vendredi 21 mars 2025

Mais il y a toujours quelque chose qui m'échappe (18)

 
Voilà
Ça me revient  
sur la face B du 45 tours "Let it be"  des Beatles il y avait ce truc complètement déconnant qui s'appelle "You know my name" et que j'adore toujours. C'est une sorte de earworn. Quant au morceau de la face A il fut livré sans le solo de guitare de George Harrison qu'on trouverait ensuite sur l'album
 
Ça me revient
Les cheminées de la centrale Consolidated Edison au niveau de la quinzième rue, vues depuis l’East River

 
Ça me revient, 
JJSS comme on appelait Jean-Jacques Servan Schreiber, patron du journal "l'Express", qui se rêvait en JFK français, avait en Avril 1970 ramené le compositeur Mikis Theodorakis emprisonné en Grèce à bord d'un avion privé

Ça me revient, 
ma première "boum" comme on disait à l'époque fut en 1969 au Kremlin-Bicêtre pour l'anniversaire de deux jumelles qui étaient dans ma classe à qui l’on avait offert "Abbey Road" des Beatles. Je cois qu'on leur avait offert qu'un seul disque, mais je n'en suis pas certain. On aurait du leur offrir le double album blanc.
 
Ça me revient, 
le critique et journaliste Bernard Pivot a l’apparition de twitter se fit fort de rédiger régulièrement des messages sous forme d'aphorismes ou de maximes dans la limite des 140 caractères autorisés

Ça me revient
 ce prof de maths cambodgien que j'ai eu en seconde. Les maths étaient déjà difficile pour moi, mais là avec son accent, c'était impossible à comprendre. Il n'était pas très pédagogues, mais il avait sûrement d'autres soucis en tête, il avait fui, le régime des kmehrs rouges. Et du coup me revient aussi en mémoire le prof principal de troisième au collège  St Sulpice qui était aussi le prof de Maths, Mr Michel, qui avait une belle tronche d’alcolo et un faux air de Jean Gabin. Il avait dit un jour « vous savez votre amour propre vous êtes assis dessus »

Ça me revient 
la troublante beauté de Margaux Hemingway dans le film. « Manhattan » de Woody Allen

Ça me revient Gérard Tiry — il n'était pourtant pas un spécialiste de théâtre — qui me dit après une représentation de "Rêves de Kafka "tu ne touches jamais le sol". Ce fut l'un des plus émouvant compliment d'après spectacle (surtout venant de lui). C'était en effet le cas.

Ça me revient, 
lorsque la chaîne franco-allemande Arte a été inaugurée  — en 1991 je crois —, la série "Heimat" a été diffusée durant la première semaine. C'était formidable que cela apparaisse dans le paysage audiovisuel français. Et j'ai adoré cette série.

Ça me revient 
parce qu’on en parle beaucoup ces derniers temps, la génitrice, lorsqu’on vivait dans les Landes, qui disait, lorsque je manifestais de l’indiscipline (mais peut-être le seul fait d’exister représentait pour elle une forme d’indiscipline) « si tu continues comme ça, on t’envoie à Bétharram ». 

Ça me revient 
les expressions qu'il employait souvent "c'est quoi ce souk ta chambre" ou bien "c'est un vrai gourbi  "il a rappliqué avec toute la smala", et aussi "quel binz"

Ça me revient, 
au tout début des années quatre-vingts j'ai découvert la chanteuse Lee Wiley grâce une émission de France-Culture qui s'appelait "Poissons d'or"

Ça me revient
 j'ai découvert Cioran à l'âge de 17 ans. Mon viatique à son œuvre fut un livre à la couverture bleu pâle des éditions Gallimard "La tentation d'exister" égaré dans la bibliothèque de Chateaudouble

Ça me revient,
Le nom de Lev Yachine ce footballeur soviétique des années cinquante-soixante qui fut le seul gardien de but auquel on décerna le ballon d’or, et dont on dit encore qu’il fut le meilleur de tous les temps.

Ça me revient 
ces compagnons de la Libération ayant fait de la résisitance qui disaient que lorsqu'ils étaient jeunes ils avaient après la guerre du mal avec la hiérarchie. Ils ne supportaient guère d'être sous l'autorité de gens qui avaient plus ou moins pantouflé, sinon passivement collaboré pendant l'occupation
 
 
Ça me revient la fascination que j'avais pour les paysages de Yves Tanguy, lorsque j'ai découvert le surréalisme. J'ai repensé à cela en réalisant cette image il y a quelques jours, bien qu' à la réflexion il n'y ait guère de points communs, si ce n'est cette immense envie qui est la mienne en ce moment de ne produire que de semblables paysages. Peut-être est-ce ma façon d'illustrer ce qui me hante. Ma mémoire devient de plus en plus trouée. D'où la raison de ces listes

Ça  me revient
À la fin des années soixante il y avait deux groupes de musique qui avaient presque le même nom l’un s’appelait Rare Earth et l’autre Rare Bird

Ça me revient
Bixente Lizarazu dans une interview télévisée relatant avec un grand sourire que son coéquipier Marcel Desailly avait une particularité physique étonnante, sans plus donner d'explications
 
Ça me revient
la détestation que j’avais enfant de l’acteur John Wayne qui représentait pour moi, sans que je puisse me le formuler de la sorte, la figure machiste la plus déprimante la plus la plus dégueulasse. Sans doute le détestais-je aussi parce que mon géniteur adorait cet acteur et les westerns. Quelle ne fut pas ma consternation lorsque Andréas Voutsinas qui a importé en France la méthode de l'actor studio m'a conseillé de mettre la même croyance dans mon interprétation que John Wayne

