mardi 30 juin 2020

Tour de France


Voilà,
le Tour de France aurait du commencer samedi dernier... Cela fait partie des choses qui rythment la vie de ce pays, et relèvent en quelque sorte de notre folklore national. Un été sans tour de France c’est, dirait Leonard Cohen, «comme un tiroir sans opium, comme un œillet d’Inde transformé en vulgaire marguerite». Les derniers étés sans tour de France advinrent pendant l’occupation nazie. C'est à ce genre de détails que l'on comprend l'ampleur de la crise que nous traversons. Je ne suis pas particulièrement passionné par le cyclisme, mais les étapes de montagne, par exemple ont toujours quelque chose de fascinant. Je me souviens de l'été 1967 à Biscarrosse qui fut celui où j'appris à faire de la voile avec la fille et le gendre de nos voisins qui possédaient un petit Jeanneau ammarré à Port Maguide sur le lac de Sanguinet. Un jour dans la voiture (une très vieille Mercédès qui possédait un autoradio), alors que nous revenions d'une journée sur le lac nous apprîmes la mort  du cycliste Anglais Tom Simpson sur les côtes du mont Ventoux, dûe à une overdose de produits dopants. Je me souviens aussi de mois de juillet 1972 à Paris, où je regardais le duel entre Eddie Merckx et Luis Ocana en mangeant des pop corn que je m'étais préparé, dans l'appartement de l'école polytechnique que j'avais pour moi tout seul puisque mes parents travaillaient et que mon jeune frère était chez sa nourrice. Et depuis il m’est souvent arrivé de suivre ces étapes de montagne à la télévision. Même si l’on sait que la plupart de ces coureurs sont dopés à mort, le spectacle de la souffrance qu’ils s’infligent à l’assaut de certains cols demeure attrayant. « Du pain et des jeux », le vieil adage romain reste actuel. Néanmoins, de grands auteurs comme Albert Londres ou Antoine Blondin ont écrit sur cette épreuve chantant la geste de ses martyrs et de ses héros, contribuant ainsi à lui donner des lettres de noblesses, ce qui dans un pays autrefois si épris de littérature n’est pas rien.
Plus tard dans ma vie, j'ai rencontré des gens qui passaient leurs vacances l'été dans les Alpes afin de pouvoir assister aux étapes de montagne. Ils avaient même dans leur salon une assiette à l'effigie de Raymond Poulidor, l'éternel second du tour de France. Pour ma part je n’ai, enfant, jamais beaucoup possédé de ces figurines de cyclistes. Je leur préférais les voitures de courses de la marque Dinky Toys, même si les premières que je me suis achetées était de la marque majorette. Il est possible que j’ai déjà évoqué cet épisode. Je me rappelle que lorsque nous allions à Bordeaux, Chez ma grand-mère qui habitait rue de la Devise, nous passions souvent au magasin de jouets de Maurice Verdeun (qui d’ailleurs était un ancien champion cycliste) dans ce passage couvert appelé je crois la galerie bordelaise. Elle m’offrait souvent une de ces miniatures. Aujourd’hui encore la vision d’une boîte jaune Dinky Toys continue de m’émouvoir. Elle réactive les convoitises qui me saisissaient alors devant certaines devantures.
linked with weekend reflections

dimanche 28 juin 2020

Palais de la Porte dorée



Voilà,
il y a deux semaines j'avais publié la peinture murale de Pointe-à-Pître, commémorant un massacre perpétré par la police française en 1967. Aujourd'hui j'ai choisi de montrer des fragments des monumentales fresques de l'ancien Palais des colonies de la Porte Dorée, conçu et édifié pour l'exposition qui eut lieu en 1931 afin d'exalter "la mission civilisatrice de la France" dans les outremers et dont il reste encore quelques vestiges éparpillés dans le bois de Vincennes. Aujourd'hui reconverti en musée de l'histoire de l'immigration, le bâtiment abrite toujours ces scènes peintes, dans les années 30, par Pierre Ducos de la Haille, sorte de Puvis de Chavannes de la propagande colonialiste. On ne va pas épiloguer la dessus et ressasser les lieux-communs relatifs à cette période historique. Louis-Ferdinand Céline a, dans "Voyage au bout de la nuit" décrit avec suffisamment d'ironie et une implacable clairvoyance la réalité coloniale et la connerie des petits blancs venus tenter l'aventure en Afrique.
Néanmoins, ces fresques m'intéressent. Destinées à vendre de l'illusion, elles étalent les mensonges et les croyances des occidentaux de la première moitié de XXème siècle persuadés de leur supériorité sur le reste du monde et décrivent les outremers comme autant de lieux peuplés de gens n'attendant que la bonne parole de l'homme blanc. Ce vaste ensemble constitue une sorte d'iconographie de cette prétention à l'universalisme qui n'a jamais abouti. Il est possible que ces peintures murales soient un jour saccagées, parce qu'elles témoignent d'un passé désormais considéré par la plupart de nos contemporains comme honteux. Il y a quelques semaines on a bien barbouillé la statue de Voltaire au motif que ce dernier aurait tenu des propos racistes au XVIIIème siècle. 
Oui bien évidemment, esclavagisme et racisme sont indéfendables. Ils demeurent cependant ce qu'il y a de mieux partagé au monde et au cours des temps par tous les peuples et les civilisations de cette terre. Souvent sommaire, l'approche essentialiste, anachronique et moralisante constitue une forme de paresse intellectuelle, palliant bien des ignorances ; elle se refuse à mettre en perspective les événements et les pensées dans le temps long de l'histoire. L'époque a tendance à réfuter la complexité. Pour ma part je me méfie des iconoclastes. On commence à renverser des statues, on finit par brûler les bibliothèques. Quoiqu'il en soit, je n'oublie pas que j'écris ceci sur une machine sûrement assemblée dans une de ces gigantesques usines-casernes où s'échinent des cohortes d'ouvriers chinois soumis à des cadences infernales ni que la plupart des composants de cette machine proviennent de minerais dont les gisements sont creusés dans des conditions effroyables en Afrique et en Asie du Sud-Est. Je n'oublie pas non plus qu'un occidental tourmenté est quelqu'un qui a la possibilité de pouvoir encore s'accommoder de ses contradictions. (linked with monday mural)

