jeudi 30 avril 2015

Une Proie facile


Voilà,
C'est un moment étrange dans un lieu sans grâce. Il ne comprend pas trop ce qu'il se passe. Cet éblouissement, ce vertige furtif et ces fourmillements dans le bras. Songe que cela pourrait être l'instant où jamais. La silhouette imprécise derrière l'opaque paroi de verre de l'abribus telle une proie facile. Personne alentour. La lame effilée dans la poche. Des années qu'il ne l'a pas fait, et depuis quelques temps de nouveau ça l'obsède cette envie. La dernière fois c'était au cœur d'un été. Ce clochard. Si simple cela avait semblé si simple. Comme autrefois lorsqu'il égorgeait les volailles à la ferme. Il avait ensuite passé la fin de l'après-midi dans un sauna gay et il avait joui des humiliations qu'il était venu y chercher. La nuit tombée, il avait ensuite longtemps marché d'un pas allègre par les rues moites et désertes de la ville dépeuplée. Il s'était alors senti léger, habité par un sentiment d'impunité et de puissance qu'il n'avait jamais connus. Malgré les odeurs de détritus et d'urine que la chaleur rendait plus tenaces, il lui avait semblé avancer dans l'évanescente densité d'un rêve. Désormais il serait dépositaire d'un secret et d'une mission : ne jamais se faire prendre.
Aussi, à cette heure particulière du jour et dans l'éclat singulier de cette lumière Loïc Picardan hésite : peut-être n'est-ce pas vraiment raisonnable. (linked with the weekend in black and white)

mercredi 29 avril 2015

Fondation Louis Vuitton


Voilà,
hier j'ai visité la Fondation Louis Vuitton avec ma fille. Le travail architectural de Frank Gehry me fascine. Où que l'œil se porte c'est un pur bonheur. Le bâtiment est à lui seul une œuvre d'art, une sculpture immense où il fait bon se promener. Si l'on se tient au jeu des lignes, et qu'on le restitue, on obtient une sorte de dessin constructiviste, ce qui somme toute est assez logique. Du fait que, par le jeu des transparences, la structure s'offre au regard, j'ai eu eu la sensation de me mouvoir autant dans le concept (c'est à dire au plus près de l'idée) que dans sa réalisation. Mais je reparlerais de ça plus tard et d'autres photos viendront ultérieurement, c'est sûr.


lundi 27 avril 2015

La voix de Michel Boujut

Voilà,
tout à coup dans la nuit, il y a la voix de Michel Boujut... Miracle des podcasts, la radio rediffuse un entretien qu'il a donné autrefois et que j'avais relaté fin 2012. Et c'est comme si jamais il ne nous avait quittés. Il y évoque Wim Wenders qui, dit-il, a été une révélation pour lui. Raconte que ses films l'ont accompagné ainsi que ceux de sa génération. Se rappelle en avoir entendu parler pour la première fois sur une autoroute la nuit, alors qu'il écoutait le pop-club de José Artur. Pour ma part, je m'en souviens comme d'un baba cool un peu arrogant, interviewé pour la télévision sur la croisette au sujet de son film "Au Fil du temps". Je l'avais à première vue trouvé assez déplaisant. Mais la vision de son film quelques semaines après, avait constitué un véritable choc esthétique. A la projection, il y a quelques semaines de son dernier opus "Every thing will be fine", il était là, gentil, aimable détendu et plein d'humour. Je me suis rendu compte que sans le connaître je l'aimais beaucoup, que depuis longtemps j'avais pour lui et pour son œuvre si tendre sensible et généreuse une sympathie immédiate.



Je me souviens aussi de "Alice dans les villes" où Rüdiger Vogler prenait beaucoup de polaroïds et ce plan incroyable où il rentre dans un café au fond duquel se trouve un Jukebox. À côté de l'appareil et l'oreille collée contre celui-ci se tient un enfant assis sur une chaise. Ses pieds ne touchent pas le sol et battent la mesure. Il fredonne. C'est un plan fixe qui dure le temps du morceau : "On the road again"de Canned Heat .



