps d'apprécier toutes mes qualités, puisque quelques jours plus tard, j'ai eu cet accident, et bye bye le rugby avec Ducasse. J'ai passé des vacances de Pâques pourries, dans un plâtre qui m'enserrait tout le tronc et dans lequel j'ai beaucoup transpiré parce qu'il faisait chaud, ça me grattait abominablement, j'essayais de me soulager avec des aiguilles à tricoter, et pour le troisième trimestre j'ai été dispensé de gym. Et puis après on est allé à Paris, et Ducasse a continué sa vie au kremlin-Bicêtre. Il devait être l'empereur de ce gymnase. Pour un sportif menant une vie saine, il n'a pas vécu si vieux.
i like this recollection very much, its nice to imagine your earlier days here...p.s. so sorry your rugby 'career' was cut short...
RépondreSupprimer