vendredi 26 juin 2020

Lavandiers près de Karachi

Alentours de Karachi (1991)
Voilà,
je croyais avoir déjà mis en ligne des photos des lavandiers aperçus aux alentours de Karachi, et dont on peut voir le linge nettoyé à la cendre (riche en potasse) sécher au loin entre les arbres et les ballots de tissus. C'est une des premières photos que j'ai prises au Pakistan. Je crois que c'était sur le chemin de Clifton Beach, mais je n'en suis pas tout à fait certain. J'étais sidéré d'être là, fatigué du voyage, un peu perdu à cause du décalage horaire, ne comprenant pas grand chose à ce que je voyais ou entendais, en particulier l'anglais qu'on me parlait et que j'avais du mal à décrypter. J'avais quitté l'Europe au moment de la tentative de coup d'état militaire en URSS un mois plus tard à mon retour, l'URSS n'existait plus), et je me retrouvais là, —heureusement en compagnie d'amis plus ou moins rompus aux traditions locales — mais un peu comme un somnambule, incapable de trouver la bonne distance avec ce que je voyais. Je ne me sentais pas très à l'aise, appréhendant difficilement les codes en usage dans cette ville énervée et surchauffée où vivre consiste surtout à survivre. (Linked with the weekend in black and white)

jeudi 25 juin 2020

Toutes les réalités


Voilà,
"La recherche scientifique de l'avenir viendra peut-être à découvrir que toutes les réalités sont des dimensions d'un même espace, qui ne serait donc ni matériel ni spirituel. Dans une dimension, nous vivons peut-être notre corps ; dans une autre nous vivons notre âme. Et il existe peut-être d'autres dimensions, où nous vivons également d'autres aspects tout aussi réels de nous-mêmes. Il me plaît parfois de me laisser aller à une méditation gratuite sur le point le plus reculé auquel ces recherches peuvent conduire."  écrivit un jour Fernando Pessoa  dans "Le livre de l'intranquillité". J'aime assez cette intuition poétique, et j'y repense assez souvent dans les troublants reflets qu'offre l'espace où je me déplace, et qui parfois me capturent sans que je ne m'en aperçoive. Dans cette image la femme semble s'éloigner de l'homme en jaune, alors qu'en fait elle vient à sa rencontre, et je me découvre soudain entre eux deux alors que je ne pensais pas m'y trouver. C'est comme ces moments où croyant nous rassembler dans ce que nous nommons identité, nous nous éparpillons dans les figures chimériques de ce que nous aurions voulu être sans jamais y parvenir. (Linked with weekend reflections)

