mardi 29 novembre 2022

Hiraeth


 
Voilà,
ici à Paris les jours fraîchissent, mais c'est encore un automne supportable. Il pleut de temps à autre, et ça c'est plutôt bien. En une journée il arrive que le temps change très vite. 
Parce que je me suis créé ces dernières semaines un certain nombre d'obligations qui exigent un temps dont je me sens dépossédé, je suis parfois contraint de devoir sortir plus que je ne le souhaite. Je n'ai pas tant d'activités que cela, mais elles constituent un divertissement que probablement je m'impose pour éviter d'affronter mes terreurs et mes angoisses.
La vie quotidienne est difficile. Évidemment tout est relatif. Ce n'est rien au regard de ce que doivent supporter les Ukrainiens quotidiennement bombardés par le dictateur Poutine et sa clique de généraux fous. Mais on commence à ressentir ici, les effets liés à la crise énergétique qu'amplifie la nécessaire rupture des relations commerciales avec la Russie. Les courses coûtent de plus en plus cher et, sans pourtant commettre d'excès, je vis largement au-dessus de mes moyens. Je veille à l'électricité que je consomme (j'en consomme de moins en moins, mais les factures augmentent tout de même). 
Sinon, je vis dans une sorte de vacillement et d'étourdissement permanent. Ce n'est pas si désagréable que ça d'ailleurs, mais parfois quelque peu perturbant. Il faut se résoudre à n'être plus aussi résistant qu'autrefois aux virus et aux bactéries, accepter les vicissitudes croissantes du corps, consentir aux défaillances de la mémoire autant qu'à la modification des facultés intellectuelles. Parfois une sorte d'indifférence aux choses et aux événements me gagne, en même temps qu'une certaine mélancolie. Il me semble alors éprouver ce que les gallois appellent Hiraeth : la nostalgie d’un lieu et d’une époque qui n’existent plus, le regret de n’avoir aucune prise sur le temps qui s’écoule, l’impression de n’avoir su trouver sa juste place et d’être passé à côté du bonheur. 
Et puis il y a les jours de rédemption. On se retrouve à un endroit où l'on s'est déjà attardé bien des fois, et l'on s'arrête encore. Parce que la lumière est belle, le paysage toujours aussi étonnant. Je refais la même photo. Je crois que j'ai déjà publié le même cadre, en noir et blanc peut-être — cela me dit vaguement quelque chose il faudrait que je fasse une recherche —, je me sens touriste dans ma ville, et c'est comme un bref moment de répit qui n'a pas de prix. Il y a de la beauté dans l'air. Elle ne sauve pas le monde, mais elle me préserve, un bref instant de sa cruauté, de sa sauvagerie, et du sentiment que cela ne va pas aller en s'améliorant.  

dimanche 27 novembre 2022

Gulliver

Voilà,
la semaine dernière j'ai visité au Petit-Palais une exposition consacrée à André Devambez, un peintre et illustrateur particulièrement talentueux de la fin du XIXème et début du XXème siècle dont j'ignorais l'existence. Sur l'un des murs de l'exposition a été reproduit en grand, un des nombreux dessins qu'il réalisa pour accompagner "Les voyages de Gulliver" de Jonathan Swift. Il fut aussi un excellent peintre, proposant des cadrages innovants pour son époque (en particulier des contre-plongées), et aussi très fasciné par les innovations technologiques du début du siècle dernier (avions, téléphone etc). Peut-être en reparlerai-je ultérieurement.

