lundi 11 mars 2024

Là dans le monde

 

Voilà,
c'est là dans le monde ça pourrait aussi bien ne pas être c'est insignifiant juste un détail mais ça s'introduit impératif et indiscutable dans le regard ça exige son cadre, sa représentation, sans raison ni explication. L'œil saisit, et dans un même temps le cerveau décrète que c'est bon ça mérite d’être révélé et transmis.
C'est aujourd'hui devenu une banalité de rappeler que, quels que soient la nature et le support d'une représentation, le point de vue du regardeur joue un rôle crucial dans sa signification et son impact. La même image, par exemple, peut être interprétée d'innombrables façons en fonction des expériences, des croyances et des émotions de quiconque la regarde L'intention de l'auteur n'est qu'une pièce du puzzle - l'interprétation du spectateur complète en quelque sorte "l'œuvre". Cette relation dynamique établit une conversation entre le sujet, l'auteur et le spectateur, ajoutant une couche de complexité.
En outre, l'évolution de la société et de notre culture modifient notre point de vue sur le monde. Des réalisations faites il y a plusieurs dizaines d'années, peuvent prendre une nouvelle signification à mesure que notre perception de l'esthétique se transforme. Le regard n'est pas seulement une expérience momentanée, mais le reflet de l'évolution des valeurs de la société à laquelle nous appartenons.
Ainsi Au cours du XXe siècle, avec l'avènement de la société de consommation et de l'industrialisation, les artistes ont commencé à intégrer non seulement des objets du quotidien, mais aussi des déchets, dans leurs œuvres. Il faut y voir la conséquence d'une évolution logique de la conception de l'art et de son rôle dans la société. Le premier sans doute à utiliser des choses, cassées, becs de gaz, fils de fers entortillés, bouts de ficelle, pages de journaux collées, morceaux de chaises d’osier, poignées de portes, fragments de tôle tordus, morceaux de bois repeints et assemblés sous forme de sculptures ou de bas-relief fut bien évidemment Picasso au début du XXe siècle. Puis avec les ready-made Marcel Duchamp, en présentant des objets manufacturés comme des œuvres d'art, a au début du vingtième siècle, remis en question les définitions traditionnelles de l'art et son rôle dans la société. 
Après la Seconde Guerre mondiale, avec l'émergence du mouvement Arte Povera en Italie, les déchets et les matériaux non conventionnels ont commencé à être utilisés de manière plus systématique. Les artistes de ce mouvement, comme Michelangelo Pistoletto et Jannis Kounellis, utilisaient des matériaux pauvres et humbles, souvent récupérés, pour créer leurs œuvres. Cette démarche était une réaction à l'industrialisation croissante et à la commercialisation de l'art, et visait à réaffirmer la valeur intrinsèque des matériaux et la capacité de l'art à transcender les frontières entre la vie et l'art.
Dans les années 1960 et 1970, le mouvement Fluxus et les artistes du Nouveau Réalisme, comme Daniel Spoerri ou Arman, ont continué à explorer l'utilisation des déchets dans l'art. Ils attribuaient aux objets jetés un fort potentiel esthétique et conceptuel. S’ils utilisaient souvent dans leurs œuvres des déchets industriels ou des objets du quotidien  c’était aussi pour implicitement critiquer la société de consommation et l'obsolescence programmée.
Il est probable que ma sensibilité aux images déchirées — au point d'y consacrer un libellé dans ce blog —  doit beaucoup au travaux de  Raymond Hains et Jacques Villéglé qui dans les années 1950 et 1960,  ont commencé à utiliser des affiches arrachées ou déchirées par le vent la pluie ou les passants comme matériau pour leurs œuvres. En récupérant ces fragments d'affiches, en les arrachant de leur contexte publicitaire pour les exposer dans des galeries Hains et Villeglé ont transformé des déchets urbains en œuvres d'art. Par là même, ils ont questionné la fonction et la valeur des images dans la société de consommation.
En outre, utilisant des affiches politiques ou publicitaires, lacérant puis réassemblant ces images, ces artistes ont créé de nouvelles significations et ont encouragé les spectateurs à remettre en question les messages véhiculés par les médias, mais aussi à trouver de la beauté dans ce qui ne suscite ordinairement que l'indifférence des passants.

3 commentaires:

  1. A remarkable image, and a thoughtful post. Forgive me, but my first thought (only for an instant) was an "Oscar" with a Dali clock on its belly. That quickly went away.

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  2. Cette évolution de l'art, ou plutôt la recherche d'éléments nouveaux, est intéressante quoique parfois (à mes yeux, of course) un peu pauvre. Tout le contraire de ton image qui frappe mon imagination, super!

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