Et bien sûr "L'Ami américain", dont l'affiche avait longtemps décoré mon salon, j'en ai déjà parlé dans le Post consacré à ce film, mais j'ai retrouvé une image. Wenders donc, mais Boujut encore, de sa voix en off dans la formidable émission "Cinémas cinémas", et lui encore une autre fois à la radio parlant de son admiration pour Chaissac, chez qui, lorsqu'il était enfant, il se rendait avec son père  poète et éditeur de la revue "La Tour de Feu" (j'ai dans mon adolescence acheté des plaquettes de poètes éditées là bas). Souvenir mêlés, femmes images photos, le premier livre offert par C. avec sa délicate dédicace —dont la calligraphie si belle si ample, m'a toujours ému —"Une fois", de Wim Wenders précisément, auquel ce blog doit beaucoup, peut-être même son principe.


il y a aussi ce polaroïd qui date de fin 79 ou début 80, avec Agnès, dans l'appartement de la rue des Jonquilles où nous vivions alors ensemble, devant l'affiche dessinée par Guy Pellaert, ... J'aime beaucoup cette image d'elle.... Agnès que j'ai revue il y a peu lors de l'enterrement de son père...

samedi 25 avril 2015

vendredi 24 avril 2015

April in Paris


Voilà,
c'est aussi ça Avril à Paris, non loin de la cinémathèque où se donnent en ce moment une rétrospective consacrée à Antonioni et une autre à Buster Keaton. Comme à chaque fois que reviennent les beaux jours, il y a ce délicieux parfum d'insouciance, cette illusion trompeuse. Tout à coup la nature reprend le dessus, et l'on s'en remet à elle, à la douceur de l'air, au charme des senteurs printanières, à la bienfaisante chaleur du soleil. On se prend à rêver d'un monde plus léger, plus tendre comme ce duo entre Entre Ella et Louis.  Et puis on se souvient que dans deux jours ce sera un triste anniversaire, que les catastrophes sont indifférentes à ces petits bonheurs. Impossible de ne pas y penser, de ne pas songer à cet acharnement que met l'homme à détruire son écosystème. Il y a peu, j'ai lu cette phrase "Quand quelqu'un détruit une chose créée par l'homme on dit que c'est du vandalisme, quand on détruit quelque chose créé par la nature on appelle ça le progrès"


mercredi 22 avril 2015

Les Yeux fermés


Voilà,
"J’ai en ce moment tant d’idées fondamentales, tant de choses vraiment métaphysiques à exprimer, que soudain je me sens las, et que je décide de ne plus écrire, de ne plus penser : je laisserai la fièvre m’apporter l’envie de dormir, et les yeux fermés, je caresserai doucement, comme je ferais à un chat, toutes les choses que j’aurais pu dire." Fernando Pessoa (shared with midweek muse challenge )

dimanche 19 avril 2015

Le Décolleur


Voilà,
pour faire simple, je n'aime pas le monde tel que je le vois d'ici ni la réalité telle qu'elle se présente sous ces latitudes. Je ne le fais pas exprès. J'aurais grandi dans la région de Perth ou vit Gracie, ou bien non loin de la Columbia River comme Bill et Laura j'aurais sûrement un point de vue différent sur la question, ou du moins je m'en accommoderais différemment. Et si j'avais vécu à Haïti dans les Balkans en Afrique en Palestine ou en Syrie, mon point de vue serait sans doute autrement pire, ou peut-être n'aurais-je même pas l'occasion d'en avoir. Je suis tout à fait conscient que pour certains il y a quelque chose d'indécent à lire ce que j'écris parce que ailleurs, 'il y a de plus grandes détresses, que le confort européen est souvent très envié, et que d'une certaine façon j'appartiens à une époque et une géolocalisation relativement préservées. Mais bon, j'ai commencé très tôt par voir des horreurs, j'ai passé mon enfance dans des casernes, j'ai côtoyé la connerie, j'ai sans doute en partie, été contaminé, je ne suis pas sûr que cela m'ait vraiment immunisé mais, en dépit des belles rencontres que j'ai pu faire et dont j'ai souvent parlé dans ce blog, cela m'a permis de comprendre assez vite que, comme le disait St François de Sales "où il y a de l'homme il y a de l'hommerie", et ça, cela n'a pas vraiment contribué à faire de moi un optimiste. Ou alors comme dans la blague... C'est à cela que je songeais avant que cette scène ne m'apparaisse.

