vendredi 31 décembre 2010

Faut pas compliquer



Voilà,
de cette année qui, à bien des égards, ne fut pas très simple, je retiens cependant ces moments joyeux partagés avec Constance, à entonner "yo yo yo la vie est belle faut pas compliquer",  devant la vidéo d'Awilo Logomba sur You Tube. Ce morceau je l'ai entendu pour la première fois, diffusé à plein pots dans un bus de la Guadeloupe où tous les chauffeurs se prennent pour des DJ 's. Je trainais une vague tristesse que le soleil et la végétation luxuriante au cœur de cet hiver rendaient moins amère, cherchant dans le dépaysement un point de vue susceptible de donner une forme à ce qui m'échappait. Je sillonnais l'île en voyeur, c'est à dire comme un voyageur sans âge, cherchant dans le transport dans le déplacement la surprise et l'étonnement que je ne trouvais plus en moi. C'est finalement, immobile,  entre deux lieux, dans un moment de rien, attendant que le bus démarre, que quelque chose est venu vers moi, qui se donnait à entendre plutôt que voir.

lundi 27 décembre 2010

Shakespeare & Co


Voilà,
c'est comme un abri comme un refuge, c'est le lieu du temps suspendu. Là flottent des rêves d'enfance, remplis de désirs de grandeur, de vies parallèles, de voyages intérieurs. Parfois la pensée vagabonde. Entre les pages d'un livre on se fraye un chemin de contrebande vers des contrées oubliées, et l'on se souvient de ces pactes secrets autrefois contractés avec une part disparue de soi-même, quand on s'imaginait devenir plus tard écrivain, aventurier, trafiquant d'illusions.... (Shared with happy tuesday - pictorial tuesday - travel tuesday - my corner of the world - wordless wednesday -)
27/12/2010 15:34

dimanche 26 décembre 2010

Marguerite de Châteaudouble


Voilà,
je n'ai jamais photographié Marguerite qui battait la campagne aux alentours de Châteaudouble. D'ailleurs, je ne l'ai aperçue qu'une seule fois, un matin, très tôt.  Elle marchait sur la route avec ses chiens et ses chèvres. Je n'en menais pas large car on la disait imprévisible. Je me souviens de long cheveux très blancs, sur un visage qui paraissait plutôt jeune pour son âge. Son corps menu, sec, semblait énergique et vigoureux, du moins c'est ce que suggérait sa démarche. Elle devait avoir autour de soixante dix ans.
Marguerite était très sauvage. Elle vivait à l'écart du village dans une ancienne citerne avec ses bêtes, et devait se nourrir frugalement. On la disait très riche, car, lorsque les militaires avaient occupé le grand plan de Canjuers pour en faire un champ de manœuvres, les gens du village avaient placé à la  banque l'argent que la vente de ses terres avait rapporté. Mais à ce que j'ai cru comprendre, elle n'y touchait jamais, tout cela devait lui paraître totalement étranger. Je crois que c'est cette expropriation qui l'avait rendue plus ou moins folle. Elle se promenait dans la campagne à des heures matinales où on ne la voyait guère, la nuit aussi, et elle attachait à certains endroits des sacs plastiques, sur lesquels étaient cousus des cartons recouverts de textes sans ponctuation, mélanges de délire mystique et d'invectives adressées au monde en général, à l'armée, aux chasseurs mais aussi à certaines personnalités du village. Parfois aussi elle découpait des articles de journaux, qu'elle assemblait avec des jouets trouvés, fabriquait des croix de bric et de broc ou disposait aux pieds de certains arbres, de la nourriture (des fruits des fromages)  pour d'hypothétiques pèlerins. Ainsi délimitait-elle son territoire, le peuplant de ses pensées de ses colères de ses visions et de ses prières.
C'est un vague souvenir de crèche provençale qui me fait songer à elle qui aurait bien mérité un santon à son effigie. (linked with the weekend in black and white)

jeudi 23 décembre 2010

Quelqu'un était venu


Voilà
il marchait seul dans la nuit froide, sans but réel, juste pour le plaisir de ressentir ce moment et cet endroit qui ne se représenteraient jamais plus, tels quels. Quelqu'un était venu. Si longtemps qu'ils ne s'étaient vus. Avait il fait les gestes qu'il fallait, ou s'était il tenu trop en retrait ? Avait il d'ailleurs été vraiment là ? Il l'avait regardée avec attendrissement, l'esprit peut-être encore encombré de trop de pourquoi. Il aurait juste aimé la serrer fort dans ses bras, en silence... 