jeudi 24 novembre 2022

Par effraction

Voilà,
il suffit peut-être simplement de revenir au projet initial de ce blog. Si je me trouve dans une telle incapacité à écrire quoi que soit de neuf ces derniers temps ou à apparier des images à des textes, c’est sans doute parce que je me suis égaré en cours de route. Du monde je ne puis plus rien dire d’autre que je n’ai déjà écrit. C’est certainement la raison qui m’incite à republier de vieux articles. Bien sûr mon indignation, ma révolte ou mon chagrin peuvent toujours trouver d’autres motifs. Mais ce sera vraisemblablement du pareil au même. Tout risque à nouveau de prendre la forme du regret ou de la déploration, puisque mes constats sont sans effet sur ce monde. Celui de gens très intelligents ayant une plus grande couverture médiatique non plus d'ailleurs. De cela je me fatigue désormais. Je peux toujours considérer mon pessimisme comme une forme de lucidité, cela n'y change rien. L'Ecclésiaste avait raison : c’est irrémédiablement sans issue. Mais sans espoir de réponse il faut cependant continuer de poser des questions. Il ne reste que cela les questions.
Ma façon à moi de les poser, ce sont précisément les photos — les dessins les collages aussi — que j’introduis dans ces pages. C’est elles que je dois m’obstiner à sonder, à fouiller. J’écris au milieu de la nuit, depuis l’insomnie et la solitude, non loin d'un gouffre au bord duquel je m’agrippe pour ne pas tomber en songeant à l'image ci-dessous qui pourrait a priori sembler quelconque et qui justement ne l’est pas pour moi. 
 
 
Ma perception du réel se disloque parfois, s’effrite le plus souvent. Je perds les noms, je ne mets plus en relation les choses, les événements. Que je change de lieu ou d’espace et aussitôt s’installe une sorte de confusion. Par exemple, telle personne croisée quelques jours auparavant dans une ville, où je l’aurais tutoyée, je vais la voussoyer dans telle autre. Les noms disparaissent, les règles de grammaire que je croyais autrefois maîtriser deviennent énigmatiques.... Mais parfois une fraction de seconde retient toute mon attention ; c'est cette image que je veux raconter. Au début il s'agit simplement de photographier ce tableau de Walter Sickert qui m’intrigue à cause du rouge du personnage qui se tient debout sur une scène. Mais soudain entre la toile et mon regard, s'interpose cette chevelure argentée. J’ai tout de même envie d'isoler cet instant, à cause de la façon dont cette texture prend la lumière sur ce fond carmin, face à cette toile qui m’intrigue en raison des rapports de couleurs que le peintre y a introduits. L’existence de cette image tient à mon trouble devant les choix et les équilibres chromatiques de Sickert. Comme si soudain ces cheveux, occultant les visages au premier plan sur la toile, absorbaient, minoraient  ou déplaçaient  ce trouble. Tout à coup cette masse argentée, se substituant aux spectateurs du premier plan sur la toile m'est apparue comme "bienvenue" et "opportune". Elle introduit de la courbe où il n'y avait que des angles, elle injecte de l'oblique, où il n'y a que verticalité et horizontalité. Bien sûr à l'instant où je déclenche, je ne me formule rien de la sorte. C'est juste l'intuition que je n'ai rien à perdre si je saisis cette intrusion qui déplace mon attention. Soudain, la masse argentée me paraît nécessaire et indispensable et comme une valeur ajoutée à ce que je vois. C'est d'ailleurs bien de cela dont il s'agit, une valeur chromatique ajoutée, en quelque sorte par effraction. A présent, je n'ai plus envie de montrer le tableau dans son entièreté. Si quelqu'un.e veut vraiment trouver ce qui en est caché, qu'il ou elle cherche sur le net ; trouvera facilement. J'aurais peut-être en revanche, la tentation de photographier, dans les prochains jours, des gros plans de cheveux argentés. Pourquoi pas. Il faut que j'envisage ça un peu sérieusement.

lundi 21 novembre 2022

Les habits de Paul Cézanne

 
Voilà,
après un malaise qui l'avait surpris lors d'un violent orage dans le massif de la Sainte-Victoire, où une fois de plus il était venu peindre sur le motif, Paul Cézanne resta de longues heures sous la pluie et mourut des suites de ce refroidissement. Au cours de la visite de son atelier si fidèlement reconstitué, j'avais été saisi par la puissance de ces habits qui lui ont ainsi survécu. Il y a quelques jours en relisant par hasard ce poème de Roberto Juarroz, j'ai repensé à eux ; pendus au mur, ils demeurent là, tels des spectres, et semblent à tout jamais l'appeler dans le silence.
 
Il est des habits qui durent plus que l'amour. 
Il est des habits qui commencent avec la mort 
et font le tour du monde 
et de deux mondes

Il est des habits qui au lieu de s'user 
 se font toujours plus neufs

Il est des habits pour se dévêtir.