dimanche 21 juin 2020

Le jour où j’ai vu André Malraux



Voilà,
aux alentours du Panthéon, un artiste nommé, C215 peint sur les boîtiers électriques ou sur certains murs du quartier les portraits de ceux et de celles qui reposent dans cet édifice au frontispice duquel est inscrit "Aux grands hommes la patrie reconnaissante". Parmi eux se trouve André Malraux, l'auteur de "La condition humaine" qui inventa et dirigea le Ministère de la Culture sous de Gaulle. Une admiration réciproque et une amitié sincère liaient ces deux hommes aux parcours pourtant si différents. Mes parents militaires n'aiment pas De Gaulle au prétexte qu'il avait bradé l'empire colonial et surtout l'Algérie, et se moquaient de Malraux lorsqu'il passait à la télévision à cause des nombreux tics dont il était affligé. Et puis mon père exécrait les intellectuels, j'en ai déjà parlé ici ou bien . De Malraux, on disait en plus qu'il était opiomane, drogué, je ne sais quoi d'autre encore. Ce qui du coup me le rendait a priori plutôt sympathique.
Entre 1970 et 1975, j'ai habité à l'Ecole Polytechnique, rue de la montagne Sainte Geneviève, établissement militaire où mes parents travaillaient et bénéficiaient d'un modeste appartement de fonction sous les toits du bâtiment Boncourt. En 1971 ou 1972, Malraux vint donner une conférence à l'amphithéâtre Poincaré à l'attention des polytechniciens. Etonnamment, mon géniteur me proposa d'y assister car il pouvait me faire discrètement rentrer si je le souhaitais. Ainsi donc m'étais-je faufilé tout en haut de l'amphi, que je connaissais bien. Certains samedi je venais y caresser avec un mélange d'effroi et de fascination les touches du grand piano noir qui s'y trouvait. J'avais alors une quinzaine d'années.
Malraux assis derrière le vaste bureau, commença son discours, tassé recroquevillé sur lui même, bredouillant de façon presque inaudible, projetant parfois ses bras dans l'air de manière désordonnée. Il y a des dessins de kafka qui me font songer à cette vision. J'étais gêné, embarrassé par le spectacle de ce vieillard, assailli de tics, qui ne semblait pas maîtriser son corps. Un mot existe en finnois Myötähäpeä (qui se prononce "meuhtaapear" pour signifier la honte qu'on éprouve pour un autre. C'était exactement ça. Et en même temps je ressentais une grande pitié pour lui. J'en avais les larmes aux yeux. Et puis petit à petit un changement s'opéra. À peine perceptible dans un premier temps. Oui il semblait que le corps trouvait peu à peu une certaine fluidité. Une gestuelle étrange commençait à sculpter son espace, les bras se déployaient parfois, et la parole devenait audible, ample. Comme si le corps et la pensée s'accordaient enfin. Quelque chose d'indéfinissable prenait mystérieusement forme devant moi. Des idées s'incarnaient soudainement. C'était un spectacle sidérant et envoûtant . Quasi hypnotique. L'intelligence se manifestait là comme un acte purement physique, une incarnation puissante et visionnaire. Une présence. Ce que je voyais là c'était la réflexion en mouvement, l'esprit qui se représentait dans une chorégraphie assise, étrange et violemment poétique, c'était la pensée comme une irruption, une insurrection, avec une forme de folie assumée malgré le costume et la cravate. Jamais de ma vie, je n'avais assisté à un événement aussi fascinant et mystérieux.
Je ne savais alors pas, toutes les douleurs et les deuils que cet homme avait du affronter au cours de son existence.
Quelques années après, j'ai pu parler de Malraux avec Philippe Tiry. Car lors de l'inauguration de la maison de la culture dont il fut le premier directeur, il avait pu avoir de longs échanges avec lui. Et puis il y eut aussi cette singulière exposition à la fondation Maeght, intitulée le musée imaginaire. Oui Malraux c’était aussi ça, l’homme qui a eu le projet (hélas avorté puisqu’il n’y en eu qu’une dizaine aujourd’hui toutes reconverties en salles de spectacle) d’édifier une maison de la Culture par département. Du moins favorisa-t-il dans notre pays la décentralisation culturelle. Oui il fut un temps en France où l’on considérait la culture comme un service public au mème titre que l’enseignement ou la santé. Mais aujourd’hui on voit dans quelle piètre considération on tient les personnels de santé les chercheurs et les enseignants. Quant à la culture... Le gouvernement vient tout juste d’autoriser la réouverture des casinos. Les théâtres sont toujours en quarantaines et les musées d’un accès limité.
Je sais bien tout ce qu'on pourra m'objecter au sujet de Malraux et qui n'est pas infondé : sa mythomanie, son goût pour l'affabulation et qu'il fut trafiquant et pilleur d'œuvres d'art dans sa jeunesse, certain verront en lui un chantre de l'appropriation culturelle, ou critiqueront son adulation  hystérique à l'égard de de Gaulle, ou encore railleront son goût pour l'emphase et l'autocitation.
Mais je m'en fous complètement.
Il y a eu cette vision dans ma vie tout comme il y eut l'éloge funèbres de Jean Moulin au Panthéon et l'hommage à Georges Braque dans la cour carrée du Louvre qui sont particulièrement poignants, et me bouleversent toujours autant lorsque je les entends.
Ça ne m'empêche pas d'aimer aussi des œuvres de Cioran, Thomas Bernhard, Bukowski entre autres, et les dessins de Reiser. 
D'ailleurs  je suis même très capable de m'en moquer. J'adore l'imiter et je le fais très bien.
(linked with Monday Mural)

