Voilà,
Je dois à Murièle Modély — dont je recommande par ailleurs la consultation du site "l'œil bande" et la lecture de ses recueils de poésie — , la découverte de ce texte, qui me semble d'une effroyable actualité : "Une société en déficit de représentation oscille en effet entre la passivité et les peurs. Elle tend à être dominée par le ressentiment, qui marie la colère à l'impuissance, et ne peut donc penser concrètement l'action sur elle même. Elle doit en effet sans cesse simplifier et caricaturer le réel pour espérer le rendre malléable. La mal représentation conduit à gommer la réalité, à le rendre indicible. Un rapport simultanément magique et soumis au monde se durcit sur cette base. La société finit par ériger des boucs émissaires en uniques causes de tous ses maux et à ne plus pouvoir s'appréhender que sous les espèces d'un bloc indistinct en butte à des puissances maléfiques radicalement étrangères. En même temps la politique est de plus en plus violemment rejetée et assimilée à ce qui est structurellement extérieur à la vie des gens. C'est dans ces termes qu'il faut aussi comprendre ce qui apparait comme une crise de la volonté. Le sentiment d'impuissance que beaucoup d'hommes et de femmes ressentent tragiquement aujourd’hui n'a pas seulement pour origine une démission paresseuse du politique. Il naît également de la résistance de la réalité aux vieux concepts avec lesquels on l'appréhende. Les mots ne disent plus les choses et s'avèrent donc incapables de les modeler. L'écart entre la réalité vécue et la réalité pensée constitue pour cela désormais un verrou majeur à la transformation de la société autant qu'à la reconquête de la dignité des individus. Une société illisible à ses propres yeux, dominée par l'ignorance d'autrui est simultanément une société opaque pour les gouvernants. c'est l'autre face du probleme. Ces derniers s’avèrent incapables d'en saisir les ressorts, d'en cerner les attentes. eux aussi perdent le contact avec le réel. La langue de bois politique se développe sur cette base, expression d'un rapport également incantatoire à la réalité. Le populisme des gouvernés et l'impuissance des des gouvernants entrainant la vie politique dans une spirale fatalement régressive. [...] "Raconter la vie" contribuera aussi à encourager l’intérêt pour autrui ; c'est en cela que le projet a également une dimension morale [...], il s'agit de sortir de l'invisibilité toute la société, et de produire une connaissance qui rapproche ses membres entre eux. C'est une connaissance interactive de l'ordinaire en lieu et place d'une mise en scène de l'extraordinaire. [...] la démocratie, on l'a dit ne peut vivre si les hommes et les femmes ne font pas société. La connaissance d'autrui est le socle de cette entreprise etc."
Le parlement des invisibles, Pierre Rosanvallon, (Raconter la vie), Seuil, 2014
shared with friday face off
Terrible times for Paris and the world Kwarkito, so sad.
RépondreSupprimerYes....
RépondreSupprimerMais, beau titre. Et mais, belle citation. Magnifique, Muriel, de déjà parler. Pour dire mieux que moi ce à quoi j'aurai à ajouter, en tout cas rien à enlever. Encore dans l'émotion. Puis-je dire que même si c'est faux, je n'ai pas boudé cette journée, il y en a si peu ? Et oui il y avait Abdallah de Jordanie. Mais oui il y avait dans le RER bondé gens de tous sexes et de tous âges assis, au retour, sur les genoux les uns des autres. Sûrement des obsédés et des pickpockets parmi eux. Mais c'est quand même plus rare en France qu'en Inde. A ne pas bouder. Honneur à Muriel Modély, donc, d'avoir été à la hauteur de l'événement un poil avant d'autres. Et merci à toi de relayer ça.
RépondreSupprimerEuh je reviens à mon intention première (gros bavard que je suis qui se soigne par la poésie).
RépondreSupprimerUn solitaire qui aime la foule. Ce ne serait pas un photographe raté ? Bien à toi.
Juste pour une correction : " Murièle", en présentant mes excuses.
RépondreSupprimerNothing so frustrating and painful as impotent rage. Your art captures it!
RépondreSupprimerThe most challenging issues in the world today, I think, are the result of climate change and the consequent impending loss of agricultural production, and thus looming food shortages. The abdication of social and political responsibility that’s described here is a sign that societies are refusing to face the real fate that is waiting. But there’s no real way to deal with it other than verbally dodging the fundamentals.
RépondreSupprimerbest, mae at maefood.blogspot.com
Good
RépondreSupprimerI wonder if he just woke up. :)
RépondreSupprimerWow! Thank you for sharing with FFO.
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