Il est des habits verticaux.
La chute de l'homme
les met debout
Roberto Juarroz (Poésie verticale I,23) 

dimanche 20 novembre 2022

Quelle rue ?

 

Voilà,
dans le quartier de la Butte-aux-cailles, j'ai remarqué un jour cette étrange configuration d'une rue portant deux noms. La rue Gérard se termine au no 55, sans séparation avec le no 1 de la rue suivante, la rue Samson. Le dessin situé sous les deux plaques illustre parfaitement la perplexité que peut éprouver le passant à cet endroit.
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mercredi 16 novembre 2022

La pluie sur le carreau

 
 
Voilà
Pourquoi parler ?
Mais pourquoi se taire ?

Il n’y a pas d’oreille pour notre parole, 
Mais il n’y en a pas non plus pour notre silence. 
Les deux se nourrissent uniquement l’un de l’autre

Et parfois ils échangent leurs zones,
Comme s’ils voulaient mutuellement se protéger.
(Roberto Juarroz in "Poésie Verticale")

dimanche 13 novembre 2022

Couples

Voilà,
même si la réalité est pesante, il arrive que des images légères apparaissent au détour d'une promenade. Si elles n'en rendent pas pour autant plus supportable la vie, qui d'après Schopenhauer "oscille comme un pendule de la souffrance à l'ennui", elles attestent cependant, — pour quelques temps encore — de la vanité de nos tourments et du ridicule de nos lamentations. Car c’est peu dire que ce paysage urbain, peuplé de signe absurdes et infantilisants, les rend pathétiquement dérisoires. Et puis parfois, comme il y a sept ans, l'irruption de la barbarie fait voler en éclats la futilité de ces décors et toutes les fausses certitudes auxquelles notre cadre de vie tend à nous faire croire.

jeudi 10 novembre 2022

Une autre espèce de tangence

 

Voilà
La lumière n’est pas l'unique somme des couleurs.  
Il est certaines dimensions libres
où les couleurs se pressent plus étroitement qu'en elle,
comme des poissons tout neufs dans une mer plus jeune encore.
À partir de là
Il semble possible de reconstruire quelque chose
Qui jamais n'a sauté le signe du commencement, 
une autre espèce de tangence.
 
La somme des couleurs doit inclure un filament
où soient tressés dans un même fil
le regard qui voit
et celui qui ne voit pas 
Roberto Juarroz in "Poésie Verticale" (II,47) 
 
Je m'excuse auprès de certains de mes correspondants de ne pouvoir répondre à leurs commentaires. Pour d'inexplicables raisons qui tiennent à Blogger, il m'est impossible d'accéder à leur formulaire. C'est un grand mystère que je ne parviens pas à résoudre.

mardi 8 novembre 2022

Anniversaires


Voilà,
aujourd'hui fut une étrange journée. Ma fille a eu 21 ans. Cette nuit je me suis réveillé à l'heure de sa naissance. J'ai repensé à cette nuit si intense et qui aurait pu mal tourner et à cette apparition, précédée, pour moi, de tant de terreurs et d'angoisses durant neuf mois, et aussi à la promesse (je crois l'avoir tenue) que je lui fis au lendemain, lorsque je pus enfin la prendre dans mes bras, et plonger dans son regard.
Nous nous sommes parlés au téléphone dans la matinée. C'était bien. Je suis fier d'elle, de ce qu'elle est devenue. Je lui envie bien des qualités que j'aurais aimé posséder à son âge. Une chose est certaine, le meilleur de mon être, c'est elle qui me l'a révélé. 
 
Pourtant une vague mélancolie ne m'a pas quitté de la journée. 
Alors, j'ai écouté des disques des Beatles.
 