Ça me revient
"Le Wimpy" à l'angle du boulevard St Michel et de la rue Soufflot, un restaurant qui servait au début des années 70 des hamburgers ce qui était assez rare à l'époque. Un peu plus bas en allant vers la Seine il y avait un cinéma qui pendant plusieurs années n'a programmé que le film "Woodstock"

Ça me revient
lorsque j'étais enfant j'avais un jeu de société (je ne pouvais y jouer qu'avec mes géniteurs) qui s'appelait "le loto de l'histoire de France". C'était un utile moyen de se souvenir des grandes dates de l'histoire du pays. Dans le même ordre d'idée j'avais un livre d'histoire au format improbable, avec une couverture de couleur jaune, qui s'appelait "l'Histoire de la France racontée à tous les enfants"

Ça me revient
en mai 1989, cette incroyable sensation. Sur un boulevard de Manille, très polluée, passé sous un Ylangiuer, et être happé par le parfum de ses fleurs, et d'un coup penser alors à Pierre Guyot et Agnès 

mercredi 19 mars 2025

Esplanade

Voilà,
je suis retombé sur une série  que j'avais réalisée il y a longtemps sur l'esplanade du Trocadero. Les gens étaient encore assez peu nombreux à posséder des smartphones, qui venaient tout juste de faire leur apparition en Europe. Ils se prenaient alors en photo avec des appareils numériques. Certains cadraient encore dans le viseur, mais beaucoup déjà tenaient leur appareil à distance regardant l'écran au dos de leur camera. Quoi qu'il en soit , au début des années 2000, Philippe Halsman, avait encore des adeptes.
Aujourd'hui je ne regarde plus le monde de la même façon. Je n'ai plus très envie de le regarder d'ailleurs. Il a tellement changé depuis cet été 2009 quand cette photo fut prise


La réalité ne me passionne plus guère. Depuis quelques semaines, j'ai de nouvelles idées, et ça quand même c'est bon pour le moral. Je suis reconnaissant à la nature de me permettre encore de telles dispositions. J'ai envie de rendre compte de paysages intérieurs, d'espaces imaginaires, de topologies improbables, de formes émergentes et rêvées sans histoire ni anecdotes.

mardi 18 mars 2025

Pêle-mêle avec duchesse et rêveur

  
 
Voilà,
Valentine de Milan, (Visconti de son vrai patronyme, peut-être une lointaine ancêtre du cinéaste) vécut de 1370 à 1408 et fut duchesse d'Orléans. Combien de fois, dans ma vie, où j'ai tant de fois traversé ce jardin, oui combien de fois l'ai-je croisée sans lui prêter l'attention qu'elle mérite. Et puis un jour elle m'a semblé intéressante, à cause du ciel peut-être à cause de l'arbre,  je ne sais pas. Je me suis renseigné. Elle fut la cousine germaine de Charles VI. Elle était dit-on connue pour sa bonté et sa charité, une bonne chrétienne quoi, et avait en plus la réputation d'être belle et intelligente. Alain Marchandisse un médiéviste belge contemporain  a dit d'elle qu'elle était "un produit franco-milanais de premier choix sur le marché matrimonial du temps". Elle épousa son cousin Louis de France, fils de roi Charles V. Il fut assassiné en 1407 et elle mourut un an après. On peut voir son gisant à la basilique St Denis.
 
*
 
 
 
 

Sinon, j'ai lu récemment avec beaucoup d'intérêt, "Lumières aveugles" un livre de Benjamin Labatut qui évoque sur un mode romanesque le parcours de différents scientifiques du vingtième siècle. À propos du mathématicien Grothendieck il écrit "Il en vint à croire que les rêves n’étaient pas propres à l’être humain, mais provenaient d’une identité externe – qu’il appelait Le Rêveur – qui les envoyait pour que nous puissions reconnaître notre véritable identité. Il tint un registre de ses nuits pendant plus de 20 ans, "la clé des songes," ce qui lui permis de comprendre la véritable nature du rêveur : le rêveur n’est autre que Dieu." On a dit que Grothendieck a basculé dans la la folie et le mysticisme. Certes son hypothèse est délirante, mais bien moins cependant que le Christianisme par exemple, cette croyance absurde qu’un mort-vivant-interstellaire-juif qui était à lui-même son propre père peut nous faire vivre éternellement. Et que si l'on mange symboliquement son corps et qu'on lui dit en pensée qu'on le reconnaît pour maître, il pourra extraire de notre âme, une force maléfique présente dans l’humanité, depuis qu’un serpent qui parlait a convaincu, une femme conçue avec une côte humaine de manger le fruit d’un arbre magique. Quoi qu'il en soit, c'est la lecture de ce livre, qui évoque, aussi Schrödinger, Heisenberg, Böhr et bien d'autres qui m'a stimulé dans la réalisations de nouvelles images abstraites.


 


 
Et puis pendant ce temps-là, nous assistons avec sidération à cette folie qui  se propage un peu partout sans bien réaliser que c’est aussi la nôtre.  Nous continuons de regarder impuissants le monde que nous avons connu se désagréger. Nous voudrions pouvoir nous tenir à l’écart, mais c'est impossible. Chaque jour amène sont lot de décisions angoissantes et irrationnelles, ouvrant l'espace à un peu plus de chaos. Ce qui frappe la la planète est une crise anthropologique : c’est la crise de l’humanité qui n’arrive pas à devenir Humanité et sombre chaque jour un peu plus dans la barbarie et la bestialité.

lundi 17 mars 2025

Formes et couleurs



Voilà
j'essaie toujours de trouver des raisons pour lesquelles en matière de dessin ou de graphisme, je fais ceci ou cela, alors que je n'ai à me  justifier de rien. Je m'étonne de ce que je trouve actuellement. Pourtant c'est bien parce que je cherche dans une certaine direction. En ce moment j'ai envie de formes pures. D'abstraction. Cela me rappelle que dans mon enfance, lorsque je suis arrivé à Paris, j'ai immédiatement été fasciné par les tableaux de Vasarely. Par cet art optique et abstrait qui fascinait le déficient visuel que je suis, borgne et dyschromate. Mais il n'y a pas que cela.

