Voilà,
tout à coup pour elle l'horizon s'était éclairci. Après avoir vécu quelques années dans son appartement avec un anglais plutôt bohème qui avait fini par repartir, un homme riche au physique ingrat que pour ma part je trouvais assez déplaisant, avait croisé sa route. Elle s'en était éprise et très vite s'était installée chez lui dans un quartier huppé. Je m'étais alors une fois de plus étonné de cette facilité que certaines femmes ont de rencontrer des gens de nature et de milieux très différents et aussi de cette capacité à changer radicalement le cours de leur vie pour s'engager sur une voie totalement autre. Sans doute alors, aurais-je aimé tomber moi aussi amoureux d'une femme riche qui m'aurait affranchi des problèmes quotidiens et peut-être offert de nouveaux champs d'expérimentation où donner toute ma mesure. Il est probable que je la jalousais secrètement de cette opportunité qui s'offrait à elle. Mais aurais-je été capable comme elle de supporter l'air carnassier de cet homme et, quand il lui parlait, cette condescendance teintée de mépris qui caractérise les gens persuadés que la réussite n'est qu'une affaire de compte en banque? Sans doute l'aimait elle vraiment, pour être à ce point sourde et aveugle.
C'est cela qui m'intriguait : qu'est ce qui avait pu les réunir ? Sur quel malentendu cette histoire s'était elle fondée ? Quelle part manquante de soi chacun avait-il cru reconnaître dans l'autre? Astrid semblait même ressentir de la compassion pour cet homme qui selon elle, avait eu à souffrir d'une séparation difficile d'avec une épouse vénale. Était-elle naïve à ce point, ou bien faisait elle preuve d'une duplicité dont je ne l'avais pas imaginée capable ? Ce type répugnant l'attirait-elle vraiment, ou juste la perspective de se caser enfin, et de mener une vie un peu moins étriquée? Je n'arrivais cependant pas à croire que si tel était le cas, elle serait assez forte pour contenir ce prédateur.
Elle était à ce moment-là restauratrice de tableaux contemporains. Mais pour cet homme, que l'amour naissant rendait en tous points admirable, elle avait ouvert son carnet d'adresses et mis à sa disposition ses intuitions et ses connaissances artistiques. Elle travaillerait avec lui désormais. Elle me parlait avec enthousiasme de la Programmation Neuro Linguisitique, de la façon dont avec Patrice ils réfléchissaient à définir une stratégie mettant la création au cœur de toutes les démarches du cabinet de conseil en communication qui portait le nom de son bien-aimé. Ont-ils, par la suite, conçu ensemble, je cite ce qui est écrit sur son site web, des outils et des méthodologies qui grâce à une collaboration permanente avec des artistes (plasticiens, réalisateurs, photographes...) permettent d'accompagner de grandes marques dans leur processus de développement afin de révéler leur capital de création ? Je ne le sais pas. En tout cas, il semble que pour lui les affaires soient plutôt florissantes. Ses bureaux sont à présent dans un quartier riche, ses clients de très grosses sociétés cotées en bourse.
A une amie qui disposait d'une machine adéquate, et avait déjà effectué ce genre de tâche, Patrice, avait alors proposé de transcrire des entretiens sans nous avertir qu'ils étaient fort peu audibles. Faisant valoir la difficulté de ce travail, et les heures supplémentaires que mon amie avait dû y consacrer, j'avais menacé de ne pas restituer les bandes, si elle n'était pas un peu mieux payée. Le gros avait fini par lâcher son fric en maugréant (je me souviens qu'au cours de la conversation un petit point de bave blanchâtre n'avait pas quitté la commissure de ses lèvres), et bien sûr par la suite nos relations en avaient pris ombrage. Sans doute est-ce la raison pour laquelle nous sommes perdus de vue, avec Astrid.
Bien des années plus tard, j'eus pourtant la surprise de recevoir une targeta postal envoyée de Riglos en Espagne. Quelques lignes pour donner succinctement de ses nouvelles. Elle y disait qu'elle serait ravie de me voir qu'elle était toujours en compagnie de Patrice et aussi de Guy-François son garçon de quatre ans et demi. Elle me laissait aussi son téléphone que je ne notai pas pas tout de suite. La carte fut égarée. Alors en fréquents déplacements, mentalement éparpillé, ayant beaucoup de problèmes pour établir un ordre des priorités, je conservai un temps l'idée de la rappeler, mais ne retrouvant pas la carte je finis par négliger cet objectif.
tout à coup pour elle l'horizon s'était éclairci. Après avoir vécu quelques années dans son appartement avec un anglais plutôt bohème qui avait fini par repartir, un homme riche au physique ingrat que pour ma part je trouvais assez déplaisant, avait croisé sa route. Elle s'en était éprise et très vite s'était installée chez lui dans un quartier huppé. Je m'étais alors une fois de plus étonné de cette facilité que certaines femmes ont de rencontrer des gens de nature et de milieux très différents et aussi de cette capacité à changer radicalement le cours de leur vie pour s'engager sur une voie totalement autre. Sans doute alors, aurais-je aimé tomber moi aussi amoureux d'une femme riche qui m'aurait affranchi des problèmes quotidiens et peut-être offert de nouveaux champs d'expérimentation où donner toute ma mesure. Il est probable que je la jalousais secrètement de cette opportunité qui s'offrait à elle. Mais aurais-je été capable comme elle de supporter l'air carnassier de cet homme et, quand il lui parlait, cette condescendance teintée de mépris qui caractérise les gens persuadés que la réussite n'est qu'une affaire de compte en banque? Sans doute l'aimait elle vraiment, pour être à ce point sourde et aveugle.