samedi 18 décembre 2010

Dormir pour oublier (3)


Voilà
le raccourci est saisissant. L'homme dans le dénuement, sans doute déjà socialement mort et physiquement délabré, trouve refuge dans le sommeil et  l'enfouissement sous de misérables couvertures. Sur le panneau publicitaire, la femme quasi dénudée offre aux passants l'image d'une beauté souveraine et presque arrogante. Terriblement vivante. Mais c'est encore la misère qui s'affiche. Yves Boudier écrit que "ces hommes et ces femmes que nous laissons mourir à nos pieds sont les vanités d'aujourd'hui. Elles nous somment de conjurer la mort pour consentir à nos vies mercenaires."....

jeudi 16 décembre 2010

On the road to Lahore


Voilà
c'est survenu il y a longtemps, et pourtant c'est encore présent. Le passé n'est jamais simple, et le supposer en certaines circonstances plus que parfait est une illusion de grammairien. Pour désigner le temps, l'image photographique échappe aux ambiguïtés de la langue. Une fraction de seconde peut lui suffire pour retenir un geste un regard une attitude un agencement fortuit. Elle sépare de la durée, et s'offre en partage au regard d'inconnus qui sont éloignés du lieu et du moment représentés. Elle se réinscrit dans le cours de l'histoire de ceux qui l'observent. L'image suscite autant de lectures et d'interprétations que d'individus qui la scrutent. Elle est là, juste là, ouverte au chaos des pensées informulées, du désir qui vagabonde, des mondes qui se rencontrent. (Linked with the weekend in black and white - Rain'sTADD )

mercredi 15 décembre 2010

Tard dans la nuit


Tu vois
le mur blanc, le vieux pied de lampe sculpté par Latorre, dont je ne suis pas sûr de savoir bien orthographier le nom, et qui n'a jamais été rendu à sa propriétaire, les quatre bougies qui ne seront pas allumées, le petit fenestron de la vallée de Swat, le buste en plâtre de Marianne, récupéré dans cette école désaffectée où dormaient les figurants avant qu'ils ne rejoignent au petit matin, le val d'Enfer à Neuve-Maison, le vieux téléviseur Sony acheté à la veille de la guerre du Golfe, et toutes ces images tous ces livres ces objets comme les pièces rapportées d'une histoire dont je m'éloigne peu à peu, c'est dingue comme on peut s'accrocher à des conneries me dit-il, ma vie se réduit à cette juxtaposition et il ajoute bon j'ai froid, je veux me coucher, je ne comprends pas cette fatigue la solitude peut-être... je la désire autant qu'elle m'insupporte, je me demande si je suis encore capable de me lier... enfin ... un chinois m'a dit où se dépose la poussière l'univers bascule, c'est pour ça que je ne fais plus le ménage... une esquisse de sourire éclaire un instant son visage, mais il ne croit même plus à ses plaisanteries, qu'est ce que je raconte allez je t'offre un dernier verre de Rhum et je te chasse je n'ai plus les idées claires, c'est de plus en plus difficiles les mots pour moi ... qu'est ce que je voulais dire déjà.... alors cette cachaça tu la trouves comment ? Je le regarde et me demande combien de temps encore il va tenir....
Bon c'est pas tout ça, mais demain est un autre jour qui a déjà commencé je dis. Je vide mon verre et me lève... Je crois que j'ai envie de fuir soudain...