Ce que j'essaie de traduire à travers ces images c'est ma fascination pour ce qui relève du mystère, de l'énigme, de l'innommable. L'énigme, c'est "comment ça a commencé, tout ça, l'univers, la matière" ? Est ce que tout ça c'est la manifestation d'un Esprit ? L'innommable concerne ce qui, à plus ou moins brève échéance, finira bien par me happer. Je serai emporté au-delà de ce que je pense être, vers le Néant. J'aimerais que cela ressemble à cela :  

 
des champs de formes toujours colorées ; poreux et transparents comme des voiles, des espaces qui s’enchevêtrent ; et puis aussi des temporalités qui me traverseraient comme autant de brises légères, mêlant les douces sensations aux heureux souvenirs. Et puis aussi des nappes de musique toujours changeante. J'aimerais bien que la complexité ait le charme d'un délicat parfum de fleur éclose, que l'éternité ou l'oubli me saisissent dans un chatoiement de sensations et de couleurs. (shared with sunday smiles - wordless wednesday

vendredi 14 mars 2025

Proposition 5.6

 

Voilà,
"Les limites de mon langage signifient les limites de mon univers"
écrivait Wittgenstein 
Quoi qu'il en soit aujourd'hui ou peut-être hier, 
les premières fleurs du forsythia sont apparues

mercredi 12 mars 2025

Phare de la Coubre


Voilà,
le phare de La Coubre, je l'avais découvert après une promenade en vélo électrique avec mon camarade et ami de longue date, Jean-Jacques, en septembre 2022. Situé au nord de Royan, il sera dans un futur proche, démonté à cause de l’érosion du trait de côte. Haut de 64 mètres, ce phare blanc et rouge, signale jusqu'à 52 kilomètres au large l'approche de l'estuaire de la Gironde. Il avait été érigé à 1,8 kilomètre de l'océan lors de sa construction en 1904. Aujourd'hui, l'Atlantique n'est plus qu'à 130 mètres et quand cette distance aura encore été réduite de moitié, la déconstruction de l'édifice sera ordonnée car les infiltrations d'eau salée saperont alors ses fondations, expliquent les autorités, rejetant la possibilité "de le faire reculer".
Selon Damien Joussemet, responsable du phare de la Coubre, quatre autres sur la commune ont été emportés par les flots depuis le XVIIe siècle sous l'effet de l'érosion. Phénomène naturel de perte de sédiments causé par les vents, les vagues et les marées, l'érosion côtière du littoral fait chaque année reculer les plages et les dunes de plusieurs mètres par endroits. Dans le secteur de la Tremblade, le trait de côte s'était notamment replié de 18 mètres durant le seul hiver 2020-2021, selon les relevés des l'Observatoire de la côte de Nouvelle-Aquitaine (Ocna), qui associe des chercheurs du Bureau de Recherches Géologiques et Minières et ceux de l'Office National des forêts. En outre, d'après les estimations du Groupement d'intérêt public Littoral, qui regroupe les collectivités locales touchées par l'érosion depuis la Charente-Maritime jusqu'aux Pyrénées-Atlantiques, environ 6.700 logements et commerces sont menacés par ce recul d'ici 2050, si rien n'est fait d'ici-là.
J'écris cela, alors que j'ai vu des images terribles de la Golden Coast en Australie, où les plages ont disparu suite à un violent cyclone. 
La nature donc suit son cours, inévitablement. Nous en faisons partie, et continuons de faire comme s'il n'en était rien, avec toujours le même fantasme de domestication de l'environnement. Heureusement, l'espèce humaine devient dans son ensemble de plus en plus conne. Si elle ne finit pas par disparaître totalement (ce qui au fond serait assez souhaitable pour la survie des autres espèces) , il est probable qu'elle en viendra, comme ce fut le cas dans des périodes précédentes, par se réduire considérablement, limitant ainsi ses ravages et ses prédations.
Cela me rappelle, qu'il y a quelques années je m'étais, sur ce sujet, livré à de joyeuses élucubrations en compagnie de l'ami Olivier Hamel. Je ne crois pas les avoir déjà publiées ici.
 
 
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lundi 10 mars 2025

Les mots se dérobent

 
Voilà, 
j’ai réalisé de semblables images parce que je ne sais pas jouer de musique, je ne sais pas composer, je n’ai pas d’instruments à la maison, rien qui m'aurait permis d’exprimer une sensation, une émotion sans pour autant avoir à l’expliquer. 
Enfin c’est comme ça que je me formule à présent les choses. 
Pour le moment. 
Il est possible que je trouve d'autres explications. Plus tard.
Je le voudrais mais ne parviens pas à concevoir un récit, formuler mes pensées. Exprimer ce qui m'a traversé, me traverse encore. Les mots se dérobent. Ils ne me permettent pas de trouver la distance juste. Toute mon existence ils m’ont posé un problème, me laissant insatisfait. Je suis incapable d’exploiter toutes leurs nuances, de les agencer de façon satisfaisante pour qu'ils soient au plus proche de l'émotion, de la sensation. Par contre je crois pouvoir assez subtilement interpréter les mots des autres. Je suis comédien, interprète, c'est mon métier.
 