jeudi 18 juin 2020

Déconfinement


Voilà,
cette photo, exemple de distanciation physique sans port de masque, je l'ai prise au premier jour du déconfinement à proximité de l'église St Merri, non loin du centre Georges Pompidou. Il existe un mot japonais pour designer le fait de faire une sieste dans un lieu public : ça se dit Inemuri. Pour ma part, c'est une chose dont je suis incapable. Mais il y a tant de choses dont je suis incapable. Renoncer par exemple. En certaines circonstances c'est une forme de sagesse. Il y a des épreuves qu'on n'est pas tenu de s'infliger après tout. Par exemple, je ne m'explique pas cette obstination absurde et quasi maladive à vouloir écrire en dépit de tous les désagréments liés à ces laborieuses tentatives. Je ne parle même pas du temps passé à agencer trois malheureuses lignes pour tenter de donner une forme que j'espère au plus près de ma pensée. Pensée qui d'ailleurs se dissipe au fur et à mesure que je m'échine à la formuler. Trouver les mots justes, les accorder ensemble, les placer dans un ordre clair et judicieux, éviter les ambiguïtés, les redites, les lourdeurs, chercher une certaine musicalité sans être pour autant certain d'y parvenir, réfléchir à la ponctuation, je trouve ça épuisant ! Tout ça pour finalement sombrer dans l'insatisfaction et s'apercevoir que tous ces efforts ne concourent qu'à tailler un grossier silex au lieu du diamant espéré. Je devrais m'en foutre. Tant de gens qui font profession d'écrire graphouillent comme des sagouins et pondent des quantités de merdes affligeantes qui recueillent néanmoins l'adhésion. M'en foutre ou laisser tomber. Pourquoi donc, ne pas se contenter de fabriquer des images, activité beaucoup plus amusante, légère et indolore, ou simplement de prendre des photos, occupation qui agrémente la flânerie et favorise la marche à pied ? Pourquoi cette incapacité à rédiger avec nonchalance et spontanéité ? Sûrement y-a-t-il des enjeux cachés qui m'échappent, un truc psy qu'il me faudrait débusquer. Mais c'est trop tard. Tenter de comprendre comment poser une moustiquaire sur une fenêtre en consultant les fiches bricolage de Leroy-Merlin me pompe déjà un temps considérable et me plonge dans des abîmes de perplexité, alors fouiller mon inconscient pour analyser les causes et les raisons de cette contention intellectuelle, on oublie. J'espérais qu'avec les années l'exercice prendrait un tour plus détendu mais il n'en est rien. Du moins, est-ce là l'occasion de réviser ma grammaire, de diversifier mon vocabulaire, de me prêter à des gymnastiques mentales qui tiennent mon cerveau en éveil et activent ce qu'il me reste de neurones encore valides. C'est déjà pas mal. Quand même ! (Linked with the weekend in black and white)

mercredi 17 juin 2020

l'Hypothèse communiste


Voilà,
Boulevard Lénine, à Bobigny, l'hypothèse communiste chère au philosophe Alain Badiou, n'est pas d'actualité. Plutôt son hypothèque. Ainsi, la confiance est à vendre, peut-on constater. Dans le reste du pays, celle qu'on porte aux dirigeants est perdue ; celle qu'on peut accorder à l'avenir ne vaut guère mieux. D'ailleurs, le sous-titreur d'un des nombreux et lénifiants messages de notre pangolin de la république lors du confinement n'avait-il pas — maladresse ou intention ? — écrit "foutur" au lieu de futur. Foutur : futur foutu.
"Que faire" demandait déjà en son temps le camarade Lénine sans qu'il trouvât pour autant la solution. C'est sans doute sans espoir. Mais bon que cela soit clair, ce n'est pas moi qui suis désespéré, c'est l'Époque qui est désespérante. (linked to signs2)


lundi 15 juin 2020

Comme des voix perdues dans la nuit


Voilà
" la vie entière de l'âme humaine est mouvement dans la pénombre. Nous vivons dans le clair-obscur de la conscience, sans jamais nous trouver en accord avec ce que nous sommes, ou supposons être. Les meilleurs d'entre nous abritent la vanité de quelque chose, et il y a une erreur d'angle dont nous ignorons la valeur. Nous sommes quelque chose qui se déroule pendant l'entracte d'un spectacle ; il nous arrive parfois, par certaines portes d'apercevoir ce qui n'est peut-être que des corps ou décor. Le monde entier est confus, comme des voix perdues dans la nuit" (Fernando Pessoa in "Le livre de l'Intranquillité") Linked with weekend reflections

dimanche 14 juin 2020

La fresque de Pointe-à-Pître



Voilà,
il existe à Pointe-à-Pître, en Guadeloupe, une fresque murale peinte par Philippe Laurent. Inaugurée en mai 2007 et entièrement financée par souscription populaire, elle représente une scène survenue en mai 1967 sur la place de la Victoire à Pointe-à-Pitre : on peut  y voir des manifestants Jacques Nestor et Harry Pincemaille tomber sous les balles de la police. (linked with Monday mural).

