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Esplanade de Vincennes, Avril 2012 |
Voilà,
je regarde des photos de la période précédant la dernière élection présidentielle. Je m'étais rendu à quelques meetings de droite et de gauche pour y faire des images. Bien sûr je m'étais plus reconnu dans ceux qui s'étaient rassemblés à Vincennes que dans la bourgeoisie concentrée place de la Concorde. A Vincennes, ceux qui voteraient à gauche manifestaient une espérance nouvelle. Ils escomptaient de ceux à qui ils destinaient leurs suffrages qu'en retour on les prendrait en considération. Certains espéraient ce moment depuis dix-sept ans. Ils y croyaient. Même si j'avais du mal à adhérer à leur enthousiasme — c'est un problème croire n'est pas mon fort — je me reconnaissais dans leurs façons d'être, de se vêtir, dans leurs regards et parfois leurs sourires. Je me sentais quoiqu'à la marge, appartenir à leur communauté, du moins en partager la plupart des valeurs. J'étais comme eux, je faisais partie de ce qu'on nommait autrefois le peuple. Ceux qui n'ont pas de privilèges, qui sont obligés de veiller à ne pas s'endetter, qui sont contraints à la frugalité, à la prudence, et doivent supporter beaucoup de contrariétés. Sur l'image l'écran indique que la foule est nombreuse. Elle attend quelque chose du futur qui vient, elle est persuadée que les choses vont bouger, que le rapport de force avec le patronat va se rééquilibrer. (Je crois me souvenir qu'il y avait des choses comme cela qui se disaient).
Il y avait aussi cette envie d'en finir avec un président agité, vindicatif et méprisant, vulgaire et affligé d'une mentalité de petit parvenu. Les gens aspiraient à être gouvernés par quelqu'un qui les comprendrait, proche d'eux. Alors ce petit homme replet, sans grand charme ni charisme, un peu bobet avec son air de notable de province et son nom de pays étranger, mais bon, pas vraiment antipathique malgré tout, ce n'était pas brillant mais ça pouvait bien faire l'affaire. Pour ma part, en proie à une crise d'optimisme totalement délirante, je supputais que peut-être il trouverait dans sa nouvelle fonction, un élan nouveau, une capacité à se hausser et à gagner en densité. Au lieu de quoi on eut juste droit à un nigaud satisfait de prouver à son ex-femme qu'il était capable de faire mieux qu'elle. Et puis très vite il fut clair que cet homme en accédant à la plus haute fonction avait aussi atteint son seuil d'incompétence En même temps que son absence d'audace et de courage, son incapacité à s'affirmer, se dévoilèrent aussi sa lâcheté, ses reniements, sa mollesse, sa bêtise. Son aspect tantôt Bouvard tantôt Pécuchet achevèrent peu à peu de le rendre ridicule. A peine au pouvoir il se préoccupait déjà de sa possible réélection en se livrant à de mesquins calculs de boutiquier, comptant sur la montėe en puissance de l'extrême droite. Une vision politique relevant de la myopie. Nulle perspective. Tout à court terme. La sortie sera misérable et vouée sinon à l'opprobre du moins au dédain, à la moquerie voire au mépris. Aujourd'hui ce peuple déçu et abandonné se désagrège pour se constituer en fractions partisanes. Chacune d'entre elles alimente, en s'efforçant de croire en un miracle, les ambitions aveugles de leaders peu soucieux au fond, des citoyens qui les soutiennent, préférant la division à l'union. On se crispe sur des certitudes sans lendemain. Certains prennent des postures radicales, mais ce ne sont que des postures. De toute façon, ces leaders politiques, quand les choses tourneront mal dans ce pays, auront les moyens de le quitter pour se parer du prestige des exilés. Ils veulent se mesurer à l'Histoire et se payent de mots. L'homme des foules, lui c'est au quotidien qu'il s'affronte, et les mots souvent lui manquent pour exprimer son désarroi. Parfois il redoute le pire. Il se dit que ce n'est pas possible. Pas ici. Mais il n'en est plus tout à fait certain.