C'est cela qui m'intriguait : qu'est ce qui avait pu les réunir ? Sur quel malentendu cette histoire s'était elle fondée ? Quelle part manquante de soi chacun avait-il cru reconnaître dans l'autre? Astrid semblait même ressentir de la compassion pour cet homme qui selon elle, avait eu à souffrir d'une séparation difficile d'avec une épouse vénale. Était-elle naïve à ce point, ou bien faisait elle preuve d'une duplicité dont je ne l'avais pas imaginée capable ? Ce type répugnant l'attirait-elle vraiment, ou juste la perspective de se caser enfin, et de mener une vie un peu moins étriquée? Je n'arrivais cependant pas à croire que si tel était le cas, elle serait assez forte pour contenir ce prédateur.
Elle était à ce moment-là restauratrice de tableaux contemporains. Mais pour cet homme, que l'amour naissant rendait en tous points admirable, elle avait ouvert son carnet d'adresses et mis à sa disposition ses intuitions et ses connaissances artistiques. Elle travaillerait avec lui désormais. Elle me parlait avec enthousiasme de la Programmation Neuro Linguisitique, de la façon dont avec Patrice ils réfléchissaient à définir une stratégie mettant la création au cœur de toutes les démarches du cabinet de conseil en communication qui portait le nom de son bien-aimé. Ont-ils, par la suite, conçu ensemble, je cite ce qui est écrit sur son site web, des outils et des méthodologies qui grâce à une collaboration permanente avec des artistes (plasticiens, réalisateurs, photographes...) permettent d'accompagner de grandes marques dans leur processus de développement afin de révéler leur capital de création ? Je ne le sais pas. En tout cas, il semble que pour lui les affaires soient plutôt florissantes. Ses bureaux sont à présent dans un quartier riche, ses clients de très grosses sociétés cotées en bourse.
A une amie qui disposait d'une machine adéquate, et avait déjà effectué ce genre de tâche, Patrice, avait alors proposé de transcrire des entretiens sans nous avertir qu'ils étaient fort peu audibles. Faisant valoir la difficulté de ce travail, et les heures supplémentaires que mon amie avait dû y consacrer, j'avais menacé de ne pas restituer les bandes, si elle n'était pas un peu mieux payée. Le gros avait fini par lâcher son fric en maugréant (je me souviens qu'au cours de la conversation un petit point de bave blanchâtre n'avait pas quitté la commissure de ses lèvres), et bien sûr par la suite nos relations en avaient pris ombrage. Sans doute est-ce la raison pour laquelle nous sommes perdus de vue, avec Astrid.
Bien des années plus tard, j'eus pourtant la surprise de recevoir une targeta postal envoyée de Riglos en Espagne. Quelques lignes pour donner succinctement de ses nouvelles. Elle y disait qu'elle serait ravie de me voir qu'elle était toujours en compagnie de Patrice et aussi de Guy-François son garçon de quatre ans et demi. Elle me laissait aussi son téléphone que je ne notai pas pas tout de suite. La carte fut égarée. Alors en fréquents déplacements, mentalement éparpillé, ayant beaucoup de problèmes pour établir un ordre des priorités, je conservai un temps l'idée de la rappeler, mais ne retrouvant pas la carte je finis par négliger cet objectif.
Il y a peu en rangeant ma bibliothèque, j'ai retrouvée ladite carte restée coincée trois ans entre les pages d'un livre. J'ai envoyé un texto, et très vite Astrid a répondu "ça fait plaisir quand ce sont les amis qui appelle". La faute d'orthographe m'a étonné, et le terme d'ami surpris. Tout de même bien des années de silence se sont écoulées. Puis le lendemain elle a laissé un autre message, sur le répondeur cette fois. La voix était faible, très vieillie, mais disait clairement qu'elle vivait des choses assez désagréables. Je ne pouvais faire autrement que de rappeler. J'ai ainsi appris que depuis sept ans, juste après la naissance de son enfant, elle souffre d'une grave maladie évolutive qui l'empêche désormais d'être autonome et que le mois prochain elle doit aussi subir l'ablation d'un organe. Qu'elle est en instance de divorce parce que dit-elle, son mari ne supporte plus de vivre avec quelqu'un qui a du mal a grimper les marches. Il y a parfois des nouvelles dont on se passerait bien.
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