vendredi 12 juin 2020

Superhéros


Voilà,
HBO a donc décidé, surfant sur la vague d'émotion suscitée par le meurtre commis sur la personne de George Floyd, de supprimer momentanément de son catalogue "Autant en emporte le vent". C'est évidemment de la bonne conscience pour pas cher. Au passage on a d'ailleurs gracié un siècle après Max Mason, lynché en 1920 à Duluth, Minessota, après avoir été injustement accusé de viol. A ce compte là il faudrait mettre en quarantaine soixante dix pour cent des westerns puisque réunis, ils constituent une apologie manifeste du génocide des indiens d'Amérique. Mais bon, aujourd'hui les indiens tout le monde s'en fout, il y en a presque plus. Et puis si on veut aller par là, il faudrait aussi arrêter de commémorer le thanksgiving day, ce jour honni par toutes les dindes américaines. Car ce remerciement aux indigènes Wapanoags qui partagèrent leur savoir en matière d'agriculture locale avec ces pèlerins qui, il faut bien le dire étaient à la bible ce que les radicaux islamistes sont au coran, c'est à dire une bande d'abrutis puritains et schismatiques, fut quand même une belle entourloupe quand on sait le sort par la suite réservé aux populations natives.
Eh oui l'émotion c'est pratique, ça évite de réfléchir. Heureusement qu'il y a les superhéros. S'ils ne sauvent pas le monde au moins, j'ai vu ça dans pleins de films préserveront-ils l'Amérique des périls qui la menacent.
Cela me rappelle cette vitrine de coiffeur aperçue pendant le confinement, dans laquelle se trouve un mannequin représentant Wonderwoman, on se demande bien pourquoi d'ailleurs. des petits malin avaient écrit sur la vitre "Viens nous sauver" et "O.K. la meuf est complètement mytho"

jeudi 11 juin 2020

Pas tout loupé


Voilà,
aujourd'hui, après m'être promené au jardin du Luxembourg où j'ai fait cette photo que font tous les touristes, je suis allé du côté de St Germain-des-prés. Un groupement de galeries du quartier organisait une opération intitulée "Visitons nos galeries" pour officialiser leurs réouvertures. A la galerie "les yeux fertiles", Au bord des larmes comme écrivait Tchekhov, j’ai été saisi d’émotion par un petit tableau carré dans les couleurs bleues vertes violettes (je ne sais pas très bien je suis dyschromate) et des aquarelles sur vélin d'Arches dans le genre beige de Joaquim Ferrer. Elles n'étaient pas si chères mais encore trop pour moi. C'est là que je me suis rendu compte que j'avais en partie plutôt raté la vie matérielle. Mais bon, je me console en songeant que j'ai une fille adorable, charmante, intelligente et douée, rationnelle et scientifique, et bien plus travailleuse que son père. Nous nous entendons bien et nous rions souvent ensemble, et que cet amour là est ce qu'il y a de plus précieux. Finalement je n'ai quand même pas tout loupé. (linked with skywatch friday)

mercredi 10 juin 2020

Scène de crime


Voilà,
Le visage paisible de la haine ordinaire sûre de son impunité en convoque un autre, désormais disparu, et dont il me semble, certains jours, reconnaître quelques traits, lorsque je croise mon visage dans un reflet. Ce regard froid, indifférent de celui qui, sans état d'âme accomplit sa tâche avec méthode et professionnalisme, parce que, pense-t-il sans doute comme ses trois collègues complices, on le paye pour ça, pour faire le sale boulot, et qui s'offre à la caméra avec une assurance tranquille, dégoûte et suscite l'effroi. On y devine comme une lueur de défi quand il fixe l'adolescente qui le filme, quelque chose du genre "regarde ce qu'on fait à ceux de ton espèce, ton tour viendra". Autant que la Bible, autant que la corruption du nom de Dieu écrit sur les billets de banque (ce qui constitue en soi un blasphème  — et l'on sait le sort que la divinité réserva aux adorateurs du veau d'or), le meurtre de l'homme noir est inhérent à l'histoire des Etats-Unis qui, ne l'oublions pas, se sont constitués sur le génocide des peuples indiens. Là encore, dieu a bon dos et, n'en déplaise à mes amis croyants, il n'y a qu'un pas de "In god we trust" à Gott mit uns". Après tout, le patronyme de ce meurtrier qui fleure bon le fumier du terroir français, nous rappelle que cette amérique blanche est venue d'Europe, qu'elle en est un surgeon. Ici aussi en France, notre police peut tuer en toute impunité. Sans doute le fait elle moins souvent, mais elle le fait — quoi qu'en prétendent nos gouvernants et la plupart des syndicats de police — de préférence avec des noirs et des arabes, car la déportation massive de juifs, à laquelle en un autre temps elle a diligemment contribué, est passée de mode. Il y a sans doute bien des choses à cacher sans quoi un député de droite ne proposerait pas d'infliger une amende particulièrement dissuasive à quiconque filmerait les forces de police en action. D'ailleurs la découverte de groupes privés, essentiellement composés de policiers, sur les réseaux sociaux, et des propos particulièrement nauséeux qui s'y échangent, contribuent à amplifier la suspicion de racisme et la défiance dont les forces de l'ordre sont de plus en plus souvent l'objet, ces dernières années.
Quel rapport avec la photo ? Aucun.
Les mannequins sont blancs.
(Linked with the weekend in black and white