mardi 14 décembre 2010

L'Inquiétude


Voilà,
l'inquiétude ne l'avait pour ainsi dire jamais lâché. Il s'était habitué à vivre avec elle, et si parfois il avait cru la tenir éloignée, jamais cela n'avait duré très longtemps. Certes, il avait connu d'intenses moments de bonheur, mais toujours une petite voix lui rappelait qu'il ne fallait pas penser en être quitte pour autant. C'était comme un voile sur une photo, un ciel lourd de nuages sur une mer paisible, mais au moins cette intranquillité le préservait-elle, de l'effroi imaginé ou remémoré. Des gens, lorsqu'il avait la faiblesse de se confier, lui disaient que cela devait être insupportable à vivre, et certains d'entre eux s'autorisaient d'un jugement, ou d'une recommandation, comme si une cuillère pouvait reprocher au couteau le fil de sa lame. Non ce n'était pas insupportable, juste pénible parfois. Il était capable d'aimer, de voyager, de rire, de tendresse et de complicité, il appréciait l'imprévu mais le redoutait aussi, et ne manquait pas de prudence et de circonspection lorsqu'il pressentait un danger. Et justement, il le flairait souvent le danger. L'estimer, c'était en lui comme une seconde nature, ou peut-être n'avait il pas perdu cette nature première et animale qui fait que toute bête est aux aguets pour ne pas être aux abois. L'enfance lui avait montré comment gémit râle et vomit un corps le ventre ouvert les tripes à l'air, que le sang noircit quand il sèche au soleil, et aussi que la mort a une odeur nauséabonde ou bien encore à l'étrangeté d'un bras séparé de son tronc. Il avait aussi appris que l'on peut regarder l'agonie d'un homme comme un spectacle à la fois pitoyable ridicule et répugnant, pour peu que l'on vous ait convaincu que cet homme ne mérite qu'on y porte intérêt. Et que ce spectacle peut même arracher un rire (de cela, bien des années après, il en avait conçu une grande honte, s'apercevant que la mort de son chat, si tendre et affectueux l'avait bien plus affligé). C'était cela qui lui était donné de vivre : la majeure partie de son temps, il la passait en "mode "guerre. C'était en lui comme une certitude, la guerre était au cœur du monde, non une guerre ou des hommes s'affrontent sauvagement sur un champ de bataille, mais une guerre sournoise, rampante, qui ne se déclare jamais vraiment, et ne se manifeste que par éclairs, de façon sporadique, aveugle, frappant indistinctement, des innocents, pour les tenir dans l'épouvante et la peur.
Voilà, il était né en Occident dans la seconde moitié du vingtième siècle, et avait grandi quelques années sur la terre d'un peuple insurgé, que la rancœur avait rendu cruel.  Il savait le danger toujours présent, l'attentat possible, et sous la paisible apparence, l'horreur en embuscade à tout instant susceptible de surgir. Il y avait toujours quelque chose qui pouvait rompre le cours ordinaire des choses, même dans la splendeur d'un paysage chanté par les grillons. Aussi lui fallait-il, autant que possible, demeurer vigilant, et avancer cependant, l'air indifférent peut-être mais sur ses gardes, toujours. Bien sûr, il traversait parfois hors des passages cloutés, risquait sa vie aux carrefours, avait même une fois roulé sur quelques mètres en moto les yeux fermés, s'était aventuré à nager loin du rivage, avait pris des drogues douteuses, comme tout le monde il avait taquiné la mort en adoptant des comportement stupides communément partagés, mais ce qui l'effrayait, c'était la menace, tapie dans les moments les plus inattendues, et la certitude que c'était encore et toujours pesamment là, sans qu'il ne puisse rien y faire.