(...)

En d’autres temps pour surseoir à l’angoisse je composais des collages.
Fabriquer désormais ces vignettes me permet d'une certaine façon, d'être évasif. De suggérer sans être trop explicite. D'échapper à l'embarras des phrases, qui exigent d'être pesées au mot près. 
Comme si j’écrivais une petite sonate, comme ces pièces pour piano de Chopin quand il était triste. À défaut de m’exprimer, je m’imprime. J’échappe à l’anecdote.  
C’est aussi en quelque sorte l’équivalent d’une calligraphie japonaise réalisée au pinceau d’un seul geste. Oui, c’est un peu ça. Une calligraphie électronique. Ça signifie quelque chose de secret qui, à la fois ne peut se dire sans pour autant devoir se taire. 
Un cri silencieux. 
 
 
Je ne sais pas si je parviendrai un jour à coller des mots là-dessus. Sur cet effroi, sur ces moments de panique, certaines nuits de ce terrible mois d'Octobre où l'on ne savait rien encore, ou si peu. Sur la peur chaque jour, les mois qui ont suivi. Sur les apparences qu'il fallait préserver. Sur cette inquiétude qui jamais, depuis ne me lâche.
 
(...)

Les heures où je l’accompagnais où je faisais semblant d’assurer, où je faisais même de l’humour. Où nous marchions en silence côte à côte. Où je faisais comme si tout ce que nous vivions était relativement maîtrisé. Nous faisions des selfies. Elle, coiffée de son bonnet, pour dissimuler son crâne. Je l’accompagnais chez l’acupuncteur, au laboratoire d’analyses médicales à l’hôpital là-bas de l’autre côté du fleuve. 
Pourtant dans cette terrible adversité, nous avons eu de la chance.
La chance, j'ai cru en sa possibilité ce jour ou dans une salle d'attente de l'hôpital — venions  nous pour une séance ? Était-ce au tout début je ne sais plus — une grande belle femme aux cheveux courts, est entrée avec son ami. J'ai tout de suite compris, à cause des cheveux, qu'il s'agissait du même genre de maladie. D'ailleurs que pouvait elle avoir eu d'autre pour venir dans ce service, dans cet hopital ? Maintenant je peux dire qu'elle devait en être à six mois après la fin du traitement. Cela devait être une visite de contrôle.


Elle discutait en anglais avec son ami. Il m'a semblé qu'elle était britannique. Elle avait un sourire radieux, tout son visage resplendissait de joie, et il émanait d'elle un puissante force vitale. J'ai alors pensé que oui, c'était possible une issue positive...
Je ne sais pas pourquoi je raconte cela maintenant.

samedi 8 mars 2025

Mais il y a toujours quelque chose qui m'échappe (17)

 

Ça me revient
ces veilles ou journées de Noël devant la télévision lorsque l'on regardait en famille "SVP Disney", une émission animée par Pierre Tchernia. Au début de l'émission, une liste de classiques Disney était proposée. Les téléspectateurs téléphonaient au standard « SVP » pour choisir celui dans la liste dont ils souhaitaient voir un extrait. Les extraits les plus plébiscités étaient ensuite diffusés tout au long de la soirée. C'était l'époque où "l'Amérique" vendait du rêve. 
 
Ça me revient

le sélectionneur qui a qualifié l’équipe de France de football pour la coupe du monde de 1966 en Angleterre s'appelait Henri Guérin. Malheureusement son équipe n'a pas dépassé le premier tour

 

Ça me revient

La merveilleuse présence de Patti Hansen en chauffeure de taxi dans le film "Et tout le monde riait" de Peter Bogdanovitch


Ça me revient
Philippe aimait bien le générique de fin de France deux, avec les petits bonshommes de Folon disparaissant dans les étoiles et la composition de Michel Colombier inspirée de l'adagio de Marcello, qui fut d'ailleurs diffusé à ses obsèques à Lestiou

Ça me revient
le corps d'Eric Tabarly, un grand navigateur disparu en mer après avoir été projeté par-dessus bord avait été retrouvé un mois plus tard dans les filets de pêche d'un chalutier breton
 
Ça me revient
au concert pour le Bangla Desh quelques personnes avaient applaudi pendant que les musiciens de Ravi Shankar s’accordaient. Et Ravi Shankar goguenard avait dit que si les gens appréciaient ce moment là ils aimeraient sans doute la suite de leur performance
 
Ça me revient 
à la fin du siècle dernier j’ai participé un spectacle dont l’action se passait dans une salle d’attente où un musicien jouait les suites pour violoncelle de Bach
 
Ça me revient
Les Etats-Unis en 2020 avaient montré à quel point ils étaient terriblement mal préparés à une urgence sanitaire de l'ampleur de celle du covid. L'une des raisons était qu'en 2018, le président Trump avait dissous la cellule d'intervention en cas de pandémie de la Maison Blanche. Aujourd'hui il fait bien pire
 
Ça me revient
le premier Album de Kid Creole et les Coconuts, beaucoup écouté lors de l'hiver 80-81, endeuillé par la mort de John Lennon, mais durant lequel les affaires professionnelles ont commencé à reprendre, alors que j'avais décidé de quitter la sécurité pour tenter l'aventure. J'adorais la pochette du disque  et cette réjouissante version tropicale de Lili Marlène et il y avait dans cet album une joie une énergie qui rendaient la vie plus supportable
 
Ça me revient
la salle aménagée cette soirée là, le 2 février 1973.  Les bougies, la mise en scène de l'espace. La jeune fille qui a organisé cela est d’une beauté confondante. A un moment elle propose des cadavres exquis. Dans la pénombre je me me rapproche irrésistiblement d’elle. Est ce que nous faisons ensuite un bout de chemin ensemble. Je sais qu’après je n’ai qu’une hâte, la revoir. Notre rencontre s’est faite sous le signe du hasard objectif.

