Voilà
souvent durant ce court séjour je reviens vers lui qui au premier regard m'a tant fasciné, m'attardant sur son tronc ridé comme la peau d'un vieil éléphant. Je le photographie sous tous les angles, songeant aux transformations que je ne manquerais pas de faire par la suite pour en tirer des images énigmatiques. Ses plis ses nœuds ses cicatrices laissent entrevoir un espace fécond de formes et de projets, mais s'offrent aussi à satisfaire des sensations plus immédiates et enfantines. Depuis combien de temps ne l'ai je pas fait? Je veux moi aussi retrouver ce plaisir que la petite Louise va pour la première fois éprouver à son contact et auquel ma fille à peine arrivée a aussitôt cédé. Comme elles je grimpe a l'arbre qui invite si généreusement à l'escalade, dispensant tous les appuis et les prises nécessaires, et dans les plus hautes branches je vais cueillir ses fruits mûrs avant qu'ils ne s'écrasent au sol et j'en mange même quelques uns dans ses ramures. Ce figuier, nous en avons parlé sitôt franchi le seuil de la cuisine où notre hôtesse préparait une confiture. Et par la suite pas un jour ne passe sans qu'il ne soit question de ses fruits de sa forme de son odeur. De ce qui a pu se dire à l'ombre de son feuillage, et des idées qui peut-être ont surgi dans sa paisible et bienfaisante proximité, puisque la maison a autrefois abrité un homme à la pensée fertile qui a reçu en ces lieux d'illustres visiteurs. Il est là, ce figuier comme un gardien débonnaire, mais imposant. et pour les enfants un refuge à rêveries, à voyages imaginaires à flâneries immobiles. Il suscite en moi sans que je ne sache très bien pourquoi une immense gratitude.
Son écorce m'intrigue. Ses reliefs suggèrent une histoire tortueuse et mouvementée. Toujours j'y reviens, attiré par cette complexité qui dégage un charme singulier, un enchantement souverain. L'arbre, les tempêtes l'ont traversé, le faisant ployer sans qu'il ne cesse jamais pour autant de grandir. Sur son tronc, les blessures sont inscrites : des branches cassées ou coupées dont il ne reste que des moignons. J'aime toucher ce tronc rugueux, cette vie qui donne encore des fruits si doux et sucrés. J'aime cet arbre qui entretient depuis si longtemps, avec la brise marine, avec la lumière, avec tout ce qui l'entoure tant de secrets et mystérieux échanges. J'aime sa présence qui me stimule. Parfois il me semble, qu'il m'attendait...
Un soir, il est presque minuit, les enfants sont couchés depuis longtemps, nous discutons dans le salon en buvant des verres d'Aquavit, et je le vois soudain qui s'affale au milieu de la cour. En une fraction de seconde, le tendre et vieux figuier s'est brisé sous mes yeux. Il a suffi d'une rafale, pas bien forte d'ailleurs pour qu'il cède et s'abandonne avec élégance, à une heure tardive où personne ne se tient dans ses parages, sans rien abîmer de la maison (inachevé)
!
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