dimanche 12 décembre 2010

Cigaloux



Voilà
aujourd'hui à la cinémathèque a été projeté le documentaire de Luc Moullet, "La terre de la folie", à la fois très drôle et parfaitement effrayant. Histoires rapportées de villageois qui deviennent complètement fadas et se transforment en meurtriers. Le tout dans des paysages des Alpes du Sud, splendides, mais âpres et mélancoliques. Châteaudouble, qui n'est pas si loin, m'est revenu en mémoire, et quelques uns de ces personnages croisés, dont on ne savait trop s'ils étaient juste un peu originaux, ou déjà un peu fous. François Cigaloux par exemple. la première fois où je l'ai rencontré, c'était en 1973, il faisait semblant de se jeter du haut de la terrasse du belvédère parce que l'une des vacancières parisiennes à qui il s'adressait ne voulait disait il "pas croire à l'amour qu'il avait pour elle". Cigaloux était un homme étrange, qui jouait souvent au bouffon, toujours dans l'excès, mais qui pouvait se révéler parfois très touchant surtout lorsqu'il parlait de la forêt qui était sa passion. C'était le charbonnier du coin (il faisait du charbon de bois). En fait c'était paraît il un homme très riche, qui possédait beaucoup d'hectares de forêts dans la région. Il avait une maison à la sortie du village, que je n'ai jamais visitée, mais qui ressemblait à la maison des sept nains. Il avait planté tout autour de la pelouse, dont l'irrigation disait il était un secret, et qui était toujours verte même au plus fort de l'été. Il disait qu'il livrait du bois à la famille princière de Monaco, mais peut-être était il aussi mythomane. C'est lui sur la photo, qui fait le clown comme à son habitude.
shared with the  the weekend in black and white

samedi 11 décembre 2010

Matin froid


Voilà,
parce qu'ils ne sont pas mon lot quotidien, je trouve une certaine poésie à ces petits matins froids sur le parvis de la Défense, à ce monde en sursis qui semble pourtant si sûr de lui, auquel il m'arrive parfois de me mêler, de participer, acceptant la rétribution qu'il m'accorde pour de menus services. J'aime ces lumières inutiles, cette coûteuse et froide poésie électrique qui témoigne d'un rêve devenu obsolète et clame avec ostentation une prospérité de façade. Ces places s'accordent à l'esthétique de la modernité à venir qui avait cours dans ma jeunesse, et me procurent la satisfaction fugitive que le futur a bien eu lieu tel que c'était prévu, du moins en partie, puisque, tout de même, on ne se déplace pas sur des scooters à suspension électromagnétique, et que nos vêtements ne diffèrent guère dans leur coupe, de ceux du siècle dernier. Qu'importe si ces frêles architectures ne feront pas de belles ruines. Il est probable que ce monde issu de l'après-guerre, en dépit de ses innombrables découvertes et réalisations, ne laissera, lorsqu'il sombrera dans le chaos, que peu de traces d'une durable beauté. Mais il aura eu l'éclat furtif d'un rêve de possession, pareil en cela, à ces images, fragiles mais abondantes, qui naissent à la réalité. Car il est désormais plausible que, sur cette planète, plus un seul instant ne se passe sans qu'un de nos semblables ne soit en train de photographier ceci, cela, quiconque ou autre chose

dimanche 5 décembre 2010

En songeant à Kertesz

  

Voilà,
hier en visitant l'exposition de Kertesz , je me suis aperçu qu'en 1985, à New York, j'ai sans le savoir, cadré une photo presque comme lui.  Une chose est sûre, la sienne est beaucoup mieux. Une autre photo a particulièrement retenu mon attention : celle intitulée "le peintre d'ombre" datant de 1926 et qui anticipe étrangement l'ombre inscrite sur le mur d'Hiroshima, tout en se révélant graphiquement son exact opposé (l'homme est en bas de l'échelle il ne peint plus, l'échelle est tournée dans la direction inverse) Fascination de certains photographes pour les ombres (Kertesz), les reflets (Friedlander), les surfaces plus ou moins floues ou opaques (Saul Leiter), les déformations (Kertesz encore)

 

mercredi 1 décembre 2010

Dormir pour oublier 2


Voilà
au milieu de l'après-midi, dans le froid, alors que tombe la première neige de l'hiver, un homme contre un mur de la Faculté de Médecine, dort enveloppé dans une couverture isothermique. Cette fine pellicule dorée évoque un sarcophage égyptien, mais aussi les corps accidentés que l'on recouvre. En même temps je ne peux m'empêcher de me rappeler que cet accessoire (mais qui de nos jours ne l'est pas pour tout le monde)  est apparu au moment de la conquête spatiale pour protéger des rayons cosmiques le matériel sophistiqué utilisé par les astronautes américains sur la lune. En quarante ans, surprenant, comme sa valeur et son usage se sont considérablement transformés.

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