Ça me revient  
il n’y a pas si longtemps j’ai passé un weekend à la campagne avec des psychanalystes, que des femmes, toutes très bourgeoises qui trouvaient Alain Finkielkraut intéressant pertinent et pas du tout réactionnaire. Je me suis aperçu que j'avais des fréquentations de droite.

Ça me revient 
la fois où Dominique devant des anglophones a dit en français "je vous serre la pince-monseigneur"  et qu'ensuite elle avait beaucoup de mal à expliquer ce jeu de mots
 
Ça me revient
j'ai pleuré devant ma télévision en assistant à la retransmission en direct de la libération de Nelson Mandela en février 90
 
Ça me revient
combien j'avais été ému par la disparition de cette jeune photo-reporter Camille Lepage, tuée par une balle à 26 ans dans une embuscade en Centrafrique
 
Ça me revient
pendant quelques années au début des années 90 vers Noël ou le premier de l'an, j'allais chercher du Boudin blanc à la charcuterie Charles. Il y en avait une dans le quinzième vers La Motte-Piquet (je ne me rappelle plus précisément où) et une autre au début de la rue Dauphine. J'avais bien entendu eu connaissance de cet excellent commerçant grâce à Philippe. Je me rappelle aussi de Noblet place d'Alésia. Et du slogan sur une enseigne au dessus de sa boutique, qui faisait sourire Agnès. On voyait un cochon rose à qui une petite fille en robe rouge disait "pleure pas grosse bête tu vas chez Noblet"

Ça me revient 
que la première femme admise à l'École Polytechnique, Anne Chopinet, en 1972, est entrée  Major de sa promotion

Ça me revient
La fatuité béate de ce psychanalyste de renom devant un groupe de comédiens ayant lu une bien médiocre pièce de théâtre dont il est l’auteur

Ça me revient
Dominique trouvait la chanson de Maxime Leforestier "Education sentimentale" un peu niaise, je n'étais bien évidemment pas d'accord avec elle.

Ça me revient,
L’été 68 passé chez mon grand-père, les moments de mélancolie, la perte de mon chat et les chansons tristes comme la Maritza de Sylvie Vartan, ou "les vieux amants" de Jacques Brel

Ça me revient
j’ai 17 ans. Je le connais à peine. Depuis quelques semaines tout au plus. Nous nous tenons face à face debout près des rayonnages de cette incroyable bibliothèque dans le salon de ce vaste et confortable appartement. Jamais je n’en ai vu d’aussi luxueux. En fait il ne l’est pas tant que ça. Mais je n’en ai jamais vu de tel jusqu’à présent. Il me demande ce que j’aime lire, il me pose des questions, sur mes auteurs favoris s’intéresse à moi. C’est le premier adulte qui ne me parle pas comme à un inférieur hiérarchique

Ça me revient 
l'agacement devant l'insupportable prêchi-précha d'une pièce d'Olivier Py dont je ne me souviens plus du titre au théâtre de la ville, insupportablement complaisante, narcissique, truffée de poncifs, son infatuation verbeuse, l'indigence de sa pensée, sa théâtralité vieillotte qui se croyait moderne, parce qu'on s'encule un peu sur scène et qu'on y parle politique culturelle avec ironie, le mot théâtre répété sans cesse en boucle, jusqu'à l'écœurement, une vague histoire de recherche du père qui rendait à son auteur si difficile l'exercice du pouvoir, bref un opus prétentieux et boursouflé mais que la critique parisienne avait chaleureusement encensé et pour lequel le public s'extasiait. Et j'étais bien content d'être en décalage total avec ces parterres d'abrutis.

Ça me revient, 
les anciens qui lorsque j’étais enfant (j’avais dix ans), parlaient de l’hiver 56 qui avait été si rude, il y avait de la neige sur les dunes, un iceberg dans l’estuaire de la Gironde et le petit lac de Biscarrosse avait été gelé. Ils me parlaient d’un temps où je n’existais pas et donc ils me semblaient très vieux, et leurs histoires d’un autre monde et d’un temps lointain.
 
Ça me revient
en 2008, le nom de la sculpture de Richard Serra, exposée au jardin des Tuileries  était Clara-Clara, un hommage je crois à sa femme.

vendredi 7 mars 2025

Église St Séverin

Voilà,
je les aperçois assis dans le métro. Elle petite et brune, la trentaine, ou peut-être moins, d'une beauté assez ordinaire, mais non dénuée de charme avec un visage très mobile et quelque chose de piquant dans le regard. On sent la pensée affûtée, l'intelligence vive. Elle rayonne, et de la façon dont elle se tourne vers lui, même si elle ne parle que de pigments, de surfaces de lumière, il est évident qu'elle est amoureuse, éprise, séduite, attachée, je ne sais pas ce que l'on peut utiliser comme mot, en tout cas bien avec lui, oui ces deux là c'est sûr éprouvent du plaisir à l'autre. L'homme est plus âgé qu'elle, plutôt beau, une petite quarantaine grisonnante, bien conservé comme on dit, la peau pas encore creusée par les rides, ni encore attaquée par les cernes. Ils se tiennent par la main se bizouillent de temps à autre. Je me demande quelle est la nature de leur lien. Il porte une alliance, elle n'a aucune bague aux doigts. Cela me semble étrange. Ce sont des détails auxquels je ne prêtais aucune attention autrefois. Une chose me choque cependant, cette façon qu'il a de lui tapoter la cuisse en public, qui suggère la vulgarité du propriétaire qui touche son bien, son bien acquis. Cette impression toute subjective, tient au fait que le geste n'est pas adressé, mais mécanique et répétitif, n'attendant aucune réponse, presque inconscient, en tout cas dénué d'âme.