mardi 9 juin 2020

Oisive jeunesse



Voilà,
j’ai, dans ma jeunesse, pris du LSD. Je n’en tire aucune vanité. A chaque époque sa déraison et les moyens qui lui sont propres. Oh je resterai modeste, j’étais petit joueur et relativement prudent. Les acides je ne les prenais que par quart ou par moitié. A l'époque on rapportait que l'accident de Robert Wyatt — une chute de quatre étages lors d'une fête d'anniversaire — s'était produit alors qu'il était sous trip. Ça calme. Malgré cela, il m’est arrivé d’être surpris par l’intensité de l’effet généré. Pourquoi le taire, j’ai aimé ça. Terriblement. Ce furent des expériences mystiques, enthéogènes. Corps et pensée n’étaient plus qu’une même substance. J’ai perçu qu’il existait d’autres dimensions. J’ai été dépossédé de mon ego. Mon corps sans limites. Certaines fonctions organiques ont atteint des amplitudes cosmiques. Un jour j’ai arrêté. J’ai eu peur. C’était comme marcher au bord d’une falaise par temps de brume. J’ai cru mourir. Plus que les fois précédentes. Mais sans allégresse. Sans poésie. Sans couleur. Oui, les fois précédentes, c'était comme se tenir au bord d'un seuil en se laissant envahir par des visions sublimes, étranges. Comme si je me retrouvais au cœur d'un monde fractal. Le temps s'éprouvait différemment, il avait la texture d'une indéfinissable matière. Jamais je ne me suis senti aussi intensément vivant, tous les sens en éveil. C'était comme dans la chanson des Beatles. Mes plus beaux voyages furent intérieurs.
Longtemps j’ai pensé "plus tard si je vieillis je retenterai le coup, comme Henri Michaux" Je supposais alors que je pourrais le faire dans les mêmes dispositions mentales. Mais quand on est jeune, on n’a qu’une image extérieure de la vieillesse. C'est précisément la sensation la moins transmissible, la vieillesse. Je ne pouvais imaginer combien le poids des années entrave le corps, ni deviner les cicatrices qu'impriment dans la mémoire expériences et souvenirs. Ni craindre que des plaies anciennes puissent de nouveau se rouvrir. Quant à Michaux, lui prenait sa mescaline comme un chercheur qui expérimente, cartographie, diagnostique avec ses crayons ses plumes ses gouaches ses encres et son papier, en compagnie d'un médecin prêt à le faire redescendre si l'effet était trop brutal ou inquiétant.
Je ne suis pas certain qu’aujourd’hui je serai capable de retenter l'expérience. Je manque peut-être de sérénité. Les monstres ne sont jamais loin. La réalité s'avère déjà très anxiogène. Rien qu'en regardant un match de rugby, il m'arrive de craindre que mon cœur ne s'emballe dangereusement. Je m'éloigne des rambardes de balcon, je ne me penche plus aux fenêtres sans ressentir un vague vertige. Et  récente nouveauté, même la solitude désormais, infuse une fréquente sensation d'insécurité.
Cela dit, Albert Hoffmann, qui a découvert et testé les effets du LSD et de bien d'autres substances hallucinogènes au cours de sa carrière a vécu 102 ans d'une vie riche de découvertes de savoirs et de sensations.

dimanche 7 juin 2020

Dette climatique


Voilà.
Donc depuis le 5 Mars, la France est en état de dette climatique, ce qui signifie qu'elle a émis l'intégralité des gaz à effet de serre qu'elle pourrait émettre en un an si elle respectait la neutralité carbone. Pour y parvenir, il faudrait que le pays n'émette que 80 mégatonnes de CO2 par an. En effet, cette quantité devrait correspondre aux limites de notre biosphère et de nos technologies, c'est-à-dire que ces 80 mégatonnes pourraient être absorbées par des puits de carbone (forêts, prairies, etc.) et par des techniques de séquestration. Or, en seulement deux mois et cinq jours, ce seuil a déjà été atteint. L'épidémie de Covid a obligé, d'une certaine façon, sous une contrainte inattendue à réduire nos consommations d'énergie. Elle a ainsi permis de tester, grandeur nature, tous les problèmes liés à une décroissance non préparée, non concertée. Elle a aussi dévoilé l'inanité de toutes ces déclarations d'intentions des différents sommets écologiques qui accouchent de beaux textes mais ne sont pas suivis d'effets concrets. Aujourd'hui, la décroissance brutale à quoi ce virus a contraint la moitié de la planète, ne suscite aucune réflexion globale sur la notion de décroissance. Au contraire, on nous explique à présent que le salut est dans la croissance et la consommation et qu'ensemble elle doivent continuer leur danse macabre jusqu'à épuisement de notre écosystème. Je trouve donc fort à propos cette peinture d'Ofer Josef, sur la vitrine de la galerie Laurence Esnol où sont exposées des encres dont il est l'auteur. (Monday Murals)