samedi 18 avril 2015

Portrait de Groupe


Voilà,
je l'ai prise parce que je trouve toujours rigolos les gens qui photographient et puis aussi ceux qui font des selfies. et des photos touristiques. Ceux-là ma foi avaient l'air bien joyeux et peut-être à ce moment là ai-je envié leur jeunesse et leur insouciance. Je me suis rappelé que c'étaient là que se trouvaient les danseurs lors de mon premier séjour. Ensuite, avec ma fille nous sommes descendus vers l'Alfama. Parce qu'il était marqué sur un mur "Je suis Charlie" j'en suis venu à lui expliquer pourquoi pour ma part, en dépit du fait que parmi les victimes certains dessinateurs m'étaient familiers depuis l'enfance, et bien que je trouvais odieux cet assassinat, je ne l'étais pas. Dans un premier temps elle a semblé étonnée, presque choquée et j'ai du longtemps argumenter afin de faire valoir mon point de vue. 
première publication

jeudi 16 avril 2015

La Buvette des Marionnettes


Voilà,
aujourd'hui il fait beau, et même si la nuit n'a pas été sereine, cela va mieux. Je ne sais pas si j'aurais le temps aujourd'hui, mais faire un petit tour au jardin du Luxembourg, me ferait le plus grand bien. Un moment que je ne m'y suis pas attardé. L'autre jour dans le bus rue Guynemer, je me suis rendu compte que les arbres y étaient en feuilles. Il y eut une époque où je le traversais chaque jour de l'année, pour aller au Lycée. C'était un lieu de rendez-vous. Bien des années après j'y suis retourné avec ma fille, à l'aire de jeux. Oui le Luxembourg, pourquoi pas, en fin d'après-midi, je peux tout de même bien m'autoriser ça...

mercredi 15 avril 2015

Migraine

 

Voilà,
la journée aura commencé avec un air gai, j'aurai, jeté beaucoup de papiers et de revues, fait un peu de jardinage sur mon balcon, vu ma fille et travaillé un moment avec elle, rencontré un jeune homme intéressant et parlé de cinéma avec lui, découvert enfin  — mieux vaut tard que jamais — le film "Zabriskie Point" d'Antonioni, mais une migraine terrible ne m'aura pas quitté de toute la journée. Parfois, je crains de n'être plus qu'une ombre qui s'apprête à sortir du cadre. Oui ce n'est pas très gai, assurément, mais il m'arrive parfois d'avoir les idées sombres. Il ne me reste plus qu'à trouver le sommeil.

mardi 14 avril 2015

Fermés de l'intérieur


Voilà,
dans le métro. Direction du quartier d'affaires. Une sorte d'accablement généralisé. Voyageurs résignés et comme décomposés dans un mélange de tristesse ombrageuse et d'hébétude inquiète. A intervalles réguliers un homme démuni vivant dans la rue ou dans des hôtels de fortune, pénètre dans le wagon, déclame sans conviction sa doléance et navigue la main tendue parmi les voyageurs. Chacun s'absorbe à de menues activités. Certains lisent les nouvelles — les mêmes pour tout le monde — sur un journal gratuit, (on moquait autrefois les pays communistes qui n'avaient qu'un seul organe de presse, aujourd'hui les marchands d'armes et les gros industriels se partagent l'information et abrutissent le populo), d'autres songent. Les petites machines modernes permettent à ceux qui en disposent de s'affairer sur leur écran tout en écoutant une musique qui les soulage un peu du poids de leur propre existence et des vicissitudes de ce monde. Une attitude volontairement autiste leur évite de croiser le regard de celui ou celle qui vient à leur rencontre. Comme les chiottes, ils sont fermés de l'intérieur. Après tout chacun sa merde n'est-ce pas ? 