(...)




Je me décide, plutôt que de manger, d'aller au cinéma voir "Notre monde" de Thomas Lacoste, boulevard St Michel. Il y fait une belle lumière, mais trop froid toutefois pour déjà rêver au printemps, même si sur le balcon le forsythia commence enfin à fleurir (bien plus tard que les années précédentes). Comme j'ai un peu d'avance, je vais faire un tour vers la rue de la Huchette et la rueSt Séverin avec tous leurs restaurants grecs à touristes. J'ai une affection particulière pour ce coin là, où j'errais lorsque j'avais quinze ans, et parfois l'idée me vient que je pourrais dîner un soir dans un de ces restaus, comme si je n'étais pas d'ici. J'en profite pour entrer dans l'église St Séverin où je n'étais jamais venu. Bonne intuition. La vision de l'homme tellement recueilli ou accablé que sa tête a disparu a été la bonne surprise de cette journée. Mais comme dirait Godard, "ce n'est pas une image juste, c'est juste une image".
première publication 26/3/2013 à 00:01

jeudi 6 mars 2025

Un arbre

 
 
Voilà,
"je ne puis m'empêcher de considérer l'humanité comme l'une des toutes dernières écoles de peinture figurative de la Nature. Je ne distingue pas, fondamentalement, un homme d'un arbre ; et, sans aucun doute, ma préférence va à celui des deux qui produit le meilleur effet décoratif." Fernando Pessoa, ( Le Livre de l'Intranquillité. 161) 
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mercredi 5 mars 2025

Réminiscences



Voilà,
je ne sais pas pourquoi je pense à ça, aujourd'hui, en traversant la rue pour me rendre au marché, alors qu'il fait beau — certes, un peu frais — mais on sent pourtant poindre le tendre printemps. À ça, qui me hante souvent, à ce jour d'Octobre 2023 où lui fut annoncée la terrible nouvelle. Ensuite sur le boulevard, devant l'hôpital — celui-là même où elle était née — nous nous sommes serrés tous les trois, et nous avons un peu pleuré. Puis elle a dit "Je veux aller au Luxembourg". Nous avons pris la ligne de Sceaux. Avant de rentrer dans le jardin, où nous étions venus, quelques jours auparavant, juste elle et moi, elle a dit j'ai envie d'une glace. Nous nous sommes dirigés vers la Rue Soufflot, où se trouve un excellent glacier. Sur le chemin du jardin sa mère a dit que sa glace n'avait pas vraiment le goût du café. Nous avons goûté nous aussi, elle avait tort, c'était indiscutable, vraiment on ne comprenait pas pourquoi elle disait ça. Puis nous avons trouvé trois sièges, non loin du bassin, avec le palais du Luxembourg à notre gauche, et dans le prolongement de notre regard, le dôme du Panthéon au loin. Il faisait un peu frais, mais un beau soleil et un grand ciel bleu. Nous sommes restés longtemps, assis là, sans dire grand chose, échangeant parfois des propos anodins. Je ne me souviens pas si nous avons pris un bus pour rentrer, ni même si nous sommes rentrés tous les trois ensemble.
Hier soir elle est venue à la maison pour dîner et voir le foot avec moi. 
Elle a changé de chaîne au moment des nouvelles. Je crois qu'elle ne voulait pas entendre.
Elle m'a raconté sa première journée passée dans l'Institution où elle est en stage.
Dans l'après midi j'avais vu un vieux film. "Pépé le Moko" de Duvivier. Un beau mélo qui se passe dans la casbah d'Alger
Depuis de nombreux mois je vais au cinéma comme on se drogue.
La vie quotidienne m'exaspère.
j'ai envie de curiosités.
Le matin, comme je le fais depuis quelques semaines, j'étais allé assister au séminaire de Wajdi Mouawad au collège de France, dont les invités étaient le paléoclimatologue Jean Jouzel et l'historien Patrick Boucheron. Du dernier j'ai particulièrement retenu cette phrase : "au contraire de ce que pensent aujourd'hui la plupart des gens, résister ce n'est pas continuer de faire ce qu'on a envie de faire, c'est même l'inverse", et il a évoqué Marc Bloch, qui aurait bien aimé continuer à enseigner l'histoire.
Après le cinéma, en remontant le boulevard St Michel pour prendre le bus j'ai été saisi par une scène insolite. Le retour des "Hare Krisna". Je n'aurais jamais supposé en revoir de mon vivant, dans le même quartier. Place de la Sorbonne. Plus de cinquante après. Un peu moins oranges qu'autrefois, un peu moins chauves. Mais quand même, des souvenirs de jeunesse, m'ont submergé, des noms, des visages, des anecdotes. 
je me suis aussi souvenu que nous étions allés avec Agnès et Delphine au Bhaktivendanta manor, à Letchmore Heath, village où demeuraient Ann Barlow et ses filles qui avaient sensiblement nos âges. Ann était une amie de jeunesse de Dominique et nous étions allés lui rendre visite. Elle possédait une maison qui ressemblait à une chaumière anglaise de conte de fées et y tenait un magasin d'antiquité où j'ai acheté un chapeau haut-de-forme. Il me semble, mais peut-être n'était-ce qu'une rumeur, que cette propriété était un cadeau de George Harrison, au mouvement  hare krisna.