Je me suis aussi souvenu que cela fait donc treize ans que j'ai commencé ce blog sans savoir où ça me mènerait. Je me suis lancé là-dedans pour d'obscures raisons qui m'échappent plus ou moins à présent. Il devait y avoir une nécessité, sans quoi je ne me serais pas obstiné à ce point. J'ai fait ce que j'ai pu. Il y a eu des moments de frénésie et d'inspiration. Pas mal de radotages aussi. A force on finit par se fatiguer de soi autant que du monde alentour. Les motifs de se réjouir se font rares. Il n'y a guère que les manifestations de la bêtise pour susciter encore de l'étonnement. Elle prend malheureusement des formes effrayantes. Les élections de cette nuit aux USA, vont sûrement en offrir un exemple. 
Après j'ai cherché une image parmi toutes celles que j'ai réalisées. Je suis tombé sur celle-ci, prise cet été au cours d'une de mes excursions parisiennes. Je me suis dit que je devais ressembler à ça en ce moment. Un vieux chat grincheux, un peu casanier. 
Avec une chanson stupide qui lui trotte dans la tête et qu'il ne peut s'empêcher de bien aimer.
Un vieux chat grincheux qui aimerait qu'on lui foute la paix, qu'on le nourrisse, et lui gratte le dos de temps à autre.
 

lundi 7 novembre 2022

Madame rêve (2)

 
Madame rêve d'atomiseurs
Et de cylindres si longs
Qu'ils sont les seuls
Qui la remplissent de bonheur
Madame rêve d'artifices
De formes oblongues
Et de totems qui la punissent
Rêve d'archipels
De vagues perpétuelles
Sismiques et sensuelles
D'un amour qui la flingue
D'une fusée qui l'épingle
Au ciel
Au ciel
On est loin des amours de loin
On est loin des amours de loin, on est loin
madame rêve ad libitum
Comme si c'était tout comme
Dans les prières
Qui emprisonnent et vous libèrent
Madame rêve d'apesanteur
Des heures, des heures de voltige à plusieurs
Rêve de fougères
De foudres et de guerres
À faire et à refaire
D'un amour qui la flingue
D'une fusée qui l'épingle
Au ciel
Au ciel
On est loin des amours de loin
On est loin des amours de loin, on est loin
Madame rêve
Loin, au ciel
(On est loin) madame rêve
Au ciel
Madame rêve
Paroliers : Alain Bashung / Pierre Grillet / Vic Emerson
Paroles de Madame rêve © BMG Rights Management, Francis Dreyfus 
Music, Universal Music Publishing Group
 

dimanche 6 novembre 2022

Chant d'automne et souvenir d'été


 
Voilà, 
c'est un des dessins qui, cette année illustrait "Paris Plage" cette opération estivale menée par la mairie de Paris depuis . Chaque année, entre mi-juillet et début septembre, sur 3,5 km, la rive droite de la Seine, du quai du Louvre jusqu'au quai de l'Hôtel de ville ainsi que des sites annexes — comme la Place de l'hôtel de ville et le bassin de la Villette depuis  — accueillent des activités ludiques et sportives, des plages de sable et d'herbe, des palmiers. L'été désormais fini, n'est plus qu'un souvenir. On en vient même à oublier à quel point il fut pénible en raison des fortes chaleurs et des incendies.
L'automne est revenu, et ressemble depuis quelques jours à un véritable automne. Il pleut, il vente, le froid revient. Les jours raccourcissent on est passé à l'heure d'hiver. On s'enrhume on se grippe on tousse on se mouche comme c'est le cas pour moi. La lumière diminue en intensité et en durée. On se remémore vaguement un poème appris à l'école, on le cherche sur internet, ah le voilà ce chant d'automne de Charles Baudelaire
 
Bientôt nous plongerons dans les froides ténèbres ;
Adieu, vive clarté de nos étés trop courts !
J'entends déjà tomber avec des chocs funèbres
Le bois retentissant sur le pavé des cours.

Tout l'hiver va rentrer dans mon être : colère,
Haine, frissons, horreur, labeur dur et forcé,
Et, comme le soleil dans son enfer polaire,
Mon cœur ne sera plus qu'un bloc rouge et glacé.

J'écoute en frémissant chaque bûche qui tombe
L'échafaud qu'on bâtit n'a pas d'écho plus sourd.
Mon esprit est pareil à la tour qui succombe
Sous les coups du bélier infatigable et lourd.