samedi 6 juin 2020

Lointains déjà ces jours étranges


Voilà,
ils semblent déjà lointains ces jours où la vie était comme entre parenthèses, contrainte, et si étrange. Jours de sidération et d'un effroi vague et diffus jours du temps suspendu que je noyais dans le sommeil. Il y avait eu ces quelques excursions autorisées dans la ville déserte où les panneaux municipaux dispensaient leurs messages de prophyaxie "nettoyer régulièrement les surfaces de contact !". Je me faisais alors l'effet d'un chat d'appartement qui s'aventure brièvement au dehors avant de retourner entre ses murs à sa nonchalance. Cette grande fatigue du monde apparaissait en quelque sorte comme une absolution de ma paresse. Il existe en brésilien le mot "Bundao" pour désigner quelqu'un qui n'a envie de rien faire. J'étais celui-là. Je le suis encore.
Au moins ce privilège m'est il accordé, celui d'avoir survécu.
RobertN, qui laissait de temps à autres des mots au bas de certains posts et dont j'appréciais les dessins et les photos a été emporté par cette maladie. Nous ne nous connaissions pas, lui en Roumanie moi en France. Mais petit à petit on devient familier des gens par ce qu'ils nous donnent de mots et d'images. On apprend à les apercevoir, à les apprécier.
J'ai reparcouru tous les commentaires qu'il m'a laissés depuis le début du confinement.
En retournant sur son site que j'avais depuis quelques temps négligé, j'ai aussi été particulièrement troublé par ce dessin, inspiré des montres molles de Dali et aussi par ce dernier portrait où il utilise, pour dessiner un visage le chiffre 8 (qui horizontalement représente l'infini), et remercie tous ceux qui passent par là... (linked with signs2)

vendredi 5 juin 2020

Perplexités (2)



Voilà,
j'aimerais bien faire du vélo sur les pistes cyclables de la forêt landaise parce que c'est plat et que ça sent bon. Mais je suis fort loin de la forêt landaise où c'est plat et où ça sent bon. Je pense souvent aux fougères géantes du Monte Palace Tropical Garden de Funchal, qui est le plus beau jardin que j'ai vu. Je voudrais des fougères géantes sur mon balcon qui me donneraient de l'ombre. Les fougères sont une végétation préhistorique, elles ont précédé l'humanité, et nous devons les respecter, les honorer.
Sinon je continue à me poser des questions. Bien des choses restent énigmatiques. 
Pourquoi lorsque je me nettoie l'oreille droite ça me fait tousser beaucoup plus que lorsque que je me récure l'oreille gauche ?
Pourquoi suis-je toujours l'objet d'injonctions paradoxales qui font que bien souvent j'ai l'impression qu'on me prend pour un con ?
 On me fait la morale. On attend de moi une conduite exemplaire. On me demande d’acheter des ampoules basse consommation et d’éteindre ces ampoules qui ne consomment rien alors que je vois fleurir partout des écrans publicitaires lumineux, qui fonctionnent 24h/24, même lorsqu'il n'y a rien à vendre comme lors du confinement, et consomment en électricité autant qu’une famille.
On me demande de consommer local et sain quand les dirigeants de ce pays signent des traités favorisant l’importation massive de denrées de mauvaise qualité à bas coût destinées à envahir les étals et les plats des cantines de mes enfants.
On me suggère d’arrêter de boire de l’eau en bouteille mais l’eau de mon robinet est polluée, et Nestlé peut légalement assécher Vittel.
Il faudrait en outre que je limite mes déplacements quand l’air est irrespirable, mais on autorise encore tout ce qui le sature de poisons.
On exige aussi que je comprenne qu’il est normal d’attendre aux urgences des infirmiers et médecins épuisés et rares au prétexte qu'il n’y a plus d’argent, et qu'en même temps je trouver normal que l’on déploie des forces de polices inouïes qui coûtent des millions pour juguler toute contestation sociale.
On me dit de ne pas boire trop d’alcool et de ne pas fumer parce que c’est cancérigène, mais on me vend encore alcool et cigarettes en prélevant des taxes dessus.
On me fait comprendre que je coûterai trop cher à l’État si je suis atteint d’un cancer, mais on m'impose l'installation de la 5G,  alors qu'on n’a pas encore fait la liste des produits dangereux émis par l’industrie ni encore testé la nocivité de 90% des ingrédients des produits ménagers et cosmétiques du quotidien.
On m’interdit de manger le poisson de la Seine parce qu’il est dangereusement pollué aux PCB, mais on vend partout celui pêché à son estuaire, où les mêmes polluants sont bien plus concentrés.
On me demande de faire barrage à l’extrême-droite et de soutenir la démocratie, quand celle-ci tabasse ses manifestants et noie les migrants à ses frontières pour ne pas les voir arriver sur son sol
On me demande de travailler à n’importe quel poste, pourvu que je puisse consommer, mais on ne punit pas les entreprises géantes qui détruisent les emplois tout en ayant touché aides et subventions, tout en ayant été affranchies des taxes locales que payent les petits entrepreneurs locaux qui, eux, créent plus d’emplois proportionnellement à leur chiffre d’affaires.
On me demande d’obéir, alors que chaque jour je vois que les puissants ne le font pas.
On me demande de payer des impôts dont les plus grandes entreprises et ceux qui les détiennent parviennent à s’affranchir.
On demande à ma famille d’être un ensemble de consommateurs responsables, mais on l’enconnarde avec des messages publicitaires incessants pour l’inciter à acheter de la daube, des aliments mauvais, des marchandises inutiles ou destructrices.
On me demande d’être en règle sur tout, mais on m’a privé d’interlocuteurs en chair et en os pour y parvenir, en les remplaçant par des robots ou des algorithmes auxquels je ne comprends rien.
On me demande de vieillir sans emmerder personne et en continuant de consommer aussi tard que possible, mais à force de dénuement et d'isolement, on rend ma vieillesse terrible et hantée par la peur d’un monde qui court à sa perte. (Source Eric Lenoir)
C'est dans ces dispositions d'esprit que je sors dans le monde d'après, celui des "jours heureux", comme dit notre président mais qui ressemble foutrement à celui d'avant, avec plus de problèmes de fric, moins  d'emploi, plus de saleté, de flics violents et toujours autant de foutage de gueule de ceux qui nous gouvernent. Une vieille chanson neurasthénique me trotte dans la tête Give me crack and anal sex Take the only tree that's left And stuff it up the hole In your culture Give me back the Berlin wall Give me Stalin and St. Paul I've seen the future, brother It is murder Things are going to slide, slide in all directions Won't be nothing Nothing you can measure anymore The blizzard, the blizzard of the world Has crossed the threshold et perplexe je traque mon reflet dans les anamorphoses. (Linked with weekend reflections)
Linked with phototunes