dimanche 2 mars 2025

Ces types sont fous

Voilà,
debout dans son salon elle regarde l'écran pendant que son mari finit de disposer les apéritifs. Je n'en crois pas mes oreilles dit-elle ce type est fou. C'est vrai. On pourrait aussi ajouter fat, malhonnête et cynique. Elle regarde ce jeune président s'obstinant à mentir comme un enfant devant un jouet qu'il a lui-même cassé et qui accuse "les autres". L'ensemble de son discours est aussi mensonger qu'immoral. Oui ce mec est vraiment un taré qui perd les pédales et tient des propos révélateurs d'une pensée à la dérive, à la limite de l'incohérence.
Évidemment, certains vont dire qu'il y a bien pire et bien plus inquiétant ailleurs. C'est vrai, mais ici comme ailleurs, nous ne sommes pas au bout de nos surprises et de nos effrois.

*

Les lignes qui précèdent, donc, je les avais écrites début Janvier. Je pensais qu'elles pourraient être encore d'actualité deux mois plus tard. Mais là, depuis hier, en matière d'ignominie télévisuelle assurée par des politiques, nous sommes passés dans une autre dimension. La nuit dernière j'ai mal dormi à cause d'une nouvelle d'un tout autre ordre dont je me serais volontiers passé, (bien que je la sentais venir depuis un moment). Et à un moment en scrollant sur mon téléphone j'ai eu connaissance de ce traquenard tendu à Zelensky, par Trump et Vance. Ça ressemblait à un très mauvais film, mais c'était la réalité. C'était là quasiment en direct, et totalement sidérant. Aussi stupéfiant que la chute des tours du WTC. Le truc que tu regardes sans parvenir à y croire. J'ai eu envie de faire une image (avec une typo american typewriter), tant j'étais dégoûté par ces deux ordures, ces deux tarés qui sont des fous dangereux, sans parler des journalistes courtisans qui eux sont des cons finis. C'est Dr Folamour puissance 10. Comme plein de gens, je n'avais imaginé qu'un telle ignominie fut possible à ce niveau de décision. Ça ressemblait aux procès staliniens, et aux auditions du temps de Mc Carthy.
 
 
Il n'est pas possible de réfléchir ou d'écrire sur ça. D'ailleurs je n'en ai pas envie, j, mais difficile de faire comme si ça n'existait pas. Tu essaies de prendre le temps de la réflexion, et aussitôt Trump balance un truc à la fois incohérent et débile, tu ne sais pas d'où ça sort. Tu te demandes si c'est inné ou s'il a beaucoup travaillé pour être aussi con. C'est le mec qui fait tout de même passer George Bush Jr pour un génie ! J'ai vu une vidéo, où il demandait si l'Espagne ne faisait pas partie des BRICS. Le mec est à peu près aussi nul en géographie que la plupart des citoyens de son pays, mais lui, il est président. Bref c'est pire qu'une version alternative de "The plot against America" de Philip Roth.
Allez encore une image et un texte écrit il y a deux ou trois jours que je voulais publier demain ou après demain. Je brade.

 