dimanche 12 avril 2015

Sac à main



Voilà, 
c'est une fin de journée il y a quelques semaines ; en passant je vois ça sur le parvis de la Défense, ce sac à main géant, je ne sais pas ce que c'est, un décor pour une pub ou bien une sculpture éphémère. Juste avant je suis en train de me dire que je commence à en avoir vraiment ras-le-bol de toutes ces contradictions dans lesquelles je m'épuise, de tous ces compromis auxquels je dois consentir. Les pensées se mélangent, je songe aussi au hasard cette loi qui, selon un poète arabe, voyage incognito, en même temps qu'à toutes ces nouveaux mots insupportables qui font aujourd'hui florès, comme "le ressenti", le "vivrensemble", "l'empathie" mise à toutes les sauces, ou encore ces expressions à la con telles que "pas de souci", "on gère", "bonjour l'ambiance", "un truc de ouf", "être en mode ceci ou cela"... Les intuitions s'emberlificotent dans mon crâne, fusent sans qu'il ne me soit possible de les formuler  : je réfléchis au marketing qui prend le contrôle autant des consciences que de l'inconscient collectif et laisse libre cours aux pulsions, je pressens que pour beaucoup il transforme l'existence en quelque chose de douloureux et la vie en commun en quelque chose de triste : le manque appelle perpétuellement sa satisfaction, mais faute d'être assouvi, n'engendre que frustration et névrose. Je gamberge aussi sur tout ce qui avance à bas bruit auquel le rythme médiatique est peu adapté : les conflits de plus ou moins basses intensité, les droits de l'homme bafoués un peu partout sur terre, les transformations écologiques, l'acidité des océans, l'accord commercial transatlantique en train de sournoisement se mettre en place, la lente dégradation des conditions de travail, mais je m'arrête quand même, devant cette scène, non parce qu'elle me semble insolite mais parce que ce que j'ai besoin de ne plus penser, de fuir en quelque sorte dans l'instant et de me réduire à cette infime fraction de présent qui s'offre à mon regard. 

vendredi 10 avril 2015

Profiter du soleil



Voilà,
en feuilletant le blog de José Mendonça, je suis tombé sur une magnifique photo du porche d'entrée du monastère des Hiéronymites. Je me suis souvenu de l'homme aperçu il y a quelques semaines au même endroit. Alors que le soleil déclinait doucement, il profitait de la lumière frappant sur les piliers. Certes il faisait frais - on était à la mi-février - mais la journée avait été radieuse, et la promenade avec ma fille du côté de Belem, un enchantement. Je me suis aussi souvenu du premier séjour et de la découverte du cloître. Lisbonne me manque terriblement. Tant de choses que je n'y ai encore vues. Et comment ne pas en rêver quand ici à Paris, la pollution rend l'air irrespirable.
première publication 10/4/2015 00:02

jeudi 9 avril 2015

L'Affiche de Cerrone


Voilà,
c'était début décembre, et cette affiche fraîchement collée où était imprimé le nom de Cerrone m'a paru étrange ou plutôt incongrue. C'était comme un retour des années 70. Je me souviens tout à fait de l'état qui était le mien à ce moment là, de mon "Einstellung" comme dirait Wim Wenders. Je venais juste de recevoir un message qui laissait entendre que l'audience avec le juge s'était mal passée. J'avais tenté (mais sans grand succès) d'être rassurant : "ce n'était là qu'une impression" avais-je suggéré ; mais quelques jours plus tard il avait fallu se rendre à l'évidence. La ruse, la mauvaise foi et la duplicité pouvaient tromper la justice. De sombres jours s'en étaient suivis. Je me rappelle qu'ensuite pendant un peu plus d'une semaine, la peur ne m'a pas quitté.

dimanche 5 avril 2015

Le Masque


Voilà,
surgi du passé ce lapin dont je ne sais s'il était alors vraiment de Pâques
je pense avoir pris cette photo en 1976, avec un Ihagee Exakta qui ressemblait à celui-ci
 

jeudi 2 avril 2015

Dormir pour oublier (17)


Voilà,
les espaces urbains où il est encore possible de s'abriter sont à présent de plus en plus réduits et n'offrent qu'une protection relative contre le vent le froid et la pluie. Les cabines téléphoniques, pour ceux qui les squattaient, constituaient autrefois, en dépit de leur exiguïté, une sorte de refuge. C'est cette raison sans doute, qui a précipité leur disparition. Il est probable que d'ici quelques mois la copropriété de cet immeuble fera en sorte d'empêcher par l'installation d'une grille ou par quelque autre subterfuge toute possibilité d'accès à ce renfoncement. Ils chercheront ailleurs ceux qui, dans l'espace public se trouvent désormais réduits au statut d'encombrant dont il faut à tout prix se débarrasser. Du reste ces sans-domicile empaquetés dans leurs duvets, leurs couvertures de survie, leurs cartons finissent par prendre l'apparence des choses abandonnées destinées au rebut. Ainsi se détournent-ils de nos regards qui ont si souvent honte ou peur de croiser les leurs. De leur déchéance ils n'offrent qu'une forme vague, et indécise à la périphérie de la communauté des vivants qui secrètement, depuis longtemps, mais sans pour autant se l'avouer, ne les reconnaît plus comme tels.


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