 

mercredi 3 juin 2020

Paysage new-yorkais


Voilà,
c'était en Mars 1994, me semble-t-il. Nous avions emprunté la Circle Line. Il y avait Catherine et Pascal qui nous accueillaient et leurs enfants Michel et Marguerite alors à peine âgée de quelques semaines. Et aussi Jean-Paul, brièvement croisé à l'issue d'un concert quelques années auparavant au Pakistan, devenu depuis un ami, ainsi que Christelle dont je n'imaginais pas alors, qu'elle ferait de moi un père. Nous étions allés aux Cloisters, situés en face de la pointe nord de l'île, que j'avais déjà visités au milieu des années 80 lors d'un précédent séjour. Sur le chemin ou peut-être au retour, car je ne parviens pas à me rappeler si ce paysage industriel se trouve à l'est ou à l'ouest de Manhattan, j'avais photographié ces grues et ces silos dressées au bord de l'Hudson river. J'ai essayé de retrouver leur emplacement sur Google Earth, sans toutefois y parvenir. (Linked with the weekend in black and white)

P.S.
Après avoir continué de chercher, j'ai retrouvé ces immeubles que je croyais situés sur la rive opposée à Manhattan, au sud du Bronx. En fait il se trouvent à Harlem dans un quadrilatère entre East 122nd et 123rd et Ave2 et Ave3. Ce sont les très célèbres — pour les new-yorkais — Taino Towers. La photo a été prise à hauteur du 3rd ave Bridge, en face de ce qui est maintenant le harlem river Park

lundi 1 juin 2020

Parmi les ombres et l'oubli


Voilà
"Plus je contemple le spectacle du monde, le flux et le reflux changeant des choses, et plus profondément je me pénètre de la fiction congénitale de tout, du prestige et de la pompe mensongers de toute réalité. Et au cours de cette réflexion, que tout homme sensé aura connu un jour ou l'autre  – la marche bariolée des coutumes et des modes, le cheminement complexe des progrès et des civilisations, la confusion grandiose des empires et des cultures –, tout cela m'apparaît comme un mythe, comme une fiction, rêvés parmi les ombres et l'oubli. Mais je ne sais si la définition suprême de toutes ces ambitions mortes (même quand elles se sont accomplies) doit se trouver dans le renoncement extatique du bouddha qui, comprenant soudain la vacuité de toute chose, est sorti de son extase en disant « maintenant je sais tout », ou bien dans l'indifférence (fruit d'une trop longue expérience) de l'empereur Septime Sévère : « Omnia fui, nihil expedit) « J'ai été tout ; rien ne vaut la peine. »  Fernando Pessoa in "Le livre de l'Intranquillité"

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