 
Ce montage rend bien compte de l'état de confusion mentale où je me trouve. Trop de choses se bousculent dans ma tête. Je ne pense pas être le seul dans ce cas. L'époque est anxiogène. Je devrais m'en foutre. J'approche du bout de la piste. Mais quand même. Parfois je me dis que j'ai commencé ma vie sous le signe de la guerre, et qu'elle finira de même. Cela ne m'enchante pas.
Alors je vais être plus futile pour une fois. Parler de cinéma. On va faire un saut dans le temps. À l'époque où l'on imaginait que la place de la Concorde à Paris pourrait ressembler à un un campus américain.
En début de semaine, après avoir assisté à une leçon de Wajdi Mouawad au Collège de France je suis allé voir "les quatre journées d’un rêveur" de Robert Bresson inspiré de la nouvelle "Les nuits blanches" de Dostoievski. Je ne l’ai jamais lue. En revanche,  je me souviens de l’adaptation cinématographique de Visconti découverte il y a quelques années à la cinémathèque. Ce fut une révélation et en même temps un grand bonheur de l’avoir partagée avec une certaine personne et qu'elle en ait été touchée, elle aussi. J’en garde un si puissant souvenir que la proposition de Bresson m’a semblé bien pauvre et bien terne en comparaison.
Autant le dire, je me suis souvent ennuyé pendant le film. Malgré Isabelle Weingarten qui est plutôt bien, le parti pris de l’interprétation m’a déplu. Cette neutralité atone m'exaspère. Pourtant j’ai bien apprécié des œuvres comme "Au hasard, Balthazar" ou "Mouchette" ou "Pickpocket " que j’ai vus dans ma maturité. 
Je tiens à rajouter ce détail parce que, en fait j’ai découvert Bresson quand j’étais adolescent, avec ses films en couleur : "Le diable probablement", "L’argent" et "Lancelot du lac". Je sais très bien qu’à l’époque je n'aimais pas sa façon. Je trouvais ses films mal interprétés. Tout sonnait faux à mes oreilles. Cette distanciation m'empêchait de rentrer dans l'histoire. Cela ne me parvenait pas. Cela ne parvenait pas au jeune homme que j’étais. Je trouvais ça maniéré, d'un formalisme creux. Dénué de vie. Quelque chose d'autre m'agaçait que je ne me formulais pas. J'y reviendrai.
Je me souviens très bien que Dominique à qui je dois tant, qui a contribué à ma formation, qui m’a éduqué intellectuellement artistiquement, bref cette femme merveilleuse à qui je dois tant de choses, et sûrement le meilleur de ce que je suis, eh bien elle aimait beaucoup Robert Bresson, et je ne comprenais pas son enthousiasme. Je me disais, "c'est bizarre, cette femme si intelligente, si sensible si cultivée, comment se fait-il qu’elle trouve ça bien, qu'est-ce qu'elle y trouve que je ne vois pas ?".
Que cela soit clair, je ne remets pas en cause le génie de Bresson. Si de grands cinéastes que j'admire par ailleurs (Tarkovski, Scorcese, Al Hartley, Wenders, et même Fassbinder) le tiennent pour un maitre c'est qu'il doit y avoir des raisons. L'une d'elles tient peut-être au fait au fait qu'ils ne l'entendent pas dans leur langue native.
Ce qui m'a immédiatement contrarié dans "Les quatre nuits d’un rêveur", c'est l'aspect compassé, un peu précieux, la diction à la fois scolaire et bourgeoise. Oui ces corps, la façon dont ils se tiennent, dont ils sont vêtus, même dans leur "négligé", transpirent malgré eux le discours de domination.  D’ailleurs c’est bien dans les milieux de la haute bourgeoisie que Bresson allait souvent chercher ses "modèles" comme il disait. 
Dans la façon dont, en marchant dans la nuit, ces personnages discutent de l’amour, des tourments du désir, de la passion, je ne vois que préciosité, artifice, et j'entends aussi beaucoup de poncifs. C'est déjà ce que j'éprouvais confusément quand j’étais adolescent. Oui, je vois un discours de classe qui, au fond me dégoûte et attise encore en moi une sorte de colère. 
Et puis les lieux aussi. Les extérieurs, de nuit la plupart du temps se passent en les bords de Seine. On a l’impression que c'est tourné entre la place Dauphine, le pont neuf le quai Voltaire, le drugstore St Germain. et si on s’aventure un peu plus loin, on sent bien que c’est le XVIème. Si les intérieurs sont modestes, les corps et les voix qui les occupent n’y sont pas accordés. 
Finalement ce qui m'a le plus touché dans ce film, ce sont les signes de l’époque. Tout ce qui dénote le début des années 70. Le mini K7 Phillips dans sa housse rigide en cuir noir, que le personnage principal utilise pour enregistrer ses pensées. J’en ai déjà parlé du mini K7. C’était l’objet à avoir absolument, le cadeau de Noël de 1969 que réclamaient tous les jeunes gens de ma génération. Autre signe de ces temps : les hippies (comme on les appelait alors) —bien propres cependant, des hippies de cinéma— jouant de la guitare, la nuit sur les quais de Seine. La musique est d'ailleurs plutôt bonne. Il a bien été conseillé par Michel Magne sur l'affaire. Mais quand même on a l’impression que ces jeunes gens, qui n'ajoutent rien à l'intrigue, sur les quais sont là juste pour l’ambiance pour le climat pour faire "à la mode".Ils décorent.
Et je ne peux alors m'empêcher de constater que c’est un regard de vieux que porte Bresson sur cette jeunesse. Je veux dire par là, nous n'étions pas comme ça.
C’est cela peut être ce qui est le plus touchant dans le film, et même temps un peu pathétique : ce désir de connivence et d'empathie pour une jeunesse qu'au fond il ne comprend certainement pas. Notre façon d'être dostoievskiens était beaucoup plus désepérée, incarnée, et risquée. Cette envie de faire jeune, d’utiliser des jeunes corps pour faire œuvre mais clairement c’est l’œuvre d’un vieux. Sa façon de tourner les scène de sexe, très chastes en fait, a tout de même quelque chose d'assez malsain. Elles ne sont pas d'une grande nécessité, elles sont bien gentillettes, mais pourtant cinquante ans après on sent quand même le regard un peu dégueulasse, un peu libidineux et voyeur.
Quand il tourne son film Bresson a l’âge que j’ai aujourd’hui. Donc je peux très bien comprendre le décalage dans sa perception des jeunes, même si j'ai une fille qui aujourd'hui a l'âge de ses protagonistes. Je peux comprendre le mélange d'étonnement, de curiosité, d'envie mêlée de regret.
En fait je réalise que je n'aime pas les films en couleur de Bresson. Peut-être que le noir et blanc, qui est déjà un formalisme qui éloigne de la réalité et la rend moins triviale, me permet d'accepter plus facilement le décalage qu'il opère en faisant jouer ses modèles de façon désincarnée. Je ne sais pas. C'est une hypothèse qui ne vaut que pour moi.
Malgré tout j'aimerais les revoir tout de même par curiosité. Et puis voir "Une femme douce" que je n'ai jamais vu. Je ne sais pas si l'occasion se présentera. 
Une anecdote au passage.
Je me souviens que pour un film, la directrice de casting, — jeune et que je connaissais suffisamment pour qu'elle me fit cet aveu — m'avait dit que le réalisateur, qui depuis a acquis une certaine notoriété, souhaitait que la scène fut jouée sur un mode bressonnien, tout en m'avouant qu'elle ne savait pas trop ce qu'il entendait par là. J'ai fait comme elle a dit, j'ai eu le rôle. Très modeste au demeurant. 
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