II me semble, bercé par ce choc monotone,
Qu'on cloue en grande hâte un cercueil quelque part.
Pour qui ? - C'était hier l'été ; voici l'automne !
Ce bruit mystérieux sonne comme un départ.

je pense encore aux doux paysages de la semaine dernières à ces bords de plages déserts, à ces moments de contemplation et d'état sans mesure. Me voici revenu à la vie sédentaire parisienne. Il semblerait que je commence mon hibernation, avec tisanes contre les maux d'hiver et soupes en tous genres. Aujourd'hui je ne suis quasiment pas sorti de mon lit. La radio fut ma seule compagnie.

 

 


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vendredi 4 novembre 2022

Vieilleries


Voilà,
choses un peu vieillottes qui rendent nostalgique d'une époque qu'on n'a pas connue et où 
— à bien y réfléchir— 
il n'y avait quand même pas tant de raisons que cela de se réjouir

jeudi 3 novembre 2022

Un dimanche à Majolan


Voilà,
sur un terrain acquis par un riche banquier, Jean Gustave Piganeau, grâce à son mariage avec la fille de Joseph Prom, propriétaire du domaine, le parc de Majolan, situé à Blanquefort, près de Bordeaux a été réalisé dans le goût romantique et baroque, entre 1870 et 1880, par le paysagiste Louis Le Breton
Ce terrain était initialement un marécage et la rivière Jalle dut être détournée afin de créer le lac. Imitant les parcs conçus par Adolphe Alphand à Paris, Majolan fût bâti, à la fois pour afficher la richesse de son propriétaire, mais aussi, dit-on, dans le but d'apaiser et consoler sa fille malade. 
J'y fus dimanche dernier. 
Heureux de le découvrir. On y trouve entre autres de fausses ruines, une grotte artificielle, un temple d’amour, quelques arbres remarquables aussi, comme ce sequoia aux dimensions encore modestes.
Le temps était toujours étrangement doux. 
Depuis la création des relevés météorologiques, aucun mois d'Octobre n'a été, en France, aussi chaud. 
 
 
 Là j'ai tout de même pensé (mais peut-on vraiment appeler ça une pensée) que "Un dimanche à Majolan" aurait pu faire un beau titre pour un roman de Simenon. Je ne sais pas pourquoi m'est aussi revenue à l'esprit cette réflexion de François Jullien dans son dernier essai " De la vraie vie " qui nous alerte en quelque sorte sur l’effacement de la capacité de vie qui est en nous. " je pense que nos vies sont toujours menacées de confinement. Il y a une menace qui pèse sur la vie en tant que telle, pas seulement sur la vie du vital mais sur la vie du vivant. C’est le fait qu’il y a au sein même de la vie cette tendance de la vie à se déserter elle-même". Je sais que cela me guette. Paresse, fatigue, résignation. Mais je m'obstine cependant. Il faut survivre à ses propres désillusions, remercier la vie de nous avoir malgré tout mené jusque là sans trop de dégâts, et persévérer, même s'il s'agit de "rater, rater encore, rater en mieux" comme disait Beckett, oui, continuer tant qu'on le peut, tant que c'est supportable. De toute façon, à la fin ne subsisteront que les vieux refrains les odeurs anciennes et de furtives réminiscences.

mardi 1 novembre 2022

Glaciale et paisible


 
 
Voilà
"Comment ne pas devenir un loup des steppes et un ermite sans manières dans un monde dont je ne partage aucune des aspirations, dont je ne comprends aucun des enthousiasmes ? Je ne puis tenir longtemps dans un théâtre ou dans un cinéma; je lis à peine le journal et rarement un livre contemporain ; je suis incapable de comprendre quels plaisirs et quelles joies les hommes recherchent dans les trains et les hôtels bondés, dans les cafés combles où résonne une musique oppressante et tapageuse, dans les bars et les music-halls des villes déployant un luxe élégant, dans les expositions universelles, dans les grandes avenues, dans les conférences destinées aux assoiffés de culture, dans les grands stades. La solitude est synonyme d'indépendance ; je l'avais souhaitée et atteinte au bout de longues années. Elle était glaciale, oh oui, mais elle était également paisible, merveilleusement paisible et immense, comme l'espace froid et paisible dans lequel gravitent les astres."

"Le Loup des steppes" de Hermann Hesse.

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